Chapitre 15 L’interventionnel
Pierre angulaire de la prise en charge mammaire
Les progrès de l’imagerie mammaire ont entraîné la découverte fortuite de nombreuses images infracliniques et une augmentation des biopsies chirurgicales pour des lésions souvent bénignes.
Le développement de la sénologie interventionnelle a permis de limiter les interventions chirurgicales en agissant à trois niveaux :
• elle apporte un diagnostic histologique fiable se substituant ainsi aux biopsies chirurgicales diagnostiques [1, 2] ;
• elle permet d’optimiser un éventuel geste chirurgical en réalisant un bilan lésionnel précis (taille et localisation des lésions) puis en guidant le geste opératoire (repérage) : cela évite les gestes excessifs ou insuffisants ;
• elle peut parfois constituer une alternative thérapeutique à la chirurgie
La sémiologie interventionnelle fait l’objet de recommandations des sociétés savantes, en particulier de la société européenne d’imagerie du sein (EUSOBI). EUSOBI (annexe 15.1).
Bilan préalable
Le geste interventionnel est au mieux décidé lors d’une réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP). La CNAM en a d’ailleurs fait une condition pour la prise en charge des macrobiopsies (1er avril 2004). Cette décision collégiale est suivie d’un entretien avec la patiente permettant de :
• revoir l’ensemble du dossier, contrôler la pertinence du geste et en préciser les modalités ;
• expliquer à la patiente le geste envisagé, son objectif, les complications possibles (balance bénéfice–risque), les autres alternatives, et recueillir son consentement éclairé ;
• lui prescrire une éventuelle prémédication et lui prodiguer quelques conseils (ne pas venir à jeun, prévoir un repos pendant les heures suivantes…) ;
• s’enquérir d’éventuelles allergies (anesthésique, iode, latex), troubles de la coagulation, traitements (anticoagulants, anti-agrégants….) ou séroconversions (VIH, hépatite).
Recommandations de la Société européenne de chirurgie oncologique [3]
• Plus de 70 % des cancers, palpables ou non, sont diagnostiqués avant l’intervention, cytologiquement ou histologiquement.
• 90 % des femmes ayant finalement un traitement conservateur ne subissent pas plus de deux interventions chirurgicales.
• Repère radiologique préopératoire distant de 1 cm de la lésion au maximum, dans 80 % des cas au moins.
• Succès de la première exérèse chirurgicale dans 95 % des cas au moins.
• Prise en charge par des spécialistes formant une équipe multidisciplinaire de sénologie.
Communication
Annexe 15.1
Recommandations de la Société européenne d’imagerie mammaire (EUSOBI)
• Formation à l’interventionnel : au moins 20 procédures avec vérification histologique sous contrôle d’un spécialiste, avant de pouvoir travailler seul.
• Puis pour conserver un niveau de compétence suffisant : 25 procédures/an.
• Un échantillon adéquat d’une aspiration à l’aiguille fine devrait comporter au moins cinq agrégats de cellules épithéliales, avec au moins cinq cellules dans chacun.
• Microbiopsie : il faut privilégier le pistolet automatique, le calibre 14 G et le débattement de 2 cm.
• Macrobiopsie de microcalcifications :
Il doit leur fournir des renseignements complets et concis grâce à un compte rendu détaillé.
Il doit ainsi préciser au pathologiste les différents éléments suivants :
• âge, statut hormonal (ménopausée, THS, grossesse), antécédents personnels ou familiaux ;
• type d’images : aspect et degré de suspicion ;
• technique utilisée : calibre, nombre de prélèvements ;
Le pathologiste doit fournir un compte rendu simple et intelligible en utilisant une nomenclature reconnue (Tavassoli, Rosen), préciser si les prélèvements sont contributifs et représentatifs de l’image radiologique et ses éventuels doutes diagnostiques [1].
Conditions de réalisation
Anesthésie
Les anesthésiques locaux sont systématiquement utilisés pour les biopsies, mais rarement pour les ponctions ou les repérages. Ils entraînent un blocage réversible de l’influx nerveux par action sur la perméabilité au sodium des membranes excitables.
Il faut respecter les contre-indications et les doses (tableau 15.1), surtout quand elles sont cumulées. La concentration est augmentée par l’hypovolémie ou l’insuffisance cardiaque et les formes concentrées majorent le bloc moteur. En cas de surdosage (risque de convulsions généralisées et d’arrêt cardiorespiratoire), seul un traitement symptomatique existe.
Troubles de l’hémostase et anticoagulants
Hygiène (fig. 15.1)
Fig. 15.1 Exemple de salle utilisée pour les gestes interventionnels.
b. Le port de gants est nécessaire : il protège le médecin et la patiente.
e. Collecteurs de déchets médicaux, de forme et de taille variées.
Apprentissage
Malgré cela, le risque d’échec existe toujours avec ses causes multiples :
Abord cutané et cicatrice
Quand l’anesthésie est jugée nécessaire, elle porte essentiellement sur l’étui cutané qui est la zone la plus sensible, en réalisant une petite papule superficielle de Xylocaïne®. Si le passage cutané est aisé pour les aiguilles de ponction ou de repérage, certains s’aident d’une micro-incision pour les microbiopsies. Avec les sondes de plus gros calibre, l’incision est nécessaire et sa taille doit être suffisante pour permettre un passage aisé de la peau (3–4 mm pour les macrobiopsies par aspiration et le double pour les macrobiopsies monoblocs). Des stéri-strips permettent de rapprocher les berges tout en évitant un affrontement excessif (risque de chevauchement, inversion ou éversion). Dans ces conditions, la cicatrisation est tout à fait satisfaisante et disparaît avec le temps.
Complications
Habituellement mineures, elles nécessitent exceptionnellement une reprise chirurgicale.
• Les infections sont rares, habituellement régressives sous traitement médical.
• Les douleurs postprocédure sont le plus souvent transitoires.
• Le pneumothorax est rare et souvent mineur.
• Le malaise est le plus souvent vagal. Il est moins fréquent en décubitus et en communiquant avec la patiente. Il s’accompagne de bradycardie, à l’inverse de la tachycardie qui accompagne les malaises d’origine allergique ou cardiaque.
• La thrombose lymphatique ou veineuse superficielle est traitée par Aspirine®.
• La migration des clips et harpons dont la survenue est toujours une possibilité qu’il faut garder à l’esprit.
Suivi et organisation
Quel que soit le geste effectué, il sera nécessaire de suivre la patiente afin de connaître les résultats d’une éventuelle intervention chirurgicale, traquer les sous-évaluations lésionnelles, discordances, cancers manqués ou complications, et apprécier la tolérance.
Si la RCP préprocédure est parfois difficile à suivre en pratique, la RCP postinterventionnel permet de discuter des dossiers complexes et de proposer une prise en charge collégiale en se référant aux recommandations officielles [5, 6]. Ces différentes RCP doivent être composées au minimum d’un radiologue, d’un anatomopathologiste et d’un chirurgien [7] et faire l’objet d’un compte rendu où figurent les noms des participants et la signature du médecin responsable. Les directives de la circulaire DHOS/SDO/2005/101 de février 2005 relative à l’organisation des soins en cancérologie précisent que « chaque établissement de santé exerçant l’activité de traitement du cancer doit garantir une organisation appuyée sur la pluridisciplinarité, l’utilisation des référentiels validés et surtout un travail en réseau ». L’enregistrement des différentes données de l’examen (indications, procédure, résultats et suivi) est souhaitable, permettant d’analyser et éventuellement publier ses résultats, évaluer ses pratiques, corriger les dérives et les erreurs, améliorer ainsi la qualité de la prise en charge et si possible participer à la démarche d’accréditation des médecins dans la pratique des activités à risque mise en place par la HAS depuis 2007.
Les différents types de prélèvements
Prélèvement bactériologique
Ce prélèvement est effectué dans un contexte inflammatoire ou infectieux afin d’isoler un germe, à l’examen direct ou après culture. Il doit être recueilli dans des conditions stériles, avant la mise en place de tout traitement antibiotique.
Prélèvement anatomopathologique (tableau 15.2)
Cytologie
Il s’agit du recueil de cellules à partir d’un eczéma ou écoulement mamelonnaire ou d’une ponction percutanée. Il est étalé sur lame (avec une autre lame inclinée à 45°, d’un mouvement uniforme, sans écraser les cellules) puis séché à l’air ou fixé.
Histologie
Il s’agit d’échantillons tissulaires, souvent multiples, obtenus par biopsie à partir du tissu cutané (recherche de lymphangite carcinomateuse), ganglionnaire ou le plus souvent mammaire. Leur poids varie de quelques milligrammes à grammes selon le calibre de la sonde (fig. 15.2).
Fig. 15.2 Matériel pour différents types de prélèvements.
b. Différents calibres de sondes : macrobiopsie 8 G (G) et 10 G, microbiopsie 14 G (D).
L’analyse extemporanée n’est pas recommandée [5, 8–10] pour :