21: Dermes équivalents

Chapitre 21 Dermes équivalents



La réanimation et la chirurgie, qui doivent assurer la survie des patients gravement brûlés, sont dépendantes de la profondeur et de la surface brûlée responsables des troubles hémodynamiques, inflammatoires et infectieux, mais aussi de la disponibilité en zones saines non brûlées qui seules permettront la couverture des zones nécrotiques après leur excision.


À long terme, les modalités d’obtention de la cicatrisation et les retards mis pour y parvenir auront comme conséquences l’apparition de séquelles hypertrophiques et rétractiles dont le retentissement sera esthétique et fonctionnel.


L’excision-greffe précoce reste la thérapeutique de choix pour réduire la mortalité et la morbidité de ces grands brûlés [1]. Pour parvenir à cette couverture, l’autogreffe est le mode de référence pour assurer le remplacement des zones cutanées brûlées. Malheureusement les zones saines destinées aux prélèvements de greffes manquent souvent, ou sont en quantité et en surface insuffisantes. C’est pourquoi il est essentiel, pour assurer la survie du patient, d’obtenir une couverture dans l’attente de sa cicatrisation définitive.



Développement des substituts dermiques


Les allogreffes et les xénogreffes permettent la couverture transitoire des plaies en attente de leur cicatrisation par autogreffes. Les xénogreffes rapidement éliminées n’assurent qu’une couverture imparfaite. Les allogreffes, quant à elles, sont revascularisées et peuvent rester en place de deux à quatre semaines, jusqu’à leur rejet qui est provoqué par l’antigénicité de la couche épidermique. Les risques de transmission virale ont réduit le nombre de donneurs potentiels.


Il a alors été fait appel à des substituts biosynthétiques (film de nylon recouvrant une couche de collagène) qui assurent une protection transitoire et imparfaite de la plaie en attendant sa couverture définitive par autogreffes.


Désireux d’obtenir une couverture biologique définitive, les cultures cellulaires de kératinocytes autologues développées par Rheinwald et Green en 1975 ont paru très prometteuses pour assurer cette couverture. À partir de biopsies de tissus cutanés de quelques centimètres carrés réalisées sur le patient dès l’admission au centre des brûlés, il est possible d’obtenir en deux semaines un film épidermique de surface suffisante pour couvrir des brûlures étendues de plus de 60 % de la surface corporelle. Cette technique a ainsi permis d’assurer la survie de très grands brûlés. Mais la fragilité de la jonction dermo-épidermique rend ces greffes épidermiques trop fragiles. Cuono a montré que l’utilisation d’un sous-sol dermique obtenu après homogreffes secondairement désépidermisées puis couvertes par cultures cellulaires améliorait leur prise.


Leurs résultats cicatriciels à long terme, insuffisants en termes de qualité cosmétique et fonctionnelle, ont incité à rechercher un nouveau mode de couverture définitive de ces brûlures profondes dès le stade initial.


Les travaux scientifiques se sont orientés vers l’élaboration d’un équivalent dermique ; c’est la connaissance et la compréhension des propriétés de la peau qui ont permis d’en définir les spécialités et les caractéristiques (tableaux 21-1 et 21-2).


Tableau 21-1 Caractéristiques fondamentales de la peau.



















Épiderme
L’épiderme se reconstitue seul de façon identique à partir des cellules basales lors de toute effraction.
Très antigénique, il impose une origine autologue aux cellules utilisées pour son remplacement et sa restauration.
Il assure un rôle de couverture et est indispensable à la survie.
Derme
Lors de toute effraction, il se reconstitue de façon anarchique en donnant une cicatrice.
Non antigénique, il accepte pour être réparé un modèle allogénique.
Il assure un rôle de soutien, de résistance et d’élasticité de la peau.

Tableau 21-2 Propriétés des substituts dermiques.





















Les caractéristiques de la peau et la définition des besoins des patients brûlés à la phase initiale de la réanimation et à long terme ont permis de fixer les propriétés attendues des dermes équivalents.
Être stockable et utilisable en urgence.
Ne présenter aucune antigénicité.
Adhérer rapidement au site receveur.
Protéger de la déshydratation et de l’infection.
Activer la cicatrisation.
Favoriser la croissance fibrovasculaire.
Être biodégradable à une vitesse contrôlée.
Présenter une élasticité et une résistance suffisante.

Hamilton, en 1871, fit la première expérience de substitut cutané en recouvrant des plaies avec de fines couches d’éponge. Les véritables recherches sur les substituts cutanés démarrèrent avec les travaux de Pickrell en 1942. Dès 1943, de nombreux modèles furent développés à base de collagène réticulé par des formaldéhydes et des enzymes destinées à réduire la vitesse de dégradation du collagène. Ces modèles se présentèrent sous forme de matrice, de films ou de gels, mais sans succès cliniques significatifs.




Integra®


En 1981, Yannas et Burke ont développé une matrice extracellulaire de derme pour assurer la couverture immédiate et définitive de la plaie après son excision et destinée à agir comme un guide à la cicatrisation, en favorisant la croissance fibrovasculaire et la régénération d’un derme fonctionnel présentant une architecture histologiquement normale après la dégradation de la matrice extracellulaire [4].



Composition, structure


Il s’agit d’un composé tissulaire constitué d’une matrice extracellulaire de derme recouverte d’un film Silastic®. Cet équivalent dermique développé par Integra Life Science Corporation (Plainsboro, New Jersey, USA) est commercialisé sous le nom d’Integra®. L’ensemble concourt à reconstituer un équivalent cutané avec ses propriétés physiologiques de lutte contre la déshydratation et de barrière contre la surinfection pour l’épiderme, de résistance et d’élasticité pour le derme.





Utilisations cliniques


Integra® est utilisé depuis 1981 pour de grands brûlés à la phase initiale et depuis 1997 en chirurgie réparatrice.



Chirurgie aiguë des grands brûlés


En chirurgie aiguë, Integra® a permis la prise en charge chirurgicale de patients présentant des brûlures profondes et étendues.


Ces patients ont été excisés précocement et la mise en place du derme s’est faite dans le même temps opératoire après obtention d’un plan vascularisé (en général, le fascia superficialis).


La fixation et la contention se sont faites par agrafes. L’épidermisation s’est faite après la revascularisation de la portion dermique (fig. 21-1). La couverture a alors été réalisée par autogreffes épidermiques fines sous forme de greffes pleines ou amplifiées plus ou moins largement.



Les résultats des premières études cliniques [4] montraient qu’il fallait redouter trois types de complications, essentiellement lors de l’application du derme :




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Sep 21, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 21: Dermes équivalents

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