10: TRAITEMENT DE L’ULCÈRE GASTRO-DUODÉNAL

CHAPITRE 10 TRAITEMENT DE L’ULCÈRE GASTRO-DUODÉNAL






PHYSIOPATHOLOGIE


L’ulcère gastro-duodénal peut être considéré comme une perte de substance pariétale correspondant à une destruction localisée de la muqueuse gastrique ou duodénale. Sur le plan anatomique, l’UGD se distingue par l’interruption de la muqueuse et de la musculeuse avec la présence d’un bloc inflammatoire, parfois scléreux à la périphérie. La maladie ulcéreuse évolue de façon chronique avec des poussées évolutives et répétitives, entrecoupées de périodes de rémission plus ou moins longues.


Sur le plan physiologique, il existe chez le sujet sain un équilibre entre l’agression chlorhydropeptique (HCl, pepsine, gastrine) et la défense de la muqueuse gastrique (mucus, bicarbonates, flux sanguin muqueux, cytoprotection). Un déséquilibre de cette balance envers l’un des plateaux, augmentation de l’agression ou diminution de la résistance de la muqueuse gastrique, pourra être responsable de l’apparition d’une ulcération. Ainsi, l’UGD se produit quand les facteurs agressifs dominent les facteurs protecteurs.


La muqueuse gastrique possède une très grande capacité à sécréter des ions H+ par la cellule pariétale gastrique grâce à une pompe ATPase H+/K+ dépendante. Ces protons libérés se combinent aux ions Cl présents dans le milieu gastrique pour former l’acide chlorhydrique (HCl), responsable du pH gastrique compris entre 1 et 2. De nombreux facteurs chimiques, nerveux et hormonaux participent à la régulation de la sécrétion gastrique acide par le biais de la stimulation de récepteurs (histamine, acétylcholine, gastrine) au niveau de la cellule pariétale gastrique. La gastrine est une hormone libérée dans la circulation générale lors de l’ingestion d’aliments, connue comme étant le stimulant le plus puissant de la sécrétion acide. Enfin, associé à la sécrétion gastrique acide et aux effets corrosifs directs, il convient d’ajouter le rôle de la pepsine, enzyme sécrétée par les cellules principales du fundus gastrique sous forme de pepsinogène transformé en pepsine par l’acide chlorhydrique, qui possède des effets protéolytiques responsables de l’atteinte tissulaire.


Un estomac et un duodénum normaux résistent aux effets agressifs de l’acide et de la pepsine grâce à des mécanismes précis permettant à la muqueuse de se défendre. Parmi ces facteurs, on peut citer en premier lieu le mucus gastrique qui joue un rôle très important dans la prévention des ulcérations de la muqueuse. Le mucus gastrique est sécrété par les cellules muqueuses gastriques présentes en surface de la muqueuse épithéliale et des glandes gastriques. Une agression chimique ou mécanique ainsi que la stimulation cholinergique déclenchent la sécrétion de mucus. Une autre composante essentielle de la résistance de la muqueuse aux agressions est constituée par la barrière muqueuse gastrique formée par la surface des cellules épithéliales de la lumière gastrique et les jonctions intercellulaires. Cette barrière est, en situation normale, totalement imperméable aux ions hydrogènes et s’oppose à leur rétrodiffusion. Cependant, en contact avec l’alcool, les sels biliaires, les acides organiques faibles et les salicylés, cette barrière peut être interrompue, permettant alors la rétrodiffusion de ion hydrogène de la lumière vers les tissus gastriques. Ce phénomène va produire une lésion cellulaire, une inflammation avec relargage d’histamine par les mastocytes augmentant la sécrétion acide, une atteinte des petits vaisseaux sanguins avec risque d’hémorragie de la muqueuse, puis une érosion, voire une ulcération. Le flux sanguin muqueux fait également partie des moyens de défense de la muqueuse. Le maintien de sa normalité est garant d’une protection efficace. Sa diminution, associée à la rétrodiffusion des ions hydrogènes intraluminaux, constitue un risque accru de lésions de la muqueuse gastrique. Enfin, les prostaglandines (PG), en particulier les PG E présentes en grande quantité dans la muqueuse gastrique, diminuent les lésions dues aux agents agressifs. Les PG E endogènes exercent un rôle cytoprotecteur :




Helicobacter pylori


À ce déséquilibre agression-défense au niveau de la muqueuse gastro-duodénale, il convient de tenir compte d’un facteur environnemental d’origine infectieuse, Helicobacter pylori (HP), qui joue un rôle fondamental dans la survenue de la plupart des ulcères gastriques ou duodénaux. Son rôle dans la pathogénie de la maladie est maintenant clairement établi, HP semble fragiliser la muqueuse, la rendant plus sensible à l’action d’autres facteurs (hyperacidité, AINS, alcool, tabac, etc…). Ainsi, dans l’ulcère gastrique, HP colonise, dans un premier temps, l’antre de l’estomac et provoque, dans un deuxième temps, une inflammation par un effet cytotoxique direct ainsi qu’une augmentation de la sécrétion acide gastrique. L’état inflammatoire de la muqueuse évolue vers une gastrite chronique antrale, puis à terme vers l’ulcère gastrique. En revanche, dans l’ulcère duodénal, la colonisation de l’antre de l’estomac par HP est responsable d’une stimulation de la sécrétion de gastrine et provoque, par conséquent, une hypersécrétion gastrique, contribuant à l’élévation de la concentration en acide dans la première partie du duodénum (bulbe), responsable de l’ulcération de la muqueuse.


La responsabilité d’HP dans les récidives de la maladie ulcéreuse est, là également, bien établie ; son éradication diminue de façon significative les rechutes. La présence d’HP est retrouvée dans plus de 95 % des ulcères duodénaux et 70 % des ulcères gastriques, 90 % des gastrites antrales chroniques actives, et dans 70 % des dyspepsies non ulcéreuses. Chez l’homme, HP est responsable d’une infection durable de la muqueuse gastrique contractée, le plus souvent, dans l’enfance par transmission interhumaine, vraisemblablement par l’intermédiaire du liquide gastrique, et favorisée par la promiscuité. Le taux de prévalence est estimé en France à 30 %.





Aspects cliniques et sémiologiques


Le syndrome ulcéreux typique est représenté de façon caractéristique par une douleur épigastrique, violente, à type de crampe, parfois sourde à type de tension abdominale, de barre gastrique, de pesanteur ou de sensation de faim. Elle survient après les repas en « postprandial « semi-précoce (1 à 1 heure 30) ou tardive (3 à 5 heures), et réveille parfois le patient la nuit. Cette douleur a pour caractéristique d’être soulagée en quelques minutes par l’alimentation (lait, biscuit ou simple verre d’eau) et les antiacides. Enfin, ce syndrome douloureux a tendance à récidiver et à être périodique dans le temps. Il se manifeste alors par des épisodes douloureux allant de quelques jours à plusieurs semaines, entrecoupés de périodes d’accalmie de durée très variable.


Des formes atypiques sont possibles et se caractérisent par une différence dans l’intensité de la douleur, son caractère, sa localisation et sa périodicité. Les formes asymptomatiques, muettes peuvent se révéler par une complication inaugurale, hémorragie ou perforation digestive, parfois déclenchée par la prise d’AINS ou d’aspirine. Les complications de l’UGD sont les hémorragies qui sont les plus fréquentes, suivies des perforations, puis des sténoses pyloro-bulbaires.


Dans la maladie ulcéreuse, la symptomatologie clinique est cependant inconstante et manque parfois de spécificité. De plus, elle n’a aucune valeur prédictive sur la localisation. Seule l’endoscopie digestive haute peut affirmer le diagnostic d’ulcère. Elle authentifie l’ulcère, précise sa localisation et ses caractères morphologiques. Elle permet également de réaliser les indispensables biopsies sur les berges de l’ulcère en cas de localisations gastrique (vérification du caractère bénin) et antrale nécessaires à la réalisation des tests directs de recherche d’HP.


Le syndrome de Zollinger-Ellison est caractérisé par l’association d’ulcères digestifs, graves, multiples et récidivants, d’hypertrophie des glandes et de la muqueuse gastrique et de diarrhée. Il comprend également des tumeurs des îlots de Langerhans du pancréas non sécrétrices d’insuline mais hypersécrétant de la gastrine à l’origine des ulcères.




MÉCANISME D’ACTION



Antisécrétoires


La figure 10.1 permet de mieux situer les sites d’action des antisécrétoires.







Topiques gastro-duodénaux


Ces thérapeutiques agissent localement au niveau de la muqueuse gastrique par des mécanismes différents. Certains sont utilisés en traitement adjuvant.







Relations structure activité








CRITÈRES DE CHOIX THÉRAPEUTIQUE


La mise en place d’un traitement antiulcéreux repose d’une part sur des critères cliniques (symptomatologie typique) et paracliniques (endoscopie digestive haute), et d’autre part, sur la présence d’Helicobacter pylori. La qualité du diagnostic représente un élément essentiel du bon usage des antiulcéreux. Ainsi, les gastro-entérologues recommandent de pratiquer une fibroscopie œso-gastro-duodénale devant toute symptomatologie évoquant un ulcère, et de réserver les antiulcéreux au traitement des seuls ulcères endoscopiquement confirmés.


Quelle que soit la situation, la prise en charge médicale de la maladie ulcéreuse passe inéluctablement par une information précise du patient sur l’observance de son traitement et sur des règles hygiéno-diététiques fondamentales.



Référentiels scientifiques


L’AFSSAPS en 2007 a émis des recommandations de bonne pratique chez l’adulte et en 2008 chez l’enfant : les antisé-crétoires gastriques. Une réévaluation de la commission de transparence à la HAS a été faite en 2009. L’AFSSAPS en 2005 et 2007 a établi les différentes stratégies d’éradication d’HP.




Objectifs thérapeutiques


Les objectifs du traitement médical visent à calmer les douleurs, à cicatriser l’ulcération en agissant sur la réduction du pouvoir agressif de la sécrétion acide et le renforcement de la défense de la muqueuse. L’efficacité du traitement médical se juge sur la disparition des symptômes, sur la baisse de la consommation d’antiacides, sur la vitesse de cicatrisation appréciée par une éventuelle endoscopie de contrôle, sur l’éradication d’HP et l’absence de rechutes spontanées après arrêt du traitement.



Traitement de l’ulcère gastrique et de l’ulcère duodénal évolutifs


Le traitement de l’UG et de l’UD évolutifs repose sur le traitement d’attaque de la maladie ulcéreuse. Ce traitement est mis en place devant une symptomatologie typique et la preuve endoscopique de lésions macroscopiques au niveau de la muqueuse gastro-duodénale, chez des patients HP négatifs ou chez lesquels la recherche et/ou l’éradication d’HP n’ont pas été possibles. Chez ces patients, l’objectif du traitement est d’abord la cicatrisation, puis la prévention des récidives. Les thérapeutiques antiulcéreuses classiques ont toutes fait la preuve de leur supériorité par rapport au placebo dans le traitement (cicatrisation endoscopique jugée à la phase aiguë et prévention des récidives) de la maladie ulcéreuse évolutive.


Dans le traitement des ulcères sans HP ou sans éradication, un seul antiulcéreux doit être prescrit.


May 4, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 10: TRAITEMENT DE L’ULCÈRE GASTRO-DUODÉNAL

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