Chapitre 20 Cultures cellulaires
application au traitement des brûlés
Le développement de substituts cutanés en vue d’applications cliniques est un véritable défi, pour répondre aux besoins des patients dans le respect de normes de sécurité sanitaire draconiennes. Cela explique que tous les modèles développés pour la recherche ou la pharmaco-toxicologie ne sont pas utilisables en clinique.
Le traitement des grands brûlés est l’un des rares domaines où la thérapie cellulaire est régulièrement appliquée. En effet, depuis que les cultures de kératinocytes, ou cultures d’épiderme, ont été mises au point en 1975 par Rheinwald et Green [1], et greffées à deux enfants brûlés par Gallico et O’Connor en 1981 [2]. Cette technique a été utilisée dans la plupart des grands centres de brûlés. Bien que cette technique ait ses limites, elle permet, associée aux progrès réalisés dans tous les autres secteurs du traitement des brûlés, de sauver régulièrement des patients atteints sur plus de 80 % de la surface corporelle [3, 4, 5, 6].
Cultures de kératinocytes
Technique
La culture s’effectue à partir d’une biopsie épaisse de peau saine, de 10 cm2 environ, prélevée idéalement en zone pileuse riche en cellules souches capables de former des colonies [7]. Après identification et transfert au laboratoire, la biopsie est traitée par trypsine pour isoler ces cellules de l’épiderme capables de proliférer. La culture de kératinocytes s’effectue dans la technique originale sur une couche nourricière de fibroblastes murins 3T3 irradiés [1]. L’irradiation permet de stopper la multiplication des fibroblastes, sans altérer leur sécrétion de facteurs de croissance indispensable à la multiplication des kératinocytes. Il est également possible d’inhiber la multiplication des fibroblastes par la mitomycine C. Des fibroblastes d’origine humaine peuvent également être utilisés [8].
Il est également possible, selon la même technique, de produire des cultures d’épiderme allogéniques à partir de la peau d’un donneur, dans le cadre d’un prélèvement de tissus et sous le contrôle sanitaire d’une banque de tissus. Ces feuillets sont préparés à l’avance et congelés et seront donc immédiatement disponibles, alors que les feuillets autologues sont attendus trois semaines. Allogéniques, ils ne peuvent pas assurer un recouvrement définitif, mais jouent un rôle de couverture temporaire et d’inducteurs de la cicatrisation pour les brûlures intermédiaires et les sites de prélèvement en attendant que les cultures autologues soient prêtes [9].
Applications cliniques
La décision de cultiver l’épiderme d’un patient doit se faire rapidement, avant la colonisation bactérienne des lésions. La limite de gravité à partir de laquelle les cultures de kératinocytes sont utilisées recule progressivement, de 50 % de la surface corporelle brûlée dans les années 1990 à plus de 70 % de la surface cutanée actuellement [10].
La préparation du patient et du lit de greffe est essentielle pour permettre la prise des cultures d’épiderme. C’est Cuono, en 1987, qui a décrit la technique de référence [11] ; la zone à recouvrir est excisée précocement et greffée avec de la peau de donneur. Cette peau allogénique, une fois incorporée, stabilise le lit de greffe et évite la surinfection locale. Trois semaines plus tard, le jour de la pose de l’épiderme cultivé, l’épiderme de la peau de donneur est éliminé en respectant le derme. Les feuillets de culture sont alors appliqués de façon jointive (fig. 20-1). Les taux de prise de greffe publiés varient de 47 à 90 % [12].
En l’absence de peau de donneur, la technique combinée associant autogreffe largement expansée et cultures autologues permet d’obtenir un taux de prise satisfaisant [13].
Parallèlement, l’induction de la cicatrisation sur les brûlures du second degré étendues est décrite. Elle permet, pour les patients brûlés sur de grandes surfaces, d’obtenir la cicatrisation précoce de brûlures du second degré profond [9, 14].
L’utilisation de cultures allogéniques comme des inducteurs de la cicatrisation des sites donneurs de greffe permet d’éviter leur approfondissement et donc d’améliorer leur rendement [14, 15].