19: TRAITEMENT DE L’OSTÉOPOROSE ET DE L’OSTÉOMALACIE

CHAPITRE 19 TRAITEMENT DE L’OSTÉOPOROSE ET DE L’OSTÉOMALACIE





GÉNÉRALITÉS



Physiopathologie


L’os est un tissu vivant dont la matrice collagénique présente la particularité d’être minéralisée. Son renouvellement permanent est assuré par un cycle continu de destruction (ou résorption) et de reconstruction (ou formation) qui se déroule au sein d’unités de remodelage du squelette, ceci grâce à la présence de cellules spécialisées. Ainsi, initialement les ostéoclastes creusent les lacunes de résorption qui seront secondairement comblées par de l’os nouveau synthétisé par les ostéoblastes. Ces unités fonctionnent par une succession de phases constituant des cycles de trois mois environ chez l’adulte, le phénomène n’étant pas synchrone au niveau du squelette.


Le renouvellement de l’os assure le maintien de sa qualité architecturale, mais également celui de l’homéostasie calcique. Il est environ huit fois plus rapide dans l’os trabéculaire (vertèbre) que dans l’os cortical.


Des interactions ostéoblaste-ostéoclaste sont nécessaires à la phase d’activation du remodelage correspondant à la différenciation ostéoclastique. Récemment, les relations entre les cellules ostéoformatrices et les cellules de la résorption de l’os ont été mises en évidence sous la forme d’un système ternaire. Ce système implique l’ostéoprotégèrine (OPG) synthétisé et sécrété par les ostéoblastes, le RANK (receptor activator of nFkB) exprimé par l’ostéoclaste et son ligand sur l’ostéoblaste, le RANK-L. Une régulation de la différenciation ostéoclastique est ainsi assurée par ce système commandé par l’ostéoblaste qui lui-même réagit à différents stimuli, activateurs ou inhibiteurs. L’OPG est un inhibiteur naturel de ce système d’activation ostéoclastique. Un antiostéporotique a été développé grâce à l’élaboration d’un anticorps anti-RANK-L.


Ainsi, des « signaux » sont secondairement à l’origine du recrutement des ostéoblastes. Des facteurs systémiques mais aussi des facteurs locaux (cytokines, facteurs de croissance) régulent les activités des cellules osseuses. Parmi les facteurs endocriniens, seule la calcitonine agit clairement sur la résorption puisque les ostéoclastes possèdent de nombreux récepteurs pour cette hormone. En revanche, l’activité de différenciation ostéoclastique de l’hormone parathyroïdienne serait médiée par une cytokine ostéoblastique. De la même façon, l’augmentation du nombre des ostéoclastes lors de la carence en œstrogène est due à une cytokine ostéoblastique, l’interleukine 6 (IL-6). Cependant, des récepteurs aux œstrogènes ont été découverts sur ces deux types de cellules, ceci dans différentes espèces animales. Les mécanismes d’action des hormones calciotropes sur l’activité ostéoblastique ont été élucidés. Certains fragments de la parathormone sont impliqués dans la liaison de cette hormone à son récepteur. De même, le calcitriol (1,25 dihydroxy vit. D3), métabolite actif de la vitamine D, a de nombreux effets sur les cellules ostéoblastiques. Il se lie à des récepteurs spécifiques et ses effets varient en fonction de l’état de différenciation des cellules modulant ainsi l’activité ostéoblastique. La régulation des ostéoblastes est ici encore assurée par des facteurs de croissance et accessoirement par les cytokines. Les facteurs de croissance sont présents dans la matrice osseuse et libérés lors de la résorption osseuse. Ils participent ainsi à la différenciation et à la prolifération ostéoblastiques. Ils sont probablement impliqués en tant que facteurs de couplage de ces activités. Enfin, les effets de plusieurs hormones (hormones thyroïdiennes, insuline, glucocorticoïdes) sur les processus de résorption et de formation ont été reconnus [1].


Plus récemment, le rôle important des ostéocytes dans le remodelage osseux a été mis en évidence. Les ostéocytes dérivent des ostéoblastes qui ont été « emmurés » dans l’os lors de la formation osseuse. Ces ostéocytes communiquent entre eux mais également avec les autres cellules osseuses et le milieu extra-osseux grâce à un réseau de fins canalicules très dense. Ils sont réceptifs au contraintes exercées sur l’os. Lorsque celles-ci cessent, ils sécrètent une substance appelée sclérostine qui est capable d’inhiber le système Wnt et par la même de s’opposer à la formation osseuse en limitant la différenciation des ostéoblastes [2]. Des anticorps anti-sclérostine sont en développement en tant qu’agents ostéoformateurs.


La régulation du métabolisme osseux est complexe. Elle met en jeu de nombreux mécanismes qui assurent un équilibre entre les différentes activités. Cependant, lorsque la vitesse de résorption dépasse celle de la formation et quand le nombre d’unités actives augmente, surviennent alors une perte osseuse et une fragilisation de l’os.



Ostéoporose


L’ostéoporose peut être définie par une diminution de la masse osseuse associée à des modifications architecturales responsables d’un risque accru de fractures. La masse osseuse mesurée par ostéodensitométrie est un facteur prédictif précis du risque de fractures [3]. Le diagnostic de maladie ostéoporotique est réalisé à partir de la mesure de la densité minérale osseuse (DMO) par absorptiométrie biphotonique.


La probabilité d’apparition de l’ostéoporose est déterminée par la vitesse et la durée de la perte osseuse après constitution du pic de masse osseuse. Ce dernier est acquis en général au cours de la deuxième décennie. La diminution de la masse osseuse est ensuite progressive avec une accélération chez la femme à la ménopause en raison de la carence brutale en œstrogènes (ostéoporose postménopausique ou ostéoporose de type I). Les vertèbres riches en os trabéculaire sont alors préférentiellement les sites principaux de la perte osseuse précoce (fractures vertébrales avec déformation).


Dans les deux sexes, la diminution est progressive avec l’âge. Les déterminants principaux de l’ostéoporose sénile ou ostéoporose de type II sont les carences nutritionnelles (calcium, vitamine D) et l’hygiène de vie (absence d’exercice physique, alcool, tabac, etc.). L’insuffisance vitaminique D par défaut d’ensoleillement (synthèse cutanée de vitamine D) et d’hydroxylations hépatique et/ou rénale, l’insuffisance calcique qui résulte de la précédente ou par défaut d’apport, participent largement à la stimulation parathyroïdienne responsable d’une hyperrésorption osseuse (tableau 19.1).



Cette division des ostéoporoses primitives en type I et II n’est pas inutile. Toutefois, il est évident que la frontière entre les deux types est mal limitée [4].


Des facteurs de risque multiples ont été encore identifiés, tels que anorexie mentale, hyperprolactinémie, myélome multiple, hyperthyroïdie ou encore hyperparathyroïdie primitive, interventions chirurgicales (ovariectomie-gastrectomie), administration prolongée de glucocorticoïdes (ostéoporose cortisonique), d’hormone thyroïdienne et d’agoniste/antagonistes de la Gn-RH (ou LH-RH).


Le diagnostic d’ostéoporose est basé sur la réduction de la densité minérale osseuse d’au moins 2,5 écarts type par rapport au pic de masse osseuse d’une population de référence. La définition densitométrique établie par l’OMS distingue les patients ayant une densité osseuse normale, les patients ostéopéniques (DMO < -1 DS) et ostéoporotiques (DMO < -2,5 DS).



Ostéomalacie


L’ostéomalacie, comme l’ostéoporose, est une affection métabolique qui concerne le squelette dans sa globalité [5]. Elle se caractérise par un important retard de minéralisation de la matière osseuse nouvellement formée, ce qui conduit à une accumulation anormale de tissu ostéoïde non calcifié.


Actuellement, plusieurs types d’ostéomalacie sont décrits. Dans les pays médicalisés, l’ostéomalacie par carence en vitamine D, associée chez l’enfant au rachitisme, est peu fréquente, mais non complètement éradiquée.


Les causes sont nombreuses, une classification des ostéomalacies a pu être établie (tableau 19.2). Elles sont provoquées par des pathologies diverses, un dysfonctionnement digestif ou rénal. Elles peuvent aussi être iatrogènes ou oncogènes. Les ostéomalacies génétiquement transmissibles présentent un tableau clinique caractéristique.


Tableau 19.2 Classification étiologique des ostéomalacies (d’après Marie [5]).















Ostéomalacies dépendantes de la vitamine D et de son métabolisme

Ostéomalacies secondaires à une fuite rénale des phosphates

Ostéomalacies sans anomalie vitaminique ou tubulaire


Le diagnostic d’une ostéomalacie nécessite une analyse clinique, radiologique et histologique.


Les manifestations cliniques ne sont observées que dans les formes sévères. Dans la majorité des cas, seules des douleurs diffuses du rachis, des côtes et du bassin constituent le tableau clinique. Très fréquemment, une myopathie responsable de douleurs musculaires est retrouvée. Elle pourrait être induite par l’hypophosphatémie ou la carence en vitamine D elle-même.


À la radiographie, l’ostéomalacie se signale par une hyper-transparence osseuse qui se caractérise par un aspect flou et par des pseudo-fractures appelées fissures.


Les examens biologiques standards peuvent parfois être discriminants. Dans les ostéomalacies carentielles, quelle que soit leur cause, calcémie et phosphorémie sont diminuées et les phosphatases alcalines sont élevées. Le dosage du métabolite hydroxylé, la 25-OH vitamine D, constituant le meilleur reflet de la réserve vitaminique D, est très faible, inférieur à 5 ng/mL.


Lorsque le diagnostic d’ostéomalacie ne peut être établi avec précision, une biopsie osseuse s’impose. En effet, dans un cas sur deux, les signes cliniques, radiologiques et biochimiques sont insuffisants. Le prélèvement est réalisé en crête iliaque. L’os non décalcifié est inclus dans une résine synthétique afin d’obtenir des coupes histologiques sur lesquelles seront appliquées des méthodes d’analyses semi-quantitatives des paramètres histomorphométriques de formation et de résorption de l’os. Ainsi, l’ostéomalacie se caractérise par une hyper-ostéoïdose (augmentation de l’épaisseur des liserés ostéoïdes) associée à un défaut de minéralisation (réduction de la vitesse et des surfaces en voie de minéralisation).



MÉDICAMENTS DE L’OSTÉOPOROSE


Les traitements de l’ostéoporose visent à prévenir la perte osseuse à la période où elle survient (ménopause, vieillissement) et, plus récemment, à obtenir un gain de masse osseuse lorsque le risque de fracture est important [1]. Ainsi, il est préconisé d’agir sur les déterminants majeurs de l’ostéoporose.



Il est également proposé d’agir directement sur la cible de choix, à savoir l’ostéoclaste pour bloquer le processus de destruction osseuse, soit par administration de calcitonine, soit principalement par l’utilisation des bisphosphonates. Cependant, le ranélate de strontium agit, simultanément, sur l’osté-oclaste en diminuant la différenciation et l’activité de résorption et sur l’ostéoblaste pour augmenter la formation osseuse. C’est un médicament qui rééquilibre le métabolisme osseux en faveur de la formation.


D’autres médicaments stimulants la formation osseuse sont aujourd’hui utilisés, ainsi la parathormone, plus précisèment la fraction 1-34 en injection continue, associée à une supplémentation vitamino-calcique est proposée.




Mécanisme d’action



Antiostéoporotiques spécifiques


La calcitonine agit directement sur les ostéoclastes qui présentent de nombreux récepteurs à cette hormone. Ces récepteurs sont probablement couplés à plusieurs protéines G entraînant ainsi une augmentation du calcium cytosolique et de l’AMP cyclique intracellulaire à l’origine d’une rétraction et d’une immobilisation cellulaire.


Les bisphosphonates inhibent l’activité de résorption des ostéoclastes sans altérer la formation d’os nouveau par les ostéoblastes [6]. Ils se fixent préférentiellement aux sites actifs de résorption, sous les ostéoclastes. Au cours de l’acidification par les ostéoclastes de l’interface osseuse, les bisphosphonates sont libérés dans l’espace de résorption. Ils sont alors responsables d’une altération de la morphologie des ostéoclastes avec anomalies du cytosquelette et modification de la bordure plissée. Récemment, il a été montré que les bisphosphonates stimulent l’apoptose des ostéoclastes et par conséquent réduisent leur durée de vie permettant une régulation du processus exagéré de résorption osseuse.


Les SERMs (abréviation anglo-saxonne de Selective Estrogen Receptor Modulator) ou MoSARE (modulateur sélectif de l’activation des récepteurs aux œstrogènes) avec le raloxifène (seul traitement actuellement disponible) ont un mécanisme d’action qui n’est pas encore totalement élucidé. Le raloxifène agit sur les récepteurs œstrogéniques α et β, les complexes ainsi formés modifient la réponse de certains gènes cibles en se liant soit à un élément de réponse spécifique des œstrogènes, soit à un élément de réponse spécifique du raloxifène, soit à d’autres sites génomiques. La diversité de l’expression des deux types de récepteur œstrogénique, et la variation des facteurs de transcription, expliquent la sélectivité d’action de ces molécules, ayant un effet bénéfique osseux, sans avoir d’effet néfaste ni sur l’endomètre, ni le sein.


La parathormone en sécrétion continue augmente la prolifération des cellules ostéoblastiques après activation de la protéine kinase C [7].


La PTH 1-34 qui représente la séquence des 34 acides aminés de l’extrémité aminoterminale de parathormone humaine, reproduit les effets de la parathormone, grâce à une administration répétée, principal régulateur du métabolisme phosphocalcique au niveau osseux et rénal. Il s’agit de la séquence active de la parathormone humaine qui stimule la formation osseuse par un effet direct sur l’ostéoblaste et augmente l’absorption du calcium, la réabsorption tubulaire du calcium et l’excrétion rénale du phosphate.


Le strontium sous la forme du ranélate est un ion divalent qui, à l’instar du calcium présente un fort tropisme osseux. Le strontium s’adsorbe aux cristaux d’hydroxyapatite où il exerce ces effets sur les cellules osseuses. Il permet d’augmenter la densité minérale osseuse, par une diminution de la résorption osseuse en favorisant l’apoptose des ostéoclastes et par une majoration de la formation osseuse.


Le dénosumab est un anticorps monoclonal IgG2 humain recombinant dirigé contre le RANK ligand, il empêche par conséquent l’interaction du ligand sur son récepteur, le RANK, inhibant ainsi le recrutement et la différenciation des ostéoclastes. Il est donc un puissant agent anti résorbant.




Relation structure-activité



Antiostéoporotiques spécifiques






Pharmacocinétique



Antiostéoporotiques spécifiques



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May 4, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 19: TRAITEMENT DE L’OSTÉOPOROSE ET DE L’OSTÉOMALACIE

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