CHAPITRE 20 TRAITEMENT DU DIABÈTE SUCRÉ
PHYSIOPATHOLOGIE
– le diabète de type 1 résulte d’une destruction auto-immune des cellules β des îlots de Langerhans. Il est caractérisé par son début clinique brutal. Il entraîne une carence insulinique majeure, ce qui explique sa tendance à l’acidocétose (le glucose ne peut plus servir de combustible cellulaire et l’organisme mobilise une quantité accrue d’acides gras, d’où l’augmentation des taux sanguins des acides gras et de leurs métabolites, les corps cétoniques) ;
– le diabète de type 2 associe une insulinorésistance et une insulinopénie. La glycémie reste normale tant que les cellules β des îlots de Langerhans sont capables de faire face aux besoins accrus d’insuline. Mais après plusieurs années d’hyperinsulinisme, les cellules β défaillent (apoptose), une insulinopénie apparaît et la glycémie augmente.
CLINIQUE
Critères diagnostiques du diabète
– présence des signes cliniques du diabète et glycémie supérieure ou égale à 2 g/L (11,1 mmol/L) ;
– glycémie à jeun (8 heures de jeûne ou plus) supérieure ou égale à 1,26 g/L (7 mmol/L). Cette valeur est à confirmer par une 2e mesure un autre jour ;
– glycémie 2 heures après 75 g de glucose per os supérieure ou égale à 2 g/L (la pratique de l’hyperglycémie provoquée par voie orale n’est cependant pas recommandée sauf cas précis du diabète gestationnel).
MÉDICAMENTS UTILISÉS
– à compenser la carence en insuline observée dans le diabète de type 1 (insulines et analogues) ;
– à limiter le phénomène d’insulinorésistance suivi de l’insuli-nopénie dans le diabète de type 2 : seuls les antidiabétiques seront traités dans ce chapitre. Mais, le diabète de type 2 est une maladie multifactorielle complexe nécessitant la correction des facteurs de risque de micro et macroangiopathies. Celle-ci peut nécessiter l’utilisation d’autres médicaments (antihypertenseurs, hypolipidémiants, etc.) qui sont abordés dans les chapitres correspondant aux pathologies concernées.
Classification des médicaments
Les différents médicaments utilisés dans la thérapeutique antidiabétique sont d’une part les insulines et analogues, d’autre part les antidiabétiques spécifiques du diabète de type 2 à savoir les biguanides, les sulfamides hypoglycé-miants, les glinides, les médicaments impliquant la voie des incrétines et les inhibiteurs des α-glucosidases. Les différentes spécialités commercialisées en France sont classées dans les tableaux 20.1 à 21.8.
DCI | Noms commerciaux | Posologies standards |
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Acarbose | Glucor 50 et 100 mg, Acarbose génériques 50 et 100 mg | 50 mg 3 fois/j au début des repas puis si nécessaire après 6 à 8 semaines 100 mg 3 fois/j |
Miglitol | Diastabol 50 et 100 mg | 50 mg 3 fois/j au début des repas puis si nécessaire après 4 à 12 semaines 100 mg 3 fois/j |
DCI | Noms commerciaux | Posologies standards |
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Metformine + sitagliptine | Janumet, Velmetia (850 ou 1 000 mg + 50 mg) | 1 cp 2 fois/jour |
Metformine + vildagliptine | Eucréas (850 ou 1 000 mg + 50 mg) | 1 cp 2 fois/jour |
Remarque : Depuis 2011, il n’y a plus d’antidiabétiques de la famille des glitazones commercialisés en France. Les médicaments contenant de la rosiglitazone ont été retirés du marché en raison du risque d’infarctus du myocarde. Quant à la pioglitazone, sa prise prolongée serait susceptible d’augmenter le risque de cancer de la vessie.
Mécanisme d’action
Relation structure-activité
Insulines
Les analogues rapides de l’insuline présentent des modifications de certains acides aminés de la chaîne polypeptidique de la molécule d’insuline dans le but de diminuer le délai d’action de celle-ci. En effet les insulines in vitro s’agglomèrent sous forme d’hexamères et ne se transforment que progressivement dans le tissu sous-cutané en monomères absorbables. Les analogues rapides ne s’agglomèrent pas et sont donc absorbés plus rapidement.
Pharmacocinétique
Insulines
Résorption. Durée d’action
Les insulines sont réparties schématiquement en 3 groupes en fonction de leur durée d’action :
– les insulines rapides : les insulines humaines présentent un délai d’action d’environ 30 min et une durée d’action d’environ 6 heures ; les analogues de l’insuline agissent en 10 à 15 min et leur action se maintient 3 à 5 heures ;
– les insulines protaminées d’action intermédiaire ont un délai d’action moyen d’une heure et une durée d’action moyenne de 12 heures ;
– les insulines lentes sont maintenant exclusivement des analogues de l’insuline. L’insuline glargine a un délai d’action d’environ 24 heures. L’insuline détémir a une durée d’action variable en fonction de la dose administrée (12 heures à 0,2 UI/kg à 20 heures à 0,4 UI/kg).
Glinides
L’absorption intestinale du répaglinide est rapide et complète. La concentration plasmatique maximale est atteinte dans l’heure suivant son administration. Le répaglinide présente une biodisponibilité de 63 %, un faible volume de distribution. Sa fixation aux protéines plasmatiques est élevée (98 %). Le répaglinide est métabolisé au niveau hépatique par le cytochrome P450 (CYP 3A4 mais surtout 2C8) et connaît une élimination principalement biliaire sous forme de métabolites inactifs. Sa demi-vie d’élimination est courte, d’environ 1 heure.
CRITÈRES DE CHOIX THÉRAPEUTIQUE
Chez l’adulte
Traitement du diabète de type 1
– Le traitement doit comporter plusieurs administrations d’insulines permettant de couvrir l’ensemble du nycthémère en respectant les variations glycémiques physiologiques. Afin de se rapprocher du profil insulinique physiologique, l’insulinothérapie optimisée repose sur le schéma d’insulino-thérapie dit « basal bolus », soit 1 à 2 injections d’insuline retard (analogues à longue durée d’action ou NPH) censées couvrir les besoins de base et 3 injections d’insuline rapide permettant de gérer les hyperglycémies postprandiales. Ceci correspond en fait à des schémas à 3 ou 4 injections d’insulines par jour en utilisant des mélanges d’insulines (figure 20.1). Le mode d’administration de l’insuline par pompe sous-cutanée ambulatoire permet également de se rapprocher du profil insulinique physiologique en remplaçant le bolus sous-cutané d’insuline retard par une perfusion continue d’insuline rapide de résorption plus régulière.
– Il est important d’insister sur la régulation glycémique nocturne particulièrement difficile à gérer. L’objectif est d’obtenir au moins 5 jours sur 7 une glycémie au réveil < 1,2 g/L sans hypoglycémie nocturne. Pour ce faire, il convient parfois de retarder l’injection d’insuline retard du dîner au coucher, à 22 h et même 23 h L’utilisation des analogues lents de l’insuline permet, du fait de leur profil pharmacocinétique, de limiter les hypoglycémies nocturnes.
– Le diabétique doit effectuer une autodétermination glycé-mique avant chaque injection afin de pouvoir réaliser un éventuel correctif des doses d’insuline d’action rapide (1 à 2 unités d’insuline), voire des délais entre injection d’insuline et début des repas.
Malgré la prise en considération de ces principes de base, le risque hypoglycémique reste toujours présent et le diabétique devra apprendre à le gérer.
Traitement du diabète de type 2
En France, les dernières recommandations de l’HAS (2006) sur la prise en charge thérapeutique du diabète de type 2, élaborées conjointement avec l’Afssaps, ont été retirées en mai 2011, en raison de conflits d’intérêt. L’algorithme décisionnel était basé sur une escalade thérapeutique, les mesures hygiéno-diététiques restant le premier geste thérapeutique du diabète de type 2. À l’heure actuelle, cette prérogative reste un consensus international. Associée à une activité physique et sportive régulière, elle peut améliorer voire normaliser l’équilibre glycémique. Le traitement médicamenteux sera instauré après échec du traitement diététique et ne dispense en aucun cas d’avoir une alimentation équilibrée.
Enfin, le NICE (National Institute for Health and Clinical Excellence) propose lui aussi des recommandations mises à jour en 2010, dans lesquelles les incrétines sont des options intéressantes.
La figure 20.2 propose un algorithme décisionnel s’appuyant sur les diverses recommandations internationales, et adapté au modèle français, incluant les incrétines et excluant les glitazones (non autorisées en France) dans la stratégie thérapeutique du diabète de type 2. En effet, même si ces différentes approches montrent que le rôle précis des nouvelles molécules n’est pas encore bien défini, certains éléments de prise en charge restent très consensuels.
Fig. 20.2 Stratégie thérapeutique proposée dans le cadre du diabète de type 2 (d’après les recommandations de l’HAS, 2006).
Nous retiendrons les éléments suivants.
– La prise en charge d’un diabète de type 2 de découverte récente impose des impératifs multiples. Chaque étape revêt un caractère crucial, de l’annonce du diagnostic au projet d’intervention thérapeutique, en passant par le dépistage et la prise en charge systématique des facteurs de risque cardiovasculaire associés à d’éventuelles complications. L’ensemble de ces étapes doit par ailleurs posséder un caractère individuel, adapté à chaque patient, l’éducation thérapeutique jouant ainsi un rôle majeur.
– Le régime alimentaire et la modification des habitudes de vie favorisant la pratique régulière d’une activité physique constituent la pierre angulaire du traitement initial du diabète. Ces mesures doivent être mises en œuvre dès que le diagnostic du diabète de type 2 est confirmé et poursuivies indéfiniment. À noter que l’obtention d’un amaigrissement est souhaitée lorsque le sujet présente un surpoids ou une obésité (IMC>27 ou 30 kg/m2 respectivement), en visant une perte de 5 % du poids corporel au cours des trois premiers mois. L’arrêt du tabagisme est aussi une mesure hygiéno-diététique préconisée, contribuant à la diminution des risques cardio-vasculaires associés au diabète. Une évaluation initiale de la dépendance est réalisée et par conséquent, un traitement pharmacologique et/ou psychologique est instauré.
– Si les mesures hygiénodiététiques ne sont pas suffisantes (HAS : HbA1c > 6 %) un traitement antidiabétique par voie orale est mis en œuvre. L’arrivée des nouvelles molécules n’a pas remis en cause cette démarche d’adaptation chronologique du traitement hypoglycémiant, mais elle impose de reconsidérer les options thérapeutiques devant être privilégiées à chaque étape.
– La metformine en première intention reste une attitude consensuelle. Elle doit être utilisée de façon précoce et indépendamment du statut pondéral, dès que les mesures hygiénodiététiques n’ont pas permis de normaliser le taux d’HbA1c (<6 %). À noter que les experts de l’ADA/EASD proposent d’instaurer un traitement par metformine de façon systématique dès la découverte du diabète de manière à éviter l’inertie thérapeutique en cas de régime insuffisant ou mal suivi. En cas d’intolérance ou de contre-indication, l’utilisation d’un sulfamide hypoglycémiant, d’un glinide ou d’un inhibiteur des alpha-glucosidases est envisagée. L’utilisation de la sitagliptine paraît intéressante à ce stade du fait de son excellent profil de tolérance (dispose de l’AMM en monothérapie mais hors champ de remboursement en 2011).
– En cas d’échec de la monothérapie, les associations d’anti-diabétiques seront envisagées. La nouveauté en terme de recommandation réside dans une escalade vers une bithé-rapie beaucoup plus précoce et qui consiste en une association de la metformine avec un sulfamide hypoglycémiant, glinide, une incrétine ou éventuellement un inhibiteur des alpha-glucosidases (ces derniers sont rarement utilisés, ils sont généralement considérés comme un traitement d’appoint d’autant plus que, compte tenu de leur tolérance digestive médiocre, leur association à la metformine n’est pas conseillée). Le choix thérapeutique sera fonction des particularités de chaque sujet en tenant compte de la situation physiopathologique, l’ampleur du déséquilibre glycé-mique, du profil glycémique, du risque hypoglycémique, du mode de vie, de l’existence d’une obésité, de contre-indications, du niveau d’observance thérapeutique… Bien que les recommandations de l’ADA/EASD envisagent le recours à l’insulinothérapie dès l’échec d’une monothérapie orale, cette option n’est pas choisie à ce stade en France.
– Si la bithérapie n’apporte pas les résultats escomptés (HbA1c > 7 %) ou si ceux -ci s’épuisent dans le temps, une trithérapie pourra être envisagée voire l’instauration d’une insulinothérapie. Il est alors conseillé en première intention l’adjonction à bithérapie orale d’une insuline NPH au coucher ou d’un analogue lent. En cas d’échec, une insulinothérapie fractionnée (2 à 4 injections par jour) doit être mise en œuvre : par exemple 2 ou 3 mélanges NPH + rapide ou une basale lente + 3 rapides préprandiales. À ce stade, les insulinosécréteurs seront arrêtés. En revanche, la metformine peut être avantageusement poursuivie en l’absence d’intolérance et de contre-indication dans l’objectif de limiter la prise de poids.
Chez la femme enceinte
Lors d’une grossesse chez une femme diabétique, l’équilibre du diabète doit être « parfait », avec des oscillations glycémiques acceptables entre 0,6 et 1,2 g/L. Cet objectif nécessite le recours à des schémas d’insulinothérapie optimisés soit par pompe portable, soit par insulinothérapie sous-cutanée conventionnelle de type « basal-prandial ». Dans le cadre du diabète de type 2, une grossesse impose l’arrêt des antidiabétiques oraux et l’insulinothérapie est mise en place selon les modalités évoquées ci-dessus.
Chez la personne âgée
– une injection le matin d’insuline lente ou intermédiaire en cas d’hypoglycémie nocturne ;
– une injection le soir d’insuline lente ou intermédiaire si le patient présente des glycémies matinales très élevées ;
Chez le sujet âgé présentant un diabète de type 1, l’insulino-thérapie est de rigueur selon les protocoles à 1 ou 2 injections évoqués ci-dessus. Le schéma à 2 injections par jour est généralement adopté pour les personnes vivant en centre médicalisé. Chez une personne âgée vivant seule à son domicile, l’insulinothérapie est généralement simplifiée et permet souvent la visite chaque matin d’une auxiliaire médicale qui a un rôle essentiel de surveillance, d’information et de soins préventifs. On peut alors voir des schémas présentant l’injection d’insulines de durée d’action différentes à un seul et même horaire dans la journée.
PRÉVENTION DES EFFETS IATROGÈNES
Contre-indications
Contre-indication commune à tous les autres antidiabétiques
Le diabète de type 1 contre-indique leur utilisation en l’absence d’association à l’insuline.