CHAPITRE 16 TRAITEMENT DES CIRRHOSES
GÉNÉRALITÉS
Épidémiologie – Étiologie
Les autres causes beaucoup plus rares (< 5 % des cas) sont les hépatites auto-immunes, la cirrhose biliaire primitive, l’hémochromatose (qui doit être dépistée et traitée à un stade précoce, la cirrhose liée à l’hémochromatose est devenue très rare), la maladie de Wilson, le déficit en alpha-1 antitrypsine. Les causes médicamenteuses sont plutôt responsables d’hépatites aiguës voire fulminantes mais la prise de médicaments hépatotoxiques peut faire décompenser une cirrhose d’autre cause (tableau 16.1).
Antibiotiques et anti-infectieux | isoniazide (Rimifon) nitrofurantoïne (Furadantine) |
Médicaments de l’appareil cardiovasculaire | amiodarone (Cordarone) méthyldopa (Aldomet) bosentan (Tracleer) |
Antalgiques et anti-inflammatoires | aspirine |
Immunosuppresseurs | léflunomide (Arava) |
Psychotropes | chlorpromazine (Largactil) |
Physiopathologie
La progression de la fibrose vers la cirrhose peut prendre entre 15 et 20 ans.
L’examen clinique retrouve une hépatomégalie dure et indolore, des angiomes stellaires à la partie supérieure du thorax, une ascite (qui en cas de surinfection peut être une cause de décompensation de la cirrhose), parfois une encéphalopathie qui pourra nécessiter un transfert en réanimation, une érythrose palmaire, des ongles blancs, un hippocratisme digital, un ictère, un hypogonadisme avec gynécomastie chez l’homme.
La classification la plus utilisée est la classification clinico-biologique de Child-Pugh (tableau 16.2). Elle définit trois stades de gravité croissante en additionnant les points selon le tableau : stade A : 5 à 6 points, B : 7 à 9, C : 10 à 15 points.
Complications
Ascite
– le système rénine-angiotensine-aldostérone (hyperaldostéronisme secondaire) ;
– le système nerveux sympathique ;
Troubles neurologiques
Il s’agit de l’encéphalopathie hépatique qui est un témoin de la gravité de l’IHC.
Les complications neuropsychiatriques de l’intoxication éthylique chronique (syndrome de Gayet-Wernicke, syndrome de Korsakoff …) feront l’objet d’une vitaminothérapie lors du sevrage.
Mécanismes d’action
D-pénicillamine
Elle inhibe la réticulation du collagène et aurait ainsi une action anti-fibrosante.
Pharmacocinétique
Glucocorticoïdes
– albumine : faible affinité et forte capacité ;
– transcortine (ou Corticosteroid Binding Globulin) : forte affinité et faible capacité.
Azathioprine
Il s’agit d’une prodrogue métabolisée en métabolites actifs (6-TGN, 6-MMPR) et inactifs (6-MMP, 6-TU). Certains de ces métabolites sont hématotoxiques (6-TGN) ou hépatotoxiques (6-MMP). La thiopurine méthyl transférase (TPMT) est particulièrement impliquée dans le métabolisme de l’azathioprine. Des polymorphismes de l’enzyme sont à l’origine d’une diminution de son activité et une augmentation de la formation de 6-TGN d’où une hématotoxicité. D’autre part, certains médicaments peuvent également réguler de façon importante la TMPT (allopurinol, acide amino-salicylique). D’autres interactions (corticoïdes, diurétiques) ont été décrites mais leur pertinence clinique est discutée. Le génotypage ou le phénotypage de la TPMT revêt un intérêt thérapeutique important avant la mise sous traitement. En effet, les patients ayant une enzyme déficiente sont à risque d’hématotoxicité très importante. Un traitement alternatif devra leur être proposé.
CRITÈRES DE CHOIX THÉRAPEUTIQUE
Traitement de la cause
Hépatopathie alcoolique
Le traitement est schématiquement séparé en deux phases.
– Le sevrage, c’est-à-dire l’arrêt de prise d’alcool, qui doit être surveillé étroitement (service d’addictologie) afin de limiter les accidents de sevrage à type de delirium tremens, cette phase doit être courte.
– Le maintien de l’abstinence. Le sevrage devra faire l’objet d’une demande du patient et/ou de l’entourage pour avoir plus de chance de réussite. Une reprise de l’alcool ne devra pas être considérée comme un échec vis-à-vis du patient mais comme une étape dans la prise en charge. Les modalités recouvrent plusieurs buts : éviter la prise d’alcool, éviter le syndrome de sevrage. Spontanément, le syndrome de sevrage est résolutif en quelques jours. La persistance de ce syndrome au-delà de ce délai devra faire rechercher une addiction associée.
Traitement du sevrage
– Arrêt de tout apport d’alcool dans les boissons alcoolisées mais également les médicaments.
– Hydratation : les apports hydriques doivent être suffisants (1,5 à 2 L/j) sous forme d’eau, de jus de fruits … L’hydratation doit être augmentée, souvent par voie veineuse, au stade de pré delirium tremens.
– Prescription de benzodiazépines : les benzodiazépines les plus utilisées sont le diazépam et l’oxazépam. De par sa demi-vie longue et ses propriétés anti-comitiales importantes, le diazépam apparaît comme un traitement d’autant plus intéressant en cas de mauvaise adhérence du patient.
– Vitaminothérapie : en raison de la malabsorption et de la dénutrition souvent associées, les patients présentent des hypovitaminoses B. Les vitamines prescrites sont la thiamine (B1) en prévention des troubles cognitifs à type de syndrome de Gayet-Wernicke et Korsakoff et de la pyridoxine (B6) en prévention des neuropathies périphériques et des crises convulsives. La vitamine PP pourra être associée en tant que cofacteur. Il n’y a pas d’indication à prescrire de la vitamine B12 lors du sevrage. En revanche, il est fréquemment nécessaire de compenser une carence en folates, surtout en cas d’anémie.
Traitement de l’abstinence
Les cures de désintoxication peuvent être bénéfiques mais un suivi post cure est indispensable.
Plusieurs médicaments ont leur place dans cette indication.
– Naltrexone : son action sur la diminution des rechutes a été montrée pendant les quelques mois qui suivent le sevrage.
– Acamprosate : il induit une diminution de l’appétence à l’alcool. Il a donné des résultats positifs dans des essais d’une durée de 1 an. Son efficacité semble similaire à celle de la naltrexone.
– Disulfurame : ce médicament provoque un effet antabuse lors de la prise d’alcool. C’est donc un traitement aversif contrairement aux deux médicaments précédents. Il semble avoir de bons résultats à condition que l’observance soit très bonne car sa demi-vie est courte.
– Baclofène : il a plus récemment été proposé dans le cadre du maintien de l’abstinence. Les données sont assez limitées mais semblent en faveur de l’efficacité de ce médicament. L’hypotension orthostatique lors de l’association avec des β-bloquants et les effets indésirables dose-dépendants sont possibles. Son intérêt réel reste donc encore à confirmer.
Cirrhoses métaboliques
– Le traitement de l’hémochromatose repose sur les saignées dans le but d’éliminer la surcharge en fer. Le coefficient de saturation du fer, la ferritinémie et la surcharge en fer visualisée sur l’IRM hépatique guide la fréquence des saignées. Ce traitement est d’autant plus efficace qu’il est débuté tôt, au mieux, avant l’apparition des complications de la maladie. Des mutations du gène HFE (mutations C282Y et H63D) doivent être recherchées chez les parents au 1er degré.
– La maladie de Wilson est traitée par des chélateurs du cuivre. La surcharge en cuivre provoque la maladie en s’accumulant dans le foie et d’autres organes (œil : anneau de Kayser Fleisher). Le traitement de référence reste la D-pénicillamine qui doit être prise à vie. D’autres médicaments ont été proposés :