19: Le trouble bipolaire (trouble maniaco-dépressif), abattement et manie (Dian Kuang)

Chapitre 19 Le trouble bipolaire (trouble maniaco-dépressif), abattement et manie (Dian Kuang)






Le trouble bipolaire (trouble maniaco-dépressif)


Le trouble bipolaire, également appelé trouble maniaco-dépressif, est une pathologie mentale grave. La présentation de celle-ci comportera les rubriques suivantes :




Le trouble bipolaire en médecine occidentale


Le trouble bipolaire, également connu sous le nom de trouble maniaco-dépressif est une pathologie mentale grave qui se caractérise par des changements d’humeur, d’énergie et de capacité à fonctionner normalement.


Plus de 2 millions d’Américains adultes, soit environ 1% de la population de plus de 18 ans souffrent chaque année de troubles bipolaires1. Cette pathologie apparaît généralement à la fin de l’adolescence ou au début de l’âge adulte.




Symptômes du trouble bipolaire


Le trouble bipolaire provoque des changements d’humeur drastiques, la personne passant d’un état d’extrême excitation joyeuse à un état d’irritabilité, de tristesse et de désespoir avant de revenir à l’excitation, connaissant des périodes d’humeur normale entre les deux. Des modifications importantes de leur énergie et de leur comportement accompagnent ces changements d’humeur. Ces périodes de hauts et de bas se nomment respectivement épisode maniaque et épisode dépressif. Appelé autrefois psychose maniaco-dépressive, cette maladie porte désormais le nom de trouble bipolaire.


Les signes et symptômes de la phase ou épisode maniaque comprennent :



• une humeur élevée et expansive (parfois avec paranoïa et irritabilité) ;


• une énergie, une activité et une nervosité accrues ;


• une humeur « élevée » particulièrement euphorique ;


• une extrême irritabilité ;


• une fuite des pensées et un discours très rapide, passant du coq à l’âne ;


• de la distraction et une incapacité à se concentrer ;


• une impatience extrême ;


• un besoin de sommeil très faible ;


• un discours rapide, nerveux et inopportun ;


• une pensée rapide qui passe brusquement d’un sujet à un autre ;


• des croyances irréalistes en ses propres capacités et pouvoirs ;


• une folie des grandeurs ;


• des schémas de relations personnelles et professionnelles chaotiques ;


• un engagement impulsif dans des projets contestables ;


• une conduite automobile débridée avec prise de risques excessive ;


• la conviction inébranlable de la justesse et de l’importance de ses idées ;


• une mauvaise capacité de jugement ;


• des accès de dépenses excessives ;


• une période durable d’un comportement inhabituel ;


• des liaisons amoureuses ou sexuelles intenses et impulsives ;


• une libido accrue ;


• un abus d’intoxicants, surtout de cocaïne, d’alcool et de somnifères ;


• un comportement provocant, déplacé ou agressif ;


• le déni de tout ce qui peut être mal ;


• dans sa forme extrême, une agitation violente, une conduite bizarre, des idées délirantes, des hallucinations visuelles et auditives.


On diagnostique un épisode maniaque lorsque l’humeur élevée s’accompagne de trois autres symptômes ou plus, persiste une bonne partie de la journée, et ce presque quotidiennement pendant une semaine ou plus. Si la personne est d’humeur irritable, il faut que celle-ci s’accompagne de quatre autres symptômes.



Les signes et symptômes de la phase dépressive ou épisode dépressif comprennent :



On diagnostique un épisode dépressif lorsque cinq de ces symptômes ou plus sont présents et persistent une bonne partie de la journée, et ce presque quotidiennement pendant 2 semaines ou plus.



Un état maniaque léger à modéré se nomme hypomanie. L’hypomanie peut rendre la personne qui l’expérimente heureuse et peut même être associée à un meilleur fonctionnement et une productivité accrue. Aussi, même lorsque la famille et les amis apprennent à reconnaître les changements d’humeurs comme trouble bipolaire potentiel, la personne va nier que quelque chose ne va pas. Toutefois, sans traitement approprié, l’hypomanie peut se transformer en état maniaque ou en dépression profonde.


Parfois, des épisodes graves d’un état maniaque ou dépressif comprennent des symptômes psychotiques. Les symptômes psychotiques courants sont des hallucinations (auditives ou visuelles) et des idées délirantes.


Dans les troubles bipolaires, les symptômes psychotiques ont tendance à refléter l’humeur extrême du moment. Par exemple, on peut trouver des idées de grandeur, comme se prendre pour Jésus Christ ou croire que l’on possède des pouvoirs spéciaux ou des richesses particulières pendant la phase maniaque, ou penser que l’on est ruiné et sans le sou ou qu’on a commis un crime atroce lors de la phase dépressive. Les personnes qui souffrent de troubles bipolaires et qui présentent ces symptômes sont parfois diagnostiquées à tort comme étant schizophrènes.


Redfield Jamison donne les six critères suivants pour poser le diagnostic d’épisode maniaque :



A + B + C constituent un syndrome maniaque, alors que A + B correspond à l’hypomanie2.


Il peut être utile de considérer les différentes humeurs du trouble bipolaire comme un spectre ou un continuum. À une extrémité, dans la phase dépressive, on trouve la dépression grave, puis une dépression modérée, puis un état légèrement dépressif appelé « dysthymie » lorsqu’il est chronique. Dans la phase maniaque, on trouve une humeur normale et équilibrée, puis l’hypomanie (état maniaque de léger à modéré), puis le trouble maniaque grave (Fig. 19.1).



Chez certaines personnes, toutefois, les symptômes de manie et de dépression peuvent survenir ensemble, donnant lieu à ce qu’on appelle un trouble bipolaire mixte. Les symptômes de l’état mixte comprennent souvent de l’agitation, des troubles du sommeil, une modification significative de l’appétit, une pensée psychotique et suicidaire. Une personne peut être très triste, désespérée, et en même temps se sentir pleine d’énergie.


La cyclothymie est une forme légère du trouble maniaco-dépressif et se traduit par des changements d’humeurs allant de la dépression à l’hypomanie. Un tempérament cyclothymique peut se manifester de différentes façons, par exemple, par une humeur essentiellement dépressive, maniaque, hypomaniaque ou irritable. La personne peut tour à tour être joyeuse ou triste. Toutes les personnes qui sont cyclothymiques ne présentent pas un syndrome maniaco-dépressif complet, même si on le retrouve chez beaucoup. Une personne sur trois qui souffre de cyclothymie finit par présenter un trouble maniaco-dépressif avéré.


Redfield Jamison donne les six critères suivants pour poser le diagnostic de cyclothymie :




Diagnostic du trouble bipolaire


Un diagnostic de trouble bipolaire s’établit sur la base des symptômes, du déroulement de la maladie et, lorsque cela est possible, des antécédents familiaux. Les critères de diagnostic du trouble bipolaire sont répertoriés dans la 4e édition du Diagnostic and Statistical Manual for Mental Disorders (DSM-IV)4.


Les caractéristiques que décrivent les personnes atteintes de trouble bipolaire nous donnent des indications précieuses sur les différentes humeurs que l’on peut associer à cette maladie.








Évolution du trouble bipolaire


Les épisodes de manie et de dépression reviennent typiquement au cours d’une vie. Entre ces épisodes, la plupart des gens souffrant de trouble bipolaire sont libres de tout symptôme, mais au moins un tiers d’entre eux ont des symptômes résiduels. Un petit pourcentage de personnes a des symptômes chroniques permanents en dépit de leur traitement.


La forme classique de la maladie, qui implique des épisodes récurrents de manie et de dépression, s’appelle trouble bipolaire de type I. Certaines personnes, ne développent toutefois jamais de manie grave mais ne présentent que des épisodes plus légers d’hypomanie qui alternent avec la dépression ; cette forme de maladie est appelée trouble bipolaire de type II. Lorsqu’on constate quatre épisodes ou plus de la maladie sur une période de 12 mois, on considère que la personne souffre d’un trouble bipolaire à cycle rapide. Certaines personnes peuvent connaître plusieurs épisodes en une seule semaine, voire en un seul jour. On rencontre plutôt les cycles rapides de la maladie relativement tard dans l’évolution de la maladie et plus fréquemment chez les femmes que chez les hommes.


Les personnes qui souffrent d’un trouble bipolaire peuvent mener une vie normale et productive lorsque la maladie est traitée efficacement. Mais sans traitement, le trouble bipolaire va suivre son cours normal et va avoir tendance à s’aggraver. Au fil du temps, la personne va souffrir d’épisodes plus fréquents (cycle d’alternance plus rapide) et plus graves que ceux qu’elle a connu lorsque la maladie a débuté. Mais dans la plupart des cas, un traitement approprié peut aider à réduire la fréquence et la gravité des épisodes et à fournir à la personne une meilleure qualité de vie.



Traitement du trouble bipolaire


La plupart des personnes qui souffrent d’un trouble bipolaire, même sous sa forme grave, peuvent voir leurs changements d’humeur et les symptômes qui leur sont liés fortement stabilisés grâce à un traitement adéquat. Parce que le trouble bipolaire est une maladie récurrente, il est fortement conseillé de suivre un traitement préventif à long terme. La stratégie thérapeutique qui associe les médicaments et le suivi psychologique est la stratégie optimale pour traiter cette pathologie au fil du temps.



Médication

Pour aider à contrôler le trouble bipolaire, on prescrit généralement des médicaments connus sous le nom de « stabilisateurs de l’humeur ». Il en existe de différents types. Habituellement, les personnes qui souffrent d’un trouble bipolaire prennent des stabilisateurs de l’humeur sur des périodes longues (plusieurs années). Au besoin, on peut leur adjoindre d’autres médications pour des périodes plus courtes, afin de traiter des épisodes maniaques ou dépressifs qui peuvent survenir malgré la prise de stabilisateurs de l’humeur. Les médicaments prescrits en cas de troubles bipolaires sont les suivants :



Généralement, les enfants et les adolescents qui souffrent de troubles bipolaires sont traités au lithium, mais on leur prescrit aussi parfois du valproate et de la carbamazépine. On a découvert que le valproate pouvait entraîner des modifications hormonales indésirables chez de jeunes adolescentes et un syndrome d’ovaire polykystique chez des femmes ayant commencé à prendre ce médicament avant l’âge de 20 ans8. C’est pourquoi les jeunes femmes qui prennent du valproate doivent être suivies de près par leur médecin.


La recherche a montré que les personnes qui souffrent d’un trouble bipolaire ont un risque accru de tomber dans un état maniaque ou hypomaniaque, ou de connaître un cycle d’alternance rapide si elles prennent des antidépresseurs. C’est pourquoi il est nécessaire de prescrire des médicaments « stabilisateurs de l’humeur » seuls ou en association avec les antidépresseurs afin d’éviter à ces personnes de passer brusquement d’un état à un autre. Le lithium et le valproate sont actuellement les médicaments les plus couramment utilisés pour stabiliser l’humeur.


On étudie désormais la possibilité d’utiliser des antipsychotiques atypiques comme la clozapine (Clorazil), l’olanzapine (Zyprexa), le rispéridone, (Risperdal), la quétiapine (Séroquel) et la ziprasidone (Géodon) pour traiter éventuellement les troubles bipolaires.



Thérapie psychologique et sociothérapie

Outre les médicaments, une thérapie psychologique et une sociothérapie, y compris certaines formes de psychothérapie, peuvent être utiles pour aider, éduquer et guider les personnes qui souffrent de troubles bipolaires et leur famille. Des études ont montré que la sociothérapie pouvait améliorer la stabilité de l’humeur, réduire le nombre d’hospitalisations et améliorer la vie de la personne dans divers domaines.


Un psychologue ou un travailleur social peut mener à bien ces thérapies, et ces personnes travaillent souvent avec les psychiatres pour surveiller les progrès du patient. Le nombre, la fréquence et le type de séances doivent être déterminés en fonction de besoin de chaque patient. La sociothérapie est souvent utilisée en cas de troubles bipolaires sous la forme de thérapie comportementale et cognitive, de psycho-éducation, de thérapie familiale et de thérapie interpersonnelle des rythmes sociaux, qui est une technique nouvelle.




Historique


Arétée, né en Capadoce (2e siècle) a certainement été le premier médecin à établir un lien entre la mélancolie et l’état maniaque : « La mélancolie est sans aucun doute le début et même fait partie du trouble qu’on appelle manie »9.


Alexandre de Tralles (vers 57), disait : « La manie n’est rien d’autre qu’une mélancolie sous une forme plus intense »10.


Jason Pratensis (16e siècle) dit : La plupart des médecins associent la mélancolie et la manie et en font une seule maladie »11.


Il fait la différence entre la manie et la mélancolie uniquement en fonction du degré et de la manifestation de la pathologie.


Le Dr Thomas Willis (17e siècle) dit :



Richard Mead (1751) dit :



Jean-Pierre Falret et Jules Baillarger (au milieu du 19e siècle) ont officiellement émis l’hypothèse que la manie et la dépression pouvait représenter des manifestions différentes de la même maladie14.



Le trouble bipolaire en médecine chinoise


Le trouble bipolaire suit de près les symptômes de ce que la médecine chinoise de l’ancien temps appelait Dian Kuang, que l’on peut traduire par « abattement et délire » ou « abattement et état maniaque ».


Les idéogrammes chinois de Dian Kuang sont image.



Le caractère Kuang image traduit la divagation d’un chien fou.


Dian traduit un état dépressif, l’indifférence, le repli sur soi, l’inquiétude, l’absence de réactions, le discours incohérent, les rires déplacés et le côté taciturne de la personne. Kuang traduit l’agitation, les cris, les invectives et les coups portés aux autres, l’irritabilité, le comportement agressif, le discours offensant, les rires déplacés, les chants déplacés, le fait de grimper sur des endroits en hauteur, le comportement violent, le fait de briser des objets, la force exceptionnelle et le refus de sommeil et de nourriture.




Évolution historique de Dian Kuang dans la médecine chinoise


La première mention du terme de Kuang (manie) se trouve dans un texte non médical. Les Rites de Zhou (1100 AEC) disent : « Certaines personnes se conduisent étrangement, de façon maniaque [Kuang], on appelle cette maladie la Manie [Kuang] »15.


On trouve mention des pathologies de Dian et de Kuang dès le Classique de médecine interne de l’Empereur Jaune. Le chapitre 74 des Questions simples dit : « Le syndrome du délire irritable [Kuang] est dû au Feu »16. On lit, au chapitre 46 des Questions simples : « Le délire irritable est dû à un [excès] de Yang … et se traite grâce à la préparation Sheng Tie Luo Yin »17.


L’Axe spirituel, au chapitre 22, dit :



Le chapitre 59 du Classique des difficultés fait la différence entre Dian et Kuang :



Au chapitre 20, le Classique des difficultés dit : « Un Excès de Yin provoque Dian, un Excès de Yang provoque Kuang »20.


Les Prescriptions essentielles du Coffret d’Or (220) disent :



Sun Si Miao décrit Dian Kuang dans les Préparations importantes qui valent mille pièces d’or (652) :



Un texte de la dynastie des Yuan explique l’apparition de Kuang par un excès de Feu et un manque de communication entre le Cœur et le Rein : « L’Eau du Rein contrôle la Volonté [Zhi] et elle s’oppose au Feu ; lorsque le Feu du Cœur est exubérant, l’Eau du Rein est asséchée par la perte de Volonté et l’apparition de la Manie [Kuang] »23. On y lit aussi : « Lorsqu’il y a de la Chaleur dans le Cœur, le patient rit et souffre de Dian ; lorsqu’il y a de la Chaleur dans le Foie, le patient est en colère et souffre de Kuang »24.


Les Méthodes essentielles de Dan Xi (Dan Xi Xin Fa, 1347) disent : « Dian relève du Yin et Kuang du Yang ; … dans tous les cas il y a une stagnation de Glaires dans l’espace compris entre le Cœur et la poitrine »25.


Zhu Dan Xi a été le premier médecin à faire le lien entre la pathogenèse de Dian Kuang et les Glaires. Dans un autre extrait, il établit clairement la relation entre l’apparition du trouble maniaco-dépressif et la stagnation, les Glaires et le Feu. « Le Feu des cinq esprits [c’est-à-dire l’Esprit, l’Âme Éthérée, l’Âme Corporelle, l’Intellect et la Volonté] vient de l’agitation des sept émotions et de la stagnation qui a engendré des Glaires »26.


La transmission correcte de la médecine (Yi Xue Zheng Chuan), écrite sous la dynastie des Ming, confirme le lien entre la Manie (Kuang) et les Glaires et le Feu, disant :



Ce dernier extrait est intéressant car il confirme que les Glaires sont au cœur de la pathologie du trouble maniaco-dépressif et sont présentes à la fois dans la phase maniaque et dans la phase dépressive.


Dans les textes anciens, la différenciation entre Dian Kuang et l’épilepsie n’est pas toujours claire. Wang Ken Dang, de la dynastie de Ming, a été le premier à distinguer clairement Dian Kuang et l’épilepsie.


Le livre complet de Jing Yue (Jing Yue Quan Shu, 1624) dit : « Dans Kuang, le patient est toujours actif et en colère ; dans Dian, le patient est calme et replié sur lui-même, comme si il était absent »28.


Pour ce qui est du traitement, Zhang Jing Yue conseille de commencer par drainer le Feu comme méthode principale puis, secondairement, de dissoudre les Glaires et de faire circuler le Qi29.


Wang Qing Ren, dans Corrections des erreurs des cercles médicaux (Yi Lin Gai Cuo) explique la pathologie de Dian Kuang par les stases de Sang : Dans Dian Kuang, le patient pleure, rit, crie, jure, chante. Cela vient d’une stagnation de Qi et de Sang dans le Cerveau et d’une stagnation dans les Organes Internes30.



Ressemblances et différences entre le trouble bipolaire et Dian Kuang


Bien que les symptômes de Dian Kuang ressemblent de près à ceux du trouble bipolaire, il faut rester prudent lorsqu’on établit des liens directs entre la médecine occidentale et la médecine chinoise. Comme nous le verrons lorsque nous détaillerons les tableaux pathologiques de Dian et de Kuang, Dian ne correspond pas exactement à la dépression et Kuang ne correspond pas exactement à la manie. Par exemple, certaines des manifestations de Kuang pourraient relever du trouble anxieux généralisé.


Plus particulièrement, les symptômes de Dian ne correspondent pas toujours exactement à la phase dépressive du trouble bipolaire. De plus, les symptômes de Dian ne correspondent absolument pas à ce que l’on nomme « dépression » en psychiatrie occidentale. Les livres chinois actuels assimilent les symptômes de Dian à la dépression, mais je trouve que cela ne mène à rien. Je persiste à dire que, tout d’abord, la pathologie de la dépression est bien différente de celle de la phase dépressive du trouble bipolaire, et ensuite, que les symptômes de Dian ne sont pas nécessairement ou pas toujours les mêmes que ceux de la phase dépressive du trouble bipolaire. En fait, Dian pourrait surtout correspondre à certaines formes de schizophrénie.



En outre, dans leur présentation du trouble bipolaire, certains ouvrages actuels assimilent tout simplement les tableaux pathologiques de la Dépression (Yu Zheng) et ceux de Kuang pour finir par les différencier au niveau du traitement31. Personnellement, je ne vois pas où cela peut mener.


Il est bon de mentionner que dans les textes chinois anciens, l’épilepsie (qui a pour nom Dian Xian, dans lequel « dian » est le même caractère que dans Dian Kuang) a été classée à tort dans les maladies mentales. Un seul médecin chinois moderne maintient néanmoins que dans le chapitre 22 de L’Axe spirituel, le mot Dian renvoie à l’épilepsie et non à Dian Kuang32.


En vérité, la description des symptômes de Dian telle qu’on la trouve dans le chapitre 22 de L’Axe spirituel (intitulé Dian Kuang) ressemble plus à ceux de l’épilepsie qu’à ceux de la maladie mentale appelée Dian.



Plus loin, ce chapitre semble confirmer qu’il traite des tremblements car il distingue trois formes de Dian, à savoir le Dian des os, le Dian des tendons et le Dian des vaisseaux sanguins. Le Dr Zhang dit alors que, par contre, le terme de Kuang utilisé au chapitre 22 de L’Axe spirituel inclut à la fois les pathologies de Dian et de Kuang.



Note clinique


Un seul médecin chinois moderne maintient que dans le chapitre 22 de L’Axe spirituel, le mot Dian renvoie à l’épilepsie et non à Dian Kuang.


Pour compliquer encore plus les choses, la catégorie médicale de Dian Kuang peut même parfois correspondre à certains cas de schizophrénie de la médecine occidentale. En fait, dans un essai clinique chinois actuel, sur 30 patients souffrant de Dian Kuang, on avait posé le diagnostic de schizophrénie pour 16 d’entre eux34. L’ouvrage moderne Médecine chinoise interne confirme cette possibilité car, dans le chapitre qu’il consacre à Dian, il mentionne le traitement de quatre cas de schizophrénie35.


Les personnes qui souffrent de schizophrénie entendent parfois des « voix » ou croient que les autres lisent dans leurs pensées, contrôlent celles-ci, ou complotent pour leur nuire. Ces expériences sont terrifiantes et peuvent provoquer de la peur, un repli sur soi ou une agitation extrême. Les personnes qui souffrent de schizophrénie ne savent pas toujours ce qu’elles disent, elles peuvent rester assises pendant des heures sans bouger ou sans parler et peuvent sembler tout à fait normales jusqu’à ce qu’elles commencent à dire ce qu’elles pensent vraiment. Comme on peut le voir, certaines de ces manifestations peuvent ressembler à celles de Dian, comme la peur, le repli sur soi, le fait de rester assis des heures sans bouger ou sans parler.


Les symptômes de la schizophrénie rentrent dans trois grandes catégories :



L’expression « symptômes négatifs » renvoie à une baisse des états émotionnels et comportementaux normaux et peuvent comprendre :



Comme on peut le voir, les « symptômes négatifs » de la schizophrénie se rapprochent de ceux de Dian. La figure 19.2 résume les relations entre Dian Kuang et les troubles psychiatriques occidentaux.



Ainsi, même s’il faut être prudent lorsqu’on établit des liens directs entre les pathologies de la médecine occidentale et celles de la médecine chinoise, on peut adapter les préparations destinées au traitement de Dian Kuang pour le traitement du trouble bipolaire.




Pathologie de Dian Kuang







Déséquilibre du « va-et-vient » de l’Âme Éthérée (Hun)

D’après moi, dans le trouble bipolaire (et donc Dian Kuang) le principal aspect est la phase maniaque, la phase dépressive n’étant qu’une réaction à cette dernière40. Il s’ensuit que, contrairement à ce que l’on peut voir dans la Dépression (Yu Zheng), dans le trouble bipolaire (et donc Dian Kuang), la pathologie principale est un « va-et-vient » excessif de l’Âme Éthérée, même dans la phase dépressive (voir plus bas).


Comme nous l’avons vu dans les chapitres 3 et 16, c’est l’Âme Éthérée qui donne à l’Esprit de l’inspiration, de la créativité, des idées, des projets, des objectifs pour la vie et des aspirations ; cette énergie psychique est le résultat du « va-et-vient » de l’Âme Éthérée et la manifestation psychique de la libre circulation du Qi du Foie (et, en particulier, de la montée physiologique du Qi du Foie).


D’un autre côté, l’Esprit se doit de contrôler quelque peu l’Âme Éthérée et d’intégrer le matériau psychique qu’elle lui fournit. Il est de la nature de l’Âme Éthérée « d’aller et de venir », c’est-à-dire de toujours rechercher d’autres idées, d’autres sources d’inspiration, d’autres buts, etc. C’est l’Esprit qui doit intégrer le matériau que fournit l’Âme Éthérée à la psyché ; l’Âme Éthérée peut être à la source de nombreuses idées simultanées mais l’Esprit ne peut les traiter que l’une après l’autre. Ainsi, les mots de « contrôle » et « d’intégration » sont des mots clés pour décrire les fonctions de l’Esprit en lien avec l’Âme Éthérée (voir la figure 3.15).


Lorsque le « va-et-vient » de l’Âme Éthérée est insuffisant, il y a manque d’inspiration, de créativité, d’idées, de projets, d’objectifs dans la vie et d’aspirations, c’est un trait important de la dépression mentale. Dans la dépression grave, il y a rupture de communication entre l’Esprit (Shen du Cœur) et l’Âme Éthérée (Hun) ; l’Âme Éthérée n’a plus son « mouvement » normal et la personne manque de créativité, d’idées, d’imagination, et surtout de projets, d’objectifs dans la vie et d’aspirations, d’où la dépression.


Lorsque le « va-et-vient » de l’Âme Éthérée est excessif ou lorsque l’Esprit est faible et ne peut plus le contrôler et le restreindre, l’Âme Éthérée est trop agitée et son mouvement est excessif, ce qui amène confusion et chaos dans l’Esprit et fait que la personne se disperse, devient instable et présente un léger état maniaque. C’est ce que l’on voit chez certaines personnes qui ont des idées, des rêves et des projets à foison qui ne sont jamais suivis d’effet parce que leur Esprit chaotique ne peut contrôler l’Âme Éthérée. La figure 3.15 illustre les deux situations dans lesquelles le « va-et-vient » de l’Âme Éthérée est excessif de son propre fait (à gauche) ou parce que l’Esprit ne la contrôle pas suffisamment (à droite).


Si le mouvement de l’Âme Éthérée est excessif, le contenu qu’elle délivre ne peut plus être intégré par l’Esprit. L’Esprit doit intégrer le matériau de l’Âme Éthérée afin que les images, les symboles et les projets qu’elle fournit puissent être assimilés. Lorsque le mouvement de l’Âme Éthérée est excessif, on a un déferlement perpétuel d’idées, de plans, de projets qui submerge l’Esprit ce qui, dans les cas graves, peut conduire à un état maniaque.



Degrés de la « manie »

Il est important de comprendre que la manie et le comportement maniaque peuvent revêtir des degrés de gravité divers ; en réalité, la frontière entre la « maladie mentale » et la « normalité » n’est pas nette et bien définie, et on peut rencontrer toute une série de comportements qui, bien que n’étant pas « normaux », ne peuvent néanmoins pas être déclarés comme participant d’une « maladie mentale ». Autrement dit, les formes légères du « trouble bipolaire » et du « comportement maniaque » sont relativement fréquentes. Chaque fois que le « va-et-vient » de l’Âme Éthérée est excessif, il y a possibilité de comportement maniaque.


Ainsi, dans la manie, on trouve toujours un mouvement excessif de l’Âme Éthérée.



Mes critères personnels pour identifier un comportement comme « légèrement maniaque » (chez des sujets normaux qui ne souffrent pas d’une maladie mentale) sont les suivants :




Il est intéressant de constater que les personnes qui souffrent de trouble bipolaire ont souvent un tempérament artistique ou, pour dire les choses autrement, que parmi les artistes connus, il y a une proportion plus forte que la normale de personnes présentant des troubles bipolaires41. Cela s’explique par le fait que l’inspiration artistique vient de l’Âme Éthérée ; ainsi, c’est la même énergie psychique de l’Âme Éthérée qui fait qu’une personne est artiste et que, dans une situation pathologique, elle est mentalement malade.


Pendant les épisodes maniaques, le patient bipolaire fourmille d’idées, il est inspiré, ressent les choses de façon intensive, a des sensations plus aiguës et écrit souvent de la poésie42.




Étiologie de Dian Kuang




La tension émotionnelle


La tension émotionnelle est le principal facteur étiologique du trouble bipolaire. La colère, l’inquiétude, la joie excessive et le sentiment de culpabilité peuvent tous être l’élément déclenchant de cette maladie. La stagnation initiale du Qi qui résulte d’une tension émotionnelle entraîne une Chaleur qui agresse l’Esprit. La stagnation de Qi dans le Triple Réchauffeur engendre une altération de la transformation des liquides et donc des Glaires. Cette situation est également aggravée par l’action de condensation que la Chaleur exerce sur les Glaires.


La colère, le choc et la peur lèsent le Foie et le Rein ; ceux-ci souffrent alors de vide et ne peuvent plus être nourris par l’Eau, ce qui provoque Dian. L’excès de joie et la colère lèsent le Yin du Cœur, ce qui conduit à un Feu du Cœur et à Kuang. L’inquiétude et l’excès de réflexion lèsent le Cœur et la Rate, le Cœur n’est plus nourri et la Rate ne peut plus assurer sa fonction de transformation, ce qui engendre Dian.


Le livre complet de Jing Yue (Jing Yue Quan Shu) dit : « Kuang vient du Feu qui découle de l’inquiétude, de l’excès de réflexion et de la colère »43.


Zhang Jing Yue dit :



Il est intéressant de voir que le Dr Zhang Fa Rong inclut le choc comme cause émotionnelle de Dian Kuang. Il dit qu’un choc important lèse le Rein45.




La constitution


Une tendance constitutionnelle aux troubles psychiques et émotionnels joue un rôle important dans l’apparition du trouble bipolaire. À la fois les enfants et les adolescents peuvent présenter des troubles bipolaires, mais cette maladie est plus susceptible de toucher les enfants dont les parents souffrent de la maladie46.


Il est intéressant de voir que dès l’époque du Classique de médecine interne de l’Empereur Jaune, qui a été écrit aux environs de 100 AEC, les docteurs chinois savaient que l’hérédité jouait un rôle dans l’apparition du trouble Maniaco-Dépressif. Les Questions simples disent, au chapitre 47 :



Parce que le trouble bipolaire a tendance à se transmettre dans les familles, les chercheurs se sont intéressés aux gènes spécifiques qui pourraient se retrouver d’une génération à une autre et qui pourraient augmenter les risques de souffrir de cette maladie. Mais les gènes n’expliquent pas tout. Des études menées sur de vrais jumeaux, qui partageaient donc les mêmes gènes, ont montré qu’à la fois les gènes et d’autres facteurs jouaient un rôle dans les troubles bipolaires. Si le trouble bipolaire relevait uniquement des gènes, les vrais jumeaux nés d’une personne souffrant de la maladie auraient alors toujours présenté cette maladie, mais la recherche a montré que ce n’était pas le cas. Mais si un des jumeaux souffre d’un trouble bipolaire, l’autre jumeau a plus de chance d’avoir cette maladie qu’un autre membre de la fratrie48.


Du point de vue de la médecine chinoise, une langue qui présente une fissure de type Cœur profonde traduit une tendance aux troubles psycho-émotionnels (voir la figure 11.6).


La figure 19.3 résume l’étiologie de Dian Kuang.


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May 6, 2017 | Posted by in IMAGERIE MÉDICALE | Comments Off on 19: Le trouble bipolaire (trouble maniaco-dépressif), abattement et manie (Dian Kuang)

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