Chapitre 19 Lésions bénignes du sein
Selon le lexique de l’American College of radiology (ACR), une lésion bénigne décelée en mammographie et/ou échographie est classée, d’après le Breast Imaging Reporting and Data System (BI-RADS), en catégorie 2 [1].
Le principe est le même en IRM mammaire, sauf que le MR-BI-RADS n’a pas encore détaillé les critères selon lesquels les lésions doivent être classées en BI-RADS 3 [2]. Des études récentes montrent que le risque des BI-RADS 3 en IRM rejoint celui de l’imagerie conventionnelle [3, 4].
En pratique courante, le radiologue est confronté aux lésions bénignes dans différentes situations :
• au moment du dépistage du cancer du sein où il doit reconnaître et classer correctement une lésion bénigne afin d’éviter des examens supplémentaires, voire des prélèvements percutanés source d’angoisse pour la patiente ;
• en IRM, lors d’un bilan d’extension d’un cancer du sein afin de ne pas augmenter les faux positifs ;
• suite aux prélèvements percutanés, en évaluant la concordance de la triade radio-histo-clinique souvent dans le cadre d’un staff multidisciplinaire.
Approche diagnostique en imagerie conventionnelle (mammographie et échographie)
Approche diagnostique devant une masse
L’approche diagnostique d’une masse est proposée après une analyse de sa forme, de ses contours ou ses bords, de sa densité, de la présence de microcalcifications ou de toute autre anomalie associée (épaississement cutané…) ainsi que des modifications intervenues depuis la dernière mammographie.
• Le caractère bénin d’une masse (ACR 2) peut être affirmé sans ambiguïté si elle renferme partiellement (densité mixte) ou totalement de la graisse – radio-claire (encadré 19.1). Le diagnostic est posé au décours de la mammographie. Une capsule est parfois visible. Les examens complémentaires sont inutiles (fig. 19.1 et 19.2).
• Le signe du halo est défini comme une ligne « radio-claire » entourant partiellement ou complètement une masse. C’est également un signe en faveur de la bénignité.
• Les lésions denses masquent le tissu glandulaire adjacent, alors que les lésions isodenses ont la même densité que le tissu mammaire adjacent. Ces deux sous-groupes peuvent correspondre à des lésions malignes ou bénignes tout en sachant que plus la densité d’une masse augmente, plus la suspicion de malignité s’élève [5].
• Une masse présentant des contours nets et réguliers à la mammographie sera comparée aux documents antérieurs puis recherchée en échographie qui pourra démontrer le caractère kystique ou solide de la lésion. Une lésion kystique typique (anéchogène) sera classée ACR 2; une lésion solide ne présentant aucun critère de suspicion en échographie (échogène, homogène de contours réguliers ou macrolobulés, forme ovale) sera classée ACR 3 et donc soumise à une surveillance pendant 2 ans.
• La majorité des masses rondes ou ovales circonscrites sont bénignes (90 % ; tableau 19.1). Les masses aux contours mal définis ou irréguliers sont hautement suspectes mais certaines lésions bénignes peuvent également présenter cet aspect (fibroadénomes remaniés, papillomes, abcès ou hématomes).
• Les masses stellaires bénignes sont rares (< 10 % ; encadré 19.2) ; en général, le diagnostic sera fait après biopsie percutanée.
• Les calcifications déclives ou grossières dites en « en pop corn » sont souvent associées aux masses bénignes comme les kystes ou les fibroadénomes respectivement (fig. 19.3).
• Le caractère stable d’une masse sur au moins 2 ans est considéré comme un facteur de bénignité sauf en cas de critères de suspicion morphologiques. Le contexte clinique (apparition récente ou augmentation de taille d’autant plus que la patiente est âgée) peut rendre une lésion de morphologie bénigne suspecte.
• En échographie, les critères de bénignité d’une masse sont la texture hyperéchogène (fig. 19.4), la forme ellipsoïde, la présence de deux ou trois macrolobulations et l’absence de tous signes de malignité (spicules, contours abrupts, hypoéchogénicité marquée, atténuation postérieure) ; le renforcement postérieur n’est pas spécifique d’une lésion bénigne [6].
Masses rondes ou ovales bénignes | Masses rondes ou ovales malignes |
---|---|
Kyste Hématome Fibroadénome Papillome Abcès Tumeur phyllode Papillomatose juvénile Adénome lactant Ganglion intramammaire | Carcinome canalaire invasif indifférencié Carcinome médullaire Carcinome mucineux Carcinome papillaire Carcinome intrakystique Métastase Lymphome Sarcome |
Approche diagnostique devant des calcifications
Le nombre, la densité, la forme, l’homogénéité, la distribution et la présence de signes associés permettent de classer les foyers de microcalcifications (encadré 19.3).
Les calcifications typiquement bénignes sont les macrocalcifications et les microcalcifications sédimentaires, annulaires, rhomboédriques, cutanées et les calcifications en bâtonnets denses et à contours nets des mastites à plasmocytes (fig. 19.5 et 19.6). Les microcalcifications rondes ou punctiformes diffuses sont également bénignes.
Les calcifications probablement bénignes sont les microcalcifications rondes et/ou punctiformes régulières, peu nombreuses, groupées en petits amas plutôt ronds ou ovales de calcifications amorphes peu nombreuses (fig. 19.7).
Approche diagnostique d’une asymétrie
• Les asymétries de densité focales non évolutives qui s’étalent ou disparaissent après compression localisée correspondent au tissu fibroglandulaire normal et/ou à la fibrose focale. Elles seront classées en ACR 2. Celles qui persistent seront classées en ACR 3 (fig. 19.8). En cas de doute diagnostique malgré une échographie dirigée négative, une IRM mammaire sera indiquée pour sa valeur prédictive négative.
• Une asymétrie globale sans anomalie clinique est bénigne (ACR 2).
• Le caractère palpable ou l’apparition récente de l’asymétrie, en dehors de l’instauration d’un traitement hormonal substitutif ou de la survenue d’une infection (mastite), est un argument de suspicion conduisant à la réalisation de prélèvements [7].
Les différentes étiologies des asymétries bénignes sont résumées dans l’encadré 19.4.
Approche diagnostique en IRM mammaire
Masse
Une masse typiquement bénigne en IRM mammaire se définit morphologiquement par une forme ronde ou ovale, des contours lisses, un contenu homogène et/ou présentant des cloisons internes qui ne prennent pas le contraste – fibroadénome (fig. 19.9).
Fig. 19.9 Fibroadénome et IRM.
a. Séquence axiale pondérée T2 : trois masses ovalaires bien limitées hyposignal T2.
b. Première série soustraite : seule une des masses prend le contraste faiblement.
c. Séquence sagittale tardive : rehaussement homogène persistant de cette masse.
Le ganglion intramammaire est une masse régulière de contours polylobés siégeant à proximité des structures vasculaires (fig. 19.10). Sa caractéristique principale est de posséder un centre graisseux qui va apparaître en hypersignal T1 et potentiellement créer un artéfact de déplacement chimique sous forme d’un liseré périphérique noir. Il est important de l’identifier car il peut présenter une courbe de rehaussement intense avec un phénomène de lavage trompeur.