11 Noyau interphasique
Le noyau est délimité par une enveloppe interrompue au niveau des pores nucléaires par lesquels se font les échanges nucléocytoplasmiques. Le noyau est le lieu de stockage et de réplication de l’ADN ainsi que de sa transcription en ARN. Les molécules d’ADN ne sont pas « nues » dans le noyau mais associées aux protéines histones et non histones ; l’ensemble de ces molécules, ou chromosomes, forme la chromatine. Le noyau est structuré par la matrice nucléaire également appelée nucléosquelette. L’intérieur du noyau contient le nucléoplasme, la chromatine et plusieurs petites structures appelées corps nucléaires dont le(s) nucléole(s), les corps de Cajal, les granules interchromatiniens. La formation des corps nucléaires, qui est dynamique, reflète la production et la maturation des ARN. Les ARNm matures sont exportés vers le cytoplasme par les pores nucléaires où ils seront traduits en protéines par les ribosomes. Certaines de ces protéines doivent ensuite revenir dans le noyau pour y assurer leur fonction. Les pores nucléaires assurent donc des échanges bidirectionnels entre le noyau et le cytoplasme.
I Enveloppe nucléaire
Elle est composée de deux membranes concentriques, une externe et une interne, constituées chacune d’une bicouche lipidique. Les deux membranes diffèrent par leur contenu protéique. La membrane externe, en continuité avec la membrane du REG, est couverte de ribosomes participant à la synthèse de protéines transportées dans l’espace périnucléaire. Les deux membranes se rejoignent au niveau des pores nucléaires délimitant un espace intermembranaire ou périnucléaire en continuité avec la lumière du REG. L’enveloppe nucléaire est soutenue par deux réseaux de filaments intermédiaires situés sur les faces interne et externe. L’assise interne de l’enveloppe est assurée par un constituant du nucléosquelette, la lamina nucléaire, qui donne également sa forme à l’enveloppe nucléaire et stabilise les pores nucléaires. La lamina est composée de polymères de trois protéines fibrillaires : les lamines A, B et C. Elles forment une structure grillagée, en « mailles carrées », très serrée et épaisse qui tapisse la face nucléoplasmique de la membrane interne avec des interruptions au niveau des pores nucléaires (fig. 11.1). Le réseau de filaments intermédiaires entourant la membrane externe est organisé de façon moins régulière. L’épaisseur de la lamina nucléaire est d’environ 20 nm, par comparaison, la largeur de l’espace périnucléaire est d’environ 30 nm et celle de la membrane interne (ou externe) d’environ 7 nm. La membrane nucléaire interne possède des protéines transmembranaires qui agissent comme des récepteurs de lamines, les lamina associated proteins (LAP), qui assurent la liaison entre la membrane interne et la lamina nucléaire. La lamina interagit également avec des protéines de la chromatine. La lamina nucléaire forme un réseau extrêmement dynamique qui se désassemble en début de mitose et se réassemble en fin de mitose. Différentes maladies (laminopathies), dont la progéria (vieillissement accéléré), sont liées à des altérations des propriétés mécaniques de la lamina. Plus de 180 mutations différentes ont été mises en évidence dans les gènes codant les lamines A et B.
III Chromatine et territoires chromosomiques
La chromatine se présente sous deux aspects, l’hétérochromatine et l’euchromatine, aux caractéristiques morphologiques et aux propriétés fonctionnelles différentes. L’hétérochromatine apparaît foncée après coloration en microscopie optique et dense aux électrons en microscopie électronique. L’euchromatine apparaît plus claire après coloration et peu dense aux électrons. L’hétérochromatine est la forme la plus compacte de la chromatine et la moins active transcriptionnellement. À l’inverse, l’euchromatine est peu compactée et active au niveau transcriptionnelle. Lors de la réplication de l’ADN, l’euchromatine se réplique en début de phase S du cycle cellulaire alors que l’hétérochromatine centromérique et péricentromérique se réplique en fin de phase S. L’hétérochromatine est localisée principalement à la périphérie du noyau, accolée à la face interne de la membrane nucléaire tandis que l’euchromatine est répartie à l’intérieur du nucléoplasme (voir chapitre 12). Un abondant anneau d’hétérochromatine constitutive entoure également les nucléoles et pénètre profondément leur structure. La chromatine occupe environ la moitié du volume du noyau, les espaces sans chromatines sont connectés entre eux et avec les pores nucléaires formant les espaces interchromatiniens. Ceux-ci constituent un réseau entre les territoires chromosomiques servant de voies de diffusion pour les molécules et macromolécules devant être exportées vers le cytoplasme ou bien impliquées dans différents processus comme la transcription. L’ensemble des espaces interchromatiniens constitue le nucléoplasme, dans lequel des macromolécules impliquées dans le même processus (ex. : la machinerie d’épissage des préARNm) s’assemblent pour former des sous-domaines spécialisés comme les corps de Cajal, les corps PML ou les granules interchromatiniens.
Les chromosomes ne sont pas disposés aléatoirement dans le noyau. Chaque chromosome occupe au sein de la chromatine un territoire qui lui est propre. Il est généralement admis que les territoires voisins ne se recouvrent pas. Cette organisation en territoire a pu être formellement démontrée en marquant, par hybridation in situ, les chromosomes avec des sondes colorées. Chaque territoire chromosomique possède un sous-territoire pour le bras long et un pour le bras court. La surface occupée par un territoire est proportionnelle à la taille du chromosome. Les chromosomes ne constituent cependant pas des compartiments nucléaires au même titre que les nucléoles. Deux paramètres semblent déterminer la position des chromosomes dans le noyau : la taille et la richesse en gènes. Les petits chromosomes sont disposés préférentiellement vers l’intérieur du noyau. Quand deux chromosomes ont des tailles similaires (cas des chromosomes 18 et 19), leur position sera fonction de leur contenu en gènes. Celui contenant le moins de gènes (chromosome 18) occupera un territoire plus périphérique du noyau que celui plus riche en gènes (chromosome 19). Les télomères et les centromères (hétérochromatine constitutive) d’un chromosome se localisent toujours à la périphérie du territoire au contact de la lamina nucléaire, alors que l’euchromatine occupe globalement la région centrale du territoire. Concernant l’activité des gènes, il a été proposé que les boucles d’ADN portant les gènes actifs émergent du territoire en direction des espaces interchromatiniens, lieu où se trouve la machinerie de transcription et de maturation des ARN.