18 Cycle cellulaire
Le cycle cellulaire est un processus par lequel une cellule devient deux. D’un point de vue conceptuel, nous pouvons distinguer chez les organismes multicellulaires le cycle chromosomique (réplication de l’ADN selon un mode semi-conservatif suivi de la séparation physique des deux génomes dans les noyaux fils) et le cycle de croissance (réplication de tous les autres composants de la cellule, protéines, membranes, organelles, etc., et leur séparation physique dans deux cellules filles). L’information génétique est fidèlement dupliquée et correctement transmise aux deux cellules filles afin de préserver la pérennité du code génétique des espèces. Les deux cycles, prolifération et croissance cellulaires, sont étroitement coordonnés de sorte que les cellules répliquent leur ADN et se divisent à chaque fois que leur taille augmente d’un facteur deux.
I Phases du cycle cellulaire
• la prophase : les chromosomes répliqués se condensent dans des structures compactes. Les centres organisateurs des microtubules, encore appelés centrosomes, se séparent pour former ultérieurement le fuseau mitotique ;
• la métaphase : les chromosomes condensés s’alignent sur la plaque équatoriale du fuseau mitotique ;
• l’anaphase : les cohésines sont dégradées, et les chromatides sœurs de chaque chromosome migrent vers les pôles opposés du fuseau mitotique ;
• la télophase : il y a cytodiérèse, la cellule se divise en deux, les enveloppes nucléaires se reforment.
II Historique
La remarquable constance dans la succession des différentes phases requiert un contrôle moléculaire précis tout au long du cycle cellulaire. Des expériences effectuées dans des systèmes hétérologues (amphibiens, étoile de mer, oursin, levures) ont abouti à l’identification des facteurs de régulation essentiels au déroulement correct et ordonné du cycle cellulaire. Le premier facteur identifié l’a été dans les années 1970 grâce à des expériences de micro-injection dans des ovocytes de xénope et de fusion cellulaire. Il s’agit du facteur initialement nommé MPF (facteur de promotion de la phase M ou M-phase promoting factor) qui contrôle l’entrée en mitose (ou en méiose) des cellules.
A Ovocyte de xénope, un système d’expression hétérologue de choix
Chez la femelle Xenopus laevis, après stimulation hormonale par la progestérone, l’ovocyte I, jusque-là bloqué en début de prophase I de méiose, poursuit sa méiose, termine la première division et effectue le début de la deuxième division méiotique jusqu’au stade métaphase II, stade auquel il devient fécondable ; cette étape s’appelle la maturation méiotique. Cette reprise de méiose se visualise par une dépigmentation du pôle animal qui fait suite à l’éjection du premier globule polaire. L’ovocyte de Xenopus laevis constitue un système hétérologue de choix pour l’étude des cascades de signalisation impliquées dans le passage de prophase au déclenchement de la phase M du cycle cellulaire. Lorsque du cytoplasme d’ovocyte II (bloqué en 2e division de méiose, métaphase II) est prélevé puis injecté dans un ovocyte I, il induit la maturation de l’ovocyte receveur.
B Le complexe mitotique cycline B/Cdk1
La substance contenue dans le cytoplasme d’ovocyte en métaphase II capable d’induire la maturation a été appelée MPF (facteur de promotion de la phase M ou M-phase promoting factor). C’est justement parce que ce MPF est maintenu actif que l’ovocyte est bloqué en métaphase II. Il a été montré par la suite que le MPF n’était pas seulement le facteur déclenchant de la méiose ovocytaire, mais qu’il déclenchait également l’entrée en mitose (phase M) des cellules somatiques. Le cytoplasme injecté contenant du MPF actif entraîne l’activation du stock de MPF inactif de la cellule receveuse et ainsi déclenche la maturation méiotique caractérisée par la disparition de l’enveloppe nucléaire (GVBD : germinal vesicle break down), la condensation des chromosomes et la formation du fuseau mitotique et de la plaque métaphasique. Des expériences de fusion cellulaire ont validé l’existence de ce facteur de stimulation en montrant que la fusion d’une cellule mitotique et d’une cellule interphasique conduisait à la condensation des chromosomes issus de la cellule interphasique. Ce modèle expérimental consistant à fusionner deux cellules de stade différent du cycle cellulaire pour produire un hétérocaryon (cellule hybride contenant deux noyaux différents avec mise en commun de leur cytoplasme) permet de savoir si une cellule donnée contient ou non un facteur de stimulation d’une étape du cycle. Le facteur présent dans la cellule mitotique qui a induit une « entrée en mitose » précoce du noyau de la cellule en interphase est bien le MPF.
En conclusion, ces expériences montrent que l’entrée en mitose (ou en méiose) est contrôlée par un facteur cytoplasmique diffusible, le MPF. Ce dernier ne sera caractérisé précisément qu’en 1988. Il s’agit d’un complexe formé de deux protéines : une sous-unité catalytique, protéine kinase, qui est une enzyme phosphorylant des protéines cibles, et qui n’est activée qu’en présence d’une cycline, d’où son nom de protéine kinase dépendante de cycline (Cdk) et une sous-unité régulatrice appartenant à la famille des cyclines. Le complexe cycline B/Cdk1 est responsable de la phosphorylation des lamines, de nucléoporines, de protéines associées aux microtubules, des histones et des condensines au début de la mitose.
Les kinases dépendantes des cyclines et les cyclines impliquées dans la régulation du cycle cellulaire des cellules de mammifères ont par la suite été identifiées chez la levure (Saccharomyces cerevisiae et Schizosaccharomyces pombe), notamment par la recherche systématique de mutants dans les gènes codant des molécules intervenant dans le cycle cellulaire, cdc (cell division cycle). Toutes les protéines identifiées chez la levure sont conservées au cours de l’évolution. Ces travaux ont été récompensés en 2001 par le prix Nobel de physiologie et médecine, décerné à Leland Hartwell, Tim Hunt et Paul Nurse.