Chapitre 11 Prolapsus et incontinence urinaire par promonto-fixation et réparation paravaginale
La multiplicité des techniques chirurgicales existantes pour traiter le prolapsus génital de la femme, montre la difficulté d’aborder ce problème. Dans ce domaine, la cœlioscopie opératoire permet une approche nouvelle. La promonto-fixation par mise en place d’une prothèse intervésico-utérine, dans le cas du traitement des hystérocèles et cystocèles, vient compléter la technique déjà existante de colposuspension antérieure de type Burch pour les incontinences urinaires d’effort. Associée au traitement cœlioscopique des rectocèles par renforcement du fascia recto-vaginal par prothèse, elle offre un arsenal thérapeutique complet permettant de faire face à tous les cas de prolapsus de la femme [3, 4, 7, 9, 10, 12, 15, 16, 18–20, 22–24].
Les donnés les plus récentes de la littérature confirment l’efficacité de la prise en charge de prolapsus par la promonto-fixation cœlioscopique, et démontrent les avantages de la cœlioscopie par rapport à la voie vaginale et l’utilisation des robots [12, 13, 17].
La promonto-fixation a été imaginée par Freund en 1889, mais il faut attendre 1958, avec Scali, pour voir apparaître cette bandelette placée en « hamac » sous la vessie [1, 11]. Son principe consiste au placement d’une bandelette prothétique dans l’espace intervésico-utérin qui est ensuite amarrée au promontoire [8, 21]. La promonto-fixation par cœlioscopie, visant à effacer la cystocèle, est réalisée dans notre service depuis 1991 (A. Wattiez). Depuis 1998, la mise en place d’une prothèse postérieure est devenue systématique et la technique est standardisée à quelques détails près [19, 25, 26]. Nous décrirons la technique actuellement utilisée. La technique chirurgicale employée est la promonto-fixation du col de l’utérus s’il s’agit d’une hystérectomie subtotale et de l’utérus en cas de conservation utérine ou du fond vaginal lors d’une hystérectomie totale antérieure (fig. 11.1).
Installation
L’installation opératoire est habituelle : sous anesthésie générale, décubitus dorsal, jambes à 45° en position semi-fléchie, sondage urinaire à demeure, canulateur utérin pour la manipulation de l’utérus (fig. 11.2). La canulation utérine utilise actuellement un appareil de Valchev (Conkin Surgical Instruments Ltd®) identique à celui employé dans le bilan de la stérilité tubaire – ne nécessitant pas de dilatation cervicale – et non le dispositif utilisé dans les hystérectomies totales – nécessitant la dilatation cervicale –, dans le but de limiter les risques de contamination de la prothèse.
Après mise en place de la cœlioscopie, trois trocarts instrumentaux sont nécessaires, comme pour les autres indications (hystérectomie, myomectomie, etc.) : un trocart ombilical de 10 mm pour l’optique et deux trocarts de 5 mm dans les fosses iliaques en dehors du bord externe du muscle grand droit de l’abdomen, en regard ou au-dessus de l’épine iliaque antéro-supérieure. Le dernier trocart de 5 mm est placé sur la ligne médiane, à mi-chemin entre l’ombilic et le pubis. Ce trocart est remplacé après les temps de dissection par un trocart de 10 mm pour permettre l’introduction facile des aiguilles, de la prothèse et la réalisation des sutures (fig. 11.3).
Pour faciliter l’exposition du promontoire et du cul- de-sac de Douglas, il sera réalisé une fixation du sigmoïde à la paroi abdominale. Pour cela, une aiguille droite sertie introduite dans le flanc gauche est passée dans les appendices épiploïques en évitant le mésosigmoïde et est ressortie dans la même région, puis nouée à la peau sur un bourdonnet (fig. 11.4) ( vidéo 11.1)
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Exposition du promontoire ( vidéo 11.2)
L’abord du promontoire nécessite un repérage soigneux de L5-S1, de la bifurcation aortique, de l’uretère droit, de la limite inférieure de la veine iliaque primitive gauche et des vaisseaux sacrés médians (fig. 11.5).
La dissection doit être suffisante pour permettre la mise en place de un ou deux points de suture dans le ligament commun vertébral antérieur sans risque pour les structures adjacentes. Il peut être nécessaire d’augmenter transitoirement le Trendelenburg pour permettre ce geste dans de bonnes conditions. Le repérage du promontoire est réalisé en s’aidant du toucher instrumental. Le péritoine pariétal postérieur prévertébral est incisé verticalement vers le bas (fig. 11.6).
La dissection doit identifier clairement le ligament vertébral antérieur. Un geste aveugle faisant suite à une dissection insuffisante est potentiellement très dangereux dans cette région. Nous nous méfierons de la veine iliaque gauche chez les patientes obèses et chez les patientes qui ont une bifurcation aortique basse (fig. 11.7).
Dissection postérieure ( vidéo 11.3)
L’incision péritonéale, débutée au niveau du promontoire est prolongée caudalement en direction du cul-de-sac de Douglas. Elle est située latéralement au recto-sigmoïde et est à une distance suffisante de l’uretère droit. Cette incision permet la péritonisation de la prothèse en fin d’intervention (fig. 11.8). Elle est poursuivie jusqu’au niveau du cul- de-sac de Douglas, médialement au ligament utéro-sacré droit.
La dissection recto-vaginale débute après avoir tracté le rectum vers l’arrière et avoir poussé l’utérus en avant (fig. 11.9). Le rectum est saisi par l’assistant à l’aide d’une pince digestive et une traction forte vers le bas est réalisée. Le péritoine en regard du torus uterinum se tend en faux, il est coagulé puis sectionné deux centimètres en dessous de l’insertion utérine. Le plan de clivage est retrouvé au plus près de la paroi vaginale, et ensuite guidé par le relief de la paroi vaginale postérieure. La dissection de ce plan est simple si l’exposition est correcte. Elle est facilitée par la pneumodissection, la traction exercée sur le rectum et la poussée de l’utérus.
Dans le plan recto-vaginal, la limite inférieure de la dissection se situe au niveau du cap anal (fig. 11.10). La dissection est poursuivie latéralement au cap anal, en profondeur pour découvrir les muscles élévateurs de l’anus (fig. 11.11). Dans cette partie latérale nous pouvons voir les vaisseaux rectaux moyens ; ils seront respectés ou coagulés selon l’espace disponible. À la fin de la dissection, les muscles releveurs de l’anus apparaissent. Il est important de bien les identifier.
À ce niveau, la dissection doit être suffisante pour permettre le passage facile des sutures dans cet espace étroit au contact direct du plancher pelvien. L’espace disséqué est limité alors par les muscles élévateurs de l’anus et la paroi pelvienne latéralement, le cap anal médialement, le vagin en avant, le rectum en arrière (fig. 11.12).
Hystérectomie subtotale ou exposition du fond vaginal et dissection vésico-vaginale
La technique de réalisation de l’hystérectomie est classique et elle a été précédemment décrite. Contrairement à une hystérectomie simple (totale ou subtotale) la dissection antérieure est toujours plus poussée sous la vessie ( vidéos 11.4, 11.5 et 11.6).