18: Rééducation des troubles de la sensibilité dans les traumatismes de la main

Chapitre 18


Rééducation des troubles de la sensibilité dans les traumatismes de la main





La prise en charge des troubles sensitifs est un volet primordial dans la rééducation de la main traumatique pour permettre à celle-ci une récupération et une réintégration les plus fonctionnelles possible au quotidien.


La rééducation sensitive est une rééducation spécifique, dépendante des résultats de l’évaluation. Elle tient compte des différentes étapes de la repousse lors d’une réparation nerveuse. D’autres pathologies telles que les amputations ou les syndromes canalaires peuvent être aussi responsables de troubles sensitifs. La rééducation sensitive traitera également les déficits liés à ces problématiques.


Cependant, il arrive parfois que des complications sensitives douloureuses se greffent et ralentissent, voire compromettent la réintégration de la main traumatique.


Ce chapitre rappelle les principes de la rééducation sensitive ainsi que les principales techniques appliquées. La dernière partie est consacrée à la prise en charge d’un territoire cutané hypersensible et les réflexions qu’elle peut susciter.



Rappel des principes et techniques de rééducation sensitive suivant les stades de recouvrement de la sensibilité





PEC d’un territoire anesthésique ou hypoesthésique sévère (S0 et S1)



Prévention des troubles trophiques


En l’absence de sensibilité de protection, le territoire anesthésié s’expose à des risques de brûlure, de coupures lors des actes de la vie quotidienne ou lors de techniques de rééducation utilisées pour le traitement des troubles associés au déficit sensitif. Le patient devra donc être éduqué pour appliquer une gestuelle de protection et de prévention. Le port d’orthèse statique et les traitements physiothérapiques qui comportent des risques de brûlures doivent être rigoureusement cadrés. Des attelles de protections telles des gants de protection en cuir, néoprène ou autre matériau, peuvent permettre d’assurer une protection efficace sans compromettre les activités courantes. L’adaptation de l’environnement du patient par des mesures simples telles que le capitonnage des aides techniques ou des outils est également possible.





Rééducation des hypoesthésies S2 S3 S4


Les techniques de rééducation de l’hypoesthésie visent à rendre intelligibles les messages véhiculés au cerveau par les voies sensitives, grâce à la neuroplasticité cérébrale. Pour ce faire, la rééducation doit se faire dans un endroit calme (propice à la concentration), quotidiennement (en salle de rééducation et à domicile), avec puis sans l’aide de la vue. La supervision du thérapeute est indispensable pour le contrôle des consignes et la diversification des exercices, en cas de lassitude. Elle consiste à :



• un travail de vibration : la caractéristique vibratoire est fonction des résultats obtenus au test de vibration, du type de récepteurs cutanés à stimuler, et des fréquences perçues par un maximum d’entre eux :



• un travail de discrimination et de stéréognosie, développé dans le chapitre 17.



Rééducation sensitive pendant la période d’immobilisation [1]


Pendant la période d’immobilisation (plâtre, orthèses) ou lors de paralysie motrice transitoire, la réhabilitation du mouvement par l’application de vibrations tendineuses peut faciliter la reprogrammation neuromotrice. La rééducation par assistance proprioceptive vibratoire est une méthode décrite par H. Neiger, et étudiée dans de nombreux travaux par J.-P. Roll. En effet, ils observent que la vibration tendineuse constitue un moyen préventif ou curatif propre à minimiser les troubles liés à l’immobilisation thérapeutique.


Cette méthode améliore la récupération de la mobilité articulaire et développe des effets antalgiques. Des fréquences voisines de 70 Hz, appliquées à la jonction musculo-tendineuse, produisent l’effet d’un étirement du tendon et peuvent créer ainsi la « sensation illusoire de mouvement ».


Des fenêtres peuvent être aménagées sur les orthèses ou plâtres au niveau d’une zone réflexe ou à proximité d’une jonction musculo-tendineuse, selon les possibilités de l’appareillage et le mouvement recherché (figure 18.1).



L’exercice est réalisé les yeux fermés pour renforcer cette sensation ainsi que la concentration.


Méthode d’application : 70 à 80 Hz, amplitude de 0,2 à 0,5 mm, (8 à 20 % au nouveau Vibralgic®) sur les tendons antagonistes du mouvement recherché, avec l’embout « barrette » de l’appareil, pendant une vingtaine de minutes.



Prévention des manifestations « anormales »



Définitions des sensations « anormales » [2]




• Paresthésie : « sensation anormale, spontanée ou provoquée ». Le terme paresthésie décrit une sensation anormale considérée comme non désagréable.


• Dysesthésie : « sensation anormale désagréable, spontanée ou provoquée ».


    Remarque : des cas particuliers de dysesthésie comprennent de l’hyperalgésie et de l’allodynie.


• Hyperesthésie : « sensibilité accrue à une stimulation, à l’exclusion des sens spéciaux ». Le terme d’hyperesthésie peut faire référence aux trois modes de sensibilité cutanée (douloureuse, thermique et discriminative). « Le terme d’hyperesthésie inclut à la fois l’allodynie et l’hyperalgésie, mais les termes plus spécifiques devraient être préférés autant que possible ».


• Hyperalgésie : « réaction accrue à un stimulus qui est habituellement douloureux ».


• Allodynie : « douleur provoquée par un stimulus qui ne cause habituellement pas de douleur ».



Prévention des manifestations douloureuses


La rééducation a pour objectif de prévenir et traiter la survenue de ces phénomènes irritatifs locaux (fourmillement, paresthésie, dysesthésie…), dans un territoire déficitaire, car ces derniers peuvent être une gêne à la préhension ou à l’utilisation de la zone concernée. Les manifestations peuvent également être responsables d’évitement, voire d’exclusion, comme dans le cadre d’une hypoesthésie sévère, avec toutes les conséquences fonctionnelles et gestuelles que cela peut avoir sur le quotidien du patient.


L’entretien d’un bon état trophique trouve ici une justification supplémentaire, associé éventuellement à un traitement médicamenteux antalgique afin d’éviter l’exclusion et favoriser l’intégration de la main au quotidien.



La désensitisation ou la désensibilisation [3]



Indications: Méthode d’origine américaine, elle est utilisée lors de :



• dysesthésies, voire certaines hyperesthésies et hypersensibilités de la main ;


• cicatrices névromateuses [4] constituées par des terminaisons nerveuses immatures enchevêtrées dans un tissu cicatriciel, ou des cicatrices dysesthésiques voire hyperesthésiques. Mais attention, parfois ces dysesthésies ou hyperesthésies cicatricielles peuvent être provoquées par un travail trop agressif sur les adhérences ou la « bonne volonté » du patient [5] ;


• névromes ou les sites de lésions. Leur mécanisme douloureux, généré par l’enroulement sur elles-mêmes des repousses axonales, diffère totalement de l’hyperesthésie. Les vibrations, les martèlements et la répétition des stimuli font partie des traitements les plus efficaces pour les névromes naissants.



Principe d’action: Bien que controversé, le principe d’action de cette technique serait basé sur la théorie du gate-control, par l’action de stimulations répétées et légères des fibres Aβ qui amplifieraient l’action inhibitrice sur le phénomène douloureux.


La désensitisation recherche un contact progressif du territoire cutané désagréable par des stimuli de plus en plus nombreux, du plus doux au plus agressif. Elle consiste à supporter des stimulations tactiles toujours plus importantes, de manière à avoir une occupation maximale de la voie de conduction et obtenir une inhibition sur le message douloureux.


Le programme, précisément minuté et varié, sera fréquemment modulé pour chasser tout exercice perçu négativement par le patient, tant sur le plan somatique que psychologique, et pour repérer les exercices mieux tolérés qui seront répétés et intensifiés par la suite.



Matériel et méthode:



Contact avec des particules et des textures: Une hiérarchisation des contacts est établie du plus doux au plus rugueux, ou du « peu désagréable au plus désagréable » selon le niveau de compréhension du patient. Ce classement subjectif des sensations s’effectue au départ sur la main saine puis sur la main lésée, quand la consigne est bien assimilée.




Traitement par vibrations: Les vibrations mécaniques transcutanées figurent en bonne place parmi l’arsenal thérapeutique pour soulager aussi bien les douleurs aiguës que chroniques, comme le démontrent M.-F. Tardy-Gervet, R. Guieu et al. dans leur étude [6]. L’effet curatif des vibrations sur les névromes a été démontré par G. Riera qui observe des signes de régénérescence constante sur des lésions nerveuses stimulées par vibration, contrairement aux autres qui affichent un aspect de dégénérescence [7].


Le but de la « désensitization » ou de la désensibilisation par les vibrations mécaniques est de faire supporter au patient des vibrations de plus en plus importantes tout en gardant un seuil de tolérance identique et non douloureux [8].


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Jun 13, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 18: Rééducation des troubles de la sensibilité dans les traumatismes de la main

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