21: Conflits vasculonerveux

Chapitre 21 Conflits vasculonerveux




Les conflits neurovasculaires (CNV) de l’angle pontocérébelleux sont observés pour les Ve, VIIe, VIIIe et IXe paires de nerfs crâniens. Ils partagent le même mécanisme physiopathologique, bénéficient des explorations IRM pour leur mise en évidence et ont en commun une prise en charge thérapeutique identique, médicale ou chirurgicale. Leur existence même a fait l’objet d’âpres discussions entre les tenants des conflits neurovasculaires [22] et les opposants à cette théorie qui mettaient en doute les constatations opératoires et les hypothèses électrophysiologiques bâties sur ces dernières.



Physiopathologie


Le mécanisme des conflits neurovasculaires fait intervenir plusieurs théories selon que la production d’influx nerveux est attribuée à l’existence d’une synapse électrique (éphapse) tronculaire ou à une hyperexcitabilité nucléaire. Le mécanisme physiopathologique de l’hémispasme facial sera décrit à titre d’exemple [39]. Le spasme hémifacial primaire est une affection neurologique chronique caractérisée par la survenue de spasmes tonicocloniques involontaires paroxystiques strictement limités au territoire moteur du nerf facial d’un seul côté.



Excitation ectopique et transmission éphaptique


L’excitation ectopique est caractérisée par la survenue de potentiels en dehors d’une synapse naturelle. Elle est déclenchée par une irritation mécanique locale : la compression vasculaire. La compression vasculaire facilite l’initiation de potentiels (excitation ectopique) qui seraient transmis d’un axone à l’autre par le mécanisme de transmission éphaptique. L’éphapse est une synapse électrique sans neuromédiateur chimique. Le siège supposé de la transmission éphaptique correspond à la zone de transition myéline centrale – myéline périphérique (root entry zone). Le segment myéline centrale du nerf facial est caractérisé par un faible espace extracellulaire, l’absence de collagène, de plexus funiculaire et de gaine épipérineurale. La Root Entry Zone (REZ) est pour chaque nerf crânien à une distance variable sur le trajet du nerf par rapport à son émergence du tronc cérébral et présente pour un même nerf crânien des variabilités interindividuelles plus ou moins importantes (fig. 21.1) [27]. Le siège de la REZ pour le nerf facial est relativement constant et plus variable pour les Ve et VIIIe paires crâniennes. La REZ se définit comme le segment du nerf facial juxtaposant des éléments structurels de type central et périphérique dont l’hypovascularisation et la déplétion myélinique expliqueraient la vulnérabilité à la compression [26].






Exploration IRM


L’exploration d’un CNV fait appel à trois types de séquences :




Séquence T2 volumique


Elle est réalisée soit en séquence CISS 3D soit en séquence turbo spin écho 3D. Les reconstructions réalisées sont fonctions de la symptomatologie : pour le nerf facial, l’exploration est obtenue en reconstructions axiales obliques selon le trajet du nerf avec étude de la zone d’émergence du nerf et recherche de conflits secondaires situés plus à distance de la REZ, ainsi qu’en coupes coronales obliques [25]. Pour le nerf trijumeau, les reconstructions seront faites en coupes axiales obliques selon le trajet ascendant du nerf, complétées par des reconstructions sagittales et coronales parallèles et perpendiculaires au trajet cisternal. Pour l’étude du nerf cochléovestibulaire sur son trajet cisternal et méatique, la séquence CISS 3D permet la mise en évidence de la sous-segmentation en contingents cochléaire, vestibulaires supérieur et inférieur à l’intérieur du méat acoustique interne.



Séquence volumique ARM TOF 3D


La séquence angio-RM est utile pour préciser l’artère du système vertébrobasilaire responsable du conflit : les reconstructions axiales obliques à partir des coupes natives permettent de reconnaître le trajet de la boucle artérielle, les reconstructions MIP et MPVR (Multiplanar Volume Reconstruction) [1] de rattacher cette boucle artérielle à l’une des branches de division de l’artère vertébrale ou de l’artère basilaire. L’individualisation d’un conflit artère-nerf est fonction de la taille de la citerne de l’angle pontocérébelleux et de la visibilité des nerfs crâniens dans la citerne : la mise en évidence du contact artère-nerf est ainsi plus aisée pour le nerf trijumeau que pour le nerf facial.



Séquence en pondération T1 avec injection IV de produit de contraste


Elle peut être de réalisation systématique [13] ou n’être pratiquée que lorsque la séquence angio-RM n’authentifie pas de boucle artérielle ou lorsqu’une compression d’origine veineuse est suspectée sur la séquence T2 volumique [2]. Les séquences T1 après injection intraveineuse de gadolinium de deuxième intention dans le cadre d’exploration d’hémispasme de la face s’imposent en cas de névralgie trigéminale et de symptomatologie cochléovestibulaire, dès lors qu’une pathologie de l’angle ou du tronc cérébral est mise en évidence ou suspectée.


Sur une population de 140 sujets dont seuls 4 étaient symptomatiques, l’étude des relations artère-nerf trijumeau à l’aide de ces séquences montre, chez 29 % de l’ensemble des sujets, un contact avec le nerf de l’artère cérébelleuse supérieure ou de l’artère cérébelleuse antéro-inférieure ou des deux artères (3 %). Ce contact est retrouvé à la REZ dans 90 % des cas, même asymptomatiques, illustrant la difficulté de conclure en l’existence d’une compression vasculaire en cas de contact artère-nerf [51].




Résultats



Hémispasme facial


Exceptionnellement, un hémispasme facial peut être en rapport avec une lésion de la fosse postérieure (kyste épidermoïde, malformation artérioveineuse de l’angle pontocérébelleux ou autre) [17].


Dans la quasi-totalité des cas, un conflit neurovasculaire est en cause. Un contact artère-nerf peut toutefois être retrouvé chez 5 à 8 % des individus asymptomatiques avec parfois une déviation modérée du trajet du nerf [25].



Siège du conflit


Le nerf facial à son émergence du tronc cérébral, à la partie inférieure de l’angle, ne peut être dissocié du nerf cochléaire. Le contact artère-nerf se fait à la REZ du nerf facial, qui siège dans les trois premiers millimètres de son trajet cisternal, faisant immédiatement suite au segment fixe accolé au sillon bulbopontique au-dessus de la fossette supra-olivaire. La compression neurovasculaire est mise en évidence au contact du tronc cérébral pour 52 % des malades [21]. La boucle artérielle peut marquer son empreinte sur la face latérale du bulbe ou dévier le trajet du nerf facial en direction crâniale [21].


Le croisement artère-nerf s’effectue toujours à angle droit, à une distance inférieure à 3 mm par rapport à l’émergence apparente du nerf sur le tronc cérébral (fig. 21.3), distance significativement plus élevée chez les sujets asymptomatiques, où un contact artère-nerf est retrouvé, en moyenne à 7,4 mm de l’origine apparente du nerf [21].




Structure vasculaire en cause


Sur une série de 60 patients explorés par séquence CISS et angio-RM TOF 3D de la fosse postérieure, une boucle artérielle est mise en évidence dans 54 cas [21]. La compression vasculaire met en cause l’artère cérébelleuse antéro-inférieure dans 12,5 % des cas [30], l’artère cérébelleuse postéro-inférieure dans 39 [30] à 50 % des cas [21] et l’artère vertébrale dans 30 % des cas [30]. Différentes combinaisons d’anomalies de trajet artériel (fig. 21.4) impliquant artère cérébelleuse antéro-inférieure, artère cérébelleuse postéro-inférieure et/ou artère vertébrale sont retrouvées dans 10,5 % des cas. Les conflits d’origine veineuse représentent 2 % des cas.



L’AICA est l’artère la plus fréquemment impliquée. Après un trajet descendant, elle forme une boucle à direction crâniale qui refoule de bas en haut le paquet acousticofacial. La PICA forme une boucle rostrale qui comprime le nerf sur sa face ventrale. L’artère vertébrale (12 %), dolicho-ectasique à son point d’épaulement, déplace en haut et en dehors le nerf facial (fig. 21.5) [38].




Imputabilité du conflit


Un contact neurovasculaire à la REZ du côté symptomatique est mis en évidence en IRM/ARM dans plus de 88 % des cas d’hémispasme facial, le développement de l’hémispasme étant associé à une indentation du nerf facial à son émergence du tronc cérébral [20]. Les contacts neurovasculaires uniques ou multiples plus à distance de son émergence, le long de son trajet cisternal et intracanalaire ne sont pas associés au développement d’un hémispasme facial. Girard et al. [13], sur une série de 100 patients opérés, rapportent un taux de vrais positifs de 98 % avec une valeur positive prédictive de l’IRM de 100 %. Ces constatations sont remises en cause par des données plus récentes : Raslan et al. sur une série rétrospective de 23 cas rapportent une variabilité de 21 à 79 % de sensibilité des séquences ARM TOF 3D et 3D SPGR(SPGR : Spoiled-Gradient Recalled Imaging, [42], ARM : Angiographie par resonance magnétique, TOF: Time of Flight ou temps de vol) pour le diagnostic de conflit remettant en cause l’intérêt de l’IRM dans le bilan préopératoire de l’hémispasme facial [42].


Les doubles conflits (fig. 21.6), aux dépens, d’une part, de la PICA à la REZ et, d’autre part, de l’AICA entre le nerf facial et le paquet acoustico-vestibulaire doivent être tous deux décomprimés sous peine d’échec thérapeutique. Ainsi, Ryu et al. [45] rapportent 7 cas d’hémispasme facial par compression distale du nerf par l’artère cérébelleuse antéro-inférieure ou une branche de la PICA, découvert de première intention ou mis en évidence lors de reprise chirurgicale après échec de décompression à la REZ.


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May 5, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 21: Conflits vasculonerveux

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