Chapitre 17
Ergothérapie chez les patients traumatisés de la main
Introduction
L’ergothérapie intervient à tous les stades de la rééducation des patients traumatisés de la main : en phase précoce ou postopératoire, en phase de rééducation puis de réadaptation sociale et professionnelle.
Phase précoce ou postopératoire
Deux grands axes prioritaires :
• protection et prévention des complications, celles-ci sont assurées par :
– la mise en place d’appareillages spécifiques, généralement orthèse de positionnement de protection dans le cadre de lésions tendineuses, ligamentaires, nerveuses, dans les fractures digitales, dans les traumatismes associés et les amputations digitales partielles,
– l’éducation du patient orientée vers une information et consignes quant aux possibilités ou limites d’utilisation de sa main lésée durant la période de consolidation ;
• recherche de l’indépendance : véritable obnubilation de l’ergothérapeute, il recherchera les solutions d’adaptation ou de compensation afin de permettre le maintien ou l’accession au maximum d’autonomie individuelle. À ce stade, les investigations se portent généralement sur les activités quotidiennes comme le repas, l’habillage ou la toilette (figure 17.1).
Phase de rééducation
L’évaluation
L’évaluation de la capacité de préhension dans sa complexité reste un véritable défi. L’emploi classique de bilans orientés vers la mesure d’un aspect particulier de la fonction de préhension (trophique, articulaire, musculaire, sensitif, douleurs) n’apporte qu’une réponse fragmentée et incomplète de la capacité de préhension. L’ergothérapie par l’exploration de fonctions plus globales de la préhension telles que la dextérité, la coordination bimanuelle, apporte des résultats plus tangibles.
La dextérité
Expression « finale » de la qualité de la préhension, la dextérité est toujours perturbée quelle que soit l’affection et son degré de gravité : le Minnesota Rate of Manipulation Test, le Purdue Pegboard Test, le Roader Test et le Box and Blocks Test sont sensibles et fiables [3,4,5,6], ils permettent de suivre précisément le degré de performance et son évolution au cours de toutes les phases de rééducation.
« Le bilan 400 points »
Il propose une évaluation à quatre niveaux : motricité, force, prise monomanuelle, coordination bimanuelle [7,8,24]. L’observation dans une soixantaine de gestes de la vie courante renseigne sur les qualités de préhension et les ressources d’adaptation. La note attribuée à chaque épreuve « pointe » le secteur déficitaire. Les plus fréquents, observés au cours du bilan 400 points, sont : l’exclusion d’un ou plusieurs doigts, un trouble de la commande volontaire, une compensation, une allodynie, une amplitude déficitaire, un défaut de coordination, de dextérité, un déficit de vitesse d’exécution, des troubles de la sensibilité, un déficit de force de préhension…
Par ailleurs, il objective l’évolution des patients, en soulignant les progrès ou au contraire en marquant la nécessité de continuer l’effort entrepris. Il permet d’ajuster le traitement de rééducation ou d’orienter vers un traitement chirurgical ; 25 ans de pratique dans de nombreux services attestent de son intérêt (figure 17.2).
Entraînement précoce en situation
Le premier défi de l’ergothérapeute est de diminuer l’appréhension et de réintégrer la main dans un circuit fonctionnel normal : la recherche de la réafférentation psychomotrice, l’intégration et le rétablissement d’un schéma psychomoteur normal sont primodiaux. Après une immobilisation plus ou moins longue, il est facile d’avoir un « oubli cortical » des gestes antérieurs. Ce trouble peut perdurer si des exercices précoces recrutant un contrôle attentionel ne sont pas faits pour retrouver ces gestes effectués de manière spontanée. Les modifications corticales ne sont pas définitives et peuvent être à l’origine d’une réorganisation intrinsèque, voire d’un mécanisme de suppléance [10]. Différentes stratégies et techniques sont utilisées (figure 17.3).
Figure 17.3 Exercice précoce de préhension, réintégration de la main dans un circuit fonctionnel normal.
• L’attention « divisée » est le principe même de l’ergothérapie, elle permet grâce à un élément médiateur, distracteur par exemple, de focaliser l’attention sur la tâche à exécuter en « oubliant la main souffrante ». Le système MULE (Motor Upper Limb Exerciser) répond à cet objectif. Il offre une batterie de jeux sur PC dont l’interface est constituée d’un axe de rotation à poignées interchangeables et de deux dynamomètres, un Jamar et un Pinch. Le type, l’intensité et la durée des contractions musculaires sont paramétrables offrant ainsi la possibilité d’une rééducation précise et progressive. Généralement, on choisit un travail musculaire statique intermittent dosé progressivement de 20 % à 30 % jusqu’à la puissance critique (figure 17.4).
• L’attention « forcée » fait appel au recrutement de différents stimuli sensoriels : afférences auditives de type contacteur ou injonction de l’ergothérapeute et/ou de l’entourage, afférences visuelles et tactiles. Elle stimule la participation active (figure 17.5).
• Le leurre sensoriel ou « thérapie par le miroir », la thérapie par le miroir est une technique de réafférentation qui facilite ce processus de réorganisation vers un retour à la normale [9,13]. Elle vient compléter les diverses méthodes classiques. La thérapie par le miroir est une technique par leurre sensoriel qui permet de diminuer la douleur et d’améliorer la mobilité. Elle lutte contre l’absence de correspondance entre l’afférence motrice et le feedback visuel en donnant la sensation que le membre lésé répond à la commande corticale.
Cette méthode comprend plusieurs phases successives et s’applique à de nombreuses pathologies de la main [11,12] : l’exclusion segmentaire, le syndrome douloureux régional complexe, les traumatismes complexes de la main, les amputations digitales partielles, les problèmes de sensibilité avec douleurs neuropathiques. Elle reste néanmoins délicate à appréhender et nécessite une information préalable et une parfaite compliance.
Le renforcement de la force de préhension
• l’activité doit rester infradouloureuse. La force requise et la durée de l’activité respectent la limite du seuil de fatigue musculaire ;
• les postures du membre lésé au cours de l’activité doivent favoriser la diminution de l’œdème (mesuré avant et après l’activité), la déclive est préconisée ;
• l’exclusion segmentaire durant la tâche est proscrite ;
• l’outillage utilisé doit être conforme aux capacités de préhension. Les manches peuvent être grossis voire « moulés » aux capacités articulaires (figure 17.6).
Par ailleurs, les mises en situations variées dans les activités en ergothérapie s’avèrent être un excellent terrain d’observation au regard [14,15] :

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