20: Syndromes musculaires et neuromusculaires

Chapitre 20 Syndromes musculaires et neuromusculaires





Les syndromes de limitation motrice, dits aussi syndromes de restriction1, revêtent des formes très diverses, leur point commun étant l’impotence musculaire (cf. chapitre 3) [15].


Le mécanisme physiopathologique des impotences est différent de celui des autres déséquilibres oculomoteurs : l’impotence musculaire résulte d’une lésion anatomique touchant le muscle lui-même et/ou son environnement fibroélastique ; c’est pourquoi la stratégie opératoire est, elle aussi, différente.



Stratégie opératoire



Lignes directrices de la stratégie opératoire


Une impotence musculaire provoque inévitablement une gêne fonctionnelle ; le sujet dont la binocularité est normale est particulièrement handicapé ; il peut endurer :



Ces troubles justifient que l’on envisage, en temps voulu, la correction chirurgicale de l’impotence.



En cas d’altération du muscle lui-même, l’intervention consiste avant tout à relâcher le muscle atteint s’il est rétracté, à le renforcer s’il est relâché. Une intervention sur l’antagoniste homolatéral n’est justifiée que si celui-ci est déficient ou, au contraire, cliniquement hyperactif ; une intervention sur l’œil adelphe peut être nécessaire, lorsque l’atteinte est unilatérale, pour freiner ou affaiblir, selon le cas, l’antagoniste ou le synergiste controlatéral ; lorsque l’atteinte est bilatérale, l’intervention est souvent aussi bilatérale.


En cas de bride musculaire, l’intervention consiste avant tout à lever l’obstacle anatomique responsable de l’impotence. Une intervention sur le muscle lui-même et/ou son antagoniste homolatéral n’est justifiée que pour rééquilibrer au besoin ces muscles, après la libération de la bride ; une intervention sur l’œil adelphe n’a de sens que pour freiner, selon le cas, l’antagoniste et/ou le synergiste controlatéral, lorsque l’obstacle anatomique n’a pu être entièrement levé.


La correction chirurgicale est à envisager :




Particularités techniques


Les techniques opératoires doivent, ici comme ailleurs, être adaptées aux données particulières du déséquilibre oculomoteur.


Puisque l’entrave à la motilité oculaire est de nature mécanique, l’effet à long terme des opérations de recul, de plissement ou de résection musculaire sur la position et le champ moteur de l’œil atteint devrait être parfaitement prévisible. Or, c’est le contraire qui peut se produire : l’effet d’un dosage faible, par exemple, peut être disproportionné et, à l’inverse, celui d’un dosage fort peut ne pas être supérieur à celui d’un dosage faible ou modéré ; la raison tient aux altérations musculaires et périmusculaires dont les répercussions sont difficiles à prévoir. Le recours aux sutures ajustables est utile lorsque plusieurs muscles ou les enveloppes périmusculaires sont impliqués.


La position de l’œil opéré a peu tendance à s’ajuster spontanément dans les suites opératoires. C’est un avantage, si le résultat est satisfaisant, car il a de fortes chances de rester stable – contrairement au résultat en cas de strabisme concomitant –, mais c’est un inconvénient, si celui-ci n’est pas satisfaisant.


Dans les suites immédiates de l’intervention, le champ moteur de l’œil opéré est en général plus réduit qu’il ne l’était avant l’intervention. Mais il va s’élargir progressivement au cours des mois suivants et, tout au moins, retourner à l’état antérieur ; dans les cas favorables, il va s’élargir ou même se normaliser. Il est donc impératif d’attendre 6 mois au moins avant d’envisager de freiner, dans un second temps opératoire, le ou les synergistes controlatéraux, pour aligner leur action sur celle du ou des muscles dont l’action reste limitée. Ce freinage s’obtient, comme ailleurs, au moyen d’une myopexie postérieure. Des injections répétées de toxine botulique dans ces mêmes muscles peuvent également être utilisées dans ce but ; mais leur effet est moins contrôlable que celui de la myopexie.


Enfin, lorsque l’impotence est due à une lésion irréparable du muscle lui-même, il peut être utile de recourir à une opération de suppléance pour mieux repositionner l’œil atteint.



Syndromes congénitaux de dysinnervation crânienne


Les syndromes congénitaux de dysinnervation crânienne englobent tous les syndromes d’impotence musculaire de nature neuromusculaire qui résultent d’un trouble précoce, souvent héréditaire, du développement des noyaux d’un ou de plusieurs nerfs crâniens au cours de l’embryogenèse ; parfois ils sont dus à une embryopathie ou un effet médicamenteux indésirable (dont la thalidomide). Ils peuvent affecter les VIe, IIIe, IVe et VIIe nerfs crâniens. Aux anomalies innervationnelles s’ajoutent une fibrose des parties non innervées du ou des muscles impotents et, parfois aussi, une disposition anatomique anormale de leur terminaison antérieure et de leur insertion sclérale.


L’association d’une impotence musculaire congénitale et d’une binocularité normale, mais limitée à une partie seulement du champ du regard, est pathognomonique [3,4]. Les sujets atteints recherchent toujours à utiliser la partie où les axes visuels sont alignés de manière à pouvoir bénéficier de leur vision binoculaire normale, même si c’est au prix d’un torticolis ; dans les autres directions, la neutralisation de l’œil atteint, plus rarement de l’œil sain, prévient la diplopie, avec parfois une amblyopie, de profondeur variable, surajoutée. S’il persiste une déviation strabique malgré le torticolis, les sujets utiliseront une binocularité aussi proche que possible de la normale2. Le torticolis est obligé dans les cas bilatéraux où aucun des yeux ne peut atteindre la position primaire.


Il n’est à l’évidence pas possible de corriger l’anomalie neuromusculaire elle-même ; le traitement chirurgical vise uniquement à réduire les inconvénients résultant de cette anomalie.



Syndrome de rétraction de Stilling-Duane


Le syndrome de rétraction de Stilling-Duane3 [68] ou, pour les auteurs de langue anglaise, de Duane, est le plus fréquent des syndromes congénitaux de dysinnervation crânienne : il est le résultat d’une innervation aberrante du droit latéral par des fibres du IIIe nerf crânien. Les images IRM montrent, dans la majorité des cas, que cette anomalie est liée à une agénésie partielle ou totale du noyau et du tronc du VIe nerf crânien remplacés par un rameau atypique partant de la branche inférieure du IIIe nerf crânien et allant au muscle droit latéral ; d’autres configurations sont également possibles, mais plus rares [9,10].



Types du syndrome


Bien que son expression clinique revête des formes variées, on peut reconnaître à ce syndrome trois ou, plus probablement, quatre formes principales ; la classification adoptée par A. Huber en 1974 est la plus généralement admise aujourd’hui [11,12] (tableau 20.1 et figure 20.1).




Le type I (figures 20.2 à 20.4), de loin le plus fréquent, est caractérisé par un déficit (quasi) total de l’abduction de l’œil atteint, par une rétraction de cet œil avec rétrécissement de la fente palpébrale lors de l’adduction et une légère protrusion de l’œil avec élargissement de la fente palpébrale lors de la tentative d’abduction ; selon le cas, l’adduction peut être normale ou légèrement déficiente. L’enregistrement électromyographique (EMG) montre que le droit latéral est stimulé lors de l’adduction et qu’il est inhibé lors de la tentative d’abduction ; la partie de ce muscle qui n’est pas innervée est fibreuse ; l’innervation du droit médial est en revanche normale. Il en résulte une cocontraction des deux muscles et, de ce fait, une rétraction de l’œil atteint lors de l’adduction, et un corelâchement et, de ce fait, une protrusion de l’œil lors de la tentative d’abduction.





Le type II (figure 20.5) est caractérisé par un déficit (quasi) total de l’adduction de l’œil atteint et une rétraction de celui-ci avec rétrécissement de la fente palpébrale lors de la tentative d’adduction ; selon le cas, l’abduction peut être normale ou légèrement limitée. L’enregistrement EMG montre que le droit latéral est stimulé lors de l’abduction et lors de la tentative d’adduction ; l’innervation du droit médial est normale. Il résulte de la double innervation du droit latéral par les VIe et IIIe nerfs crâniens, une contraction isolée du droit latéral lors de l’abduction et une cocontraction des deux muscles et, de ce fait, une rétraction de l’œil lors de la tentative d’adduction.



Le type III est caractérisé par un déficit (quasi) total de l’abduction et de l’adduction de l’œil atteint et par une rétraction de cet œil avec rétrécissement de la fente palpébrale lors de la tentative d’adduction. L’enregistrement EMG montre que le droit latéral et le droit médial sont également stimulés lors de la tentative d’adduction et également inhibés lors de la tentative d’abduction (figure 20.6).



La divergence synergique, décrite par Wilcox et al. [12], peut être considérée comme le type IV : elle est caractérisée par une absence de l’adduction de l’œil atteint et une abduction paradoxale, qui survient lors de la tentative d’adduction et qui est par conséquent synergique de l’abduction de l’œil adelphe. L’enregistrement EMG montre que le droit latéral de l’œil atteint est davantage stimulé que le droit médial lors de la tentative d’adduction, d’où résulte une contraction simultanée des deux droits latéraux ; il est inhibé lors de la tentative d’abduction (figure 20.7).



Du fait de l’impotence musculaire, les axes visuels sont rarement alignés dans le regard droit devant ; ils sont le plus souvent convergents dans le type I, divergents dans le type II, l’un aussi bien que l’autre dans le type III ; parfois l’œil atteint ne peut arriver jusqu’à la position primaire lors des mouvements de duction.


Un déséquilibre vertical et/ou une incomitance alphabétique en A ou V sont associés au syndrome de rétraction dans un quart des cas selon Mühlendyck [13].


La déviation verticale en adduction, vers le haut et/ou vers le bas, sans incomitance alphabétique, résulte en général du glissement sur le globe d’un droit latéral inextensible en raison de la cocontraction des deux droits horizontaux et de la laxité de la partie temporale de la capsule de Tenon ; elle peut être au premier plan et donner le change pour un syndrome de rétraction vertical [8].


L’incomitance A sans déviation verticale peut s’expliquer par une fibrose de la moitié inférieure du muscle droit médial (deux patients de H. Mühlendyck).



Enfin, la déviation verticale en adduction associée à une incomitance alphabétique concordante peut être due à un déséquilibre des muscles obliques, comme en cas de strabisme concomitant.


Le syndrome affecte les sujets des deux sexes de façon à peu près égale, contrairement à ce qui était admis précédemment ; il touche plus souvent l’œil gauche que l’œil droit. Il est parfois bilatéral ; s’il en est ainsi, il peut être de type différent des deux côtés. Pour Rowe et al. [15] il est plus probable qu’il soit bilatéral neuf fois sur dix, mais très asymétrique dans 95 % de ces cas, de sorte que l’impotence peut passer facilement inaperçue du côté le moins atteint (cf. figure 20.4D).




Stratégie opératoire


Un traitement chirurgical n’est justifié que dans la mesure où il permet de réduire les inconvénients résultant du syndrome de rétraction [13,1620].


Le plus gênant est sans conteste le torticolis induit par le strabisme dans le regard droit devant ; c’est lui qu’il importe de corriger avant tout ; mais l’intervention vise aussi à réduire la rétraction du globe et, partant, le rétrécissement de la fente palpébrale lors de l’adduction, à éliminer le déséquilibre vertical et à élargir, autant que possible, le champ moteur et, partant, le champ de vision binoculaire de l’œil atteint. Le principe stratégique est le même quel que soit le type du syndrome : l’œil à opérer est l’œil atteint.



Correction du torticolis et atténuation simultanée de la rétraction




imageÀ retenir


Le recul de l’antagoniste homolatéral du muscle impotent, déjà proposé par Duane [6], est le geste logique pour corriger le torticolis et par conséquent le strabisme en position primaire. Ce recul est suffisant à lui seul, lorsque la rétraction est légère.


L’angle strabique est rarement supérieur à 20° ; s’il l’est cependant et si l’œil atteint est dominant [13], l’opération peut au besoin être complétée par un recul du droit homonyme de l’œil adelphe au cours d’un second temps opératoire (cf. infra : Procédés à éviter et Dosage opératoire).




En cas de type I et déficit de l’abduction et de strabisme convergent, on recule le droit médial et, à un moindre degré, le droit latéral de l’œil atteint (cf. infra : Procédés à éviter).


En cas de type II et déficit de l’adduction et de strabisme divergent, on recule le droit latéral et, à un moindre degré, le droit médial de l’œil atteint.


En cas de type III, on recule les deux droits horizontaux de l’œil atteint dans le but de réduire la rétraction due à la cocontraction lors de la tentative d’adduction ; le dosage appliqué à chacun des muscles est ajusté de manière à corriger en même temps une éventuelle ésotropie ou exotropie en position primaire.


Lorsque l’atteinte est manifestement bilatérale, on pratique un recul des quatre muscles droits horizontaux, en tenant compte de la symétrie ou l’asymétrie de l’impotence motrice et de la rétraction, ainsi que de la déviation à corriger ; ce recul peut éventuellement être ajustable d’un côté pour l’antagoniste du muscle impotent.


Lorsque l’impotence touche un muscle vertical et qu’elle entraîne un torticolis et/ou une rétraction gênants, l’intervention consiste à reculer les deux droits verticaux de l’œil atteint, selon le sens et l’importance de la déviation en position primaire et selon le torticolis ; l’intervention est bilatérale, si l’atteinte est bilatérale ; de l’un des côtés, on aura recours à une suture ajustable pour éviter un décalage vertical résiduel en position primaire.


Lorsque l’abduction de l’œil atteint est paradoxale, c’est-à-dire synergique de l’abduction de l’œil adelphe dans le type IV ou des mouvements verticaux (de l’abaissement du globe en particulier), et qu’elle est socialement gênante pour le sujet, on cherche à la réduire ; la solution la plus simple pour y parvenir est d’affaiblir le droit latéral de l’œil atteint au moyen d’un recul avec clivage (cf. infra) ; on doit lui associer un recul du droit médial homolatéral, afin de pouvoir sauvegarder l’alignement des yeux dans le regard droit devant.





Procédés à éviter




Le renforcement du muscle impotent, même combiné à un recul de l’antagoniste homolatéral, n’élargit que très modestement le champ moteur ; ce faisant, il majore la rétraction et le rétrécissement de la fente palpébrale dans le regard en direction opposée ; c’est pourquoi il est à éviter.


Le recul en première intention du synergiste controlatéral du muscle impotent n’est pas logique ; il ne peut avoir d’effet sur le muscle impotent ; son effet sur l’action de l’antagoniste homolatéral du muscle impotent ne peut être que limité, car ce muscle est en règle générale fortement hypo-extensible : il réduit en outre le champ de vision de l’œil sain à son opposé (sans bénéfice binoculaire, car la neutralisation persiste dans l’hémichamp correspondant à l’impotence).


La myopexie postérieure du muscle synergique controlatéral ne peut corriger l’impotence musculaire ; en réduisant l’incomitance, elle réduit surtout le champ moteur de l’œil normal ; elle se solde donc au total par une perte fonctionnelle.


La transposition des droits verticaux en première intention, associée ou non à un recul du droit médial homolatéral, ne nous paraît pas raisonnable : alors que les résultats des reculs sont réguliers et satisfaisants, ceux des transpositions sont inégaux aux dires des différents auteurs qui l’ont proposé, avec un risque de déviation verticale résiduelle [18] ; le gain en abduction se fait en outre au détriment de l’adduction.



Dosage opératoire


La quantité de recul appliquée au droit latéral et au droit médial de l’œil atteint diffère selon le sens et l’importance de la déviation en position primaire et selon le torticolis.


L’effet opératoire dépend dans une large mesure de la tension passive des muscles opérés : l’extensibilité du muscle impotent est paradoxalement plus ou moins normale jusqu’à la position primaire de globe ; au-delà de celle-ci, elle diminue et atteint très rapidement sa limite ; mais celle de son antagoniste homolatéral est toujours nettement diminuée.



Pour un premier temps opératoire et un recul simultané :




Syndrome (ou séquence) de Moebius


Le syndrome de Moebius, du nom de l’auteur qui l’a décrit en 18884 et a publié une série de 44 cas en 1892, est une affection rare (≈︀ 0,002 % des naissances) [21].



Le syndrome oculomoteur associe, à des degrés divers, une diplégie faciale, une limitation, symétrique ou non, de l’abduction et, à un moindre degré, de l’adduction et parfois des mouvements verticaux. Il ne correspond à aucun schéma paralytique : il résulte autant de parésies que de contractures musculaires. Certains patients peuvent présenter une paralysie du regard horizontal ; celle-ci respecte toutefois les mouvements de convergence. L’état oculomoteur reste le plus souvent stationnaire ; il peut, cependant, aller en s’aggravant si les contractures augmentent [23].



Le traitement du syndrome oculomoteur est chirurgical : la stratégie opératoire se décide au cas par cas, selon la déviation strabique – habituellement une ésodéviation, souvent à grand angle, rarement une exodéviation ou une déviation verticale –, le torticolis qui en découle et les potentialités binoculaires du patient.


Les tests de duction forcée et d’élongation musculaire, effectués sous anesthésie générale, permettent de faire la part de ce qui revient au déficit des forces actives et aux contractures des muscles.



En cas d’ésotropie, l’opération [2,23] consiste à :



Dans les suites opératoires immédiates, les yeux doivent être protégés en raison de la lagophtalmie, en maintenant au besoin les paupières fermées par un fil.



Syndrome de Brown-Jaensch


H.W. Brown a décrit en 1950 un « syndrome (congénital) de bride de l’oblique supérieur » [24], sous le nom originel de « syndrome congénital de la gaine de l’oblique supérieur ». Auparavant P.A. Jaensch avait décrit en 1928 une forme acquise post-traumatique de ce syndrome [25]. Aussi convient-il d’associer le nom des deux auteurs [26].


Le syndrome de Brown-Jaensch est une limitation de l’élévation en adduction, active et passive, de l’œil atteint, typiquement depuis le méridien horizontal jusqu’au-delà du méridien vertical ; il est dû « à l’impossibilité [mécanique] du tendon réfléchi d’allonger son trajet entre la trochlée et son insertion [sclérale] » [3]. Peu de signes différencient les formes congénitales et acquises (figure 20.8).



Le syndrome congénital affecte plus souvent l’œil droit que le gauche ; il peut être bilatéral. Dans la forme typique, l’impotence verticale n’apparaît qu’au-dessus du méridien horizontal et ne s’accompagne pas d’hypotropie en position primaire ; dans le regard vers le haut, elle est triple avec une exotropie et une incyclotorsion qui augmentent en abduction ; cette incomitance en Y est due au non-relâchement qui touche non seulement l’action élévatrice, mais aussi l’action abductrice et incyclorotatrice du muscle atteint. Dans l’hémi-champ de vision inférieur, la motilité oculaire est normale ; paradoxalement on ne note pas ou guère d’hyperaction de l’oblique inférieur homolatéral, ni du droit supérieur controlatéral. La vision binoculaire est normale en dehors du champ correspondant au trouble moteur ; dans ce champ, en revanche, la plupart des patients éprouvent de la diplopie.


Dans le syndrome congénital « plus », l’impotence déborde le méridien horizontal vers le bas en adduction et, à un degré de plus, aussi en position primaire. L’hypotropie due à l’impotence, et parfois aussi à l’hyperaction compensatrice de l’incyclotorsion, plus tard à la contracture consécutive du droit inférieur homolatéral [27], oblige les sujets à adopter une position de torticolis, menton plus ou moins relevé, pour échapper à la diplopie.



imageComplément


Plusieurs hypothèses ont été avancées au sujet de la physiopathologie du syndrome congénital. Celle émise par Mühlendyck [26] a un fondement anatomoclinique, l’existence d’un cordon fibreux de la moitié postérieure du tendon réfléchi, rémanence d’un muscle oblique supérieur primitif. L’auteur se fonde sur la phylogenèse du muscle oblique supérieur selon Fink [28] et sur sa propre expérience clinique : chez les vertébrés inférieurs (poissons, reptiles, oiseaux), l’oblique supérieur, pendant supérieur de l’oblique inférieur, s’insère dans la région de la trochlée ; chez les mammifères, son insertion orbitaire a reculé jusqu’au voisinage de celles des muscles droits, tandis que l’insertion antérieure s’est transformée en poulie, de sorte que le muscle a gardé son champ d’action originel. Ce cordon (fibreux parce que non innervé) a été retrouvé dans tous les cas opérés par Mühlendyck (73 cas consécutifs) et d’autres opérateurs [26]. Une autre hypothèse est celle d’un syndrome de dysinnervation en corrélation avec l’absence du IVe nerf crânien à l’IRM et la cocontraction des obliques supérieur et inférieur lors de l’élévation en adduction [29]. Des anomalies musculaires différentes sont sans doute possibles, mais exceptionnelles.


Dans les formes acquises, inflammatoire ou traumatique, ou consécutives à une résection ou un plissement de l’oblique supérieur, l’incomitance en Y tend à augmenter en adduction. L’impotence peut être intermittente ; elle peut céder, momentanément ou définitivement, à des efforts répétés d’élévation en adduction lorsqu’il existe une entrave qui empêche le tendon de coulisser librement dans le canal trochléaire ; le sujet ressent alors un brusque déblocage qui s’accompagne d’un clic, parfois audible, phénomène appelé « signe du clic » [30]. Les essais de duction peuvent être douloureux.


Les différences séméiologiques entre les formes congénitales et acquises s’expliquent par les lieux différents de l’entrave mécanique : dans les formes congénitales, il se situe au niveau du cordon fibreux ; dans les formes acquises, il se situe au niveau de la trochlée [26]. Dans un cas comme dans l’autre, le test de duction forcée confirme l’existence d’un obstacle mécanique, empêchant l’élévation en adduction.





Dégagement du tendon réfléchi


Le tendon réfléchi est abordé du côté temporal et nasal du droit supérieur et exploré sur toute sa longueur sous-, intra- et extraténonienne en partant de son insertion sclérale [31]. Celle-ci se situe normalement à cheval sous le bord temporal du droit supérieur (cf. chapitre 1) ; mais elle peut avoir une position inhabituelle, le long du bord nasal de ce muscle et/ou plus loin en arrière. Cette exploration ne doit jamais être délabrante. Le tendon dégagé, on teste l’extensibilité musculaire par une traction effectuée dans l’axe du tendon.






Syndromes de fibrose congénitale


Les syndromes de fibrose congénitale des muscles oculomoteurs entrent dans le cadre des syndromes de dysinnervation crânienne. Leur origine est génétique [1] : ils résultent d’anomalies du développement embryonnaire du IIIe nerf crânien et sont caractérisés par l’impotence d’un ou de plusieurs muscles et l’existence d’innervations aberrantes5 [2,3234]. Ils peuvent être uni- ou bilatéraux, incomplets ou complets.





Syndrome de fibrose généralisée


Les syndromes de fibrose généralisée touchent à des degrés divers l’ensemble des muscles innervés par le IIIe nerf crânien (figure 20.9). Trois types génétiques ont été décrits par Andrews et al. [1] :




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May 4, 2017 | Posted by in CHIRURGIE | Comments Off on 20: Syndromes musculaires et neuromusculaires

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