Chapitre 17 Toxoplasmose oculaire
Toxoplasma gondii : généralités
Toxoplasma gondii est un protozoaire, parasite intracellulaire obligatoire, de la famille des Apicomplexes, appartenant à la classe des Sporozoaires. La première identification du parasite a été effectuée en 1908 par Nicolle et Manceaux, à l’Institut Pasteur de Tunis, dans le gondi, un rongeur nord-africain [1].
CYCLE DU PARASITE
TACHYZOÏTES
Les tachyzoïtes ont un aspect incurvé en forme de croissant, mesurant de 5 µm à 10 µm de long sur 1 µm à 3 µm de large. Au pôle postérieur, un peu plus arrondi, se situe le noyau, tandis qu’au pôle antérieur, plus effilé, se situe le complexe apical, permettant au parasite de pénétrer dans la cellule hôte. Dans un premier temps, le parasite adhère à la membrane plasmique de la cellule hôte par l’intermédiaire de molécules d’adhérence. Plusieurs protéines de surface des tachyzoïtes intervenant dans ces phénomènes d’adhérence ont été mises en évidence, telles que SAG1 (Surface Antigen 1, ou p30) et MIC2 (Microneme Protein 2) [2,3]. La pénétration dans la cellule hôte s’effectue secondairement par un mécanisme actif ATP-dépendant, faisant intervenir le cytosquelette d’actine et de myosine du parasite [4]. Les études in vitro sur cultures cellulaires montrent que les tachyzoïtes peuvent pénétrer dans tous les types de cellules de mammifères [5]. Les tachyzoïtes peuvent également être phagocytés par les macrophages/monocytes. À l’intérieur de la cellule, le parasite est nourri et protégé par la membrane parasitophore, au sein de laquelle il se divise par endodyogénie (forme de reproduction asexuée rapide ; fig. 17-1). Après plusieurs cycles de réplication, la cellule hôte éclate et les tachyzoïtes libérés peuvent envahir de nouvelles cellules (fig. 17-2).
BRADYZOÏTES
Les bradyzoïtes sont contenus dans des kystes de forme sphérique ou ovoïde, se développant à l’intérieur du cytoplasme de la cellule hôte. La taille des kystes varie de 20 µm à 100 µm et leur densité au sein des différents tissus de l’organisme varie en fonction de l’âge du kyste, du type de tissu parasité, de la nature de l’hôte et de la souche parasitaire (fig. 17-3) [6]. Le nombre moyen de bradyzoïtes par kyste est estimé à plusieurs milliers [7].
Les kystes n’étant pas détruits par l’acide chlorhydrique gastrique, leur ingestion peut être contaminante. En revanche, ils sont détruits par une température supérieure à 66 °C (cuisson des viandes à cœur) ou inférieure à − 12 °C (congélation des viandes) [8].
Les kystes persistent dans les tissus de l’hôte pendant des années, voire des décennies, sans entraîner de réaction inflammatoire locale [5]. Certains antigènes de surface du parasite sont exprimés et traversent la paroi du kyste, entretenant une immunité totale et protectrice empêchant une nouvelle infestation.
Cependant, la paroi d’un kyste peut parfois se rompre, entraînant la libération des bradyzoïtes qui, selon un mécanisme encore mal connu, vont se transformer en tachyzoïtes et réactiver l’infection [9]. Chez le sujet immunocompétent, l’infection sera le plus souvent rapidement contrôlée par le système immunitaire, alors que chez le sujet immunodéprimé, une dissémination du parasite est possible.
En réponse à l’infection par Toxoplasma gondii, l’organisme de l’hôte met en place une réaction immunitaire essentiellement de type cellulaire par l’intermédiaire des lymphocytes T, principalement suppresseurs CD8+, et de cytokines, notamment l’interféron γ [10].
CONTAMINATION DES HÔTES
Le cycle parasitaire comporte une reproduction sexuée, qui s’effectue chez le chat, et une reproduction asexuée, qui a lieu chez les hôtes intermédiaires (mammifères, oiseaux) (fig. 17-4). Lors du cycle sexué complet, le chat se contamine en ingérant des kystes contenus dans sa proie. Les formes végétatives pénètrent les cellules de l’intestin grêle du chat, où elles se reproduisent par un mécanisme de multiplication asexuée (schizogonie). Apparaissent ensuite les éléments sexués, mâles ou femelles (micro- ou macrogamétocytes). La fécondation (gamogonie) aboutit à la formation de l’oocyste, qui est rejeté dans le milieu extérieur dans les fèces du chat.
Lors du cycle asexué incomplet, la contamination de l’hôte intermédiaire est liée à l’ingestion de kystes contenus dans la viande mal cuite (essentiellement porc ou mouton) ou d’oocystes souillant les fruits et légumes. L’ingestion d’eau municipale contaminée a également été incriminée, ainsi que l’inhalation d’oocystes sporulés [11,12]. Les greffes d’organes (cœur, poumons) ou de moelle osseuse peuvent également constituer un mode de contamination [13] ; en effet, des kystes quiescents au niveau du greffon peuvent être réactivés chez le receveur en raison de l’immunodépression induite par le traitement visant à prévenir le rejet de greffe.
Les formes végétatives passent dans la circulation générale et gagnent différents organes par voie lymphatique et sanguine. Au cours de cette phase de parasitémie, les tachyzoïtes peuvent traverser la barrière placentaire et contaminer le fœtus pendant la grossesse. Cette phase de parasitémie est limitée par l’action des anticorps circulants qui vont neutraliser les parasites libres [14]. En cas de primo-infection, les anticorps sont sécrétés en sept à dix jours (IgM puis, secondairement, IgG). Néanmoins, ces anticorps ne sont pas suffisants pour contrôler l’infection [15] : les macrophages activés par l’interféron γ vont détruire les tachyzoïtes — mais ils restent inefficaces sur les formes kystiques.
VIRULENCE SELON LES SOUCHES
Des virulences différentes selon les souches de Toxoplasma gondii ont été soupçonnées de longue date. Les techniques de biologie moléculaire ont permis une classification des souches par étude de polymorphismes de restriction (RFLP) [16].
Aujourd’hui, les souches sont classées en trois types [17]. Le type I correspond aux souches virulentes (RH, par exemple), les types II et III à des souches non virulentes (ME49, Prugniaud, CEP…). En analysant les souches impliquées dans des cas de toxoplasmose humaine (congénitale ou cérébrale), il a été démontré que 70 % des souches identifiées étaient de type II [18]. Une étude analysant douze prélèvements vitréens — pratiqués en cas de formes graves ou atypiques de toxoplasmose oculaire — a retrouvé huit souches de type I (ou apparentées au type I), une souche de type III et trois souches de type II [19].
ÉPIDÉMIOLOGIE
SÉROPRÉVALENCE
La fréquence de la toxoplasmose est très variable d’un pays à l’autre et même selon les régions (tableau 17-I et fig. 17-5). Les habitudes alimentaires peuvent expliquer ces prévalences différentes. Ainsi, en Europe, la séroprévalence chez les femmes enceintes varie de 11 %% en Norvège à 43,8 %% en France [20–22]. Dans toutes les populations étudiées, la séroprévalence augmente avec l’âge. En Angleterre, une étude chez cinq cents patients asymptomatiques infectés par le VIH retrouvait une séroprévalence globale de 27 %, variant de 9 % dans le groupe des moins de vingt ans à 67 % dans le groupe des plus de soixante ans [23].
Pays | Référence | Séroprévalence |
---|---|---|
France | Berger, 2008 [20] | 43,8 % |
Suisse | Zuber, 1995 [22] | 46 % |
Autriche | Sukthana, 1999 [112] | 30 % |
Danemark | Lebech, 1999 [113] | 28 % |
Royaume-Uni | Allain, 1998 [114] | 18 % |
Norvège | Jenum, 1998 [21] | 11 % |
Australie | Walpole, 1991 [115] | 35 % |
États-Unis | Jones, 2001 [24] | 22,5 % |
Brésil | Guimaraes, 1993 [116] ; Cerqueira, 1998 [117] | 25,8 % * à 77,5 % ** |
Fig. 17-5 Séroprévalence de la toxoplasmose en France.
(Données issues de l’enquête nationale périnatale DGS/Inserm/RNSP, 2003.)
Aux États-Unis, l’analyse de 17 658 sujets pris au hasard dans la population retrouvait une séroprévalence de 22,5 % (intervalle de confiance de 95 % : 21,1-23,9) [24]. Le risque de contamination augmentait avec l’âge, était plus important chez les immigrés et était corrélé à un bas niveau d’éducation ou à des conditions de vie précaires.
PRÉVALENCE ET INCIDENCE DE LA TOXOPLASMOSE OCULAIRE
L’analyse d’une consultation d’ophtalmologie hospitalière à Paris retrouvait en 1995 environ un cas de toxoplasmose oculaire parmi mille consultants [25]. Une étude réalisée dans la région londonienne a eu pour objectif de répertorier tous les cas de rétinochoroïdite active d’origine toxoplasmique pendant un an, à partir de neuf centres (deux centres de référence dans la prise en charge des uvéites ont été exclus). L’incidence calculée de la rétinochoroïdite toxoplasmique active était de 0,4 pour 100 000 par an (intervalle de confiance de 95 % : 0,1-0,7) pour les patients nés en Angleterre et de 57 pour 100 000 par an pour les patients nés en Afrique de l’Ouest [26]. Des enquêtes comparables en Écosse et en Irlande du Nord retrouvaient respectivement une incidence de 0,35 et 0,63 pour 100 000 par an [27]. Deux études aux États-Unis retrouvaient des cicatrices choriorétiniennes évocatrices chez 0,6 % de la population [28,29]. Au sud du Brésil, dans une région où la séroprévalence est particulièrement élevée, des cicatrices choriorétiniennes évocatrices étaient retrouvées chez 18 % des sujets examinés [30].
Dans la plupart des études, la toxoplasmose est la cause la plus fréquente d’uvéite postérieure chez les sujets immunocompétents, représentant de 18 % à 49 % des cas [31].
MODÈLES EXPÉRIMENTAUX DE TOXOPLASMOSE OCULAIRE
MODÈLES DE TOXOPLASMOSE CONGÉNITALE
Des modèles murins de toxoplasmose congénitale ont été obtenus en pratiquant une injection sous-cutanée de kystes issus de souches peu virulentes chez des souris en gestation [32]. Les souriceaux sacrifiés à seize semaines présentaient des lésions oculaires à type de cataracte et de nécrose rétinienne plus ou moins étendue. L’analyse histologique retrouvait la présence de kystes au niveau des couches internes de la rétine (couche des cellules ganglionnaires, couche nucléaire interne) et du nerf optique, mais jamais au niveau de la choroïde, du vitré ou du cristallin [33].
MODÈLES PAR INJECTION DIRECTE INTRAOCULAIRE
Les différents modèles utilisant l’injection directe de tachyzoïtes ou de kystes dans l’espace suprachoroïdien ou intrarétinien produisent une rétinochoroïdite aiguë sans encéphalite. Ces modèles ont été utilisés chez des lapins et des singes [34,35]. L’extrapolation des résultats chez l’homme est discutable, puisque l’atteinte oculaire humaine est le plus souvent due à la réactivation de kystes intrarétiniens.
MODÈLES PAR INJECTION INTRAPÉRITONÉALE
Des souris ou des hamsters ont été infectés de manière chronique par injection intrapéritonéale de kystes de souches peu virulentes (par exemple, la souche ME49) [36]. L’atteinte oculaire a pu être réactivée en quinze à trente jours chez des souris en les immunodéprimant par injection d’anticorps monoclonaux anti-CD4+ et anti-CD8+[37]. En traitant ces souris avec des anticorps anti-IFNγ ou anti-TNFα, les lésions oculaires étaient beaucoup plus importantes et les parasites plus abondants (fig. 17-6). Les lésions observées dans ces modèles expérimentaux sont très variables, allant d’une unique zone de rétinochoroïdite bien limitée, à de vastes zones de nécrose rétinienne [38]. Ces modèles confirment le rôle majeur de l’interféron y dans le contrôle de l’infection et dans la formation des kystes, via la conversion des tachyzoïtes en bradyzoïtes.
Des phénomènes inflammatoires autoréactifs ont été soupçonnés dans la physiopathologie des rétinochoroïdites toxoplasmiques. Ces résultats confirmeraient les données obtenues chez des patients atteints de toxoplasmose oculaire pour lesquels des réponses lymphocytaires contre des autoantigènes rétiniens ont été observées [39].
Prise en charge des toxoplasmoses congénitales en France
PRIMO-INFECTION ET GROSSESSE
Le risque de transmission de T. gondii au fœtus est limité aux cas de primo-infection maternelle au cours d’une grossesse et correspond en France à 15,1 cas pour mille [21]. Les quelques exceptions à cette règle sont extrêmement rares, comportant seulement environ une dizaine d’observations publiées [40–45]. Certains de ces cas exceptionnels étaient associés à des terrains particuliers, notamment chez des patientes immunodéprimées par le VIH ou sous corticothérapie [46,47]. En pratique, la constatation d’une sérologie toxoplasmique positive avant le début d’une grossesse permet de rassurer une femme quant à son risque de transmettre la maladie à son fœtus.
RISQUE DE TRANSMISSION MATERNOFŒTALE SELON LE TERME
En cas de primo-infection toxoplasmique au cours de la grossesse, le risque de transmission au fœtus croît avec le terme (tableau 17-II). Des modifications de la production locale d’interleukines pourraient avoir un rôle dans l’augmentation de la perméabilité placentaire au parasite au cours de l’évolution de la grossesse.
SÉVÉRITÉ DES MANIFESTATIONS SELON LE TERME
Dans une étude portant sur six cent trois grossesses, le risque de toxoplasmose symptomatique chez les fœtus infectés passait de 61 % à treize semaines à 25 % à vingt-six semaines et à 9 % à trente-six semaines [48]. Les infections précoces sont responsables d’atteintes cardiaques, cérébrales (microcéphalie, hydrocéphalie, calcifications intracrâniennes, retard psychomoteur) ou oculaires majeures (microphtalmie, cataracte, vastes foyers de rétinochoroïdite), tandis que les infections plus tardives se manifestent par des signes cliniques moins importants, voire inexistants, à la naissance.
PROGRAMME FRANÇAIS DE PRÉVENTION DE LA TOXOPLASMOSE CONGÉNITALE
SUIVI SÉROLOGIQUE
En France, un programme national de prévention des toxoplasmoses congénitales, reposant sur des textes législatifs, a été instauré depuis 1978. Ce programme impose aux femmes un dépistage sérologique obligatoire lors de l’examen prénuptial et/ou prénatal pour les femmes enceintes [49]. Toutes les femmes séronégatives au cours de ce dépistage doivent faire l’objet d’une surveillance sérologique mensuelle jusqu’à l’accouchement, afin de diagnostiquer une séroconversion (fig. 17-7).
PRISE EN CHARGE DES SÉROCONVERSIONS MATERNELLES
En cas de séroconversion maternelle, les examens ont pour but la recherche d’une infection fœtale. Le diagnostic anténatal de toxoplasmose congénitale repose sur une amniocentèse pratiquée à partir de la dix-huitième semaine d’aménorrhée et au moins quatre semaines après la date présumée de l’infection maternelle. La présence du parasite dans le liquide amniotique est recherchée par PCR. Un résultat positif prouve l’infection congénitale. Une recherche de toxoplasme par inoculation à la souris est encore réalisée de manière concomitante. La sensibilité combinée des méthodes utilisées pour le diagnostic anténatal de toxoplasmose congénitale varie de 64 % à 95 % selon les séries [50,51].
PRISE EN CHARGE DES INFECTIONS FŒTALES
Interruption thérapeutique de grossesse
Lorsque l’infection fœtale est prouvée, la sévérité des lésions cérébrales est évaluée en recherchant des calcifications intracrâniennes et des dilatations ventriculaires à l’échographie. Devant des formes particulièrement sévères de toxoplasmose congénitale, une interruption thérapeutique de grossesse peut être proposée. L’interruption thérapeutique est particulièrement discutée lors d’infections toxoplasmiques en début de grossesse, associées quasiment systématiquement à des lésions oculaires et/ou cérébrales sévères [52,53].
MANIFESTATIONS OPHTALMIQUES DES TOXOPLASMOSES CONGÉNITALES
La fréquence et la sévérité des atteintes ophtalmiques compliquant des toxoplasmoses congénitales varient considérablement d’une étude à l’autre, selon le mode de recrutement des patients et selon les modalités thérapeutiques pré- et postnatales éventuellement utilisées (tableau 17-III).
TOXOPLASMOSES CONGÉNITALES NON TRAITÉES
Une étude prospective, comportant dix-huit enfants atteints de toxoplasmose congénitale n’ayant reçu aucun traitement, retrouvait des lésions choriorétiniennes chez tous les enfants suivis depuis la naissance, après un recul moyen de onze ans [54]. Dans ce groupe, les lésions maculaires étaient présentes dans 76 % des cas (dont 23 % bilatérales). En présence de cicatrices maculaires bilatérales, une acuité visuelle supérieure à 5/10 était conservée sur l’un des yeux atteints dans environ la moitié des cas. Dans ces formes « historiques », non traitées, sévères, le pronostic visuel peut être également lié au développement d’une cataracte, à un décollement de rétine, à une phtise du globe ou à une atrophie optique. La même équipe a évalué, au cours d’une étude prospective longitudinale réalisée sur vingt-cinq enfants, le taux d’apparition d’une nouvelle lésion choriorétinienne à 72 % après un suivi moyen de 5,7 ans [55]. La nouvelle lésion était centrale dans 52 % des cas. Une autre étude d’enfants non traités montrait le doublement de l’incidence des rétinochoroïdites entre la naissance et l’âge de vingt ans [56].
TOXOPLASMOSES CONGÉNITALES TRAITÉES EN POSTNATAL
Aux États-Unis, dans une cohorte d’enfants pour laquelle la détection de la toxoplasmose congénitale avait été néonatale, traités dès la naissance par l’association pyriméthamine-sulfadiazine, 74 % présentaient des lésions choriorétiniennes. La localisation était maculaire dans 54 % des cas, mais une baisse d’acuité visuelle bilatérale n’était retrouvée que chez 29 % des enfants. Des études françaises retrouvaient des lésions choriorétiniennes dans 28 % à 44 % des cas traités de manière postnatale uniquement [57–59].
TOXOPLASMOSES CONGÉNITALES TRAITÉES DE MANIÈRE PRÉ- ET POSTNATALE
La fréquence et la sévérité des manifestations ophtalmiques rapportées dans la littérature (tableau 17-III) sont variables et peuvent être imputées à des différences dans les modalités thérapeutiques utilisées. Dans certains cas, les traitements anténatals étaient encore limités à la spiramycine ; dans d’autres séries, l’association pyriméthamine-sulfadiazine était utilisée. Globalement, les pourcentages de lésions choriorétiniennes ou d’atteinte fonctionnelle sévère varient de 9 % à 31 % [50,59,60]. Les études rapportant les plus faibles pourcentages de lésions choriorétiniennes sont celles pour lesquelles le traitement in utero et celui pendant la première année de vie ont comporté l’association pyriméthamine-sulfadiazine [61].
Toxoplasmoses d’origine acquise
RÔLE DES INFECTIONS ACQUISES PARMI LES CAS DE TOXOPLASMOSE OCULAIRE
Classiquement, la plupart des toxoplasmoses oculaires étaient considérées comme résultant d’une infection congénitale. Cependant, le rôle des infections d’origine acquise a été démontré dans de nombreux cas de toxoplasmose oculaire (tableau 17-IV) [62]. En particulier, ces infections acquises ont été prouvées par l’observation de toxoplasmoses oculaires chez plusieurs membres d’une même fratrie [63]. Dans certaines régions, la prévalence élevée de cas de toxoplasmose oculaire a été liée à des infections d’origine acquise. Ainsi, dans une région du sud du Brésil, des lésions oculaires évocatrices de toxoplasmose étaient retrouvées chez 17,7 % de la population étudiée [64]. Au cours d’une épidémie de toxoplasmose acquise au Canada liée à la contamination d’un réseau de distribution d’eau, parmi cent sujets infectés, vingt ont présenté une atteinte oculaire [65].
Silveira, 1988 [63] | Sud du Brésil | Présence de plusieurs cas de toxoplasmose parmi les members de fratries |
Glasner, 1992 [30] | Sud du Brésil | Prévalence inhabituellement élevée de la toxoplasmose oculaire Étude épidémiologique Fréquence des rétinochoroïdites en augmentation avec l’âge : de 1 à 8 ans, 0,9 % ; après 13 ans, 21,3 % |
Ronday, 1995 [70] | Hollande | 8 patients âgés de 42 à 75 ans avec des infections récentes, IgM+ |
Couvreur, 1996 [73] | France | 49 patients (toxoplasmose maternelle exclue) Soit infection récente Soit toxoplasmose parmi plusieurs membres d’une fratrie |
Burnett, 1998 [65] | Canada | 20 patients Épidémie de toxoplasmose |
Delair, 2008 [68] | France | 100 patients Toxoplasmose maternelle exclue et/ou IgM+ |
Dans la plupart des cas, la primo-infection toxoplasmique est asymptomatique ou n’entraîne qu’un banal syndrome pseudogrippal associé à des adénopathies. L’examen sérologique met en évidence la présence d’IgM ou une augmentation significative du titre des IgG à trois semaines d’intervalle [66]. Au cours des toxoplasmoses d’origine acquise, les manifestations oculaires peuvent être concomitantes de l’infection ou différées, parfois des années ou des décennies après la primo-infection. Dans une série de soixante-deux cas de toxoplasmose oculaire présumée, l’origine de l’infection était acquise dans 35,5 % des cas, congénitale dans 8 % et inconnue dans 56,5 % [67]. Dans une étude rétrospective portant sur quatre cent vingt-cinq cas de toxoplasmose oculaire, nous avons pu démontrer, en nous fondant sur les données du programme de prévention de la toxoplasmose congénitale, que l’infection était d’origine acquise dans 23,5 % des cas, congénitale dans 14,6 % et restait indéterminée dans 61,9 % [68]. À partir de l’étude statistique d’épidémies de toxoplasmose acquise et des taux de prévalence des toxoplasmoses congénitales, pour certains auteurs, jusqu’à deux tiers des cas de toxoplasmose oculaire seraient d’origine acquise [69].