Chapitre 16. Réentraînement à l’effort de l’insuffisant respiratoire chronique obstructif
Didier Saey, Nadège Gosselin, Marc Decramer and Thierry Troosters
PLAN DU CHAPITRE
Introduction
La réadaptation respiratoire se définit comme l’ensemble des interventions personnalisées, dispensées par une équipe pluridisciplinaire aux patients atteints d’une maladie respiratoire chronique. Basée sur la preuve, elle a pour objectif de réduire les symptômes, d’optimiser le statut fonctionnel, les conditions physiques et psychosociales et de diminuer les coûts de santé par une stabilisation des manifestations systémiques de la maladie. Cette définition adoptée conjointement par l’European Respiratory Society et par l’American Thoracic Society [1] met en évidence plusieurs des aspects fondamentaux de la réadaptation respiratoire au long cours. Tout en excluant formellement toute sélection uniquement basée sur la fonction pulmonaire, elle souligne que la prescription des modalités d’intervention de la réadaptation respiratoire doit être individualisée et adaptée aux besoins du patient.
Les symptômes de la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) étant aggravés par l’effort, ils conduisent le patient à éviter l’exercice, et l’entraînent progressivement vers un processus de déconditionnement, lui-même à l’origine de l’aggravation de la dyspnée. Plus le patient devient inactif, plus le risque d’hospitalisation augmente [2]. Ce processus aussi appelé la « spirale du déconditionnement dans la BPCO » conduit inexorablement le patient vers une détérioration de son état de santé, de sa qualité de vie ainsi que de sa tolérance à l’effort, qui est nettement plus marquée chez les patients ayant une BPCO que chez les sujets sains [3]. Tout comme plusieurs autres maladies chroniques, la BPCO a été considérée durant la dernière décennie comme une maladie présentant des complications systémiques ayant des impacts fonctionnels importants [4]. C’est ainsi que la perte de masse musculaire, associée à une diminution de la force musculaire et à une diminution de la masse maigre, deviennent des indices importants de la gravité de la maladie respiratoire [5]. De fait, la capacité fonctionnelle, mesurée par le test de marche de 6min, le recours aux soins de santé et l’espérance de vie sont corrélés à la faiblesse musculaire ou à la diminution de la masse musculaire, et ce indépendamment de l’atteinte de la fonction respiratoire [5, 6, 7 and 8]. Un exemple illustrant la fréquence de la faiblesse musculaire évaluée dans une population importante de patients admis dans quatre centres de réadaptation en Belgique est représenté en figure 16.1.
Figure 16.1 |
Le dysfonctionnement musculaire et la diminution de la tolérance à l’effort peuvent être traités par des programmes de réentraînement appropriés et individualisés. En effet, parallèlement au traitement pharmacologique et en dépit de sa pauvre influence sur la survie des patients, la réadaptation pulmonaire, comprenant entre autres un programme d’exercice physique, apparaît comme une intervention thérapeutique incontournable du traitement des patients souffrant d’une BPCO modérée à sévère [1, 9, 10, 11, 12 and 13]. Ses effets sur la qualité de vie font actuellement consensus. Plusieurs métaanalyses ont démontré que les programmes de réadaptation pulmonaire, tout en augmentant la tolérance à l’effort, diminuaient la dyspnée et la fatigue musculaire et augmentaient la sensation de contrôle vis-à-vis de la maladie [14, 15]. Économiquement, les programmes de réadaptation contribuent ainsi à la réduction de l’utilisation des services de santé [16, 17].
Suite à une récente revue State of the art [12] et aux dernières mises à jour des recommandations conjointes de l’European Respiratory Society et de l’American Thoracic Society [1, 11], il devient tout à fait clair que les effets à court et long terme d’un programme de réadaptation pulmonaire associé à un suivi médical optimal sont plus bénéfiques en termes de tolérance à l’effort et de qualité de vie que l’ajout d’un nouveau bronchodilatateur ou d’un corticostéroïde inhalé. Et c’est à ce titre que les nouveaux guides de pratiques font une place de plus en plus importante aux programmes de réadaptation pulmonaire dans le traitement de la BPCO. Tel qu’illustré en figure 16.2, la structure et la complexité de ces programmes varient en fonction de la sévérité de la maladie [1, 9, 11, 12, 18].
Figure 16.2 (adapté de Standards for diagnosis and management of patients with COPD [1]) |
Ce chapitre évoquera les connaissances acquises au cours de la dernière décennie sur le réentraînement à l’effort. Les différentes stratégies d’entraînement chez les patients porteurs d’une BPCO seront discutées et leurs résultats respectifs analysés. Enfin, l’entraînement à l’effort sera situé dans un contexte plus général de soins pluridisciplinaires adaptés à ces patients. Récemment, la littérature anglo-saxonne a publié des travaux de synthèse concernant ce sujet que le lecteur est invité à consulter [1, 9, 11, 14, 18, 19 and 20].
Structure d’un programme de réentraînement à l’effort
Outre l’atteinte de la fonction respiratoire, la diminution progressive de la tolérance à l’effort est une des conséquences habituelles de la BPCO qui affectent la fonction et la qualité de vie des patients qui en sont atteints [21, 22]. De même, une dysfonction musculaire particulièrement marquée aux muscles locomoteurs a largement été décrite dans la BPCO et a récemment fait l’objet de plusieurs revues de littérature [20, 23, 24 and 25]. Cette dysfonction se caractérise essentiellement par une atrophie et une diminution de leur métabolisme oxydatif. Ces adaptations progressent avec la sévérité de la maladie et ont des conséquences importantes non seulement sur la fonction musculaire elle-même, mais aussi sur la capacité fonctionnelle, la tolérance à l’effort et la qualité de vie des patients ayant une BPCO. Quoique son étiologie soit complexe et suscite encore beaucoup de questionnement [25], dans de nombreuses pathologies chroniques, dont l’insuffisance cardiaque congestive et la BPCO, la stimulation appropriée d’un muscle squelettique au cours de programmes d’exercice physique adapté (réentraînement à l’effort et exercices musculaires) conduit à une amélioration progressive de sa fonction. L’efficacité des programmes de renforcement musculaire et de réentraînement à l’effort est dépendante de ses modalités qui se déclinent par rapport à la durée du programme de réentraînement, à la durée et la fréquence des séances, et à l’intensité de l’effort [26, 27]. À ce propos, le réentraînement à l’effort doit comporter au minimum des séances d’entraînement de 30min, et être effectué 3 fois par semaine. La durée du programme doit être la plus longue possible. Il a en effet été démontré que les bénéfices sont nettement supérieurs après 7 semaines d’entraînement qu’après 4 semaines [28]. Notre équipe a également démontré que chez les patients ayant une BPCO sévère, les effets d’un programme de réadaptation étaient plus marqués après 6 mois qu’après 3 mois [29]. Ceci a été confirmé récemment dans une méta-analyse [30].
Classiquement, la littérature rapporte trois types de programme de réadaptation pulmonaire essentiellement basé sur le lieu de l’intervention.
• en hospitalisation complète ou en centre de réadaptation ;
• en ambulatoire dans un centre de réadaptation ;
• au domicile du patient.
Bien que la polémique existe quant aux effets de la réadaptation à domicile des patients les plus sévères [31, 32], chacun de ces trois types de programme s’est avéré efficace. Chaque type de structure ayant des avantages et des inconvénients qui influencent l’orientation des patients, le lieu et la structure du programme de réadaptation pulmonaire devront être déterminés en fonction des besoins du patient, de sa motivation et des ressources locales.
Les modalités
Plusieurs études cliniques étudiant les effets de l’entraînement dans la BPCO ont utilisé soit la marche, soit la bicyclette stationnaire comme seules modalités d’exercice [33, 34 and 35]. Cependant, d’un point de vue plus clinique, l’entraînement des patients ayant une BPCO est classiquement conçu sous forme de circuit au cours duquel le patient alterne divers formes d’entraînement, incluant l’entraînement à l’effort (bicyclette stationnaire, marche, escalier), l’entraînement musculaire des muscles périphériques (exercices des membres supérieurs et des membres inférieurs) et éventuellement l’entraînement des muscles respiratoires. Ces différentes modalités seront tour à tour analysées dans la section subséquente de ce chapitre [31, 36, 37]. Quelques investigateurs ont également introduit avec un certain succès des modalités gymniques à leur programme d’entraînement [38]. Pris ensemble, les résultats de ces études mettent en évidence l’intérêt d’inclure dans les programmes de réadaptation des exercices variés et proches de la gestuelle et des besoins de la vie quotidienne, et ce d’autant plus qu’une amélioration de l’efficacité du mouvement est un des résultats escomptés par les programmes de réadaptation pulmonaire.
Le réentraînement à l’effort (bicyclette stationnaire et marche)
L’intensité de l’exercice est sans doute la composante la plus importante de la prescription du réentraînement à l’effort. Quelle que soit la modalité de l’intervention, une intensité suffisante est requise pour l’obtention des résultats escomptés par les programmes de réadaptation. À cet effet, les données de la littérature récente semblent confirmer qu’une intensité comprise entre 60 et 80 % de la capacité maximale mesurée doit être ciblée pour l’entraînement à l’effort (marche, bicyclette stationnaire).
Il reste que la limitation de la tolérance à l’effort étant très variable d’un patient à l’autre, les professionnels ont besoin de se donner une latitude pour ajuster leurs prescriptions selon les symptômes de leurs patients. Pour assurer une progression optimale tout au long du programme de réadaptation, nous pensons utile de recourir à des algorithmes de progression (un exemple est donné au tableau 16.1). À condition d’être observés par le patient, ces algorithmes sont garants d’une progression vers des exercices de haute intensité. Ils nécessitent cependant une supervision étroite de la part des professionnels pour ajuster régulièrement l’intensité de l’exercice tout au long du programme de réadaptation. Dans ces conditions, il a été montré qu’une augmentation hebdomadaire de la charge de travail était possible chez les patients ayant une BPCO (figure 16.3) [36, 39, 40].
Semaine | Entraînement continu | Entraînement par intervalle | Charge de travail (watts maximaux) | |
---|---|---|---|---|
Durée (min) | Durée (min) | Série | ||
1 | 10 (2 × 5) | 2 × 2 | 5 fois | 60 % |
2 | 12 (2 × 6) | 2 × 2 | 6 fois | 60 % |
3 | 12 (2 × 6) | 2 × 2 | 6 fois | 65 % |
4 | 14 (2 × 7) | 2 × 2 | 7 fois | 65 % |
5 | 14 (2 × 7) | 2 × 2 | 7 fois | 70 % |
6 | 14 (2 × 7) | 2 × 2 | 7 fois | 70 % |
7 | 14 (2 × 7) | 2 × 2 | 7 fois | 75 % |
8 | 16 (2 × 8) | 2 × 2 | 8 fois | 75 % |
9 | 16 (2 × 8) | 2 × 2 | 8 fois | 80 % |
10 | 16 (2 × 8) | 2 × 2 | 8 fois | 80 % |
11 | 16 (2 × 8) | 2 × 2 | 8 fois | 85 % |
12 | 16 (2 × 8) | 2 × 2 | 8 fois | 85 % |
Figure 16.3 (adapté de Spuit [40]) |
L’utilisation d’échelles de perception de l’effort a aussi été pressentie non seulement pour la prescription initiale de l’exercice, mais aussi pour l’ajustement subséquent de son intensité. À cet effet, un groupe de chercheurs a proposé qu’une intensité cotée entre 4 et 6 sur l’échelle de perception modifiée de Borg (dont le score maximal est de 10 points) indiquait en général une intensité adéquate pour l’entraînement à l’effort des patients ayant une BPCO [41]. De plus, il a été montré que les scores de perception obtenus au cours d’un test d’effort à charge croissante demeuraient stables pour un effort relatif tout au long du programme de réadaptation [42] et pourraient donc être utiles pour guider le professionnel dans l’ajustement de l’intensité de l’exercice durant le programme. Quoiqu’il ne soit pas encore certain que ces échelles de perception de l’effort ou de la dyspnée soient suffisamment fiables pour permettre à elles seules la prescription optimale du niveau d’intensité de l’exercice, l’échelle de perception de Borg a été utilisée dans nombre d’essais cliniques pour guider la progression de l’intensité de l’effort en cours de programme de réadaptation [10, 16, 32, 36, 43, 44].
Pour le travail sur bicyclette stationnaire, la charge de travail initiale devrait être basée sur les tests de mesure de la capacité fonctionnelle maximale réalisés au cours d’épreuves ergospirométriques à charges croissantes. Une intensité comprise entre 60 et 80 % de la capacité maximale (exprimée en watts) semble appropriée. Il convient ici de se rappeler que la capacité de travail maximale obtenue lors d’une d’épreuve ergospirométrique à charge croissante est fortement dépendante du protocole utilisé. En effet, il a été montré qu’une épreuve utilisant une petite incrémentation de la résistance (par exemple 5W/min) se traduisait par une capacité maximale de travail significativement plus basse qu’une incrémentation plus élevée (par exemple 20W/min) [45]. Par conséquent, la charge de travail ciblée initialement devrait être placée à un pourcentage légèrement plus élevé pour les épreuves ayant été conduites avec de faibles incrémentations (par exemple 80 % de la capacité maximale) et légèrement plus bas (par exemple 60 % de la capacité maximale) pour les épreuves au cours desquelles une forte incrémentation a été utilisée. De même, la vitesse de marche obtenue au cours du test de marche de 6min peut avantageusement être utilisée comme valeur de référence pour la prescription de l’entraînement sur tapis roulant.
En raison de leurs limitations ventilatoires ou de leur faiblesse musculaire, il arrive que certains patients ne soient pas capables de soutenir l’effort (à la marche ou sur la bicyclette stationnaire) à l’intensité ciblée pour une longue période de temps. La durée de l’exercice peut alors être segmentée en plusieurs petites périodes de travail (par exemple 2min) entrecoupées de périodes de récupération [46, 47 and 48].
Il est aussi important de se rappeler que la marche engage de plus grands groupes musculaires que l’exercice sur bicyclette stationnaire et est donc, musculairement parlant, moins exigeante pour des patients limités par leur ventilation. À ce sujet, un groupe de recherche de Québec [49] a démontré auprès d’un groupe de patients ayant une BPCO que la fatigue contractile des muscles locomoteurs était significativement moins prononcée suite à un exercice de marche que suite à un exercice de même intensité sur bicyclette stationnaire. L’entraînement sur bicyclette stationnaire, de par la stimulation des muscles locomoteurs qu’il exerce, reste donc la modalité privilégiée de tout programme d’entraînement à l’effort. Cependant, il est indéniable que la marche, de par son aspect fonctionnel, est aussi une modalité d’entraînement incontournable des programmes de réadaptation pulmonaire.
L’entraînement musculaire en résistance des muscles périphériques
La prescription de l’intensité dans le réentraînement musculaire se fait en général en fonction de la charge maximale que le patient peut soulever une seule fois (1RM) dans toute l’amplitude du mouvement sans compensation. Basées sur les recommandations faites par l’American College of Sport Medicine pour l’entraînement musculaire d’une population en bonne santé et vieillissante [50], les caractéristiques spécifiques d’un programme de renforcement musculaire sont résumées au tableau 16.2. Pour des résultats optimaux, les exercices musculaires excentriques et concentriques, uni- et poly-articulaires sont recommandés. Pour les gains en force pure, peu de répétitions (1–8) proches de la résistance maximale (80–100 % de 1RM) devraient être ciblées. Une augmentation de la charge de travail de 2–10 % devrait se faire dès que l’exercice peut être réalisé pour une ou deux répétitions supplémentaires. Une période de 2 à 3min de repos devrait aussi être allouée entre deux séries d’exercices [51], et la fréquence optimale de traitement devrait être de 4 à 5 fois par semaine (mais 1 à 2 fois par semaine serait suffisant pour maintenir les acquis des patients déjà engagés dans un programme de renforcement musculaire) [50]. Plusieurs études s’adressant à des patients BPCO ont utilisé une prescription de 3 séries de 8 répétitions avec des charges de 70–80 % de 1RM pour leur entraînement musculaire (un exemple de progression est donné en tableau 16.3).
1RM : charge maximale que le patient peut soulever une seule fois dans toute l’amplitude du mouvement sans compensation. | |||
Force-résistance | Force-endurance | Endurance | |
---|---|---|---|
Charge | 80 à 100 % de 1RM | 70 à 85 % de 1RM | 30 à 80 % de 1RM |
Volume | 1–3 séries de 1–8 répétitions | 3 séries de 8–12 répétitions | 1–3 séries de 20–30 répétitions |
Période de repos (min) | 2–3 | 1–2 | 1 |
Fréquence | 4–6 fois par semaine | 2–4 fois par semaine (maintien 1–2 fois par semaine) | 2–4 fois par semaine |
Progression | 2–10 % | Débutants : 60 à 70 % de 1RM | |
Bénéfices anticipés | Augmentation de la masse musculaire, de la force et de la densité osseuse | Hypertrophie, augmentation de la masse musculaire, de la force et de la densité osseuse Amélioration de l’endurance musculaire et de la capacité fonctionnelle | Augmentation de la capacité oxydative et de la capillarisation musculaire Amélioration de l’endurance musculaire et de la capacité fonctionnelle |
1RM : charge maximale que le patient peut soulever une seule fois dans toute l’amplitude du mouvement sans compensation. | ||
Semaine | Charge de travail | Nombre de répétitions |
---|---|---|
1 | 70 %1 RM | 3 × 8 |
2 | 70 %1 RM | 3 × 8 |
3 | 76 %1 RM | 3 × 8 |
4 | 82 %1 RM | 3 × 8 |
5 | 88 %1 RM | 3 × 8 |
6 | 94 %1 RM | 3 × 8 |
7 | 100 %1 RM | 3 × 8 |
8 | 106 %1 RM | 3 × 8 |
9 | 112 %1 RM | 3 × 8 |
10 | 115 %1 RM | 3 × 8 |
11 | 118 %1 RM | 3 × 8 |
12 | 121 %1 RM | 3 × 8 |
Une méta-analyse récente a confirmé l’efficacité proprement dite de l’entraînement musculaire en résistance chez le malade ayant une BPCO [52]. Cependant, la combinaison de modalités d’entraînement musculaire et d’entraînement à l’effort semble la stratégie optimale en réadaptation pulmonaire [1, 9, 11, 12, 18, 53].
L’avantage clinique le plus intéressant de l’entraînement musculaire réside dans la faible demande ventilatoire imposée par l’exercice. En effet, de petits groupes musculaires isolés peuvent être engagés dans l’effort, permettant ainsi d’atteindre des niveaux d’intensité de travail relativement élevés sans surcharge ventilatoire additionnelle. Ceci en fait une modalité d’intervention privilégiée pour les patients dont les limites ventilatoires sont particulièrement abaissées, comme les patients en stade avancé de la maladie ou en cours d’exacerbation.
Même si les muscles des membres supérieurs semblent moins affectés par le déconditionnement que les muscles locomoteurs, quelques patients présentent une dysfonction de ceux-ci [54, 55, 56 and 57]. Celle-ci étant réversible par l’entraînement musculaire, une stratégie de renforcement musculaire des membres supérieurs devrait être considérée chez ces patients.
L’entraînement des muscles respiratoires
L’entraînement des muscles respiratoires constitue une forme particulière du réentraînement musculaire des malades ayant une BPCO. Parmi les différentes modalités, les programmes d’entraînement spécifique des muscles inspiratoires les plus utilisés sont ceux faisant appel à des résistances inspiratoires directes et ceux limitant le débit inspiratoire. Ces programmes relativement peu onéreux nécessitent cependant une supervision régulière. L’hyperpnée normocapnique a été également appliquée, quoique moins fréquemment, dans la BPCO [58].
Il est actuellement bien accepté que quand la charge de travail est appropriée (contrôlée et d’une intensité supérieure ou égale à 30 à 40 % de la pression inspiratoire maximale [PI max]), l’entraînement des muscles inspiratoires se traduit par une diminution significative de la dyspnée et améliore les mesures de performance des muscles inspiratoires [59]. Cependant, les effets de cet entraînement spécifique sur la tolérance à l’effort et la qualité de vie sont largement moins consensuels [59, 60, 61 and 62]. Par conséquent, il y a eu un large débat afin de déterminer si l’entraînement des muscles inspiratoires devrait systématiquement faire partie des programmes de réadaptation des patients ayant une BPCO. Les directives actuelles sont que cette modalité ne devrait pas être une composante de routine des programmes de réadaptation et qu’elle devrait être réservée à des patients présentant une faiblesse significative de leur musculature respiratoire [63, 64 and 65].
Notre compréhension actuelle de l’entraînement des muscles inspiratoires est que cette modalité reste toujours une composante complémentaire possible dans le cadre d’un programme d’entraînement complet mais qu’elle n’est pas conseillée comme seule modalité d’intervention chez les patients ayant une BPCO.
Effets du réentraînement à l’effort
Les effets d’un entraînement à l’effort sur la qualité de vie et la tolérance à l’effort sont bien connus [66], et sont nettement supérieurs à l’effet clinique minimal. Notre groupe parmi d’autres a démontré que les effets duraient davantage si le programme était de longue durée (6 mois) [29, 30]. Lorsque le programme du réentraînement à l’effort est approprié, les anomalies de la fonction musculaire peuvent être corrigées [34]. Les capacités oxydatives des muscles squelettiques sont améliorées comme en témoignent l’amélioration de l’énergétique musculaire [34], la cinétique plus rapide de la consommation d’O2 [67], la diminution significative de la ventilation et de la production de lactate pour une même charge de travail [68]. Au niveau cellulaire, l’activité des enzymes oxydatives augmente [69] et la proportion des fibres musculaires oxydatives (type I et type IIA) ainsi que la surface de section occupée par ces fibres se normalisent [69, 70]. Après un réentraînement général en endurance, les muscles squelettiques des patients BPCO sont plus résistants à la fatigue [71] et les capacités d’endurance du quadriceps augmentent de façon significative [72]. La force maximale des muscles squelettiques s’améliore d’environ 15 % [36, 73], et ce même après un entraînement général en endurance [40]. Toutefois, les bénéfices observés au niveau de la force musculaire peuvent être plus importants lorsque le réentraînement en endurance est associé à un réentraînement spécifique en résistance [37, 53]. Ces bénéfices physiologiques contribuent clairement à l’allègement des symptômes chez le patient BPCO. La diminution de production de lactate et l’amélioration de l’efficacité mécanique diminuent la ventilation pour un travail donné. De plus, O’Donnell et al. ont démontré qu’après un entraînement à l’effort, les patients BPCO ressentaient une dyspnée moins importante pour un niveau de ventilation donné [74]. L’amélioration de la force musculaire et de l’endurance peut probablement contribuer à la réduction de la fatigue musculaire, un symptôme majeur de la BPCO. Ces effets du réentraînement sont observés indépendamment de l’âge du patient [75] et de sa fonction pulmonaire [76]. Des effets bénéfiques peuvent également être obtenus chez des patients hypoxémiques et hypercapniques [77] après réentraînement.
Malgré ces résultats globalement positifs, il est important de mentionner qu’environ un tiers des patients ne bénéficient pas d’améliorations significatives après un réentraînement [78]. De manière similaire aux sujets sains, des différences de nature génétique jouent certainement un rôle dans cette absence de réponse à l’entraînement [79]. Il est également probable que d’autres mécanismes interviennent. Parmi ces facteurs explicatifs, les modalités du réentraînement à l’effort sont à prendre en compte. Par exemple, notre équipe a mis en évidence que les patients très limités au niveau ventilatoire mais avec une force musculaire relativement préservée répondaient peu au réentraînement à l’effort en endurance [78]. Un entraînement musculaire en résistance pourrait être plus efficace pour reconditionner les muscles squelettiques de ces patients puisque le système respiratoire est peu sollicité. En effet, il a été démontré qu’un entraînement local en résistance (charges supérieures à 70 % de la charge maximale) est aussi efficace sur la fonction musculaire qu’un entraînement général en endurance [40]. Si ces deux types d’entraînement (entraînement à l’effort et entraînement musculaire) étaient combinés, il est probable que les bénéfices seraient encore plus importants [53]. L’entraînement en résistance est basé sur la mobilisation de poids adaptés à chaque patient et sur l’utilisation de divers dispositifs de musculation. Comme pour l’entraînement à l’effort, l’intensité de la charge résistive doit être ajustée régulièrement au cours du réentraînement à l’effort. L’intérêt principal de l’entraînement local en résistance est qu’il vise la stimulation d’un petit groupe musculaire, diminuant ainsi la demande ventilatoire et donc la dyspnée chez des patients relativement limités au niveau respiratoire [80]. Ainsi, cette forme d’entraînement est bien tolérée par les patients BPCO. Lorsque l’échauffement est correctement réalisé, le réentraînement en résistance ne présente pas de contre-indications majeures. Concernant le réentraînement en endurance, le concept d’« interval training » est efficace [46, 47, 81]. Les patients les plus sévères peuvent ainsi limiter l’hypercapnie et l’hypoxémie qui sont aggravées lorsqu’un effort à intensité élevée est réalisé sans pause. En plus, la monotonie d’un travail à charge constante peut être évitée.
D’un autre côté, l’absence de réponse physiologique de certains patients au réentraînement à l’effort pourrait être liée à des anomalies intrinsèques de leurs muscles squelettiques. Le stress oxydatif pourrait être un candidat, puisque Rabinovich et al. ont montré que le potentiel antioxydant des patients BPCO était diminué après un réentraînement à l’effort [35]. Plus récemment, une augmentation de la peroxydation lipidique et de l’oxydation des protéines dans le muscle a été observée après une session d’exercices exhaustifs [82]. Enfin, une légère augmentation des taux sériques de TNF α était présente chez des patients BPCO sévères après un exercice modéré de 10min [83]. Ces observations suggèrent que certains patients pourraient présenter un déséquilibre du système oxydant/antioxydant et donc développer un stress oxydant pendant un exercice d’intensité modérée. Ces données confirment celles obtenues par un groupe canadien montrant une accumulation de lipofuscine (marqueur du stress oxydatif) dans le vaste latéral des patients BPCO [84]. La réduction des capacités antioxydantes des muscles squelettiques est surtout observée chez les patients BPCO ayant les indices de masse corporelle les plus bas [85]. Il est ainsi envisageable que des traitements visant à rétablir l’équilibre de la balance oxydant/antioxydant pourraient améliorer la réponse à l’entraînement chez cette minorité de patients. Une étude récente supporte cette voie de réflexion puisque l’administration de N-acétylcystéine aurait un effet protecteur contre le stress oxydatif après un exercice aigu [86].
À l’évidence, des recherches doivent être conduites afin de déterminer pourquoi certains patients ne répondent peu ou pas à un réentraînement à l’effort adapté à leur pathologie.
Interventions complémentaires pouvant optimaliser les effets de l’entraînement
Les interventions qui sont actuellement employées de façon complémentaire à la réadaptation pulmonaire sont brièvement discutées ci-dessous. Pour une revue de littérature plus exhaustive, nous vous référons à une revue récente [12] et aux directives communes de l’European Respiratory Society et de l’American Thoracic Society [11].
L’oxygène
Les données actuelles mettent en évidence que l’apport d’un supplément d’O2 en cours d’exercice diminue significativement la contrainte respiratoire pour un niveau de travail donné et augmente ainsi la tolérance maximale d’effort, même chez les patients sans désaturation appréciable à l’exercice [87]. En dépit de ces effets aigus, la plupart des études n’ont pas pu mettre en évidence d’amélioration de la tolérance à l’effort par un apport supplémentaire d’O2 à l’effort en cours d’entraînement en comparaison avec celle obtenue suite aux programmes de réadaptation réalisés sans apport d’O2 supplémentaire [88, 89 and 90]. Ceci a mené à croire que les effets de la supplémentation en O2 à l’effort au cours des séances d’entraînement seraient relativement limités. La question a cependant récemment été abordée par Emtner et al., qui ont étudié dans une étude randomisée l’effet d’une supplémentation d’O2 chez des patients ayant une BPCO sans signe de désaturation à l’effort et engagés dans un programme d’entraînement à l’effort de haute intensité [91]. Les auteurs ont mis en évidence que les patients ayant reçu un apport supplémentaire d’O2 en cours d’exercice avaient réussi à s’entraîner à des intensités supérieures par rapport à ceux qui n’en avaient pas reçu. Fonctionnellement, l’amélioration de la tolérance d’exercice était aussi plus grande chez les patients qui se sont exercés avec la supplémentation de l’O2 que chez les autres.