Chapitre 2 Cicatrisation des plaies
Généralités sur la cicatrisation des plaies
La cicatrisation des plaies, bien qu’elle soit un processus physiologique commun, fait appel à une séquence complexe d’événements tissulaires. Le but de la cicatrisation des plaies est de restaurer l’intégrité anatomique et fonctionnelle d’un organe ou d’un tissu le plus rapidement et le plus parfaitement possible. La cicatrisation peut prendre jusqu’à un an et le résultat de la cicatrisation des plaies est une cicatrice ayant des conséquences variables (fig. 2-1). Une série de réactions succède à la formation d’une plaie, comportant une phase inflammatoire aiguë, une régénération/cicatrisation et une contraction.
• La phase inflammatoire aiguë peut durer de quelques minutes à quelques heures. Le sang coagule rapidement dans les vaisseaux périphériques en réponse à des activateurs tissulaires. Les polynucléaires neutrophiles et les liquides pénètrent dans l’espace extracellulaire. Les macrophages phagocytent les débris de tissus endommagés, puis apparaissent des ébauches vasculaires et les fibroblastes commencent à produire du collagène.
• La régénération consiste à reconstituer le capital des pertes cellulaires. Ce processus ne se produit que dans les tissus composés de cellules à renouvellement rapide (par exemple l’épithélium), qui présentent des mitoses tout au long de la vie. La cicatrisation consiste à remplacer la nécrose par du tissu de granulation qui évolue vers une cicatrice fibreuse.
• Enfin, la contraction tissulaire aboutit à une réduction cicatricielle. La contraction provoque une diminution du volume des tissus réparés de sorte que la cicatrice est plus petite que les tissus sains.
Figure 2-1 Séquence de la cicatrisation d’une plaie d’une surface épithéliale. 1. Création de la plaie. Caillots de sang dans les vaisseaux ; les neutrophiles migrent vers la plaie ; les bords de la plaie commencent à se désintégrer. 2. Les bords de la plaie se repositionnent plan par plan. L’épithélium, bien qu’altéré par la plaie, commence à migrer. Les fibroblastes sous-cutanés augmentent de taille pour devenir actifs. De la fibronectine se dépose sur les berges de la plaie. Les vaisseaux sanguins commencent à produire des bourgeons. 3. L’épithélium recouvre la plaie. Fibroblastes et vaisseaux sanguins pénètrent dans la plaie et délivrent de nouveau du collagène. Une grande partie des débris tissulaires sont éliminés par les macrophages. 4. Tant que la cicatrice se développe, les fibroblastes restent actifs. Les vaisseaux sanguins nouvellement formés se recanalisent. L’apport de collagène renforce la plaie qui se contracte. Noter que les cellules musculaires striées (cellules permanentes) en bas sont remplacées par une cicatrice (flèche).
Cicatrisation des tissus spécifiquement oculaires
Cornée
Une érosion de la cornée, ulcération douloureuse mais rapidement résolutive, est limitée à l’épithélium de surface de la cornée, bien que la membrane de Bowman et le stroma antérieur puissent être également touchés. En moins d’une heure après l’atteinte, des cellules épithéliales parabasilaires commencent à glisser et à migrer à travers la zone désépithélialisée jusqu’à ce qu’un contact s’établisse avec d’autres cellules migrantes. L’inhibition de contact stoppe la migration. Dans le même temps, les cellules basales périphériques se multiplient afin de combler plus rapidement la perte de substance. Même si une abrasion cornéenne importante est habituellement recouverte par les cellules épithéliales migrantes dans les 24 à 48 heures, la guérison complète, qui comporte la restauration de l’épaisseur de l’épithélium (4 à 6 couches) et des jonctions intercellulaires entre les fibrilles, dure 4 à 6 semaines. Les cellules épithéliales sont régulièrement renouvelées, puisque certaines cellules sont en permanence mitotiquement actives ; en conséquence, elles sont en mesure d’assurer le remplacement cellulaire. Si une mince couche de cornée antérieure disparaît lors d’une érosion, la perte de substance peu profonde sera comblée par l’épithélium, formant une sorte de médaillon.
À la suite d’une blessure de la cornée centrale, les neutrophiles migrent sur le site via les larmes (fig. 2-2) et les bords œdématiés de la plaie. Les facteurs de cicatrisation provenant des vaisseaux sont absents. Les glycosaminoglycanes matriciels qui, dans la cornée, sont des kératane sulfates et des chondroïtine sulfates, se désagrègent sur les bords de la plaie. Les fibroblastes du stroma deviennent actifs, migrent finalement à travers la plaie, libérant collagène et fibronectine. La direction des fibroblastes et du collagène n’est pas parallèle aux lamelles stromales. Par conséquent, les cellules sont dirigées en avant et en arrière à travers une plaie qui est toujours visible au microscope comme une irrégularité du stroma et cliniquement comme une opacité. Si les bords de la plaie sont disjoints, et si l’écart n’est pas complètement rempli par la prolifération des fibroblastes, il en résulte une perte de substance incomplètement comblée.
Figure 2-2 Plaie en cornée claire. 1. Le film lacrymal apporte dans la plaie des polynucléaires neutrophiles avec du lysozyme en moins d’une heure. 2. Avec la fermeture de l’incision, le bord de la plaie montre une désintégration précoce et de l’œdème. Les glycosaminoglycanes des berges sont dégradés. Les premiers fibroblastes sont activés. 3. À 1 semaine, la migration de l’épithélium et de l’endothélium participe à l’occlusion de la plaie ; les fibroblastes commencent à migrer et à fournir du collagène. 4. L’activité des fibroblastes et les dépôts de collagène et de matrice se poursuivent. L’endothélium obture la plaie interne et régénère la nouvelle membrane de Descemet. 5. La régénération épithéliale est terminée. Les fibroblastes comblent la perte de substance par du collagène de type I et la cicatrisation ralentit. 6. Contraction de la plaie définitive. Les fibres de collagène ne sont pas parallèles au milieu des lamelles. Le nombre de fibroblastes diminue.
L’épithélium et l’endothélium sont essentiels à la bonne cicatrisation d’une plaie centrale. Si l’épithélium ne recouvre pas la plaie en quelques jours, la guérison du stroma sous-jacent sera hypothéquée et la plaie restera fragile. Les facteurs de croissance de l’épithélium stimulent la cicatrisation et y participent. Les cellules endothéliales proches de la plaie glissent de l’autre côté de la face postérieure de la cornée ; quelques cellules sont remplacées par multiplication mitotique. L’endothélium remet en place une nouvelle couche fine de membrane de Descemet. Si le bord interne de la plaie n’est pas recouvert de membrane de Descemet, les fibroblastes du stroma peuvent continuer à proliférer dans la chambre antérieure en prolifération fibreuse, ou la partie postérieure de la plaie postérieure peut ne pas être obturée. Le collagène fibrillaire initial est remplacé par du collagène plus solide dans les derniers mois de la cicatrisation. La couche de Bowman ne se régénère pas s’il y a incision ou nécrose. Dans un ulcère, la perte de substance est comblée par un épithélium, mais peu de perte stromale est remplacée par du tissu fibreux. La modification du processus de cicatrisation par l’utilisation d’antimétabolites topiques, tels que le 5-fluoroucacile et la mitomycine C, peut être proposée dans certaines situations cliniques (voir la section 10 du BCSC, Glaucome, chapitre 8).