Chapitre 21 Dermes équivalents
La réanimation et la chirurgie, qui doivent assurer la survie des patients gravement brûlés, sont dépendantes de la profondeur et de la surface brûlée responsables des troubles hémodynamiques, inflammatoires et infectieux, mais aussi de la disponibilité en zones saines non brûlées qui seules permettront la couverture des zones nécrotiques après leur excision.
L’excision-greffe précoce reste la thérapeutique de choix pour réduire la mortalité et la morbidité de ces grands brûlés [1]. Pour parvenir à cette couverture, l’autogreffe est le mode de référence pour assurer le remplacement des zones cutanées brûlées. Malheureusement les zones saines destinées aux prélèvements de greffes manquent souvent, ou sont en quantité et en surface insuffisantes. C’est pourquoi il est essentiel, pour assurer la survie du patient, d’obtenir une couverture dans l’attente de sa cicatrisation définitive.
Développement des substituts dermiques
Les travaux scientifiques se sont orientés vers l’élaboration d’un équivalent dermique ; c’est la connaissance et la compréhension des propriétés de la peau qui ont permis d’en définir les spécialités et les caractéristiques (tableaux 21-1 et 21-2).
Épiderme |
L’épiderme se reconstitue seul de façon identique à partir des cellules basales lors de toute effraction. |
Très antigénique, il impose une origine autologue aux cellules utilisées pour son remplacement et sa restauration. |
Il assure un rôle de couverture et est indispensable à la survie. |
Derme |
Lors de toute effraction, il se reconstitue de façon anarchique en donnant une cicatrice. |
Non antigénique, il accepte pour être réparé un modèle allogénique. |
Il assure un rôle de soutien, de résistance et d’élasticité de la peau. |
Les caractéristiques de la peau et la définition des besoins des patients brûlés à la phase initiale de la réanimation et à long terme ont permis de fixer les propriétés attendues des dermes équivalents. |
Être stockable et utilisable en urgence. |
Ne présenter aucune antigénicité. |
Adhérer rapidement au site receveur. |
Protéger de la déshydratation et de l’infection. |
Activer la cicatrisation. |
Favoriser la croissance fibrovasculaire. |
Être biodégradable à une vitesse contrôlée. |
Présenter une élasticité et une résistance suffisante. |
Hamilton, en 1871, fit la première expérience de substitut cutané en recouvrant des plaies avec de fines couches d’éponge. Les véritables recherches sur les substituts cutanés démarrèrent avec les travaux de Pickrell en 1942. Dès 1943, de nombreux modèles furent développés à base de collagène réticulé par des formaldéhydes et des enzymes destinées à réduire la vitesse de dégradation du collagène. Ces modèles se présentèrent sous forme de matrice, de films ou de gels, mais sans succès cliniques significatifs.
Alloderm®
Développé par Life Cell Corporation (The Woodlands, Texas, USA), Alloderm® est une matrice extracellulaire de derme obtenue à partir d’une allogreffe dont les cellules ont été tuées par choc hypertonique et dont ne subsistent que la structure tridimensionnelle du derme et la membrane basale. En 1995, Wainwright a publié une étude préliminaire clinique et histologique de ce derme greffé sur deux patients [15]. Les premières évaluations confirmaient l’intérêt de la présence du derme pour réguler favorablement l’évolution cicatricielle des zones greffées.
Mais, d’origine humaine, ce produit pose des problèmes de sécurité infectieuse et de disponibilité.
Integra®
En 1981, Yannas et Burke ont développé une matrice extracellulaire de derme pour assurer la couverture immédiate et définitive de la plaie après son excision et destinée à agir comme un guide à la cicatrisation, en favorisant la croissance fibrovasculaire et la régénération d’un derme fonctionnel présentant une architecture histologiquement normale après la dégradation de la matrice extracellulaire [4].
Composition, structure
Couche dermique
Divers procédés physiques et chimiques faisant varier pH, température et concentration, permettent d’obtenir une porosité finale comprise entre 50 et 150 μm. Cette porosité est nécessaire pour autoriser la colonisation cellulaire puis la biodégradation progressive de la matrice greffée par les fibroblastes de l’hôte. La portion dermique est stérilisée par chauffage à 150 °C et l’immersion dans le glutaraldéhyde. La couche silicone est versée sous forme liquide de façon aseptique sur la couche dermique afin d’obtenir une liaison ferme entre les deux composants, réalisant au final une véritable « peau artificielle ». Elle est alors conservée dans l’alcool à 70° et stockée dans des pochettes de polyéthylène serties.
Utilisations cliniques
Chirurgie aiguë des grands brûlés
La fixation et la contention se sont faites par agrafes. L’épidermisation s’est faite après la revascularisation de la portion dermique (fig. 21-1). La couverture a alors été réalisée par autogreffes épidermiques fines sous forme de greffes pleines ou amplifiées plus ou moins largement.
Fig. 21-1 a. Patient âgé de 24 ans victime d’une brûlure profonde du cou.
b. Excision précoce de l’ensemble des tissus brûlés jusqu’en zone saine et vascularisée.
c. Greffe d’integra dans le même temps opératoire.
d. Résultat clinique à 4 ans montrant l’absence de rétraction ou d’hypertrophie.
Les résultats des premières études cliniques [4] montraient qu’il fallait redouter trois types de complications, essentiellement lors de l’application du derme :