CHAPITRE 22 TRAITEMENT DES DYSTHYROÏDIES
GÉNÉRALITÉS
Les pathologies thyroïdiennes peuvent être classées de manière schématique en deux groupes :
– fonctionnelles, qui correspondent à un défaut (hypothyroïdie) ou un excès (hyperthyroïdie) de production d’hormones thyroïdiennes ;
– morphologiques qui comportent les nodules ou les goitres. La frontière entre ces deux aspects n’est pas toujours aussi caricaturale puisqu’il existe des pathologies mixtes telles que les nodules dits « toxiques « à l’origine d’hyperthyroïdie.
PHYSIOPATHOLOGIE EN LIEN AVEC LA THÉRAPEUTIQUE
Deux hormones thyroïdiennes sont ainsi sécrétées : la thyroxine ou tétraiodothyronine (T4) et la triiodothyronine (T3) contenant respectivement 4 et 3 atomes d’iode. La thyroxine circulante provient des follicules thyroïdiens alors que la majeure partie de la triiodothyronine provient de la monodéiodation périphérique de la thyroxine. La plus grande partie de ces hormones est inactive car liée à des protéines de transport (T4 à 99,97 % et T3 à 99,5 %). Les protéines de transport sont la TBG (Thyroxin Binding Globulin), la transthyrétine, et l’albumine. Seules les fractions libres sont biologiquement actives. La sécrétion hormonale est contrôlée par la thyréostimuline TSH d’origine hypophysaire (figure 22.1). Sa sécrétion est pulsatile et varie dans le nycthémère. La thyréolibérine (TRH) hypothalamique stimule la production hypophysaire de TSH. La T3 et la T4 libres exercent un rétrocontrôle négatif étroit sur la sécrétion de TSH.
La T3 et la T4, sous forme libre, sont captées par les tissus dont la plupart possèdent les enzymes nécessaires à la conversion de la T4 en T3 selon un processus de déiodation. Les hormones thyroïdiennes pénètrent dans les cellules cibles et se fixent à des récepteurs situés au niveau des mitochondries (stimulent le captage de l’oxygène) et du noyau (déclenchent la transcription de l’ADN). Ces différentes étapes sont schématisées au sein de la figure 22.2.
CLINIQUE [2–5]
DIAGNOSTIC [2, 3]
Diagnostic étiologique
La scintigraphie thyroïdienne permet d’orienter le diagnostic étiologique :
– une hyperfixation diffuse et homogène de l’isotope est en faveur d’une maladie de Basedow ;
– la fixation élective de l’isotope au niveau d’un nodule palpé avec extinction au niveau du reste du parenchyme thyroïdien est en faveur d’un nodule toxique ;
– l’absence de fixation est en faveur d’une surcharge iodée.
ÉVALUATION
Le dosage de la calcitonine (CT) peut être réalisé pour dépister un carcinome médullaire de la thyroïde (CMT) (figure 22.3).
CLASSIFICATION DES MÉDICAMENTS UTILISABLES (TABLEAUX OU LISTES) COMPRENANT LES MÉDICAMENTS (LISTE EXHAUSTIVE ET À JOUR) AVEC LES DCI, LES NOMS DE SPÉCIALITÉS ET POSOLOGIES STANDARD [9, 10]
MÉCANISME D’ACTION [8–10]
Antithyroïdiens de synthèse
De plus, le propylthiouracile inhibe la transformation de T4 en T3 par les tissus périphériques. Ainsi, une seule prise quotidienne est généralement possible. Cette diffusion est cependant moindre avec le propylthiouracile qu’avec les autres ATS car celui-ci est plus fortement lié aux protéines plasmatiques (environ 75 %). Le catabolisme des ATS est hépatique et leur élimination est essentiellement urinaire.
Iode radioactif 131
L’iode radioactif, comme l’iode stable, a une très grande affinité pour la thyroïde. La radioactivité émise par l’131I à dose thérapeutique détruit partiellement la glande en cas d’hyper-thyroïdie. Ses propriétés pharmacocinétiques sont identiques à celles de l’iodure non radioactif. Ce traitement a pour but de détruire la thyroïde ou les zones hyperactives par irradiation interne [1]. Il s’agit d’un traitement simple (ne nécessitant pas d’hospitalisation en dessous d’une certaine dosimétrie) et sans danger (pas de risque génétique ou de cancérisation secondaire démontré). Un délai de 1 à 2 mois, voire plus, est nécessaire à son action. La période physique de 131I, c’est-à-dire le temps au bout duquel la radioactivité a décru de moitié est de 8 jours. Plus de 99 % des radiations sont épuisées au bout de 56 jours.
CRITÈRES DE CHOIX THÉRAPEUTIQUE
Hyperthyroïdie [4]
Les situations urgentes sont :
– une crise aiguë thyrotoxique ;
– une cardiothyréose chez une personne âgée ou atteinte de maladie cardiaque ;
– une forme cachectisante du vieillard ;
Traitement spécifique
Antithyroïdiens de synthèse [9, 11]
– soit diminuer progressivement la posologie de l’ATS jusqu’à obtention de la dose minimale assurant la normalisation de T4 et TSH. Dans ce cas, aucune substitution hormonale n’est nécessaire ;
– soit maintenir le traitement d’attaque aux doses initiales et supplémenter le patient par hormone thyroïdienne (lévo-thyroxine) d’emblée à doses substitutives.
La durée totale du traitement est également discutée. Il semble que la durée recommandée soit de 12 à 18 mois et que des traitements plus longs n’améliorent pas le pronostic de façon significative [11].
Traitement radical : chirurgie ou iode radioactif 131I [2, 3, 5]
En cas de récidive de l’hyperthyroïdie à l’arrêt des ATS, d’intolérance aux ATS, de goitre de gros volume, de nodule suspect de malignité, de leucopénie importante ou chez des sujets particuliers (peu coopérants, personne âgée), un traitement radical peut être proposé. Le choix entre la chirurgie et l’iode radioactif dépend essentiellement de l’expérience des équipes médicales et du terrain : généralement chez la femme jeune ou en cas de goitre important ou d’orbitopathie basedowienne, on préférera la chirurgie ; l’iode 131 sera souvent adoptée chez la personne plus âgée ou en cas de contre-indication à la chirurgie.
Nodules thyroïdiens [8, 12]
Traitement freinateur par lévothyroxine
– les patients présentant un nodule thyroïdien récent, colloïde, stable ou évolutif, sans évidence d’autonomie, et vivant dans une zone de carence iodée ;
– les patients jeunes ayant une dystrophie thyroïdienne nodulaire, en particulier les femmes avant une grossesse et dans les familles où se constituent des goitres plurinodulaires ayant conduit à des interventions chirurgicales.
L’intérêt d’une supplémentation iodée est mal connu mais pourrait accroître l’efficacité du traitement frénateur en particulier chez les sujets jeunes présentant des goitres nodulaires récents ou familiaux [12]. Le traitement par lévothyroxine n’est pas justifiée chez la majorité des patients, et en particulier chez les femmes post-ménopausiques. Il est contre-indiqué chez les patients ayant une TSH < 0,5 mU/L, un goitre multinodulaire constitué, présentant une ostéoporose, une pathologie cardiaque ou une affection chronique intercurrente. La mise en évidence d’un ou plusieurs nodules hyperfonctionnels avec risque d’évolution vers une hyperthyroïdie contre-indique un traitement par lévothyroxine et permet d’envisager un traitement radioisotopique.