Chapitre 12 Tractus uvéal
Topographie
L’iris, le corps ciliaire et la choroïde constituent le tractus uvéal (fig. 12-1). Le tractus uvéal est dérivé embryologiquement du mésoderme et de la crête neurale. Une adhérence étroite entre le tractus uvéal et la sclère existe seulement dans trois emplacements :

Figure 12-1 Topographie de l’uvée. Le tractus uvéal est composé par l’iris (rouge), le corps ciliaire (vert) et la choroïde (bleu).
(Remerciements au Dr Nasreen A. Syed.)
Iris
L’iris est situé devant le cristallin. Il sépare le segment antérieur de l’œil en deux compartiments, la chambre antérieure et la chambre postérieure, et forme une ouverture circulaire (la pupille) qui contrôle la quantité de lumière transmise dans l’œil. L’iris est composé de cinq couches :
La couche limitante antérieure représente une condensation de stroma irien et de mélanocytes et est largement parsemée de nombreuses cryptes (fig. 12-2). Le stroma contient des vaisseaux sanguins, des nerfs, des mélanocytes, des fibrocytes et des amas cellulaires. Les amas de cellules sont à la fois des macrophages contenant du pigment phagocyté (type I, ou amas cellulaire de Koganei) et des cellules musculaires lisses (type II d’amas cellulaire). Les vaisseaux du stroma ont un épais collet de collagène. La couche musculaire est constituée par le muscle dilatateur et le sphincter. Ces deux muscles lisses ont un fonctionnement autonome. Néanmoins, le muscle dilatateur est unique car il dérive de la couche antérieure de l’épithélium pigmentaire. La partie postérieure de l’iris est délimitée par une double rangée de cellules cubiques placées en tête à tête. Le cytoplasme de ces cellules est rempli de granules de mélanine. La couleur de l’iris est déterminée par le nombre et la taille de ces granules de mélanine dans les mélanocytes du stroma antérieur.

Figure 12-2 Aspect histologique de l’iris : la couche limitante antérieure est interrompue par de nombreux plis et cryptes. Le muscle sphincter (flèches rouges) est présent au bord de la pupille alors que le muscle dilatateur (flèches noires) est juste devant l’épithélium pigmentaire postérieur. Les vaisseaux normaux de l’iris sont entourés d’une épaisse couche de collagène (tête de flèche).
(Remerciements au Dr Nasreen A. Syed.)
Corps ciliaire
Le corps ciliaire, qui mesure environ 6 à 6,5 mm de large, s’étend depuis la base de l’iris et se continue avec la choroïde à l’ora serrata. Le corps ciliaire est composé de deux zones :
La partie interne du corps ciliaire est délimitée par une double rangée de cellules épithéliales, la couche interne non pigmentée et la couche externe pigmentée (fig. 12-3). Les fibres zonulaires du cristallin s’attachent aux procès ciliaires. Le muscle ciliaire lisse a trois types de fibres : longitudinaux (muscle de Brücke), radiaires et les circulaires les plus internes (muscle de Müller). Ce groupe de muscles fonctionne en synergie pendant l’accommodation.
Choroïde
La choroïde est le tissu vasculaire pigmenté qui forme la couche moyenne de la partie postérieure de l’œil. Elle s’étend de l’ora serrata en avant au nerf optique en arrière et contient trois couches principales :
La choriocapillaire est la vascularisation de l’épithélium pigmentaire et de la couche externe de la rétine (fig. 12-4).
Anomalies congénitales
Aniridie
La véritable aniridie, ou absence complète d’iris, est rare. La plupart des aniridies sont incomplètes, avec persistance d’une bande étroite de tissu irien. L’aniridie est habituellement bilatérale, bien que quelquefois asymétrique. Sur le plan histologique, l’iris rudimentaire est constitué d’éléments sous-développés de la crête neurale d’origine méso-ectodermique. L’angle est souvent incomplètement formé, et des synéchies périphériques avec prolifération de cellules de l’endothélium cornéen sont fréquemment présentes, le plus probablement responsables du taux élevé de glaucome associé à l’aniridie. Les autres manifestations incluent la cataracte, un leucome cornéen et une hypoplasie de la fovéa.
Le mode de transmission peut être autosomique dominant ou récessif. Une association entre une forme sporadique d’aniridie et une tumeur de Wilms a été liée à une délétion 11p13 et à des mutations du gène PAX6, situé dans la même région. Une microcéphalie, un retard mental et des malformations urogénitales ont aussi été décrits en association avec l’aniridie.
Voir aussi la Section 2 du BCSC, Fundamentals and Principles of Ophthalmology (Principes et fondements de l’ophtalmologie), et la Section 6, Pediatric Ophthalmology and Strabismus (Ophtalmologie pédiatrique et strabisme).
Hanson IM, Seawright A, Hardman K, et al. PAX6 mutations in aniridia. Hum Mol Genet. 1993 ; 2(7) : 915–920.
Colobome
Un colobome – l’absence d’une partie du tissu oculaire – peut affecter l’iris, le corps ciliaire, la choroïde ou les trois structures. Histologiquement, les colobomes apparaissent comme une zone presque ou entièrement vide de tissu. Voir la Section 2 du BCSC : Fundamentals and Principles of Ophthalmology (Principes et fondements de l’ophtalmologie), et la Section 6, Pediatric Ophthalmology and Strabismus (Ophtalmologie pédiatrique et strabisme), pour plus de détails sur les colobomes.
Inflammations
La Section 9 du BCSC, Intraocular Inflammation and Uveitis (Inflammation intraoculaire et uvéite) aborde les affections décrites dans les paragraphes suivants et explique aussi en détail le processus immunologique impliqué.
Inflammations infectieuses
Le tractus uvéal peut être atteint par un processus infectieux qui apparaît limité à une seule structure ou par une inflammation généralisée de plusieurs parties ou de l’ensemble des tuniques oculaires. Si l’œil est à l’origine de l’infection, comme dans les infections bactériennes post-traumatiques, on parle d’infection exogène. Si l’infection a son origine ailleurs dans l’organisme, comme lorsqu’il se produit une rupture d’un diverticule, avec atteinte secondaire de l’œil par voie hématogène, on parle d’infection endogène. Une grande variété d’organismes peuvent causer des infections du tractus uvéal, incluant les bactéries, les champignons, les virus et les protozoaires.
L’examen anatomopathologique montre souvent un infiltrat inflammatoire mixte aigu et chronique dans la choroïde, le corps ciliaire et le stroma irien. En cas d’agents viraux, fongiques ou protozoaires (par exemple toxoplasmose), la présence d’histiocytes épithélioïdes est caractéristique (inflammation granulomateuse). Des colorations spéciales pour les micro-organismes (voir tableau 3-2) peuvent être utiles si une infection est suspectée (tissu Gram, Gomori méthénamine argent, PAS [periodic acid-Schiff], Ziehl-Neelsen).
Inflammations non infectieuses
Ophtalmie sympathique
L’ophtalmie sympathique est une panuvéite granulomateuse bilatérale rare qui survient après une blessure accidentelle ou chirurgicale de l’œil (l’œil excitant ou incitant) suivie d’une période de latence et du développement d’une uvéite de l’œil qui n’a pas été blessé (œil sympathisant). L’inflammation dans l’œil sympathisant peut survenir dès le 9e jour ou 50 ans après l’accident supposé à l’origine du problème. On pense que l’énucléation de l’œil incitant, s’il est aveugle, aide à contrôler l’inflammation ou réduit le risque d’inflammation de l’autre œil.
Histologiquement, une réaction inflammatoire granulomateuse diffuse est présente dans le tractus uvéal et est composée de lymphocytes et d’histiocytes épithélioïdes contenant du pigment mélanique phagocyté (fig. 12-5 et 12-6). Les plasmocytes sont peu nombreux, suggérant une réponse immunitaire à médiation cellulaire. Typiquement, la choriocapillaire est épargnée. Une inflammation peut être présente dans la chambre antérieure à des degrés variables, avec notamment des amas d’histiocytes déposés sur l’endothélium cornéen (précipités en graisse de mouton). Des nodules de Dalen-Fuchs, qui sont des amas d’histiocytes épithélioïdes et de lymphocytes entre l’épithélium pigmentaire de la rétine et la membrane de Bruch, peuvent être présents dans certains cas (fig. 12-7). Néanmoins, les nodules de Dalen-Fuchs peuvent aussi être présents dans d’autres maladies, comme la maladie de Vogt-Koyanagi-Harada, et ne sont donc pas pathognomoniques de l’ophtalmie sympathique.

Figure 12-5 Ophtalmie sympathique. Infiltration diffuse du tractus uvéal par une inflammation chronique (flèches).
(Remerciements au Dr Hans E. Grossniklaus.)

Figure 12-6 Ophtalmie sympathique. A. Inflammation granulomateuse diffuse dans la choroïde. B. Au plus fort grossissement, on voit des cellules géantes multinucléées (têtes de flèche).
(Remerciements au Dr Hans E. Grossniklaus.)

Figure 12-7 Nodules de Dalen-Fuchs dans une ophtalmie sympathique. A. Amas localisé de cellules inflammatoires situés entre l’épithélium pigmentaire et la membrane de Bruch (flèches). B. Au plus fort grossissement, on voit des histiocytes épithélioïdes contenant du pigment cytoplasmique (flèches) à l’intérieur des nodules.
(Remerciements au Dr Hans E. Grossniklaus.)
Syndrome de Vogt-Koyanagi-Harada
Le syndrome de Vogt-Koyanagi-Harada (VKH) est une cause rare d’uvéite postérieure diffuse et peut être responsable de manifestations à la fois oculaires et systémiques. La maladie survient plus fréquemment chez des patients d’origine asiatique ou amérindienne et touche habituellement des individus entre 30 et 50 ans.
L’uvéite granulomateuse diffuse, chronique, ressemble à celle observée dans l’ophtalmie sympathique. Cependant, dans le VKH, la choroïde entière, y compris la choriocapillaire, est intéressée par la réaction inflammatoire. L’inflammation granulomateuse peut s’étendre et toucher aussi la rétine. Étant donné que la maladie évolue par poussées, des cicatrices choriorétiniennes et une hyperplasie et/ou une atrophie de l’épithélium pigmentaire peuvent s’observer.
Sarcoïdose
La sarcoïdose est une maladie de système granulomateuse caractérisée par des nodules inflammatoires qui peuvent survenir dans de nombreux tissus et organes. Le tractus uvéal est le site le plus fréquent d’atteinte oculaire. Dans la partie antérieure de l’œil, on peut voir des nodules inflammatoires au niveau de l’iris, soit au niveau de la pupille (nodules de Koeppe), soit ailleurs sur l’iris (nodules de Busacca). Au niveau du segment postérieur, des choriorétinites, des périphlébites et des nodules choriorétiniens peuvent se voir. Les périphlébites peuvent apparaître cliniquement comme des lésions inflammatoires décrites comme des gouttes de cire de bougie. Le nerf optique peut être œdémateux en raison d’une infiltration inflammatoire.
Histologiquement, le nodule sarcoïdosique classique est composé d’un granulome non caséeux. Il comporte des quantités d’histiocytes épithélioïdes, quelquefois accompagnés par des cellules géantes multinucléées qui sont entourées de lymphocytes (fig. 12-8). Un nodule non caséeux est un nodule qui ne comporte pas de nécrose au centre. Dans l’uvée, l’infiltrat inflammatoire peut consister en une infiltration plus diffuse de lymphocytes et d’histiocytes épithélioïdes (inflammation granulomateuse). Les cellules géantes multinucléées peuvent comporter des corps astéroïdes (corps acidophiles en forme d’étoiles) et des corps de Schaumann (corps sphériques, basophiles, calcifiés). Ni les astéroïdes ni les corps de Schaumann ne sont pathognomoniques de la sarcoïdose.

Figure 12-8 Sarcoïdose. A. Apparence macroscopique de nodules cutanés multiples du bras. B. Histologie d’un nodule sarcoïdosique montrant des histiocytes épithélioïdes (entre les têtes de flèche) et des cellules géantes multinucléées (flèche).
(Partie A : remerciements au Dr Curtis E. Margo ; partie B : remerciements au Dr Hans E. Grossniklaus.)

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