Chapitre 13 Item 262 – Migraine et algies de la face
Objectifs pédagogiques
CEN
Connaissances requises
Connaître l’intrication fréquente de migraines et de céphalées de tension.
Connaître les principes généraux du traitement de la migraine.
Connaître les médicaments du traitement de la crise et du traitement de fond, leurs effets indésirables et leurs contre-indications, les règles élémentaires de leur prescription.
Connaître les facteurs déclenchants et favorisants d’une crise de migraine.
Connaître l’existence de céphalées induites par les médicaments chez le migraineux.
Énoncer les arguments diagnostiques d’une algie vasculaire de la face.
Citer les traitements de crise et de fond en cas d’algie vasculaire de la face.
Décrire les caractéristiques séméiologiques d’une névralgie essentielle du trijumeau versus une névralgie secondaire (lésionnelle).
Énoncer les principales causes de névralgie secondaire du trijumeau.
Énoncer les principes de traitement d’une névralgie du trijumeau.
Objectifs pratiques
Chez un patient migraineux réel ou simulé :
Chez un patient réel ou simulé souffrant d’une algie faciale :
À partir de cas vidéo, évoquer le diagnostic :
Migraine
I Pour comprendre
• La migraine est la plus fréquente des céphalées primaires (prévalence : 10 à 15 % de la population générale) :
• Les céphalées primaires, c’est-à-dire sans lésion sous-jacente, regroupent principalement les migraines, les céphalées de tension, les algies vasculaires de la face et les névralgies essentielles de la face :
• La stratégie diagnostique devant une céphalée est détaillée dans le chapitre 32 (Item 188).
II Physiopathologie
• La migraine est due à une hyperexcitabilité neuronale d’origine génétique et environnementale. Les formes habituelles de migraine ont une hérédité probablement polygénique et aucun gène n’a été identifié dans ces formes.
• Cependant, il existe une forme très rare de migraine, dénommée migraine hémiplégique familiale, qui a une transmission autosomique dominante. Dans cette forme rare, les auras sont souvent motrices. Les gènes mutés codent des transporteurs ioniques.
• L’aura migraineuse commune est la traduction clinique d’un dysfonctionnement cortical transitoire à point de départ occipital (trouble visuel) ou pariétal (trouble sensitif) se propageant de proche en proche vers l’avant (dépression corticale envahissante).
• La céphalée est liée à l’activation du système trigémino-vasculaire responsable d’une inflammation périvasculaire avec vasodilatation.
III Diagnostic clinique
• Le diagnostic de migraine repose sur l’interrogatoire et la normalité de l’examen clinique.
• L’objectif est d’identifier des accès de céphalées caractéristiques, séparés par des intervalles libres. Aucune investigation complémentaire n’est nécessaire lorsque la sémiologie est typique.
• Deux types de migraines sont possibles :
• Les deux types de crises peuvent coexister chez un même patient. Il existe de très nombreux facteurs déclenchant des crises.
A Migraine sans aura
• son siège : souvent temporal ou sus-orbitaire, unilatéral avec alternance du côté atteint selon les crises ;
• son mode d’apparition : rapidement progressif (maximal en quelques heures) ; elle peut réveiller le patient, notamment en fin de nuit ;
• son type : typiquement pulsatile, la céphalée tend à s’accentuer en cas d’effort physique ou de concentration ;
• ses signes d’accompagnement :
• sa durée : fixée par l’IHS entre 4 et 72 heures, en moyenne 12 à 24 heures ;
• son évolution : récupération complète à l’issue de la crise.
Les critères diagnostiques de la migraine sont présentés dans le tableau 13.1.
1. Migraine sans aura | A. Au moins cinq crises répondant aux critères B à D |
B. Durée entre 4 et 72 heures (sans traitement) | |
C. Céphalée ayant au moins deux des caractéristiques suivantes : | |
D. Durant la crise, au moins un des caractères suivants : | |
E. Non attribuable à une autre affection | |
2. Migraine avec aura | A. Au moins deux crises répondants aux critères B à D |
B. L’aura comprend au moins un des symptômes suivants mais pas de déficit moteur : – symptômes visuels entièrement réversibles, incluant des phénomènes positifs (taches ou lumières scintillantes…) et/ou négatifs (perte de vision) – symptômes sensitifs entièrement réversibles incluant des phénomènes positifs (fourmillements) et/ou négatifs – troubles du langage de nature dysphasiques entièrement réversibles | |
C. Au moins deux des caractéristiques suivantes : | |
D. Céphalée satisfaisant les critères B-D de la migraine sans aura et débutant pendant l’aura ou dans les 60 minutes suivant l’aura | |
E. Non attribuable à une autre affection |
B Migraine avec aura
La migraine avec aura se caractérise par la présence de signes neurologiques focalisés (le plus souvent « positifs ») précédant ou accompagnant la céphalée migraineuse et classiquement controlatérale à celle-ci (tableau 13.1). Deux paramètres sont importants pour le diagnostic :
• le mode d’apparition : de manière progressive (≥ 5 minutes), réalisant la classique « marche migraineuse », avec régression complète en moins d’une heure avant ou parallèlement à la céphalée ;
L’aura migraineuse peut ne pas être suivie de céphalée, posant des problèmes diagnostiques difficiles, surtout en l’absence d’antécédent identique.
1 Aura visuelle
• C’est la plus fréquente des auras ; elle caractérise la « migraine ophtalmique ».
• Le scotome scintillant est le plus fréquent des symptômes visuels : point lumineux dans une partie du champ visuel des deux yeux, persistant les yeux fermés, s’élargissant sous forme d’une ligne brisée et laissant place à un scotome central, lui-même de régression progressive.
• L’hémianopsie latérale homonyme est également fréquente, apparaissant en quelques minutes, parfois précédée de taches colorées ou lumineuses dans le même hémichamp.
• De nombreuses autres manifestations visuelles sont possibles :
2 Autres auras
• Les auras sensitives sont aussi fréquentes. Il s’agit de paresthésies non douloureuses touchant typiquement les premiers doigts de la main et le pourtour des lèvres du même côté (chéiro-orales).
• Elles s’étendent progressivement au coude, puis à l’hémiface, plus rarement à l’ensemble de l’hémicorps selon une « marche » caractéristique.
• Les troubles du langage sont plus rares : manque du mot, dysarthrie, parfois aphasie totale.
• Les auras motrices sont très rares et surviennent dans le cadre de la migraine hémiplégique familiale ou sporadique. Ces auras associent des troubles moteurs de sévérité variable, uni- ou bilatéraux, à des troubles sensitifs et/ou des troubles du langage. L’imagerie cérébrale est ici nécessaire pour ne pas méconnaître une lésion responsable du déficit.
• Dans la migraine dite « basilaire », l’aura évoque une atteinte du tronc cérébral et des régions postérieures du cerveau : troubles visuels, diplopie, ataxie, troubles de la vigilance, voire coma… Il s’agit d’une forme rare de migraine, souvent très bruyante, qui impose des explorations complémentaires en urgence pour éliminer une autre pathologie.