Chapitre 14 Imagerie cardiaque
Préambule : rappel sur le processus de construction de l’image
Le processus de construction de l’image n’est pas instantané en IRM mais séquentiel (étape par étape). À chaque étape, il faut exciter la matière, appliquer des gradients d’encodage et recueillir un signal d’écho qui va alimenter une ligne du « plan de Fourier ». Ces étapes successives sont rappelées dans la figure 14-1.
Typiquement, il faut en moyenne répéter 256 expériences élémentaires (si l’image comporte 256 lignes !) d’excitation, relaxation et recueil d’un signal d’écho pour remplir le plan de Fourier, à partir duquel l’image sera construite. Le temps TR (temps de répétition) sépare l’exécution de ces expériences élémentaires successives. La contribution relative de chaque ligne du plan de Fourier dans l’image finale est très variable selon qu’il s’agit d’une ligne centrale (sans encodage en phase) ou d’une ligne périphérique (fig. 14-2 et voirChapitre 7, Plan de Fourier).
Les générations successives de séquences d’IRM que nous verrons ci-dessous (tableau 14-1) diffèrent selon :
1re génération | Une ligne du plan de Fourier à chaque battement cardiaque | Écho de spin et écho de gradient « basiques » |
2e génération | Turbo ou segmenté = plusieurs lignes par battement cardiaque | Séquences en apnée |
3e génération | Basée sur l’écho de gradient de type balanced-SSFP | Amélioration majeure de rapidité et du rapport signal/bruit. Accès au temps réel |
Principe de base : la synchronisation de l’acquisition sur l’ECG
La synchronisation ou « gating » consiste à synchroniser la séquence d’acquisition avec un phénomène physiologique, en particulier l’onde R de l’ECG pour le gating cardiaque1(fig. 14-3a). En effet, cette dernière constitue un bon indicateur de synchronisation car elle est brève, de bonne amplitude et précède le début des phénomènes mécaniques (synchronisation en fin de diastole mécanique). Le signal ECG est toutefois perturbé par l’effet hydro-magnéto-dynamique lié au champ magnétique principal et par les courants induits (de Foucault) liés aux commutations de gradients. C’est pourquoi il importe d’obtenir un tracé de qualité, avec un aspect monophasique et de bonne amplitude. La combinaison de plusieurs dérivations (vectocardiogramme) améliore l’immunité au bruit et la qualité de synchronisation. Un tracé microvolté (épanchement péricardique, obésité) peut rendre la synchronisation très difficile, voire impossible, et il faut alors recourir à l’onde de pouls (gating périphérique) qui est moins précise et qui dicte une synchronisation plus tardivement, en fin de systole.
Pour obtenir un bon tracé ECG, il convient de décaper la peau et de disposer les électrodes selon l’axe électrique principal, en évitant de torsader les fils ou de faire des boucles. Les électrodes (+, – et neutre) comportent des contacteurs au carbone plutôt qu’en acier pour éviter les risques de brûlure à l’interface peau-électrode. L’électrode négative est disposée sur le sternum et l’électrode positive sera positionnée sous le sein gauche chez les longilignes, plus haut, sous le creux axillaire chez les brévilignes (axe plutôt horizontal) (fig. 14-3b).
Séquences d’imagerie cardiaque de base : écho de spin, écho de gradient
Les deux familles de séquences « classiques » sont l’écho de spin et l’écho de gradient. Pour les applications cardiaques, schématiquement, on peut considérer que l’écho de spin apporte l’information anatomique « sang noir » tandis que l’écho de gradient « sang blanc » permet le ciné-IRM qui explore l’aspect fonctionnel (contraction, écoulements) (fig. 14-4).
Fig. 14-4 Séquences « classiques » en imagerie cardiaque.
(a) Écho de spin : imagerie anatomique, statique, contraste « sang noir ».
(b) Écho de gradient : imagerie ciné, aspect fonctionnel, contraste « sang blanc ».
Outre les incidences orthogonales usuelles (axiale, coronale et sagittale), trois plans de coupe obliques particuliers sont importants à connaître en imagerie cardiaque car ils sont utilisés quelle que soit la modalité d’imagerie (échographie, scintigraphie, scanner, IRM) (fig. 14-5).
L’écho de spin de base et ses limites
En écho de spin, le signal recueilli résulte de l’application d’une impulsion RF sélective (propre à la tranche étudiée) de 90° (excitation) suivie d’une impulsion RF sélective de 180° (refocalisation des spins donnant le signal d’écho après le temps TE). Ainsi, à chaque battement cardiaque, on acquiert une ligne du plan de Fourier (fig. 14-6). Puis, pour chaque battement, le pas de codage de phase est incrémenté. Après 256 QRS, les 256 lignes du plan de Fourier sont remplies et une image peut ensuite être construite (2DFT).
Seuls les spins ayant reçu les deux impulsions (90° et 180°) renverront un signal de sorte que seuls les tissus stationnaires seront visibles, tandis que les protons du sang circulant (n’ayant pas reçu les deux impulsions RF puisqu’ils ont quitté la tranche entre-temps) n’apparaîtront pas sauf si l’écoulement est lent (fig. 14-7 et 14-8) (voir aussi dans leChapitre 10 : « Absence de signal/phénomène de sortie de coupe »).
Enfin et surtout, la raison pour laquelle la séquence d’écho de spin « basique » n’est plus utilisée résulte de sa trop grande sensibilité aux artéfacts de mouvements engendrés par la respiration. L’altération des images par la respiration est extrêmement variable selon les patients et imprévisible. Souvent, on observe des traînées d’artéfacts propagés dans le sens du codage de phase (fig. 14-8). Par ailleurs, l’écho de spin « basique » présente plusieurs autres inconvénients, dominés par les effets de flux lents, source de signaux intracavitaires parasites (parfois difficiles à distinguer) de masses pathologiques intracavitaires (voirfig. 14-8). En outre, l’hypersignal de la graisse (lié au caractère « » de la séquence synchronisée) « écrase » l’image myocardique, ce qui impose des fenêtrages où les tissus graisseux doivent être saturés.
L’écho de gradient : contraste vasculaire et séquences ciné
Comme pour l’écho de spin, il est également nécessaire, en écho de gradient, d’effectuer 256 expériences « excitation-recueil d’un signal d’écho » pour obtenir 256 lignes avec lesquelles l’image pourra être construite. La méthode avec laquelle est induit le signal d’écho est ici différente. En écho de gradient, une seule impulsion RF d’angle de bascule faible (de 30° par exemple) est appliquée et le signal d’écho est généré non pas par une deuxième impulsion refocalisatrice mais par l’inversion du gradient de lecture au temps TE (fig. 14-9) (voir aussi Chapitre 9). Tous les spins intravasculaires ayant reçu l’impulsion d’excitation initiale vont ainsi contribuer à un signal d’écho fort. En effet, le TR et le TE étant généralement courts en écho de gradient, deux phénomènes vont contribuer au renforcement du signal intravasculaire (sang blanc) :
Par ailleurs, de nouveau à cause des TR courts, les tissus stationnaires, comme les parois myocardiques par exemple, sont affectés par un phénomène de saturation partielle et apparaissent de tonalité sombre, contrastant avec les spins circulants (fig. 14-10).
Avec les anciennes séquences à TE encore relativement long (12 ms), un gradient compensateur de flux était généralement appliqué pour réduire les pertes de signal liées au flux sanguin (déphasages – voirChapitre 10). Cependant, en cas de flux rapide (écoulements > 1 m/s environ), il apparaît tout de même un déphasage au sein du voxel, ce qui entraîne alors une perte de signal dont la topographie traduit les lignes de flux. Il en résulte une séméiologie très intéressante pour cartographier les lésions valvulaires cardiaques ou les conséquences des sténoses artérielles (voirfig. 14-10 et 14-13).
L’écho de gradient est bien approprié pour réaliser des séquences ciné car il est possible de répéter les excitations dans la même tranche plusieurs fois dans le cycle cardiaque (fig. 14-11). Par exemple, avec un TR de 50 ms, on peut obtenir 20 images d’une même coupe à travers le cycle cardiaque si la période est de 1 seconde (fréquence de 60 bpm).
Dans le cas du gating prospectif, les acquisitions sont déclenchées par l’onde R de l’ECG et le nombre de phase du cycle qui sera enregistré est fixé à l’avance (par exemple 12 phases de 50 ms comme dans la figure 14-12a). Les impulsions d’excitation s’arrêtent après le nombre de phase prescrit. On risque alors de ne pas couvrir complètement la fin de la diastole si les battements cardiaques sont trop lents ou, au contraire, de « mordre » sur la systole suivante si la fréquence cardiaque s’accélère (voirfig. 14-12a). En outre, la première image du jeu ciné n’étant pas autant affectée par la saturation partielle que les images suivantes, il apparaît un effet de surintensité gênant, en « flash », sur la première image du cycle. Le gating rétrospectif permet de pallier ces inconvénients. Le train d’excitation y est continu et le système détermine rétrospectivement les intervalles correspondant aux différentes phases du cycle (fig. 14-12b).
Lorsque le TR devient court (TR < ), une part d’aimantation transverse résiduelle va contribuer au signal d’écho. Dans ce cas, plusieurs variantes de séquences d’écho de gradient doivent être distinguées selon la manière dont elles traitent cette aimantation transverse (voirChapitre 9). Les séquences qui détruisent l’aimantation transversale (spoiler) conduisent surtout à une pondération (si TR court et angle de bascule élevé) et sont, par exemple, utilisées en angio-IRM avec injection de produit de contraste (FLASH, SPGR, FFE-, etc.) (voirAnnexe 25). Les séquences qui renforcent l’aimantation transversale résiduelle (avec des gradients rephaseurs), de type SSFP (FISP, GRASS, FFE, etc.) (voirfig. 14-11, Chapitre 9 et Annexe 25), ont été utilisées jusqu’à l’avènement des séquences de type balanced-SSFP qui seront décrites plus loin. Ces nouvelles séquences, de type balanced-SSFP, qui améliorent grandement le rapport signal/bruit, ont cependant l’inconvénient de gommer l’intéressante séméiologie des flux qui était accessible avec les anciennes séquences (car les TE sont très courts et les gradients de type tripolaire sont compensés en flux – voirChapitre 10) (fig. 14-13).