Chapitre 23
Rééducation des fractures des métacarpiens
Rappel d’anatomie fonctionnelle
Physiopathologie de la raideur
La cicatrisation des fractures
Classification des fractures des métacarpiens (1,2,4)
Méthodes de traitement médical/chirugical
Traitement kinésithérapique des fractures des métacarpiens
Particularités de la rééducation selon la localisation de la fracture
Fractures de métacarpiens et sport
Introduction
Les fractures des métacarpiens représentent plus de 30 % des fractures de la main [1]. Dans leur majorité, ces fractures sont peu déplacées et stables. Seulement 25 % d’entre elles relèvent d’un traitement chirurgical [2]. Ces fractures consolident bien et ont bonne réputation. Cette réputation entraîne parfois un abus d’immobilisation en cas de traitement orthopédique ou une absence de prescription de rééducation en cas de traitement chirurgical. Dans les deux cas des séquelles démesurées par rapport à l’atteinte initiale peuvent retentir sur la fonction de la main. Comme l’écrivait Swanson en 1970, « Les fractures des métacarpiens peuvent se compliquer d’une déformation à la suite d’une absence de traitement, d’une raideur à la suite d’un excès de traitement et à la fois d’une déformation et de raideur à la suite d’un traitement inadapté. »
Principes du traitement
Pour une fracture donnée, lors du choix du traitement initial, médical ou chirurgical, il n’existe pas de méthode unique. Plusieurs techniques peuvent être choisies et toutes peuvent apporter un bon résultat [3]. La rééducation doit débuter immédiatement par le contrôle de l’œdème et de la douleur qui conditionne la reprise du mouvement actif. La rééducation s’adapte au traitement choisi par le médecin ou chirurgien.
Rappel d’anatomie fonctionnelle
La main est un outil qui s’adapte à la forme des objets pour les saisir, les tenir ou pour prendre appui ou se tracter Elle est structurée en arches transversales et longitudinales. Elle peut se faire plate pour les appuis au sol, creuse pour se glisser dans un tuyau (main d’accoucheur). Cette capacité de s’adapter est illustrée aussi bien chez l’homme que chez le singe par le piège Birman : bocal transparent contenant une friandise dans lequel le singe arrive à glisser sa main mais ne peut la ressortir une fois le fruit saisi (figures 23.1 et 23.2).
Figure 23.1 Mobilité des arches transversales métacarpiennes : le piège à singe Birman. La main en position de « main d’accoucheur » peut s’enfoncer dans un espace restreint.
Figure 23.2 Une fois le fruit saisi, les arches transversales s’écartent. La main ne peut plus sortir du vase.
Cette adaptation n’est possible que grâce à l’anatomie des métacarpiens et des phalanges. Les métacarpiens des doigts longs sont de longueur différente, le deuxième est le plus long et le plus stable au niveau de son articulation carpométacarpienne, les quatrième et cinquième sont plus courts et plus mobiles : 15° et 25° respectivement au niveau de leurs articulations carpométacarpiennes. Le premier métacarpien est le plus court et le plus mobile de tous. Les métacarpiens mobiles, les 1er, 4e et 5e, s’enroulent et se déroulent autour d’une poutre centrale constituée par les 2e et 3e métacarpiens fixes. Les métacarpiens constituent deux arches transversales mobiles, la proximale au niveau des articulations carpométacarpienne, la distale au niveau des articulations métacarpophalangiennes. Les métacarpiens sont courbes. Ils présentent une concavité antérieure qui contribue à la formation des arches longitudinales et facilite la prise [4]. Il existe cinq arches longitudinales, une par rayon digital. Le squelette osseux est soutenu par un squelette fibreux extrêmement résistant et le support dynamique des muscles intrinsèques et extrinsèques. Les doigts longs apparemment parallèles en extension convergent tous lors de la flexion individuelle vers le tubercule du scaphoïde. Lorsqu’ils fléchissent ensemble, ils s’épaulent et s’écartent légèrement. Cette mobilité transversale et rotatoire permet les prises sphériques, l’opposition et la rotation de la colonne du pouce et du 5e doigt, mais aussi l’aplatissement de la main pour pousser ou s’appuyer.
Toute perturbation de l’architecture du squelette, toute rétraction des muscles interosseux [5], toute adhérence, fibrose, toute douleur résiduelle, retentissent sur la fonction de la main.
Physiopathologie de la raideur
Lésions des parties molles
Même après une fracture simple, comme le soulignait Brand, il ne faut jamais sous-estimer les lésions associées entraînées par le traumatisme et par le geste chirurgical. « Les fractures lèsent les tissues avoisinants à la fois en conséquence directe de la lésion et du raccourcissement musculaire consécutif au déplacement osseux. » [6] Un processus de cicatrisation mal dirigé, le non-contrôle de l’œdème entraînent au niveau intra-articulaire une symphyse des culs-de-sac capsulaires, au niveau péri-articulaire une rétraction capsulo-ligamentaire, au niveau ab-articulaire des adhérences des tissus directement lésés et une fibrose qui peut s’étendre à distance loin du traumatisme initial [7,8].
Les adhérences résultent du processus même de cicatrisation qui suit le concept de Peacock « une plaie, une cicatrice » [9]. La nature comble toute plaie, toute perte de substance par du tissu cicatriciel conjonctif qui ne respecte pas le glissement des parties molles.
La cicatrisation des fractures
La cicatrisation des fractures se réalise selon deux modes : première intention, deuxième intention.
Le grand avantage des montages rigides d’ostéosynthèse réside dans la précision de la réduction anatomique, la diminution du cal osseux périphérique et surtout la possibilité de débuter immédiatement la mobilisation [10].
Classification des fractures des métacarpiens (1,2,4)
Les fractures sont classées selon :
• le site anatomique : tête, col, diaphyse, base, articulaire, extra-articulaire ;
• leur configuration : transversale/oblique/spiroïde, angulaire, rotation, raccourcissement, comminutive ;
Fracture extra-articulaire du col : fracture du boxeur.
Fractures luxations de la base :
Méthodes de traitement médical/chirugical
Tubiana [11,12] a classé les méthodes en six catégories. Merle [13] en a précisé les techniques thérapeutiques :
• mobilisation immédiate par syndactylie du doigt fracturé au doigt voisin par contention adhésive ;
• immobilisation sur attelle réalisée en aluminium, en plâtre, en matériau thermoformable, sur boule plâtrée de Bonvallet ;
• réduction orthopédique et mobilisation précoce avec attelle de type Thomine [14,15], avec coque métacarpienne de type Thomas [16,17] qui autorise une mobilisation immédiate ;
• réduction orthopédique, ostéosynthèse par broches à foyer fermé et appareillage : brochage axial et croisé, brochage fasciculé, brochage transversal ;
• réduction sanglante et ostéosynthèse a minima autorisant une mobilisation précoce parfois plus limitée ;
• réduction sanglante et ostéosynthèse a minima n’autorisant pas une mobilisation précoce ;
• ostéosynthèse solide autorisant la mobilisation immédiate.
Traitement kinésithérapique des fractures des métacarpiens
La première séance. L’examen clinique. L’éducation du patient
L’évaluation, traitée au chapitre 4, n’est pas abordée ici.
La flexion du poignet, par effet ténodèse, entraîne les articulations MCP et IP en extension ce qui place les ligaments latéraux des MCP en position courte. Si la MCP est immobilisée en extension, l’association rétraction capsulo-ligamentaire, adhérences et fibrose des parties molles la figent dans cette position antifonctionnelle qui interdit la flexion digitale, l’autorééducation et la fonction de la main. De plus, la flexion du poignet augmente la pression intracanalaire au niveau du canal carpien et donc la souffrance du nerf médian [18,19]. Il convient d’en informer le patient afin de corriger activement cette position vicieuse et, le cas échéant, de confectionner une orthèse qui maintienne le poignet en extension de 20 à 30° et modèle les arches de la main. Une telle orthèse neutralise le poignet dans le but de faciliter la mobilisation digitale (figure 23.5).
Principes guidant la rééducation
Avant de commencer toute rééducation, le rééducateur doit connaître le type de fracture, sa stabilité, les lésions associées des parties molles, le traitement médical ou chirurgical mis en œuvre, la stabilité du montage d’ostéosynthèse réalisé. Une stratégie de mobilisation protégée, des priorités de type d’exercices, de limitations d’amplitudes articulaires, de choix d’attelles est définie en fonction du type de fracture et d’une lésion associée comme par exemple une réparation des tendons extenseurs. La mobilisation ne doit pas éveiller la douleur et déclencher les réflexes nociceptifs. Dépasser ces limites peut entraîner une réaction inflammatoire – voire des microtraumatismes –, source d’un surcroît de fibrose. Une légère douleur dans les amplitudes extrêmes est acceptable. Une légère fatigue à la fin de la séance de rééducation est licite. Par contre, une douleur ressentie plusieurs heures après la séance et surtout la nuit est le signe d’une rééducation trop intense qui risque de déclencher un syndrome douloureux régional chronique (SDRC) de type 1.
Le patient débute sa rééducation :
Phases de la rééducation
La rééducation se divise en trois phases schématiques calquées sur le processus de cicatrisation :
• phase 1 : de J1 à J4 post-traumatique/postopératoire. Cette phase correspond à la phase inflammatoire. Elle est commune aux différents types de traitement ;
• phase 2 : de J4 à J30/45 post-traumatique/postopératoire. À trois semaines, une fracture instable de métacarpien est engluée, permettant la mobilisation douce d’une fracture non ostéosynthésée ;
• phase 3 : J + 30/45. Cette phase correspond à la reprise des activités professionnelles ou sportives.
Phase 1
Du 1er au 4e jour post-traumatique/postopératoire J1 à J2/4: Cette phase correspond à la phase inflammatoire. Elle est commune aux traitements fonctionnels dans le cas de fractures stables et peu déplacées et au traitement par mobilisation immédiate dans le cas d’ostéosynthèse stable.
Confection de l’orthèse d’immobilisation orthopédique: Comme déjà décrit, lorsque le patient se présente en position antalgique de flexion du poignet, le premier geste à réaliser est de confectionner un plâtre ou orthèse qui maintienne le poignet en extension de 20 à 30°, modèle les arches de la main et facilite ainsi la mobilisation digitale.
Confection de l’orthèse de stabilisation/protection de traitement fonctionnel ou postopératoire: Limitées à un gantelet ou bien neutralisant le poignet et/ou les MCP, ces orthèses sont basées sur le concept du « fracture bracing » de Sarmiento [20] ; l’appareillage des fractures des métacarpiens a été développé depuis les années 1980 [16,21,22]. Plusieurs études ont précisé leur action sur :
• la stabilisation du foyer de fracture par augmentation de la compression viscostatique. L’étude de Mc Mahon citée par Stern [1] a démontré qu’un simple gant compressif assurait déjà une certaine contention de la fracture ;
• l’augmentation de la mobilisation de la main grâce à la sécurité ressentie par le patient ;
• le maintien après réduction et l’amélioration de l’angulation d’une fracture à sinus dorsal ou palmaire ;
• l’efficacité d’une syndactylie « dynamique », active sur la mal-rotation.
L’orthèse associée à la mobilisation active participe au contrôle de l’œdème.
Ces études ont démontré l’amélioration des résultats par rapport au traitement orthopédique [1].
Plusieurs concepts résument l’appareillage des fractures des métacarpiens :
