22: TRAITEMENT DES DYSTHYROÏDIES

CHAPITRE 22 TRAITEMENT DES DYSTHYROÏDIES 











 





PHYSIOPATHOLOGIE EN LIEN AVEC LA THÉRAPEUTIQUE


La glande thyroïde est située dans la partie antérieure du cou, juste au-dessous du larynx. Elle comporte deux lobes latéraux reliés par une masse de tissu étroit appelé isthme. Elle appartient aux glandes endocrines, seules glandes capables de stocker et de sécréter leurs hormones.


Elle est constituée de structures sphériques creuses dénommées follicules. Les follicules thyroïdiens sont constitués d’une couche de cellules épithéliales polarisées, les thyréocytes, qui délimitent un compartiment, la lumière folliculaire. La thyroglobuline (Tg), protéine « accepteur « des atomes d’iode est produite par les thyréocytes et stockée dans la lumière des follicules. En premier lieu, les cellules folliculaires captent les iodures sanguins (I) qui sont convertis au niveau de la membrane apicale de la cellule en iode organique lors de leur passage dans la lumière folliculaire. Dans la colloïde, l’iode se lie aux groupements tyrosine de la thyroglobuline pour former la mono-iodotyrosine (MIT) et la di-iodotyrosine (DIT). Les molécules de Tg contenant des iodotyrosines constituent la principale réserve d’iode de l’organisme.


La troisième étape est représentée par le couplage. L’association d’une molécule de MIT et d’une molécule de DIT donne naissance à la triiodothyronine (T3), tandis que la combinaison de deux molécules de DIT aboutit à la thyroxine (T4). L’internalisation des molécules de thyroglobuline contenant des iodotyrosines puis les réactions de clivage protéolytique vont permettre la libération des hormones thyroïdiennes.


Deux hormones thyroïdiennes sont ainsi sécrétées : la thyroxine ou tétraiodothyronine (T4) et la triiodothyronine (T3) contenant respectivement 4 et 3 atomes d’iode. La thyroxine circulante provient des follicules thyroïdiens alors que la majeure partie de la triiodothyronine provient de la monodéiodation périphérique de la thyroxine. La plus grande partie de ces hormones est inactive car liée à des protéines de transport (T4 à 99,97 % et T3 à 99,5 %). Les protéines de transport sont la TBG (Thyroxin Binding Globulin), la transthyrétine, et l’albumine. Seules les fractions libres sont biologiquement actives. La sécrétion hormonale est contrôlée par la thyréostimuline TSH d’origine hypophysaire (figure 22.1). Sa sécrétion est pulsatile et varie dans le nycthémère. La thyréolibérine (TRH) hypothalamique stimule la production hypophysaire de TSH. La T3 et la T4 libres exercent un rétrocontrôle négatif étroit sur la sécrétion de TSH.



La T3 et la T4, sous forme libre, sont captées par les tissus dont la plupart possèdent les enzymes nécessaires à la conversion de la T4 en T3 selon un processus de déiodation. Les hormones thyroïdiennes pénètrent dans les cellules cibles et se fixent à des récepteurs situés au niveau des mitochondries (stimulent le captage de l’oxygène) et du noyau (déclenchent la transcription de l’ADN). Ces différentes étapes sont schématisées au sein de la figure 22.2.



La synthèse des hormones thyroïdiennes nécessite un apport d’iode d’origine alimentaire et se déroule en plusieurs étapes (captation, organification, fixation, couplage, stockage et libération des hormones thyroïdiennes).




CLINIQUE [25]


L’hyperthyroïdie est responsable de manifestations cliniques multiples regroupées sous le terme de thyrotoxicose : ces signes cliniques impliquant différents organes et fonctions métaboliques sont communs à toutes les causes d’hyperthyroïdies. Par ailleurs, il existe des symptômes spécifiques aux diverses causes d’hyperthyroïdies.












MÉCANISME D’ACTION [810]




Iode radioactif 131


L’iode radioactif, comme l’iode stable, a une très grande affinité pour la thyroïde. La radioactivité émise par l’131I à dose thérapeutique détruit partiellement la glande en cas d’hyper-thyroïdie. Ses propriétés pharmacocinétiques sont identiques à celles de l’iodure non radioactif. Ce traitement a pour but de détruire la thyroïde ou les zones hyperactives par irradiation interne [1]. Il s’agit d’un traitement simple (ne nécessitant pas d’hospitalisation en dessous d’une certaine dosimétrie) et sans danger (pas de risque génétique ou de cancérisation secondaire démontré). Un délai de 1 à 2 mois, voire plus, est nécessaire à son action. La période physique de 131I, c’est-à-dire le temps au bout duquel la radioactivité a décru de moitié est de 8 jours. Plus de 99 % des radiations sont épuisées au bout de 56 jours.



CRITÈRES DE CHOIX THÉRAPEUTIQUE


Les référentiels scientifiques (conférences de consensus, AMM commission de transparence, comités d’experts, consensus sociétés savantes, Recommandations HAS, protocoles thérapeutiques temporaires, etc.) ont établi diverses recommandations.



Hyperthyroïdie [4]


Le diagnostic étiologique, la tolérance clinique ou le degré de l’hypersécrétion, le caractère transitoire ou permanent de l’hyperthyroïdie déterminent le choix thérapeutique.


Les thyrotoxicoses sont habituellement traitées en ambulatoire, mais il faut identifier les situations urgentes nécessitant une prise en charge immédiate, voire une hospitalisation.


Les situations urgentes sont :





Traitement spécifique


Le traitement de première intention est généralement d’ordre médical. Un traitement radical (par iode radioactif ou chirurgie) est instauré en cas de rechute, d’intolérance aux ATS ou dans des cas particuliers (sujets âgés, sujets peu coopérants, goitre très important, leucopénie importante).



Antithyroïdiens de synthèse [9, 11]


Le traitement médical est proposé aux sujets jeunes lors d’un premier épisode de la maladie qu’il y ait ou non des signes oculaires. Le traitement habituel consiste à prescrire un ATS à une dose d’attaque qui permet en 3 à 6 semaines d’obtenir, en règle générale, une réduction de l’hyperfonctionnement thyroïdien. À partir de là, deux solutions sont possibles :



La durée totale du traitement est également discutée. Il semble que la durée recommandée soit de 12 à 18 mois et que des traitements plus longs n’améliorent pas le pronostic de façon significative [11].


À l’arrêt du traitement on observe, soit une guérison apparente, soit une rémission transitoire suivie d’une rechute : celle-ci survient souvent dans la première année. Le taux de rechutes serait actuellement en France d’environ 50 %.


En dehors de la grossesse, le carbimazole est généralement l’antithyroïdien de choix. Sa demi-vie longue a l’avantage de permettre une seule prise quotidienne (par rapport au benzylthiouracile), ses effets secondaires sont limités et ses modalités de dispensation sont plus simples que celles du propylthiouracile.



Traitement radical : chirurgie ou iode radioactif 131I [2, 3, 5]


En cas de récidive de l’hyperthyroïdie à l’arrêt des ATS, d’intolérance aux ATS, de goitre de gros volume, de nodule suspect de malignité, de leucopénie importante ou chez des sujets particuliers (peu coopérants, personne âgée), un traitement radical peut être proposé. Le choix entre la chirurgie et l’iode radioactif dépend essentiellement de l’expérience des équipes médicales et du terrain : généralement chez la femme jeune ou en cas de goitre important ou d’orbitopathie basedowienne, on préférera la chirurgie ; l’iode 131 sera souvent adoptée chez la personne plus âgée ou en cas de contre-indication à la chirurgie.




lode radioactif 131I

L’iode 131 est très largement utilisé aux États-Unis puisqu’il s’agit du traitement de première intention de la maladie de Basedow. En Europe, ce traitement est diversement apprécié selon les équipes médicales. Il nécessite également une préparation par ATS afin d’obtenir un état d’euthyroïdie. Si l’indication d’un traitement par iode radioactif est posée au début d’une rechute et que celle-ci est modérée, il est cependant possible d’administrer d’emblée l’131I sans phase préparatoire. C’est un traitement radical.


Son inconvénient majeur est la survenue à plus ou moins long terme, d’une hypothyroïdie nécessitant l’instauration d’une hormonothérapie substitutive. Le traitement par l’131I est habituellement proposé en France aux patients de plus de 35-40 ans et pour les femmes qui ne désirent plus de grossesse. Si l’131I est le seul traitement envisageable chez une femme en âge de procréer, celle-ci devra être sous contraception orale lors du traitement.


Lorsque la maladie de Basedow s’accompagne d’une ophtalmopathie, on a tendance à éviter l’utilisation de l’131I. En effet, il a été rapporté une fréquence de l’aggravation de l’ophtalmopathie après l’131I plus importante que sous traitement médical ou chirurgical.


Les recommandations du traitement de l’hyperthyroïdie sont résumées dans la figure 22.4.




Traitement spécifique en fonction du terrain



Hyperthyroïdie de la femme enceinte [2, 3, 8]


L’hyperthyroïdie doit être traitée et surveillée en milieu spécialisé pour trouver un équilibre entre le risque de l’hyperthyroïdie maternelle et celui de l’hypothyroïdie fœtale iatrogène. Par conséquent, il est nécessaire d’évaluer le risque d’hyperthyroïdie fœtale. Un suivi obstétrical et endocrinologique rapproché et en alternance doit être réalisé. Quand une hyperthyroïdie apparaît ou réapparaît pendant la grossesse, les ATS constituent le traitement de choix. L’objectif est d’obtenir rapidement l’euthyroïdie pour diminuer la dose d’ATS. Les bêtabloquants peuvent être utilisés dans l’attente de l’efficacité des ATS. Le propylthiouracile est à préférer car il passe moins à travers le placenta que le carbimazole et, de plus, on ne lui connaît pas d’effet tératogène à ce jour. Le carbimazole présente pour le fœtus un risque malformatif qui excluait jusqu’ici l’utilisation de ce médicament pour lui préférer, pendant la grossesse, le propylthiouracile. Or, ce dernier vient d’être mis en cause dans plusieurs cas d’hépatites médicamenteuses sévères aux États-Unis avec un risque évalué à 1/10 000. Le propylthiouracile ne reste indiqué que durant le premier semestre de la grossesse compte tenu des risques de vascularite et d’hépatotoxicité. Dans tous les cas, l’utilisation des antithyroïdiens de synthèse doit être mûrement réfléchie chez la femme enceinte et la dose minimale efficace sera prescrite. L’hyperthyroïdie s’améliore généralement rapidement avec une rémission au dernier trimestre.


En revanche, la rechute ou l’aggravation de l’hyperthyroïdie sont fréquentes après l’accouchement et les ATS sont alors pris à fortes doses.


L’allaitement maternel n’est pas conseillé sous ATS bien que les doses mineures de propylthiouracile diffusant dans le lait maternel ne semblent pas susceptibles d’affecter la fonction thyroïdienne du nourrisson.


Un traitement par l’iode stable est déconseillé pendant la grossesse car il risque de provoquer une hypothyroïdie chez le fœtus. Quant à l’iode radioactif, il est strictement contre-indiqué du fait de l’irradiation fœtale.


Le traitement chirurgical est éventuellement possible. L’intervention a généralement lieu au cours du deuxième trimestre de grossesse, le premier trimestre étant consacré, si possible, à un traitement par ATS pour opérer en euthyroïdie.




Nodules thyroïdiens [8, 12]


La stratégie thérapeutique s’appuie sur les résultats des bilans biologiques, échographiques, scintigraphiques et surtout cytologiques.




Traitement freinateur par lévothyroxine


Une hormonothérapie par la lévothyroxine modérément frénatrice (concentration de la TSH = 0,2-0,6 mU/L) peut être indiquée chez :



L’intérêt d’une supplémentation iodée est mal connu mais pourrait accroître l’efficacité du traitement frénateur en particulier chez les sujets jeunes présentant des goitres nodulaires récents ou familiaux [12]. Le traitement par lévothyroxine n’est pas justifiée chez la majorité des patients, et en particulier chez les femmes post-ménopausiques. Il est contre-indiqué chez les patients ayant une TSH < 0,5 mU/L, un goitre multinodulaire constitué, présentant une ostéoporose, une pathologie cardiaque ou une affection chronique intercurrente. La mise en évidence d’un ou plusieurs nodules hyperfonctionnels avec risque d’évolution vers une hyperthyroïdie contre-indique un traitement par lévothyroxine et permet d’envisager un traitement radioisotopique.


Dans tous les cas, la prescription d’un traitement frénateur par la lévothyroxine doit être précédée d’une évaluation de la balance risque–bénéfice à l’échelle individuelle. La tolérance du traitement, son efficacité sur le nodule et la dystrophie périnodulaire seront à reconsidérer lors de la surveillance, afin de juger de l’opportunité de sa prolongation ou de son interruption.

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May 4, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 22: TRAITEMENT DES DYSTHYROÏDIES

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