CHAPITRE 19 TRAITEMENT DE L’OSTÉOPOROSE ET DE L’OSTÉOMALACIE
GÉNÉRALITÉS
Physiopathologie
Ainsi, des « signaux » sont secondairement à l’origine du recrutement des ostéoblastes. Des facteurs systémiques mais aussi des facteurs locaux (cytokines, facteurs de croissance) régulent les activités des cellules osseuses. Parmi les facteurs endocriniens, seule la calcitonine agit clairement sur la résorption puisque les ostéoclastes possèdent de nombreux récepteurs pour cette hormone. En revanche, l’activité de différenciation ostéoclastique de l’hormone parathyroïdienne serait médiée par une cytokine ostéoblastique. De la même façon, l’augmentation du nombre des ostéoclastes lors de la carence en œstrogène est due à une cytokine ostéoblastique, l’interleukine 6 (IL-6). Cependant, des récepteurs aux œstrogènes ont été découverts sur ces deux types de cellules, ceci dans différentes espèces animales. Les mécanismes d’action des hormones calciotropes sur l’activité ostéoblastique ont été élucidés. Certains fragments de la parathormone sont impliqués dans la liaison de cette hormone à son récepteur. De même, le calcitriol (1,25 dihydroxy vit. D3), métabolite actif de la vitamine D, a de nombreux effets sur les cellules ostéoblastiques. Il se lie à des récepteurs spécifiques et ses effets varient en fonction de l’état de différenciation des cellules modulant ainsi l’activité ostéoblastique. La régulation des ostéoblastes est ici encore assurée par des facteurs de croissance et accessoirement par les cytokines. Les facteurs de croissance sont présents dans la matrice osseuse et libérés lors de la résorption osseuse. Ils participent ainsi à la différenciation et à la prolifération ostéoblastiques. Ils sont probablement impliqués en tant que facteurs de couplage de ces activités. Enfin, les effets de plusieurs hormones (hormones thyroïdiennes, insuline, glucocorticoïdes) sur les processus de résorption et de formation ont été reconnus [1].
Plus récemment, le rôle important des ostéocytes dans le remodelage osseux a été mis en évidence. Les ostéocytes dérivent des ostéoblastes qui ont été « emmurés » dans l’os lors de la formation osseuse. Ces ostéocytes communiquent entre eux mais également avec les autres cellules osseuses et le milieu extra-osseux grâce à un réseau de fins canalicules très dense. Ils sont réceptifs au contraintes exercées sur l’os. Lorsque celles-ci cessent, ils sécrètent une substance appelée sclérostine qui est capable d’inhiber le système Wnt et par la même de s’opposer à la formation osseuse en limitant la différenciation des ostéoblastes [2]. Des anticorps anti-sclérostine sont en développement en tant qu’agents ostéoformateurs.
La régulation du métabolisme osseux est complexe. Elle met en jeu de nombreux mécanismes qui assurent un équilibre entre les différentes activités. Cependant, lorsque la vitesse de résorption dépasse celle de la formation et quand le nombre d’unités actives augmente, surviennent alors une perte osseuse et une fragilisation de l’os.
Ostéoporose
L’ostéoporose peut être définie par une diminution de la masse osseuse associée à des modifications architecturales responsables d’un risque accru de fractures. La masse osseuse mesurée par ostéodensitométrie est un facteur prédictif précis du risque de fractures [3]. Le diagnostic de maladie ostéoporotique est réalisé à partir de la mesure de la densité minérale osseuse (DMO) par absorptiométrie biphotonique.
Dans les deux sexes, la diminution est progressive avec l’âge. Les déterminants principaux de l’ostéoporose sénile ou ostéoporose de type II sont les carences nutritionnelles (calcium, vitamine D) et l’hygiène de vie (absence d’exercice physique, alcool, tabac, etc.). L’insuffisance vitaminique D par défaut d’ensoleillement (synthèse cutanée de vitamine D) et d’hydroxylations hépatique et/ou rénale, l’insuffisance calcique qui résulte de la précédente ou par défaut d’apport, participent largement à la stimulation parathyroïdienne responsable d’une hyperrésorption osseuse (tableau 19.1).
Cette division des ostéoporoses primitives en type I et II n’est pas inutile. Toutefois, il est évident que la frontière entre les deux types est mal limitée [4].
Ostéomalacie
L’ostéomalacie, comme l’ostéoporose, est une affection métabolique qui concerne le squelette dans sa globalité [5]. Elle se caractérise par un important retard de minéralisation de la matière osseuse nouvellement formée, ce qui conduit à une accumulation anormale de tissu ostéoïde non calcifié.
Les causes sont nombreuses, une classification des ostéomalacies a pu être établie (tableau 19.2). Elles sont provoquées par des pathologies diverses, un dysfonctionnement digestif ou rénal. Elles peuvent aussi être iatrogènes ou oncogènes. Les ostéomalacies génétiquement transmissibles présentent un tableau clinique caractéristique.
Ostéomalacies dépendantes de la vitamine D et de son métabolisme |
Ostéomalacies secondaires à une fuite rénale des phosphates |
Ostéomalacies sans anomalie vitaminique ou tubulaire |
Le diagnostic d’une ostéomalacie nécessite une analyse clinique, radiologique et histologique.
Les examens biologiques standards peuvent parfois être discriminants. Dans les ostéomalacies carentielles, quelle que soit leur cause, calcémie et phosphorémie sont diminuées et les phosphatases alcalines sont élevées. Le dosage du métabolite hydroxylé, la 25-OH vitamine D, constituant le meilleur reflet de la réserve vitaminique D, est très faible, inférieur à 5 ng/mL.
MÉDICAMENTS DE L’OSTÉOPOROSE
Les traitements de l’ostéoporose visent à prévenir la perte osseuse à la période où elle survient (ménopause, vieillissement) et, plus récemment, à obtenir un gain de masse osseuse lorsque le risque de fracture est important [1]. Ainsi, il est préconisé d’agir sur les déterminants majeurs de l’ostéoporose.
– La carence œstrogénique responsable d’une augmentation du remodelage osseux et d’un déséquilibre entre résorption et formation chez la femme à la ménopause, ceci d’autant plus qu’elle survient précocement. Chez les femmes âgées ménopausées depuis plus de 10 ans, cette carence contribue encore à la perte osseuse puisque l’œstrogénothérapie chez la femme de plus de 65 ans permet de freiner la perte osseuse, voire d’entraîner un gain osseux. Une alternative à l’œstrogènothérapie substitutive est proposée, il s’agit des médicaments modulateurs sélectifs des récepteurs aux œstogènes.
– Les insuffisances en calcium et en vitamine D responsables de l’augmentation des concentrations sanguines en hormone parathyroïdienne. Une relation négative entre densité osseuse (col du fémur ou colonne vertébrale) et les valeurs circulantes de parathormone a été mise en évidence. La supplémentation calcique chez les sujets âgés stabilise la densité osseuse. La double supplémentation vitaminique et calcique, en particulier chez les sujets en institution évite la perte osseuse et les fractures par le biais d’une normalisation des concentrations en parathormone.
Classification des antiostéoporotiques
Les médicaments utilisés et actuellement commercialisés en France sont classés dans le tableau 19.3.
Mécanisme d’action
Antiostéoporotiques spécifiques
Les bisphosphonates inhibent l’activité de résorption des ostéoclastes sans altérer la formation d’os nouveau par les ostéoblastes [6]. Ils se fixent préférentiellement aux sites actifs de résorption, sous les ostéoclastes. Au cours de l’acidification par les ostéoclastes de l’interface osseuse, les bisphosphonates sont libérés dans l’espace de résorption. Ils sont alors responsables d’une altération de la morphologie des ostéoclastes avec anomalies du cytosquelette et modification de la bordure plissée. Récemment, il a été montré que les bisphosphonates stimulent l’apoptose des ostéoclastes et par conséquent réduisent leur durée de vie permettant une régulation du processus exagéré de résorption osseuse.
La parathormone en sécrétion continue augmente la prolifération des cellules ostéoblastiques après activation de la protéine kinase C [7].
Le strontium sous la forme du ranélate est un ion divalent qui, à l’instar du calcium présente un fort tropisme osseux. Le strontium s’adsorbe aux cristaux d’hydroxyapatite où il exerce ces effets sur les cellules osseuses. Il permet d’augmenter la densité minérale osseuse, par une diminution de la résorption osseuse en favorisant l’apoptose des ostéoclastes et par une majoration de la formation osseuse.
Antiostéoporotiques non spécifiques
La supplémentation hormonale à partir de l’administration d’œstrogène (estradiol, estriol ou estrone) agit par l’intermédiaire de récepteurs sur les ostéoblastes. Elle freine la production de différents facteurs locaux appelés cytokines, principalement l’interleukine 6 (IL-6), également l’interleukine 1 (IL-1) et le Tumor Necrosis Factor (TNF) qui stimulent l’activité de différenciation des ostéoclastes. Les œstrogènes permettent ainsi de réduire le nombre des ostéoclastes, mais aussi de freiner leur activité [8].