Chapitre 16 Techniques d’exploration
Exploration clinique de l’audition [1]
Devant une surdité, le problème principal est d’en déterminer l’étiologie afin de proposer un traitement adapté (médical, chirurgical ou prothétique). L’examen clinique ou l’audiométrie tonale vont permettre soit de poser le diagnostic soit d’orienter le malade vers une ou des investigation(s) complémentaire(s).
Interrogatoire
Le patient consulte le plus souvent pour une hypoacousie, celle-ci peut entraîner une plainte spécifique du patient ou de son entourage ou bien avoir été de découverte fortuite (médecine du travail, examens à l’occasion d’une autre affection). L’histoire de la surdité est fondamentale. Il faut en faire préciser la date et le mode de survenue, son évolution (permanente, fluctuante ou transitoire), son caractère uni- ou bilatéral, son retentissement social, et enfin le comportement du patient en milieu bruyant. En effet, la gêne est souvent majorée dans un environnement bruyant (classique surdité des banquets évoquant un déficit auditif prédominant sur les aigus), cependant elle peut au contraire être améliorée dans le bruit (paracousie de Willis).
Des signes d’accompagnement doivent être recherchés : otalgie, otorrhée, acouphène, sensation de plénitude d’oreille, vertige, obstruction nasale, épistaxis, rhinorrhée, fièvre.
Enfin, les antécédents du patient doivent être connus :
Examen clinique
L’examen clinique est fondamental. L’otoscopie première s’effectue à l’œil nu (spéculum d’oreille et bon éclairage grâce au miroir de Clar), au microscope binoculaire ou à l’optique rigide. On apprécie tout d’abord l’état du conduit auditif externe à la recherche d’une malformation ou d’un facteur obstructif. On étudie soigneusement l’état du tympan qui orientera le diagnostic. Il est souvent nécessaire de nettoyer le MAE à l’aide d’une micro-aspiration d’oreille pour éliminer les débris cérumineux ou des liquides éventuels (fig. 16-1).

1. Manche du malleus (marteau) ; 2. Triangle lumineux ; 3. Pars flaccida ; 4. Pars tensa ; 5. Proéminence malléaire (marteau) ; 6. Anneau fibrocartilagineux ; 7. Trompe d’Eustache ; 8. Tête du malleus (marteau) ; 9. Corps de l’enclume ; 10. Stapes (étrier) ; 11. Branche descendante de l’incus (enclume).
(c) Perforation et myringosclérose. Chez un patient de 21 ans aux antécédents d’otite chronique. Perforation de la pars tensa et remaniements fibreux de la membrane tympanique épargnant la pars flaccida, en rapport avec une myringosclérose.
(d) Cholestéatome chez un patient de 32 ans. Perforation marginale de la pars flaccida avec saillie de pus mêlé à des squames épidermiques et des croutelles masquant partiellement une masse blanchâtre atticale.
Les tests cliniques à la montre et à la voix permettent, malgré leur imprécision, de dépister certaines surdités et d’apprécier l’importance de la perte auditive.
L’acoumétrie est l’examen de l’audition à l’aide d’un diapason (différentes fréquences peuvent être utilisées : 128, 256, ou 512 Hz). On peut ainsi étudier la conduction aérienne en plaçant le diapason à 2 ou 3 cm du conduit auditif externe. De même, la conduction osseuse peut être étudiée en plaçant le pied du diapason sur la mastoïde. Enfin, la conduction cartilagineuse est évaluée en plaçant le pied du diapason sur le tragus ou la paroi postérieure de la conque.
L’acoumétrie permet, grâce à plusieurs épreuves, de déterminer le type de surdité : surdité de transmission ou de perception.
Épreuve de Weber
Elle consiste à placer le pied du diapason sur le vertex (sommet du crâne). Chez le sujet normal, le son est perçu de façon identique par les deux oreilles.
En cas de surdité de transmission, le son est perçu du côté sourd (ou du côté le plus sourd si l’atteinte est bilatérale).
En cas de surdité de perception, le son est perçu du côté sain (ou du meilleur côté si l’atteinte est bilatérale).
Épreuve de Rinne
Elle compare les conductions osseuses et aériennes pour chaque oreille. Si l’oreille est normale ou en cas de surdité de perception, la conduction aérienne est meilleure que la conduction osseuse. Dans cette situation, on dit alors que le Rinne est positif.
Dans les surdités de transmission, la conduction osseuse est meilleure que la conduction aérienne et l’on dit que le Rinne est négatif.
Épreuve de Lewis
Elle compare conduction cartilagineuse et conduction osseuse. Si l’oreille est normale ou en cas de surdité de perception, la conduction cartilagineuse est meilleure que la conduction osseuse.
En cas de surdité de transmission et, plus particulièrement s’il existe un blocage ossiculaire, la conduction osseuse est meilleure que la conduction cartilagineuse.
Pour résumer, l’acoumétrie au diapason utilise essentiellement deux épreuves pour déterminer le type de surdité : l’épreuve de Weber et l’épreuve de Rinne.
Le reste de l’examen consiste en un examen clinique complet particulièrement orienté sur l’examen des fosses nasales et du cavum, un examen neurologique avec étude des paires crâniennes, un examen vestibulaire.
Méthodes paracliniques fonctionnelles d’exploration de l’audition
Impédancemétrie (fig. 16-2)

Une courbe normale (a) a un aspect en toit de pagode, centrée sur une pression de 0, identique à la pression atmosphérique. Une courbe dont le pic est décalé vers les pressions négatives (b) indique une dépression permanente dans l’oreille moyenne : dysfonction tubaire. Une courbe plate (c) correspond à une faible mobilité tympano-ossiculaire : épanchement rétrotympanique, fixation de la chaîne ossiculaire
Lorsque le tympan est rigidifié par dépression ou hyperpression, toute l’énergie sonore fournie par l’écouteur est réfléchie et se retrouve au niveau du microphone. Lorsque la pression est identique de part et d’autre du tympan, celui-ci vibre et absorbe une grande partie de l’énergie sonore. Ainsi, l’énergie récupérée par le microphone est proportionnelle à la rigidité du tympan. En pratique, on étudie la variation de la compliance tympano-ossiculaire (l’inverse de la rigidité), en fonction des variations de pression.
Un pic très élevé, en forme de tour Eiffel, témoigne d’une mobilité tympano-ossiculaire excessive : tympan flaccide, disjonction de la chaîne ossiculaire.
L’impédancemétrie permet également l’étude du réflexe stapédien. Il s’agit d’un réflexe de protection de la cochlée en cas de traumatismes sonores. La stimulation d’une oreille normale avec un son de 80 dB provoque une contraction bilatérale du muscle de l’étrier, augmentant la rigidité tympano-ossiculaire, ce qui diminue la compliance mesurée. La plus faible intensité déclenchant cette contraction détermine le seuil du réflexe stapédien.
Dans les surdités de transmission, le réflexe stapédien est le plus souvent aboli.
Dans les surdités de perception, on étudie l’écart entre le seuil auditif et le seuil du réflexe stapédien. Si cet écart est pincé, inférieur à 80 dB, il témoigne d’un phénomène appelé recrutement, en faveur d’une atteinte endolabyrinthique. Le recrutement reflète la capacité d’une oreille malentendante à entendre les sons d’intensité élevée aussi bien qu’une oreille normale.
Audiométrie (fig. 16-3)
Plusieurs types de test peuvent être effectués.
Audiométrie tonale liminaire
L’audiométrie tonale liminaire permet de déterminer pour chaque oreille les seuils auditifs, c’est-à-dire le niveau d’audition, à l’aide de sons purs.
Plusieurs fréquences sont testées, de 125 Hertz (Hz) (graves) à 8 000 Hz (aiguës), pour chaque oreille. Pour chaque fréquence, le seuil auditif correspond à l’intensité minimum perçue, exprimée en décibels (dB).
La conduction aérienne, évaluant l’ensemble de l’audition (appareil de transmission tympanoossiculaire, oreille interne et voies nerveuses auditives), est mesurée à l’aide d’écouteurs. La conduction osseuse, évaluant le fonctionnement de l’oreille interne et des voies nerveuses auditives, est mesurée à l’aide de vibrateurs placés sur la mastoïde.
La comparaison entre conduction aérienne et osseuse permet l’appréciation de l’appareil de transmission. L’écart entre les deux courbes est appelé Rinne audiométrique.
Chez le sujet normal, les deux courbes sont confondues au niveau zéro décibel (fig. 16-3a).
Dans une surdité de perception, les deux courbes sont abaissées et accolées (fig. 16-3b).
Dans une surdité de transmission, la conduction aérienne est abaissée et la conduction osseuse est conservée (fig. 16-3c).
Dans une surdité mixte (perception et transmission), les deux courbes sont abaissées et décalées (fig. 16-3d).
Audiométrie haute fréquence
L’audiométrie haute fréquence est indiquée dans le dépistage précoce des toxicités cochléaires et des surdités professionnelles, elle détermine les seuils audiométriques en conduction aérienne sur les fréquences aiguës variant de 8 000 à 20 000 Hz.
Audiométrie vocale
L’audiométrie vocale étudie l’intelligibilité, c’està-dire la compréhension des mots. On demande au sujet de répéter des listes de 10 mots émis à une intensité donnée, et on reporte sur un diagramme le pourcentage de mots compris pour chaque intensité testée.
Une discordance entre les résultats d’audiométrie tonale et vocale est évocatrice d’une atteinte rétrocochléaire (nerf auditif ou tronc cérébral).
Potentiels évoqués auditifs (PEA)
L’étude des PEA est un test objectif d’exploration de l’audition effectué en fonction des résultats de l’examen clinique, de l’impédancemétrie et de l’audiométrie.
Les PEA correspondent à l’enregistrement grâce à des électrodes de surface, de l’activité électrique du nerf auditif et des premiers relais du tronc cérébral induite par une stimulation acoustique. On enregistre ainsi une courbe présentant cinq pics (ondes I à V) dont on appréciera la latence d’apparition en millisecondes, et les délais entre les ondes. Les cinq pics correspondent aux différents relais des voies auditives depuis la jonction neurosensorielle entre la cochlée et le nerf auditif (onde I) jusqu’à la partie haute du tronc cérébral (onde V).
Cet examen ne teste que les fréquences aiguës (2 000 Hz à 4 000 Hz). Son interprétation peut être limitée par l’importance de la surdité. L’enregistrement des PEA est un examen sensible et atraumatique permettant la détermination du seuil auditif et la recherche d’une atteinte rétrocochléaire en mettant en évidence un allongement de l’intervalle I–V.
Examens d’imagerie en otologie : généralités
Imagerie par résonance magnétique (IRM) [2, 3]
Les séquences habituelles dans l’exploration des angles pontocérébelleux sont regroupées en plusieurs catégories.
Séquences T1
Les séquences en pondération T1 avec TR et TE courts : quatre séquences pondérées T1 peuvent être utilisées : le spin écho (SE), le turbo spin écho (TSE) ou fast spin écho (FSE), l’écho de gradient (EG), et enfin le transfert d’aimantation. Cette dernière est de moins en moins utilisée compte tenu des progrès et du développement d’autres séquences. Les séquences TSE-FSE et écho de gradient sont adaptées à l’étude de l’APC et sont réalisées en coupes fines jointives de 2 mm ou moins.
La saturation de la graisse peut être appliquée aux séquences TSE/FSE ou EG. La saturation de la graisse est utilisée quand on suspecte une lésion graisseuse (lipome du conduit auditif externe par exemple), pour s’affranchir des lipides intra-osseux ou si un comblement chirurgical a été réalisé avec de la graisse.
Séquence 3D T1 gadolinium
Les acquisitions tridimensionnelles pondérées T1 (flash, turbo flash, fast low angle shot) sont des séquences en écho de gradient (TR et TE très courts), qui permettent la réalisation de coupes fines (0,8 à 1,2 mm) en pratique courante, et la reconstruction dans tous les plans de l’espace. L’acquisition est réalisée après injection intraveineuse de produit de contraste, en incidence sagittale, afin d’éviter des effets de repliement, avec reconstructions dans les plans axial et coronal au minimum. Le plan de reconstruction axial choisi est, en général, celui du canal semicirculaire externe, c’est-à-dire incliné vers le haut de 18 à 20° par rapport au plan du planum sphénoïdal. D’autres plans de reconstruction peuvent être réalisés en fonction de la structure étudiée.

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