16: Renforcement musculaire en rééducation de la main et du poignet

Chapitre 16


Renforcement musculaire en rééducation de la main et du poignet





Introduction


« Dans les choses où le cœur n’y est pas, la main n’est jamais puissante. » (Barbey d’Aurevilly)


La force, selon Cometti, résulte de facteurs structuraux (hypertrophie du muscle), de facteurs nerveux (recrutement maximal et synchronisation des unités motrices [UM], coordination) et de facteurs réflexes (étirement, élasticité). Les paramètres de la contraction musculaire sont : le mode (statique ou dynamique), l’intensité, l’amplitude, la vitesse, la coordination musculaire [1].


La force préhension est l’un des aspects nécessaire à la récupération de la fonction. L’efficacité de la prise résulte de la stabilité du poignet, et plus globalement du membre supérieur (MS), ainsi que d’une force de prise adaptée à la résistance de l’objet.


Lorsque la main est libre, les muscles du membre supérieur assurent son déplacement et son orientation dans l’espace. Les doigts se meuvent aisément compte tenu du moindre effet de la pesanteur sur les segments digitaux. L’extrémité étant libre, on parle de mouvements en chaîne cinétique ouverte (CCO). Les muscles du MS fonctionnent en chaîne, préférentiellement selon une organisation de type série. Les muscles agonistes situés du même côté des leviers osseux fonctionnent en synergie, réalisant des mouvements plutôt curvilignes avec accélération en bout de chaîne. Les muscles s’allongent et se raccourcissent selon leur potentiel et l’exigence du mouvement. Au niveau de la main, la dynamique des doigts s’effectue grâce à l’action des muscles extrinsèques et intrinsèques. La richesse gestuelle résulte du nombre, de la différenciation et de la variété des muscles. La coordination intermusculaire et la qualité proprioceptive des structures myo-aponévrotiques riches en mécano-récepteurs sont des éléments importants du mouvement.


En situation de prise ou d’appui, la main est fixée. Les mouvements sont plus lents et plutôt rectilignes (ex : mouvement de pompe). On parle de chaîne cinétique fermée (CCF). La stabilité est conditionnée par la co-contraction des muscles antagonistes de part et d’autre des leviers osseux selon une organisation de type parallèle. Cette organisation tend à protéger articulations et leviers osseux. Lors de la prise, la main épouse l’objet et y exerce une force lui permettant de tenir cet objet. Les muscles travaillent alors de façon statique en co-contraction. Le niveau de recrutement s’adapte en fonction de la résistance de l’objet et du temps de maintien.


La plupart du temps, les activités humaines sollicitent en alternance ou de façon combinée, CCO et CCF, organisation musculaire de type série ou de type parallèle, recrutement des muscles selon un mode statique ou dynamique. Au niveau de la main, le mouvement libre nécessite peu de force mais de l’amplitude active des unités myo-tendineuses, alors qu’en situation de prise les muscles travaillent contre une résistance, de façon statique. Le rôle du système musculaire de la main est de mobiliser les arches longitudinales en flexion-extension grâce à un système long adaptant en permanence sa course en fonction du contexte, et lorsque la main saisit, de stabiliser la prise. Lors de la prise, les muscles travaillent de façon préférentielle en co-contraction autour des articulations à 3 degrés de liberté, le poignet, l’articulation trapézo-métacarpienne, les articulations métacarpo-phalangiennes. Lors des différentes phases de la préhension (approche, tenu, lâcher) tous les modes de contractions sont utilisés, isométrique (stabilité des arches transversales), dynamique concentrique et excentrique. La coordination intermusculaire (jeu agoniste/antagoniste, co-contractions), les synergies de fixation, la stabilisation des arches sont des éléments à renforcer pour récupérer une bonne fonction de la main.


En cas de fragilité tissulaire, nous privilégions le renforcement musculaire statique qui semble une technique plus adaptable et mieux contrôlée selon l’objectif fonctionnel, tant en ce qui concerne la stabilité du poignet que l’efficacité des prises. Les protocoles de renforcement s’effectuent de façon conjointe à la récupération de la mobilité et évoluent en fonction de la solidité des structures.



Le système musculaire du poignet et de la main


Il est constitué de muscles longs à vocation de mobilité, et de muscles courts à vocation de stabilité. Généralement, on oppose les muscles toniques (muscles du maintien, courts, développant peu de force, endurants, riches en fibre de type I) aux muscles phasiques (muscles du mouvement, longs, développant force et amplitude active, résistants, riches en fibre de type II). L’architecture musculaire est un élément plus important que la typologie pour la détermination des muscles. Les caractéristiques architecturales (masse musculaire, tranches de section, longueur du muscle, longueur de la fibre musculaire, angle de pennation) sont les données sur lesquelles s’appuient la classification des muscles de la main et l’orientation dans le choix des techniques de renforcement.




Le renforcement musculaire


Il participe au rétablissement du mouvement déficitaire, lutte contre l’amyotrophie et doit à terme se rapprocher au plus près de la fonction [2]. Dans un cadre pathologique, il convient d’appliquer des protocoles qui respectent une remise en charge progressive des structures lésées, grâce à une mise en œuvre chronologique des techniques, du statique vers le dynamique, de l’analytique vers le global, tout en tenant compte des spécificités musculaires et de l’organisation des chaînes myo-aponévrotiques. La mise en jeu conjointe des fonctions neurologique, mécanique et métabolique et des facteurs rappelés, impose aux thérapeutes une véritable « science de l’adaptation ». Cometti insiste sur l’aspect qualitatif de la sollicitation musculaire plutôt que l’aspect quantitatif.


L’aspect qualitatif désigne le fonctionnement du système neuro-moteur en termes de recrutement d’UM, de coordination intermusculaire, de motricité réflexe, de phénomènes d’irradiations selon l’organisation en chaînes musculaires, de contractions synergiques de stabilisation ; cet ensemble repose sur la proprioceptivité des différents constituants anatomiques.


L’aspect quantitatif concerne le volume musculaire et la force selon les différentes filières énergétiques en fonction du niveau d’effort. Le renforcement musculaire s’accompagne d’une augmentation du diamètre et du nombre de fibres musculaires ainsi que d’une adaptation des trames conjonctives et du réseau vasculaire.


Compte tenu de la multiplicité des fonctions de la main, les protocoles de renforcement de la main et du poignet sont riches d’exercices variés et de sollicitations ciblées.


Après la période d’immobilisation ou de restrictions fonctionnelles qui suit un traumatisme ou une intervention chirurgicale de la main ou du poignet, on retrouve fréquemment au bilan kinésithérapique des phénomènes d’extinction motrice, sensitive et proprioceptive, une perte de force et de fonction, une amyotrophie touchant l’avant-bras et la main. L’amyotrophie se traduit par une perte de volume, plus marquée dans les muscles lents que dans les muscles rapides. Au niveau de la main, elle touche particulièrement les muscles intrinsèques avec une fonte des éminences thénar et hypothénar, ainsi qu’un creusement des vallées intermétacarpiennes. Par ailleurs, l’inactivité globale liée à la période d’arrêt place le système musculaire du membre supérieur dans un état de déconditionnement physique et fonctionnel plus général. Il est utile d’envisager un protocole de reconditionnement complémentaire en endurance sur l’ensemble du membre supérieur dans la perspective d’une reprise professionnelle ou sportive.



Les méthodes, orientation générale


Il existe différents régimes de contraction musculaire :



• la contraction statique ou isométrique : il n’y a pas de mouvement, la longueur du muscle reste constante. La force développée est variable en fonction de la résistance appliquée. Le thérapeute contrôle facilement les contraintes exercées. L’exercice est reproductible. L’entraînement statique est efficace pour lutter contre l’amyotrophie. Il est adapté aux muscles toniques. C’est la technique de renforcement privilégiée dans la période de fragilité ;


• la contraction dynamique concentrique : il y a rapprochement des insertions musculaires et diminution de la longueur du muscle. La force développée par le muscle est supérieure à la résistance. L’entraînement dynamique concentrique est efficace contre l’amyotrophie et améliore le rythme et la coordination neuromusculaire. La difficulté à contrôler les contraintes exercées repoussera l’emploi de ce type de travail dans les cas de fragilité tissulaire ;


• la contraction dynamique excentrique : il y a éloignement des insertions et allongement du muscle. La résistance appliquée est supérieure à la force du muscle. L’entraînement dynamique excentrique est souvent plus proche de la fonction et renforce les structures passives du muscle. C’est le stade ultime dans l’emploi des techniques de renforcement, qui exige des tissus une solidité totale.

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Jun 13, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 16: Renforcement musculaire en rééducation de la main et du poignet

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