CHAPITRE 13 TRAITEMENT DES DIARRHÉES
DÉFINITION
On distingue à partir des circonstances physiopathologiques plusieurs types de diarrhée.
– La diarrhée osmotique secondaire à un gradient hyperosmolaire dans la lumière intestinale entraînant un appel d’eau (ex. : laxatifs osmotiques). Le diagnostic différentiel se fait par le jeûne qui doit supprimer la diarrhée.
– La diarrhée motrice par accélération du transit (mouvement péristaltique). Elle est caractérisée par un nombre élevé d’émissions contrastant avec un volume fécal quotidien modéré sans retentissement sur l’état général, un horaire matinal et post-prandial précoce des selles souvent impérieuses, parfois précédées par des coliques. On note également la présence dans les selles de débris végétaux non digérés. Le diagnostic est fait par l’analyse du temps de transit au rouge de carmin (< à 8 h).
– La diarrhée par malabsorption de nutriments ou de vitamines par insuffisance pancréatique ou diminution de la surface de la muqueuse offerte à la digestion (chirurgie bariatrique). Elle est caractérisée par l’émission de selles grasses, un amaigrissement et des signes cliniques de carences.
– La diarrhée sécrétoire, ou diarrhée cholériforme, par augmentation de la sécrétion de liquide dans la lumière intestinale à la suite de l’irritation de la muqueuse par action d’un médicament (ex. : laxatifs stimulants), d’agents bactériens ou de leurs toxines, d’un virus.
– La diarrhée lésionnelle ou inflammatoire. Elle est due à des lésions intestinales macroscopiques et se caractérisent par la présence de sang et/ou de pus dans les selles caractéristique du syndrome dysentériforme.
Il est important d’identifier le caractère aigu ou chronique des diarrhées. La diarrhée aiguë est définie par une durée variant de quelques heures à moins de 2 semaines. Elle est précédée d’un transit normal. Elle peut être d’origine médicamenteuse ou infectieuse (toxi-infection alimentaire ou diarrhée du voyageur). La diarrhée chronique est définie par une durée supérieure à un mois. Elle peut être le symptôme de multiples pathologies (maladie inflammatoire chronique de l’intestin, maladie cœliaque, maladie endocrinienne, etc) ou s’intégrer dans le cadre d’un trouble fonctionnel intestinal. Le début d’une diarrhée chronique peut être confondu avec une diarrhée aiguë qui est beaucoup plus fréquente. Elle nécessite des mesures diagnostiques et thérapeutiques spécifiques (tableau 13.1).
MÉDICAMENTS UTILISABLES
Solution de réhydratation orale (SRO)
Les spécialités se présentent sous la forme de sachets de poudre à dissoudre dans 200 mL d’eau faiblement minéralisée, à conserver au réfrigérateur et à utiliser dans les 24 heures. Les SRO commercialisées sont plus adaptées à l’enfant mais peuvent être utilisées par les adultes notamment les personnes âgées. En absence de solutés de réhydratation disponible, l’eau de cuisson de riz peut servir de substitut. Si l’apport oral n’est pas réalisable, la réhydratation entérale par sonde nasogastrique est aussi efficace que la réhydratation IV (tableau 13.2).
Ralentisseurs du transit
Les préparations à base d’opium (élixir parégorique) utilisées anciennement sont maintenant remplacées par des dérivés dénués d’effet sur le système nerveux central aux doses thérapeutiques (lopéramide).
L’oxyde de lopéramide (Arestal), prodrogue du lopéramide diffère de son prédécesseur par une diffusion prédominante au niveau iléocolique, essentiellement limitée à la muqueuse, d’où une action antisécrétoire un peu plus marquée et est particulièrement adapté aux diarrhées aiguës (tableau 13.3).
Antisécrétoires intestinaux
Le racécadotril protège ainsi les enképhalines endogènes, qui sont physiologiquement actives au niveau digestif, prolongeant leur action antisécrétoire. Le racécadotril est un antisécrétoire intestinal pur. Il diminue l’hypersécrétion intestinale d’eau et d’électrolytes, sans avoir d’effet sur la sécrétion basale. Il exerce une activité antidiarrhéique rapide, sans modification du temps de transit intestinal.
Antiseptiques intestinaux
L’utilisation de ces médicaments dans la diarrhée sans diagnostic étiologique, doit être évitée.
CRITÈRES DE CHOIX THÉRAPEUTIQUE
Diarrhées infectieuses
La contamination du tube digestif est soit directe donc fécoorale par manuportage, soit indirecte par l’ingestion de denrées alimentaires et/ou d’eau contenant des micro-organismes ou leurs toxines. Le mode d’action de ces micro-organismes permet en pratique de dégager deux formes anatomocliniques de diarrhées : les diarrhées invasives (associées à un syndrome dysenteriforme) et les diarrhées sécrétoires (associées à un syndrome cholériforme). Le tableau 13.4 résume les principaux agents infectieux, leur mode de transmission, les symptômes cliniques associés aux diarrhées ainsi que la prise en charge thérapeutique.
Quel que soit l’agent infectieux en cause, un traitement symptomatique de réhydratation doit être mis en place systématiquement avant d’envisager un traitement anti-infectieux de la cause. En effet avant d’envisager une antibiothérapie, il faut savoir que la plupart des cas de diarrhée sont autolimités et peuvent être suffisamment contrôlés par une réhydratation associée ou non à la prise d’anti-diarrhéique. Cependant, les ralentisseurs du transit ne doivent pas être prescrits en cas de diarrhée sanglante ou glaireuse. L’utilisation empirique d’un antibiotique est contreversée et face au risque potentiel et l’augmentation des résistances bactériennes ne devrait pas être envisagée [1].
Diarrhées hydro-électrolytiques ou sécrétoires Diarrhée du voyageur ou « tourista »
Cependant, la persistance des symptômes après le troisième jour ou la présence de fièvre, de sang ou glaires dans les selles imposent un examen bactériologique et parasitologique qui pourra mettre en évidence une shigelle, un Campylobacter, une amibe, une Giardia etc. et contre-indique l’emploi des ralentisseur du transit.
Intoxication alimentaire
Les toxi-infections alimentaires collectives (TIAC) sont définies comme la survenue d’au moins 2 cas de diarrhée aiguë dans une même collectivité, rapportés à l’ingestion d’aliments contaminés. La coproculture et les prélèvements alimentaires sont obligatoires. La déclaration à la direction départementale de l’action sanitaire et sociale (DDASS) est réglementaire. Les salmonelles sont responsables de 60 % des cas, Campylobacter, S. aureus, Clostridium perfingens peuvent également être incriminés (tableau 13.4).
Diarrhée du sujet infecté par le virus de l’immunodéficience humaine [6]
Dans 30 % des cas la cause des diarrhées n’est pas connue. La responsabilité du VIH lui-même est mise en cause. De plus certains antirétroviraux, en particulier les association ritonavir/inhibiteur protéase, peuvent eux-mêmes induire des diarrhées (tableau 13.5).