2: Anatomie cœlioscopique du pelvis féminin, du péritoine au rétropéritoine

Chapitre 2 Anatomie cœlioscopique du pelvis féminin, du péritoine au rétropéritoine image




La cœlioscopie et l’anatomie s’associent merveilleusement bien pour l’abord du pelvis féminin. L’approche endoscopique nous livre, en effet, une anatomie descriptive magnifiée en particulier dans le rétropéritoine pelvien. Cet apport de la cœlioscopie découle du progrès de la technologie, capable de fournir des images de grande qualité, mais surtout des règles propres à la dissection cœlioscopique. En effet, si l’endoscope permet d’amener l’œil et les instruments du chirurgien aux limites du pelvis avec une vision de contact, c’est le principe d’une hémostase minutieuse qui est le gage d’une vision anatomique tout au long de la dissection. L’hémostase de vaisseaux de faible calibre, souvent négligée dans une approche traditionnelle, est ici facilitée par le grossissement de l’endoscope et l’utilisation d’énergie de type bipolaire.


Parallèlement, l’objectif poursuivi à travers cette approche « microchirurgicale » vise une meilleure préservation peropératoire des structures fonctionnelles pelviennes notamment vasculo-nerveuses avec à la clé des conséquences cliniques importantes.


Ce chapitre s’articule autour de différentes vues opératoires du pelvis en mettant l’accent sur le rétropéritoine, où l’apport de cette voie apparaît le plus significatif. Dans le but d’uniformiser le langage anatomo-chirurgical, nous utiliserons autant que possible la terminologie anatomique internationale Nomina Anatomica adaptée à la langue française par le Collège médical français des professeurs d’anatomie.


Enfin pour aller plus loin, nous conseillons volontiers la lecture complémentaire d’ouvrages anatomiques de référence [1] ou de publications internationales à ce sujet [5].



Péritoine opératoire et cavité pelvienne



Paroi abdominale antérieure


Lors de la mise en place des trocarts opérateurs latéraux, il faut insister sur le repérage des vaisseaux épigastriques inférieurs. L’installation historique en triangle de sécurité avec des trocarts disposés en sus-pubien et en dedans de ces vaisseaux est aujourd’hui abandonnée car peu ergonomique.



Pour un abord pelvien, les trocarts latéraux sont désormais introduits en regard de l’épine iliaque antéro-supérieure latéralement par rapport à ces vaisseaux. Ceux-ci naissent des vaisseaux iliaques externes au voisinage de l’arcade fémorale sous le ligament rond. Ils remontent ensuite dans la paroi abdominale antérieure, latéralement à l’artère ombilicale et se placent en arrière des muscles grand droit de l’abdomen au niveau de l’épine iliaque antéro-supérieure. Comme le montre la figure 2.1, ils sont le plus souvent visibles par cœlioscopie soit directement à travers le péritoine, soit par le relief péritonéal (pli ombilical latéral) qu’ils forment en dehors du relief de l’artère ombilicale (pli ombilical médial).




Péritoine pelvien (image vidéo 2.1)




La figure 2.2 illustre une vue générale du pelvis après la mise en position de Trendelenburg, le refoulement des anses intestinales au-dessus du promontoire et l’antéversion de l’utérus. La canulation utérine est un élément essentiel pour la mobilisation de l’utérus. Outre l’exposition des différentes faces de l’utérus, elle va faciliter l’accès aux culs-de-sac vésico-utérin, recto-utérin (Douglas) avec leurs septums sous-jacents et au niveau des ligaments larges, l’accès aux espaces rétropéritonéaux latéraux.



La vision endoscopique latérale de la cavité pelvienne (fig. 2.3) permet d’observer plus en détail les annexes de l’utérus, trompe et ovaire, et le ligament large dont le feuillet péritonéal antérieur est soulevé en son milieu par le ligament rond tendu entre la corne utérine et l’anneau inguinal profond. Nous visualisons également l’émergence pelvienne du ligament suspenseur de l’ovaire (lombo-ovarien) surcroisant l’axe des vaisseaux iliaques externes. En dedans de ce pédicule, la pince endoscopique pointe l’uretère droit sous le péritoine dans sa portion pariétale et rétroligamentaire au niveau de la fosse ovarique. Chez les patientes maigres, il est parfois possible d’observer, à travers le péritoine de cette fosse, les premières branches collatérales du tronc antérieur de l’artère iliaque interne (hypogastrique) auxquelles l’uretère répond latéralement, à savoir : les artères ombilicale, utérine et vaginale(s) (fig. 2.4). Il est à noter que du côté gauche, la visualisation de l’uretère à ce niveau et celle de l’émergence du ligament suspenseur de l’ovaire sont souvent rendues plus difficiles par l’interposition du côlon sigmoïde et du rectum. L’abord de ces éléments nécessite donc souvent le décollement de la charnière recto-sigmoïdienne en regard des vaisseaux iliaques externes. Une description plus détaillée de l’uretère pelvien fera l’objet d’un paragraphe spécifique.





Promontoire


À la limite supérieure du pelvis, il est le plus souvent abordé sur la droite du sigmoïde. À ce titre, son exposition cœlioscopique, comme celle de la concavité sacrée, peut être facilitée dans certaines interventions (voir chapitre 11, § Installation) par la fixation transpariétale dans l’hypocondre gauche des franges graisseuses périsigmoïdienne et périrectale.


La figure 2.5 illustre les éléments anatomiques sous-péritonéaux observés dans cette zone. Sur la ligne médiane, les vaisseaux sacraux médians se trouvent en regard du ligament prévertébral commun. Ils sont généralement respectés dans la promonto-fixation cœlioscopique, où dans notre expérience la prothèse est fixée sur la partie droite du ligament. Latéralement à droite : nous observons l’artère iliaque primitive homolatérale puis la bifurcation iliaque et l’uretère qui croise l’origine de l’artère iliaque externe. La confluence veineuse iliaque étant plus basse et légèrement latéralisée à droite par rapport à la bifurcation aortique, c’est la veine iliaque primitive gauche qui constitue la limite supérieure de cette région.




Cette veine est potentiellement dangereuse dans la dissection du promontoire en raison de sa proximité et de son identification qui n’est pas toujours aisée. La pression du pneumopéritoine a effectivement tendance à effacer son relief péritonéal a fortiori chez l’obèse et c’est alors sa coloration bleutée qui aidera à la signaler. Par ailleurs, certaines variations anatomiques comme une confluence veineuse plus basse et/ou une sacralisation du promontoire renforceront d’autant son rapport avec le promontoire et l’attention qu’il faudra porter à la dissection.




Rétropéritoine pelvien


Du péritoine pelvien aux parois pelviennes, il s’agit d’un espace conjonctif primordial d’un point de vue fonctionnel en raison des éléments anatomiques qu’il contient. Il est parcouru par l’uretère, les vaisseaux, les lymphatiques et les nerfs végétatifs à destinée ou de retour des viscères pelviens. Il constitue le véritable enjeu de la chirurgie du cancer, de l’endométriose profonde ou encore du prolapsus.


Son organisation fonctionnelle repose sur des structures conjonctives denses, les « ligaments » viscéraux et les fascias (viscéral et pariétal), ménageant entre elles, au contact des viscères et des parois pelviennes, des zones conjonctives lâches clivables chirurgicalement : les espaces et les septums. L’abord de ces espaces, virtuels à l’état physiologique, est à la base de la dissection chirurgicale.


En ce qui concerne les septums et les espaces, sont successivement distingués (fig. 2.6) :




À leurs extrémités, ces différents espaces communiquent entre eux. En dehors de l’espace rétrorectal et présacral, leur description est ici détaillée par voie endoscopique.


Pour les « ligaments » viscéraux, sont également décrits :



Les « ligaments » latéraux véhiculent les branches terminales du tronc antérieur de l’artère iliaque interne. Quant aux ligaments sagittaux, ils contiennent des nerfs végétatifs sur une partie de leurs trajets. Ils sont de fait d’un grand intérêt chirurgical.


Comme il l’a été évoqué, il ne s’agit pas de ligaments au sens anatomique du terme mais de zones de densification du conjonctif échangeant des fibres entre elles et se prolongeant à leurs extrémités par les fascias. Il en résulte une remarquable intrication de ces structures entre elles pouvant être la source d’une certaine confusion, à la fois pour le chirurgien et dans la description des techniques chirurgicales. Ce phénomène est caractéristique aux niveaux des « ligaments » latéraux (fig. 2.7 et 2.8). En effet, au contact de la paroi pelvienne latérale (fig. 2.9), paramètre, paracervix et ligament latéral de la vessie présentent une parfaite continuité d’insertion sans qu’il soit possible de les distinguer. Il en est de même en regard de la vessie (fig. 2.10) entre le ligament vésico-utérin, le paramètre (expansion antérieure) et le ligament latéral de la vessie. Tout cela donne l’impression au chirurgien d’avoir à faire à une seule et même structure disposée transversalement dans le pelvis latéral, d’où certaines appellations, comme le ligament cardinal (ensemble paramètre-paracervix), qui perdurent et ajoutent à la confusion par manque de précision. C’est pour cette raison qu’actuellement l’emploi de la terminologie anatomique internationale à ce sujet semble la plus opportune dans la volonté d’unifier le vocabulaire anatomo-chirurgical [1]. L’uretère reste le repère essentiel dans la distinction de ces structures. Pour bien comprendre, retenons que le paramètre porte l’artère utérine et se situe au-dessus de l’uretère alors que le paracervix porte la ou les artères vaginales et se situe au-dessous de l’uretère tout comme le ligament latéral de la vessie porte l’artère vésicale supérieure. Dans ce contexte, le pouvoir discriminatif de la cœlioscopie s’adapte parfaitement à cette précision anatomique et à cette complexité architecturale.







Spécificité de la dissection cœlioscopique rétropéritonéale


D’emblée, il faut souligner l’effet « disséquant » du pneumopéritoine au sein de cet espace. Il est observable, dès l’incision péritonéale où le CO2 s’infiltre sous le péritoine tracté et le décolle. Plus loin, dans l’abord des différents espaces pelviens, le gaz suivra toujours le chemin des plans de clivage. Cet effet se manifeste par la création de « bulles » qui ne font que traduire l’expansion provoquée par le gaz du feutrage conjonctif comblant ces espaces virtuels à l’origine. En pratique, ces « bulles » sont donc d’une aide précieuse pour le chirurgien en lui montrant le plan à suivre pour développer l’espace tout en permettant une progression dynamique de la dissection. Cet avantage donne aussi son caractère « intuitif » à la dissection cœliochirurgicale. Il est effectivement possible, dans l’ouverture de certains espaces, de s’amender des repères anatomiques classiques et de suivre le gaz après que le conjonctif superficiel a été dilacéré.



De manière complémentaire, les mouvements de traction divergente des deux instruments de l’opérateur sont largement utilisés pour progresser dans ces espaces. Ils reproduisent les mouvements d’ouverture et de fermeture des mors de ciseaux chirurgicaux traditionnels avec une amplitude néanmoins augmentée en raison d’un bras de levier plus important lié aux points fixes représentés par les trocarts. En conséquence, ces mouvements doivent être effectués sans résistance sous peine de dégâts tissulaires et de saignements.


Le principe d’une hémostase rigoureuse et minutieuse est rappelé ici, avec la volonté de conserver une vision anatomique tout au long de la dissection jusqu’aux limites profondes des espaces concernés par l’intervention. Ce qui explique la présence quasi constante, dans une des mains de l’opérateur, d’un instrument hémostatique type pince bipolaire ; d’autant plus que l’évolution de ces instruments permet de nouvelles fonctionnalités en termes de préhension et de dissection.


Enfin l’ergonomie, qui doit être un souci constant du chirurgien cœlioscopique, peut l’amener pour améliorer son exposition à réaliser des fixations tissulaires transpariétales. Il est ainsi possible de fixer simplement, à l’aide de fils et d’aiguilles, différents types d’organes : les franges graisseuses périsigmoïdiennes dans l’abord du promontoire, les ovaires dans l’endométriose de la cloison recto-vaginale, le mésentère dans la lymphadénectomie lombo-aortique ou encore la vessie dans la dissection de l’uretère et du paramètre.

Stay updated, free articles. Join our Telegram channel

Apr 23, 2017 | Posted by in GYNÉCOLOGIE-OBSTÉTRIQUE | Comments Off on 2: Anatomie cœlioscopique du pelvis féminin, du péritoine au rétropéritoine

Full access? Get Clinical Tree

Get Clinical Tree app for offline access