Item 187 Anomalie de la vision d’apparition brutale
Les causes sont très nombreuses : opacification des milieux, pathologie rétinienne ou neuropathie optique.
L’interrogatoire précis est primordial : la présence de traumatisme, de douleur oculaire, de rougeur, et la chronologie de la baisse d’acuité visuelle permettent rapidement d’orienter la démarche diagnostique et thérapeutique.
La crise de fermeture de l’angle iridocornéen est une urgence ophtalmologique absolue qui nécessite une prise en charge thérapeutique immédiate.
Devant une neuropathie optique ischémique antérieure aiguë (NOIAA), il faut éliminer en priorité une maladie de Horton, qui nécessite la mise en place d’un traitement par corticoïde.
Il faut bien différencier les baisses d’acuité visuelle avec œil rouge et/ou douloureux (crise aiguë de fermeture de l’angle, kératite, uvéite antérieure) et celles avec œil blanc et indolore (décollement de rétine, occlusion de l’artère et de la veine centrale de la rétine, dégénérescence maculaire liée à l’âge, neuropathies optiques) afin de s’orienter vers des cadres étiologiques différents.Baisse d’acuité visuelle brutale avec œil rouge et/ou douloureux
I Crise aiguë de fermeture de l’angle iridocornéen (CAFA) ITEM 212
C’est l’urgence ophtalmologique par excellence, car le pronostic fonctionnel est très défavorable en cas de retard thérapeutique. Le diagnostic est orienté dès l’arrivée du patient par la présence de signes généraux tels que nausées, vomissements et céphalées. Par ailleurs, la baisse de l’acuité visuelle est profonde et la douleur oculaire est majeure.
II Kératite aiguë
L’œil est rouge et douloureux, la vision est abaissée, mais non effondrée, accompagnée de photophobie, voire de pseudo-blépharospasme. On note à l’examen à la lampe à fente un cercle de rougeur conjonctivale périkératique.III Uvéite antérieure aiguë
Le critère d’urgence dépend des antécédents du malade ainsi que des signes associés généraux pouvant faire évoquer une pathologie systémique (spondylarthrite ankylosante, sarcoïdose ITEM 124, maladie de Behçet, arthrite juvénile).
Un cas particulier à ne pas méconnaître est l’endophtalmie postopératoire :I Décollement de rétine
A Physiopathologie
Le décollement de rétine correspond au clivage entre l’épithélium pigmentaire et la couche des cellules des photorécepteurs ; il est la conséquence du passage de liquide dans le plan de clivage, le plus souvent à partir d’une déhiscence secondaire au décollement postérieur du vitré (décollement de rétine rhegmatogène ou primitif).
C Examen clinique : bilatéral et comparatif
On effectue une étude précise de l’acuité visuelle et du champ visuel (estimation au doigt, par confrontation).
À la lampe à fente, le segment antérieur est normal ; on peut retrouver des signes d’inflammation lorsque le décollement de rétine est ancien et/ou associé à une prolifération vitréorétinienne (PVR).
L’examen du fond d’œil sous dilatation maximale est primordial ; les résultats sont notés sur un schéma, sur lequel on indique :D Diagnostic différentiel
1 Décollement postérieur du vitré non compliqué
Il fait partie du vieillissement normal de l’œil, et survient d’autant plus précocement que le patient est myope, et que l’œil a subi un traumatisme (y compris une intervention chirurgicale).
Le principal signe est l’existence de myodésopsies (sans qu’il s’agisse pour autant d’une « pluie de suie »), mais le patient peut aussi décrire de véritables phosphènes (en général multiples, caractère plutôt rassurant).2 Rétinoschisis périphérique
Il correspond à un clivage dans les couches de la rétine (en général entre les couches nucléaires et plexiformes). Dans le rétinoschisis, les photorécepteurs ne sont pas décollés de l’épithélium pigmentaire, mais il entraîne néanmoins un scotome total en regard du clivage. Il peut par ailleurs se compliquer de décollement rétinien véritable lorsque le mur externe (rétine superficielle) se déchire (passage de liquide sous le clapet, puis sous l’épithélium pigmentaire).
Au fond d’œil, on retrouve un aspect peu soulevé de la rétine périphérique interne, qui apparaît très fine. Le rétinoschisis est souvent bilatéral, avec un aspect en miroir par rapport à un axe vertical dans l’autre rétine (énantiomorphisme). La plupart des rétinoschisis sont découverts à l’âge adulte, mais il existe des formes juvéniles héréditaires.4 Décollement séreux du neuroépithélium du pôle postérieur de la rétine dans les affections médicales
5 Hémorragie intravitréenne
Comme le décollement rétinien, elle entraîne des myodésopsies, mais qui sont souvent massives (« pluie de suie »). Outre les traumatismes sévères (contusion ou perforation), son origine peut être une vaste déchirure rétinienne (par déchirure vasculaire associée) ou une rétinopathie proliférante (saignement d’un néovaisseau) dans le cadre d’une rétinopathie ou des suites d’une occlusion de la veine centrale de la rétine. L’échographie en mode B permet de rechercher la cause (ou d’éliminer un décollement rétinien) lorsque l’hémorragie n’est pas trop dense.
E Étiologie
1 Décollement de rétine rhegmatogène ou primitif, ou par déhiscence
Son incidence est d’un cas pour 10 000 par an, avec un pic d’âge vers 50–60 ans (plus tôt chez le myope). On peut retrouver des lésions prédisposantes à type surtout de dégénérescences palissadiques (qui provoquent des adhérences vitréorétiniennes), facteurs de risque d’une déhiscence rétinienne lors de la constitution du décollement postérieur du vitré. Le décollement rétinien peut lui-même se compliquer de prolifération vitréorétinienne par migration puis métaplasie des cellules de l’épithélium pigmentaire (constitution d’une membrane prérétinienne entraînant des tractions vitréorétiniennes, source de récidive de décollement rétinien après la chirurgie).2 Décollement rétinien post-traumatique
Après contusion : souvent on retrouve une désinsertion à l’ora, mais aussi des déchirures géantes (> 90°) et des trous multiples.3 Décollement rétinien après chirurgie intraoculaire
Après vitrectomie : on peut aussi retrouver des déhiscences par plaie rétinienne iatrogène, en plus des déhiscences postopératoires décrites ci-dessus.4 Décollement rétinien tumoral
Dans le cas d’une origine tumorale, le décollement rétinien est en général fixe, suspendu, (c’est-à-dire qu’il ne se poursuit pas jusqu’à l’ora serrata), et surtout sans déhiscence rétinienne. On recherche une hypertonie oculaire, une opacité à la transillumination (mélanome), une hypoesthésie cornéenne.F Évolution
Si le décollement de rétine n’est pas traité, l’évolution spontanée se fait vers la cécité, la phtyse du globe oculaire (involution, associée à des douleurs).
En cas de décollement rétinien rhegmatogène sans prolifération vitréorétinienne, le pronostic anatomique est globalement très bon : plus de 90 % de remise à plat sans récidive après chirurgie ab externo. Le risque de récidive augmente fortement en cas de prolifération vitréorétinienne (jusqu’à 50 % dans les formes sévères).
Le pronostic visuel dépend de l’état de la macula au moment de la chirurgie :G Traitement
1 Principes
2 Indications
Si le décollement rétinien est simple, on effectue un repérage, une cryoapplication et une indentation.
Si le décollement rétinien est complexe, on effectue une vitrectomie associée ou non à un cerclage, une dissection de la prolifération et une injection d’huile de silicone ou de gaz en intravitréen pour permettre un tamponnement interne.
Si le décollement rétinien est dû à une plaie avec un corps étranger intraoculaire, il faut impérativement enlever le corps étranger (risque infectieux + risque de sidérose).
Si le décollement rétinien est d’origine tumorale, le traitement est conservateur (sauf dans les cas où la tumeur est exophytique, posant l’indication d’énucléation).3 Traitement préventif : indispensable
l’examen de la rétine périphérique par le fond d’œil avec dilatation pupillaire, a fortiori chez les sujets à risque ;
l’éducation des sujets à risque en expliquant les signes fonctionnels d’un décollement rétinien, et la nécessité de venir consulter en cas d’apparition de ces signes ;