Chapitre 16 Pathologie de la substance blanche
Les affections de la substance blanche sont classées en deux grands groupes :
– les affections démyélinisantes primitives (sclérose en plaques) et secondaires (vasculaires, infectieuses, métaboliques et carentielles) ;
Myéline, myélinisation et IRM
Myéline en IRM
L’existence d’échanges entre les protons de l’eau libre et les protons fixés sur les macromolécules graisseuses de la substance blanche induit des transferts de magnétisation, qui peuvent être étudiés par l’application d’une impulsion radiofréquence particulière. Le spectre de fréquence de l’eau libre est très étroit, alors que celui de l’eau liée aux macromolécules est très large. L’application d’une impulsion radiofréquence dont la fréquence est inférieure à celle de l’eau libre permet de réduire la magnétisation des protons de l’eau liée. Les échanges de la saturation de la magnétisation des protons de l’eau liée avec l’eau libre aboutissent à une saturation des protons de l’eau libre, ce qui conduit à la réduction du signal due à ces derniers. L’application de cette impulsion radiofréquence entraîne une réduction de signal d’autant plus marquée que le contenu en macromolécules est important ; ce phénomène est particulièrement marqué dans la substance blanche normale et est surtout lié aux galactocérébrosides et au cholestérol de la myéline [15] ; la destruction de la myéline réduira cet effet ; de telles modifications peuvent être identifiées alors que le signal apparaît normal en imagerie.
La diffusion de l’eau libre de la substance blanche répond à des règles particulières et est conditionnée par sa structure ; en effet, les mouvements de l’eau libre sont guidés par les axones, ce qui rend la diffusion anisotropique. L’imagerie de diffusion étudie classiquement la mobilité de l’eau libre dans les directions frontales, sagittales et transversales, alors que l’imagerie de diffusion par tenseur de diffusion permet une étude multidirectionnelle, ce qui autorise une analyse détaillée des fibres de la substance blanche avec de nombreuses applications possibles dans des situations pathologiques variées. La destruction de la myéline augmente quantitativement l’eau libre et la destruction axonale diminue l’anisotropie de ses mouvements, évaluée par la fraction d’anisotropie (FA).
Myélinisation en IRM
La substance blanche myélinisée est hyperintense en T1 et hypointense en T2. Pendant la première année, les coupes pondérées en T1, soit en écho de spin, soit en inversion-récupération (temps d’inversion de 800 ms et temps d’écho de 15 ms), sont les plus efficaces pour apprécier la progression de la myélinisation. La myélinisation débute au niveau du tronc cérébral pour s’étendre vers les régions supratentorielles, où elle débute au niveau des voies sensorielles visuelles et auditives, pour atteindre plus tardivement les fibres motrices, et progresse des régions centrales vers les régions périphériques et des régions postérieures vers les régions antérieures. À la naissance, les structures suivantes sont myélinisées et apparaissent avec un signal hyperintense en T1 : la partie postérieure du tronc cérébral, les pédoncules cérébelleux supérieurs, moyens et inférieurs, la région périrolandique, le faisceau pyramidal au niveau du centre semi-ovale et du bras postérieur de la capsule interne jusqu’au niveau du pédoncule cérébral, les voies visuelles du nerf optique à la partie proximale des radiations optiques et la partie ventrolatérale du thalamus. À trois mois, la substance blanche cérébelleuse et la totalité de la capsule interne sont myélinisées. Le corps calleux débute sa myélinisation au niveau du splénium vers l’âge de trois à quatre mois et l’achève au niveau du genou entre quatre et six mois. La substance blanche frontale périphérique achève sa myélinisation entre sept et onze mois [15, 540]. En T1 en inversion-récupération l’hyperintensité de la substance blanche atteint le signal de celle de l’adulte vers l’âge de 9 mois, alors qu’en T2 l’hypointensité de la substance blanche devient identique à celle de l’adulte vers l’âge de 18 mois.
Affections démyélinisantes
Les affections démyélinisantes se traduisent par la destruction d’une myéline initialement normale ; elles sont soit primitives (sclérose en plaques, neuromyélite optique de Devic, sclérose concentrique de Balo, maladie de Schilder, maladie de Marburg), soit secondaires (démyélinisations ischémiques, infectieuses, métaboliques, toxiques et carentielles).
Affections démyélinisantes primitives
Sclérose en plaques
Données épidémiologiques
L’étiologie précise de la sclérose en plaques demeure à ce jour inconnue, mais la destruction de la myéline est probablement de nature auto-immune, induite par un processus infectieux chez des individus qui présentent une susceptibilité individuelle déterminée génétiquement. En France, la prévalence de la maladie varie de 25 à 60 cas pour 100 000 habitants, mais varie de 2/100 000 au Japon à plus de 170/100 000 dans certains états des États-Unis (Minnesota) ou en Écosse. L’incidence annuelle semble augmenter en Europe et varie de 0,8 à 5,9 pour 100 000 habitants. L’affection touche plus fréquemment la femme (60 % des cas) que l’homme (40 % des cas), entre 20 et 40 ans, avec 15 % des cas avant l’âge de 20 ans et 10 % des cas après l’âge de 50 ans ; la sclérose en plaques est exceptionnelle chez l’enfant [66, 356, 381].
Clinique
Cliniquement, la SEP évolue par des poussées suivies de rémissions avec ou sans séquelles dans 70 % des cas, c’est la forme rémittente. Des formes d’emblée progressives sont possibles dans 20 % des cas, c’est la forme progressive primaire. Des formes progressives secondaires peuvent succéder à une forme rémittente. Les formes malignes avec atteinte diffuse rapidement progressive en quelques semaines sont exceptionnelles. Les signes inauguraux les plus évocateurs sont : la névrite optique rétrobulbaire (NORB), la myélite aiguë avec paraparésie et troubles sensitifs installés entre quelques heures et quelques jours, les atteintes du tronc cérébral (paralysies oculomotrices, ophtalmoplégie internucléaire, paralysie faciale, névralgie faciale, syndrome vestibulaire) [356]. L’interrogatoire clinique réalisé lors du premier épisode clinique qui conduit à la première exploration IRM et au diagnostic de SEP trouve des signes cliniques suggestifs en faveur de la maladie chez un tiers des patients [177].
L’imagerie, grâce à l’IRM, est devenue la clé de voûte du diagnostic et du suivi thérapeutique de la SEP. Si les critères diagnostiques de Poser, décrits en 1983 [387], ne tenaient pas compte de l’IRM et reposaient sur des données cliniques et paracliniques (analyse du LCS, potentiels évoqués), les classifications ultérieures [30, 137, 370] ont réservé une place de plus en plus importante à l’IRM, et les critères de McDonald [300, 383] confèrent actuellement une place fondamentale à l’IRM. En effet, le diagnostic de SEP repose sur la dissémination spatiale et temporelle des lésions. L’IRM démontre aisément la dissémination spatiale des lésions ; la dissémination temporelle est surtout basée sur la clinique et la survenue de poussées, mais l’IRM apporte des données capitales pour l’évaluation de la dissémination temporelle, en démontrant la coexistence de plaques anciennes et récentes actives et l’apparition de nouvelles plaques actives, et ceci souvent en l’absence de toute nouvelle poussée clinique.
Imagerie
Scanographie
La scanographie offre certes une sensibilité médiocre et ne démontre quasiment que les plaques de la substance blanche périventriculaire sus-tentorielle, mais un certain nombre de patients sont explorés lors de la première poussée, souvent dans le cadre de l’urgence par cette technique. En scanographie, les plaques de démyélinisation se traduisent par des hypodensités focales localisées au sein de la substance blanche périventriculaire ; des coupes fines (3 à 5 mm d’épaisseur), acquises avec des paramètres qui optimisent la résolution en contraste, améliorent la sensibilité de la technique. Les plaques récentes se rehaussent après injection de contraste ; le rehaussement est annulaire ou nodulaire et son intensité augmente, d’une part, avec la quantité d’iode injectée et, d’autre part, avec le temps qui sépare le moment de l’injection et celui de l’acquisition des images (fig. 16.1). Les plaques de plus de deux centimètres de diamètre peuvent s’accompagner d’un effet de masse ; ces plaques dites pseudo-tumorales peuvent simuler une lésion tumorale ou ischémique ; l’IRM redresse rapidement le diagnostic en démontrant d’autres lésions évocatrices de SEP.
Irm
L’IRM est la technique la plus sensible pour détecter les lésions de la SEP. L’exploration simultanée de l’encéphale et de la moelle épinière amène la sensibilité de l’IRM au-delà de 97 % [364, 389]. Outre son rôle diagnostique initial, l’IRM est devenue un outil incontournable pour l’évaluation de l’efficacité des thérapeutiques nouvelles.
Technique
L’exploration de l’encéphale repose sur des coupes sagittales en T2 ou mieux en FLAIR et des coupes axiales en densité de proton, en T2 (en écho de spin rapide), en FLAIR et en T1 avant et après injection de gadolinium, de 3 à 4 mm d’épaisseur. Les coupes sagittales permettent l’identification de pathologies qui peuvent cliniquement se traduire par des signes cliniques identiques à ceux d’une SEP (malformation de Chiari, par exemple), apprécient la taille et la morphologie du corps calleux, ce qui donne d’emblée une idée sur l’ancienneté et la sévérité de la maladie, et démontrent des plaques caractéristiques au niveau du corps calleux et du toit des ventricules latéraux (fig. 16.2). Les coupes en FLAIR sont efficaces pour la visualisation des lésions de la substance blanche sus-tentorielle et facilitent la lecture des images, notamment pour les plaques sous-corticales et juxtaventriculaires ; le FLAIR est moins efficace que les coupes en T2 au niveau des structures de la fosse (Fig. 16.3 à 16.6). L’interprétation de certaines anomalies de signal et la reconnaissance de certaines images artefactuelles reposent sur une confrontation d’une même coupe dans les trois pondérations, en densité de proton, en T2 et en FLAIR. Certains auteurs proposent la réalisation de coupes coronales ; ces coupes sont certes performantes pour démontrer les lésions situées près des angles latéraux des ventricules latéraux et au niveau du corps calleux, mais sont moins efficaces pour la mise en évidence des lésions du tronc cérébral ; ces coupes peuvent compléter les coupes axiales en densité protonique, en T2 et en FLAIR, mais ne doivent pas les remplacer [522] (fig. 16.2).
L’exploration d’une névrite optique rétrobulbaire repose sur des coupes coronales en T2 (STIR ou FAT SAT) et en T1 après injection de gadolinium avec saturation du signal de la graisse (fig. 16.2).
L’exploration de la moelle épinière est réalisée en coupes sagittales de 3 à 4 mm d’épaisseur en T1 en écho de spin conventionnel et en T2 en écho de spin rapide entre le trou occipital et le cône médullaire. La séquence FLAIR offre une très mauvaise sensibilité au niveau de la moelle épinière [152, 234]. Des coupes axiales en T2 (plutôt en écho de gradient qu’en écho de spin rapide, afin de réduire les artefacts de flux) sont indiquées pour préciser la topographie transversale précise d’un foyer hyperintense ; les coupes en T2 3D en spin écho rapide (space, cube) sont peu sensibles pour démontrer les anomalies de signal. Une injection de contraste peut être indiquée pour apprécier le caractère actif ou non de la lésion. Il faut noter que les coupes sagittales en T2 en écho de spin rapide n’offrent pas une sensibilité optimale ; de nombreux auteurs ont démontré que les séquences STIR démontraient mieux et plus de plaques que les séquences en écho de spin rapide [114, 201, 477] (fig. 16.7).
Sémiologie IRM
L’augmentation de l’eau libre et la destruction de la myéline entraînent un allongement des temps de relaxation T1 et T2, avec apparition de lésions focales multiples au sein de la substance blanche périventriculaire sus et sous-tentorielle, hyperintenses en densité protonique, en T2 et en FLAIR et hypointenses en T1. Cette sémiologie n’est pas spécifique de foyers de démyélinisation dans le cadre d’une SEP et peut également correspondre à une démyélinisation ischémique, infectieuse ou toxique (Fig. 16.2 à 16.5). Certaines données morphologiques et topographiques sont cependant très évocatrices de foyers de démyélinisation dans le cadre d’une SEP (fig. 16.3 et 16.8) (tableau 16.1). Des lésions focales de plus de 3 mm de diamètre et de forme ovoïde, localisées au contact des angles latéraux et du toit des ventricules latéraux (plaques juxtaventriculaires) sont quasi pathognomoniques ; les plaques du toit ventriculaire donnent le classique aspect en « crête de coq » visualisé sur les coupes sagittales ; l’absence de lésions juxtaventriculaires rend le diagnostic de SEP peu probable [65]. En dehors des foyers localisés au niveau des angles latéraux des ventricules latéraux, les topographies des lésions focales en signal hyperintense en densité de proton, en T2 et en FLAIR les plus évocatrices de SEP sont les suivantes : portion médiane et surtout paramédiane du corps calleux, plus particulièrement au niveau de sa partie inférieure, substance blanche en dehors des cornes temporales, plancher du quatrième ventricule, régions antéro et postérolatérales de la protubérance, substance blanche cérébelleuse et surtout les pédoncules cérébelleux moyens (fig. 16.2, 16.5 et 16.8). La spécificité de ces topographies est liée au fait que des lésions focales d’autres natures, notamment ischémiques, sont plutôt rares dans ces régions. Les lésions sous-corticales sont moins spécifiques, car les lésions de nature ischémique peuvent présenter les mêmes caractéristiques ; certaines lésions en forme de « coup d’ongle » (open ring) autour du fond d’une circonvolution cérébrale sont cependant évocatrices de SEP.
De nombreux travaux ont été consacrés à la corrélation entre les anomalies encéphaliques décelées par l’IRM et le tableau clinique. Les lésions de la substance blanche juxtaventriculaire ne sont que peu corrélées à des signes neurologiques focaux ; les plaques sous-corticales et surtout celles situées sur le faisceau corticospinal présentent une meilleure corrélation avec des déficits sensitivomoteurs. Le nombre de lésions au sein de la substance blanche (charge lésionnelle) sus-tentorielle est corrélé à la gravité de la maladie [56, 424]. Il faut cependant noter quelques discordances ; des formes cliniquement « bénignes » peuvent présenter de nombreuses lésions au niveau de la substance blanche sus-tentorielle, mais des formes progressives sévères ne présentent que peu d’anomalies cérébrales, alors que les lésions médullaires sont souvent nombreuses [306, 476]. Les lésions sous-corticales multiples associées à une atrophie corticale sévère s’accompagnent d’une atteinte des fonctions supérieures [24]. L’atrophie corticale semble plus marquée chez les patients qui présentent des lésions multiples fortement hypointenses en T1 (black holes) (voir ci-dessous) [363, 410]. L’atrophie du corps calleux est corrélée à l’ancienneté et à la sévérité de la maladie [31, 113, 160, 207, 260, 372, 448]. Par ailleurs, les irrégularités de la face inférieure d’un corps calleux atrophié sont très évocatrices de SEP [168]. La survenue de crises d’épilepsie au cours d’une SEP est corrélée à la présence de plaques sous-corticales [317]. Au niveau du tronc cérébral, il existe une excellente corrélation entre la localisation des plaques et les symptômes cliniques : une diplopie en rapport avec une ophtalmoplégie internucléaire est liée à la présence d’une plaque au niveau du faisceau longitudinal médial, qui chemine en paramédian en avant du plancher du quatrième ventricule, une névralgie faciale survenant chez un sujet jeune peut être en rapport avec une plaque protubérantielle latérale, une paralysie faciale peut être liée à une lésion protubérantielle inférieure, postérieure et paramédiane, une symptomatologie vestibulaire est liée à des plaques bulboprotubérantielles postérieures paramédianes (fig. 16.5 et 16.9). Les plaques cérébelleuses et celles localisées sur les pédoncules cérébelleux moyens sont peu symptomatiques lorsqu’elles sont de petite taille.
L’association de lésions médullaires aux anomalies focales de la substance blanche encéphalique, constitue un élément fondamental pour orienter le diagnostic vers la SEP. Les plaques médullaires sont notées dans plus de 75 % des cas, avec une fréquence supérieure en cas de symptômes cliniques médullaires (paraparésie, tétraparésie, troubles sensitifs au niveau des membres supérieurs et/ou inférieurs ou du tronc, signe de Lhermitte, troubles sphinctériens) [57, 114, 186, 198, 387, 471]. L’analyse de l’IRM médullaire est indispensable lorsqu’il existe des problèmes de diagnostic différentiel avec des anomalies de signal d’une autre nature, notamment vasculaire, au niveau de la substance blanche sus-tentorielle ; une IRM médullaire pathologique oriente vers la SEP [283, 449]. Les plaques médullaires sont plus fréquentes au niveau cervical et sont plutôt périphériques avec prédominance au niveau des cordons postérieurs et latéraux ; les plaques localisées au niveau des cordons postérieurs cervicaux expliquent le signe de Lhermitte [186] (fig. 16.10). Les lésions médullaires diffuses sont souvent associées à une forme progressive avec évolution clinique défavorable [282] (fig. 16.11). L’atrophie médullaire est corrélée à la gravité du tableau clinique dans les formes secondairement progressives [104, 143, 278].
Les plaques récentes se différencient souvent des plaques anciennes par leur sémiologie IRM différente. Les plaques aiguës présentent parfois en T2 le classique aspect en « cible » ou en « cocarde » avec une partie centrale fortement hyperintense et une périphérie moins hyperintense, au contour externe flou, un fin liseré hypointense sépare parfois la zone centrale de la zone périphérique (fig. 16.12 et 16.13). L’injection de gadolinium détermine une prise de contraste annulaire au niveau de cette interface [148] (fig. 16.13). En T1, la zone centrale apparaît également avec un signal plus hypointense. En FLAIR, l’image en « cocarde » est d’identification plus difficile et la partie centrale de la lésion est en signal hypointense (fig. 16.13). La partie centrale de la lésion correspond à la zone de démyélinisation active. Le caractère fortement hypointense de la partie centrale de la lésion en T1 semble corrélé à une destruction tissulaire avec perte axonale et, par conséquent, à un pronostic plus péjoratif [484]. La partie périphérique correspond à de l’œdème ; le liseré de séparation traduit la zone de rupture de la barrière hématoencéphalique et d’infiltration macrophagique. La présence de radicaux libres qui accompagne l’infiltration macrophagique explique probablement le signal hypointense en T2 de cette « collerette » [388] ; la rupture de la BHE est responsable de la prise de contraste. Pour les plaques sous-corticales aiguës, la prise de contraste périphérique est souvent incomplète et réalise l’aspect en « coup d’ongle » (open-ring) (fig. 16.12). L’aspect en cocarde de certaines plaques actives ne doit par être confondu avec l’exceptionnelle sclérose concentrique de Balo.
L’intensité et la morphologie de la prise de contraste dépendent de la dose injectée et du délai entre le moment de l’injection et l’acquisition des images. Le doublement, voire le triplement de la dose accentue la prise de contraste et fait apparaître des lésions non visualisées avec une simple dose (0,1 mmol/kg) ; certaines études récentes démontrent l’absence d’amélioration diagnostique significative par l’utilisation d’une triple dose par rapport à la double dose [166, 533]. L’acquisition retardée accentue également l’intensité de la prise de contraste et modifie sa forme : une prise de contraste initialement annulaire devient progressivement nodulaire par diffusion centripète du contraste vers la partie centrale de la plaque [152]. La réalisation d’une exploration IRM avec injection de gadolinium démontre une prise de contraste au niveau des foyers de démyélinisation encéphalique chez 30 à 55 % des patients [152, 166] (fig. 16.14). En cas de paralysie oculomotrice ou de névralgie faciale par atteinte du III ou du V, l’IRM avec injection de gadolinium peut démontrer une prise de contraste au niveau du trajet cisternal de ces nerfs ; un hypersignal peut être noté en FLAIR [48, 312, 374] (fig. 16.15). L’utilisation de l’injection de gadolinium n’améliore pas la sensibilité de la technique, mais augmente indiscutablement la spécificité [473], bien que des lacunes ischémiques, des vascularites, des lésions infectieuses ou encore tumorales puissent évidemment aussi s’accompagner de prises de contraste focales au niveau de la substance blanche. Cette prise de contraste n’est notée avec une simple dose de gadolinium que dans 15 % des lésions médullaires, mais l’utilisation d’une triple dose semble augmenter nettement le nombre des lésions rehaussées [531]. La corticothérapie à haute dose réduit au niveau de l’encéphale les prises de contraste dans 75 % des cas [28]. Au niveau cérébral, la comparaison attentive des coupes en T1, acquises avant et après injection est indispensable ; en effet, certaines plaques anciennes apparaissent certes en signal hypointense, mais sont souvent cerclées spontanément par un fin liseré hyperintense, qui correspond probablement à la présence de macrophages chargés de corps cellulograisseux, et qui ne doit pas être confondu avec une prise de contraste ; une telle erreur peut changer la prise en charge thérapeutique.
Les plaques aiguës peuvent présenter un effet de masse et simuler un processus tumoral ou ischémique. L’IRM permet un diagnostic différentiel dans la plupart des cas, en démontrant d’autres lésions typiques ; les données cliniques, l’analyse du LCS et l’évolution sous corticothérapie contribuent à établir définitivement le diagnostic différentiel ; les indications de biopsie cérébrale sont devenues exceptionnelles [99, 256] (fig. 16.16 et 16.17). L’identification de prises de contraste veinulaires facilite le diagnostic différentiel avec un processus tumoral [245]. Le diagnostic différentiel entre plaque de démyélinisation pseudo-tumorale et lymphome est particulièrement difficile ; la confrontation de l’IRM à un examen scanographique sans injection peut être utile, en effet, les zones rehaussées en IRM apparaissent nettement plus hypodenses en cas de SEP [238]. L’association SEP et tumeur cérébrale primitive est exceptionnelle [180] ; les patients sous traitement immunosuppresseur prolongé sont cependant susceptibles de développer des lésions tumorales, notamment lymphomateuses. Au niveau médullaire les plaques aiguës élargissent souvent la moelle épinière sur un, voire deux niveaux vertébraux ; une prise de contraste annulaire ou nodulaire est classique [59, 304] (fig. 16.18). Devant un tableau clinique d’installation aiguë ou subaiguë chez un sujet de moins de 50 ans, il convient de rechercher d’autres lésions médullaires et surtout des lésions encéphaliques évocatrices de SEP [105] (fig. 16.18).
Les plaques anciennes présentent divers aspects. Certaines lésions apparaissent avec des limites nettes, sont en signal fortement hypointenses en T1 (black holes), hyperintenses en T2 et hypointenses en FLAIR, avec souvent un liseré périphérique spontanément hyperintense en T1, qui ne doit pas prêter à confusion avec une prise de contraste sur les coupes après injection de gadolinium (voir ci-dessus) [15] (Fig. 16.19 à 16.21). Ces anomalies de signal traduisent une destruction tissulaire, notamment axonale, irréversible avec présence d’une gliose centrale ; la destruction totale de la substance blanche peut conduire à des lacunes avec contenu liquidien, dont le signal est proche de celui du LCS, avec un signal hypointense en FLAIR (fig. 16.22). D’autres lésions présentent un signal hypointense en T1 et hyperintense en T2, qui est nettement moins prononcé qu’à la phase aiguë ; cette évolution est probablement liée à une diminution des phénomènes inflammatoires, avec réduction de l’œdème et peut-être à une remyélinisation partielle au sein d’une zone de gliose centrale. Les lésions anciennes ne présentent aucun rehaussement et pas d’effet de masse.
De nombreuses études longitudinales ont évalué l’évolution des lésions. Un suivi précis de l’évolution des plaques nécessite une reproductibilité parfaite des plans de coupe et la réalisation d’un protocole standardisé [150, 187]. Les lésions périventriculaires ne régressent qu’exceptionnellement et leur nombre a plutôt tendance à augmenter sur des examens itératifs [40] ; il n’y a pratiquement jamais de disparition complète des anomalies de signal des plaques de SEP [521] (fig. 16.12 et 16.23). Les contrôles IRM démontrent souvent de nouvelles lésions, alors qu’il n’y a pas de nouvelle poussée clinique, et ceci tant sur les coupes en T2 que sur les coupes en T1 après injection de contraste [29, 482, 483]. L’augmentation du nombre de lésions sur les coupes en T2 est corrélée à l’aggravation clinique [145]. Le nombre de lésions rehaussées en T1 après injection de gadolinium diminue dans les formes les plus sévères de SEP, notamment dans les formes secondairement progressives, pour parfois disparaître totalement, alors que le tableau clinique continue à se dégrader [149]. Les formes bénignes de SEP se présentent sous deux formes : l’une avec une faible activité clinique et peu de lésions en IRM, l’autre avec une charge lésionnelle plus marquée, avec possibilité d’évolution vers une forme secondairement progressive [144]. Les formes évoluées associent un élargissement des sillons corticaux, une dilatation ventriculaire et des anomalies diffuses du signal périventriculaire, aspect qui ne doit pas être confondu avec une hydrocéphalie chronique (hydrocéphalie à pression normale) (fig. 16.24 et 16.25). L’atrophie du corps calleux notée dans les SEP anciennes traduit des phénomènes de dégénérescence wallérienne et est proportionnelle à l’importance et à l’ancienneté des anomalies de la substance blanche sus-tentorielle (fig. 16.25). Les plaques localisées au niveau du faisceau corticospinal peuvent induire un signal hyperintense en T2 et en FLAIR au niveau de ce faisceau, en aval de la lésion (fig. 16.26). Des plaques localisées au niveau du triangle de Guillain-Mollaret peuvent induire des phénomènes dégénératifs et un signal hyperintense en T2 au niveau des noyaux olivaires inférieurs du bulbe ; ces anomalies ne doivent pas être confondues avec une plaque de démyélinisation. Les SEP anciennes avec atteinte clinique sévère sont parfois associées en T2 à un signal fortement hypointense de l’ensemble des noyaux gris, du fait d’une augmentation du contenu en fer [25]. Un tel signal hypointense en T2 peut aussi être noté au niveau du cortex péricentral et au niveau de la substance blanche sous-corticale [407]. Un signal hyperintense en T1 au niveau des noyaux dentelés du cervelet semble associé aux formes secondairement progressives [397].
La survenue d’une névrite optique rétrobulbaire isolée correspond souvent à une première poussée clinique de SEP. L’IRM initiale démontre des anomalies de signal au niveau de l’encéphale, compatibles avec une SEP dans la moitié des cas, ce qui traduit en fait un début silencieux de la maladie, dont la NORB n’est que la première poussée clinique [88, 217]. Devant une première NORB, l’existence d’anomalies de signal évocatrices au niveau de la substance blanche et l’apparition ultérieure de nouvelles lésions en T2 constituent des arguments en faveur de l’évolution vers une SEP [461]. L’injection de gadolinium fait apparaître une ou plusieurs prises de contraste au niveau de la substance blanche chez 5 % des patients qui présentent des anomalies de signal en T2 au sein de la substance blanche [158]. Parmi les patients qui présentent des anomalies de signal en T2 sur l’IRM initiale, 54 % des patients développent une SEP après un délai de 8 ans et 90 % après 14 ans [61, 123, 321]. Le risque de développer une SEP semble plus faible lorsque l’IRM initiale est normale, avec 20 % de SEP après un délai de 14 ans [61, 307]. La spectroscopie peut déceler des anomalies métaboliques (diminution du N-acétyl-aspartate, augmentation de la choline et présence de lipides libres) dans la substance blanche normale des patients qui présentent une NORB [481]. Dans le cadre d’une NORB, la mise en évidence des phénomènes inflammatoires au niveau du nerf optique est possible dans 75 % des cas en séquence STIR sous la forme d’une zone de signal hyperintense [102] ; l’utilisation d’une séquence STIR avec un temps d’écho long (80 ms) améliore les performances de l’IRM, avec des anomalies de signal décelables dans plus de 90 % des cas [350]. En T1 après injection de gadolinium et saturation du signal de la graisse, une prise de contraste localisée peut être décelée au sein du nerf optique ; elle est parfois associée à une prise de contraste de la gaine du nerf [199] (fig. 16.2). De telles anomalies de signal sont notées au niveau de la portion intracrânienne du nerf optique, au niveau du chiasma ou du tractus optique (fig. 16.27).