Chapitre 24 Sein reconstruit et prothèses mammaires
Aspects normaux et complications
Techniques d’exploration
Trois techniques principales permettent l’exploration des seins reconstruits et des prothèses mammaires : la mammographie numérique, l’échographie et l’IRM.
La mammographie identifie l’implant, précise sa nature et sa situation.
Si la patiente vient spécifiquement pour l’étude des implants, il peut être utile de commencer par une incidence bilatérale dite de « profil costal » sans compression (fig. 24.1).
Cette incidence a un intérêt médico-légal évident : elle visualise d’emblée une éventuelle rupture et celle-ci ne pourra pas être mise sur le compte de la compression mammographique.
Pour les implants en silicone, les clichés obliques externes sont réalisés avec un haut kilovoltage associé à un post-traitement de l’image adapté aux implants. Cette technique permet de visualiser, de manière optimale et sur la même incidence, le contenu de l’implant et le tissu mammaire (fig. 24.2).
Les incidences craniocaudale et de profil seront réalisées selon la technique d’Eklund, celle-ci permettant de refouler en arrière l’implant afin de dégager le parenchyme mammaire (fig. 24.3).
L’IRM permet d’explorer sans compression l’ensemble du volume mammaire, d’une reconstruction et/ou des implants dans tous les plans de l’espace.
Les séquences pondérées en T1 sont surtout utiles pour distinguer les épanchements liquidiens périprothétiques des fuites de silicone [1].
Pour la recherche des ruptures, les séquences pondérées en T2 (turbo spin echo) et les séquences en inversion récupération (STIR) avec suppression du signal graisseux et du signal hydrique sont les plus utiles [2, 3].
Sur la séquence en TSE T2, la graisse présente un hypersignal inférieur à celui de la silicone et de l’eau. En séquence STIR, le signal de la graisse est annulé et la séquence est plus spécifique de la silicone [4].
Les séquences supprimant le signal de la silicone (le contenu de l’implant apparaissant noir) sont de moindre intérêt en pratique [5].
La séquence dynamique en pondération T1, après injection de gadolinium, permet la recherche des lésions tissulaires mammaires. Elle peut révéler une tumeur difficile à détecter sur les explorations conventionnelles (mammographie et échographie) et/ou diriger ces dernières vers des régions d’intérêt hypervascularisées [6].
Des artéfacts peuvent être liés à l’implant : mauvaise visibilité de la paroi (coupes trop épaisses), plan d’exploration inadéquat pour bien visualiser les plis et détecter une rupture, confusion entre prothèse à double chambre et rupture intracapsulaire, etc.
Enfin, ils peuvent être liés au matériel (mauvaise suppression du signal de l’eau ou de la graisse) [7].
Les indications de l’IRM découlent le plus souvent des limites des explorations conventionnelles (mammographie et échographie). Ce sont notamment :
• la recherche de signes de rupture en cas de doute clinique et de bilan d’imagerie conventionnel non concluant ;
• la surveillance systématique pour certains auteurs au-delà de 10 ans, car les risques de rupture sont plus importants (à bas bruit surtout pour les implants rétromusculaires) [8] ;
• la recherche d’une lésion mammaire associée :
Prothèses remplies de silicone
Les prothèses de silicone à simple ou double chambre sont placées en situation rétroglandulaire ou rétromusculaire.
La mammographie numérique améliore la détection des anomalies mammaires et de l’implant. En particulier les clichés obliques externes en haut kilovoltage et le traitement numérique approprié permettent d’affirmer ou d’infirmer la visibilité des plis normaux et ainsi de poser immédiatement le diagnostic de rupture dans un grand nombre de cas.
L’aspect d’une prothèse en gel de silicone intacte est typique : les implants préremplis de silicone forment un volume opaque parcouru de plis fins « gris ou noirs » contrastant avec la densité du gel (fig. 24.4).
Le dépistage des cancers de petite taille sur les incidences habituelles peut alors être compromis et retardé. La technique d’Eklund, complétant les incidences standard, permet de dégager quelques centimètres de tissu mammaire supplémentaires sans risque de rupture de l’implant [10]. Elle est parfois difficile à réaliser notamment en cas de rétraction de la capsule fibreuse.
Elle permet également de visualiser la paroi de la prothèse et les modifications de son contenu.
L’élastomère est facilement suivi sur le pourtour.
Parfois une fine lame liquidienne entoure l’implant et ne présente pas de caractère pathologique.
L’IRM permet de pallier les insuffisances de l’imagerie conventionnelle quand celle-ci est prise en défaut [11, 12].
La silicone apparaît en hyposignal en T1 et en hypersignal en T2 (hypo- et hypersignaux moins marqués que ceux du sérum physiologique dans les deux cas) et en hypersignal franc en séquence STIR, tandis que le sérum physiologique présente un hyposignal franc (fig. 24.5).
Fig. 24.5 IRM – séquence axiale STIR : hypersignal franc du gel de silicone (rupture intracapsulaire).
L’IRM précise le siège d’implantation rétroglandulaire ou rétromusculaire des implants [13].
Complications des prothèses remplies de gel de silicone
Rétractions capsulaires fibreuses
Tous les implants sont entourés par une capsule fibreuse biologique qui se forme très rapidement. Elle peut se calcifier et/ou se rétracter. Ce risque est plus important pour les implants en situation rétroglandulaire.
La classification clinique de Baker distingue quatre stades selon le degré de rétraction : stade 1, capsule fibreuse normale ; stade 2, épaississement sans douleur ni déformation ; stade 3, rétraction avec déformation de l’implant ; stade 4, stade 3 avec douleurs [14].
Elle peut se traduire directement par une bande radio-opaque plus ou moins épaisse autour de la prothèse, dont les contours deviennent irréguliers, crénelés (fig. 24.6).
La prothèse peut se déformer et réaliser des diverticules voire de véritables hernies parfois palpables [15].
Cependant cette distinction entre protrusion de la capsule par hernie (avec ou sans rupture) et extrusion de gel est parfois difficile (fig. 24.7).
Calcifications
Des calcifications peuvent apparaître soit directement au niveau de la coque soit à distance témoignant de phénomènes de cytostéatonécrose ou fibrose postopératoires.
Elles sont parfaitement visualisées par la mammographie et doivent être distinguées des calcifications suspectes. La comparaison des mammographies successives est indispensable (fig. 24.8).
Épanchements périprothétiques
Les épanchements sont plus fréquents quand la surface de l’implant est texturée ou en polyuréthane.
L’IRM identifie la nature liquidienne des épanchements sur les séquences en T1 et T2. Ils sont visibles en T2 sans suppression de l’eau. Avec suppression de l’eau, les plis apparaissent anormalement « épaissis ». La suppression du signal silicone facilite la visualisation des épanchements de faible abondance (fig. 24.9) [16].
Ruptures
Rupture extracapsulaire
La rupture peut être en rapport avec un implant ancien ou récent.
La mammographie montre la présence dans la glande de masses en plus ou moins grand nombre, de même densité que le gel de silicone, au contact de la prothèse, parfois aussi à distance [17].
L’extension aux plans profonds et aux creux axillaires est souvent plus difficile à préciser (figure 24.10).
L’échographie montre la présence de silicone dans le parenchyme mammaire sous la forme d’éléments hyperéchogènes plus ou moins atténuants près ou à distance de la prothèse rompue (images en « tempête de neige »). Elle détecte bien les siliconomes et la migration aux ganglions axillaires [18]. Il s’agit plus rarement de masses faiblement échogènes pseudo-kystiques (fig. 24.11).