Chapitre 10 Myomectomie
– les myomes utérins, pathologies bénignes, restent un problème de santé publique ;
– seuls les myomes symptomatiques ou possiblement responsables d’une infertilité doivent être opérés ;
– le bilan préopératoire, bien défini à ce jour, comporte une échographie Doppler pelvienne et dans certains cas une IRM ;
– la technique de la myomectomie percœlioscopique est maintenant bien codifiée ;
– le risque hémorragique est un problème majeur et une limite à la myomectomie cœlioscopique. Différents moyens médicaux et plusieurs techniques chirurgicales simples peuvent être employés pour réduire le risque hémorragique ;
– les conséquences potentielles de cette chirurgie ne sont pas anodines, notamment en termes d’adhérences et de solidité postopératoire. Une technique rigoureuse et précise, l’application de moyens de prévention des adhérences doivent permettre de limiter les risques per- et postopératoires.
Les myomes utérins, pathologies bénignes, constituent une pathologie extrêmement fréquente puisque 20 à 40 % des femmes de plus de 30 ans en sont porteuses. Pourtant, seules les patientes symptomatiques ou dont les myomes sont impliqués dans la genèse d’une infertilité doivent être opérées [5].
Le développement de la chirurgie endoscopique (cœlioscopie et hystéroscopie) a considérablement modifié la prise en charge des myomes utérins. Avec plus de 20 ans de recul [23], la myomectomie par cœlioscopie doit maintenant être considérée comme le gold standard dans le traitement chirurgical de la majorité des myomes sous-séreux et interstitiels chez la patiente désireuse de conserver sa fertilité.
Indications
Deux indications principales existent :
• les myomes symptomatiques, résistant à un traitement médical correctement prescrit, et les léiomyomes compliqués doivent être opérés. Ces symptômes sont essentiellement les ménorragies, métrorragies, douleurs ou pesanteurs pelviennes et la compression des organes de voisinage (vessie, rectum, uretère) associé à un désir de grossesse ultérieure justifiant la conservation utérine ou à un désir de conservation utérine. La myomectomie sera aussi préférée quels que soient l’âge et le désir de grossesse si elle s’avère plus facilement réalisable que l’hystérectomie (myome pédiculé). La nécrobiose aiguë d’un fibrome ne nécessite pas de traitement chirurgical d’emblée. En cas de persistance des symptômes cliniques et de la non-régression du volume, l’indication opératoire est nécessaire ;
• les myomes associés à une infertilité : il faudra alors peser la balance bénéfice/risque. Un myome de type 5 transmural déformant la cavité doit être opéré. Il a été démontré de même que les myomes interstitiels ne déformant pas la cavité peuvent altérer les résultats de la fécondation in vitro [28]. L’étude de la littérature montre également que l’exérèse de léiomyomes responsables de ménométrorragies améliore la fertilité [13]. Cependant, les indications de myomectomie pour des myomes asymptomatiques doivent être étudiées au cas par cas. Si la myomectomie par cœlioscopie n’a pas montré à ce jour sa supériorité sur la myomectomie par laparotomie en termes de pronostic sur la fertilité [27], le choix de cette technique moins invasive et moins contraignante (consommation d’antalgiques, durée d’hospitalisation et de convalescence) semble légitime dans cette situation.
L’indication de la voie cœlioscopique varie selon les auteurs. Classiquement, elle répond à deux paramètres : nombres ≤ 3/4, diamètres des myomes 8–10 cm [10]. Elle est aussi envisagée en cas de plusieurs léiomyomes, à condition que la somme de leur diamètre ne dépasse pas 14 cm (fig. 10.1 et 10.2).
Bilan préopératoire : échographie et IRM
L’IRM peut être utile en cas de myomes multiples difficilement cartographiables par échographie [11]. C’est le cas en présence d’une obésité importante, de gros utérus, de myomes multiples ou calcifiés ou dont le volume dépasse la couverture spatiale de la sonde. Elle reste indispensable en cas de localisation annexielle, de lésion endométriale associée et en cas de doute sur la nature myomateuse versus adénomyosique de l’anomalie utérine ou devant la croissance rapide d’un myome faisant suspecter un sarcome.
Technique
L’utérus est systématiquement canulé. Un manipulateur utérin type Pélosi ou Valtchev peut être utile pour réaliser une épreuve au bleu de méthylène, comme le préconisent certains auteurs [9]. Celle-ci permet un meilleur repérage de l’endomètre lors de la dissection des myomes profondément enchâssés dans le myomètre et lors de la suture en cas d’ouverture de la cavité utérine. Sinon une curette simple est utilisée.
Six étapes opératoires
La technique de la myomectomie percœlioscopique (MPC), actuellement bien codifiée dans notre service, varie selon la localisation des léiomyomes [19, 20]. Sera décrite dans ce paragraphe la myomectomie pour myome sous-séreux et/ou interstitiel (fig. 10.3).
Étape 1 – Hémostase préventive ( vidéo 10.1)
Le risque hémorragique est un problème majeur et une limite à la MPC. Le volume du saignement dépend de plusieurs critères : la taille de l’utérus > 12 SA, la longueur totale de la ou des incisions [31], le temps opératoire [14], la taille du ou des myomes > 10 cm [29]. L’hémorragie est à l’origine de laparo-conversions [7], d’un allongement de la durée opératoire et plus rarement impose une transfusion sanguine peropératoire, évaluée à 5 % [21] et/ou beaucoup plus rarement d’une hystérectomie d’hémostase. Elle a de plus été récemment décrite comme facteur favorisant les adhérences postopératoires [30]. Différents moyens médicaux et plusieurs techniques chirurgicales en pré- et/ou peropératoire peuvent être employés pour réduire cette hémorragie peropératoire et éviter ses complications.
Les résultats des analogues de la GnRH sont controversés en ce qui concerne la diminution des pertes sanguines et du temps opératoire [31]. Prescrits durant 1 à 3 mois avant l’intervention, ils permettent néanmoins une diminution du volume des myomes et du risque de laparo-conversion [16]. Néanmoins, ils peuvent être responsables de difficultés à identifier le plan de clivage rendant l’énucléation plus hémorragique. De plus, le myome est parfois de consistance plus souple rendant sa préhension plus difficile [2]. D’autres molécules, comme les antagonistes de la GnRH (misoprostol) et les antiprogestérones (mifépristone), pourraient être intéressantes mais n’ont pas été suffisamment évaluées dans ce contexte [4].
L’embolisation préopératoire réalise une oblitération transitoire des artères utérines par des particules résorbables. Elle doit être bilatérale et semble permettre une diminution des pertes sanguines peropératoires si elle est suivie d’une MPC immédiate [24] et d’une réduction du volume léiomyomateux (myomes multiples) avant une chirurgie programmée [25]. Cette technique est en pratique difficile à mettre en place, d’efficacité limitée et de coût non négligeable. De plus, après l’embolisation, les patientes présentes souvent des douleurs importantes qui ajoutent au traumatisme et au stress chirurgical.
Nous utilisons souvent, en peropératoire, la ligature de l’artère utérine vascularisant le myome, laquelle diminue significativement le temps opératoire et les pertes sanguines [17]. Elle est réalisée lorsque l’échographie Doppler révèle un fibrome d’au moins 7 cm et bien vascularisé. L’occlusion de l’artère utérine, au fil résorbable au clip ou Vicryl® rapide 3/0, peut s’effectuer selon deux techniques [6] :
• la première, par ouverture du ligament large, entre le ligament rond et le ligament infundibulo-pelvien. L’artère ombilicale est repérée et suivie, sans s’en éloigner, jusqu’à l’origine de l’artère utérine. L’uretère est toujours bien vu en dedans (fig. 10.4 et 10.5) ;
• la seconde technique est celle que nous utilisons maintenant plus volontiers car elle est plus rapide et plus simple à réaliser (entre 5 et 10 minutes par côté). Elle consiste en l’abord direct de l’artère utérine après antéversion de l’utérus. Le péritoine, en dessous de la partie inférieure du ligament large, juste au-dessus de l’uretère est incisé. L’artère utérine est repérée directement ou à partir de l’artère ombilicale. Une traction vers le haut sur l’artère ombilicale saisie en dehors de la vessie permet le repérage de son trajet. L’uretère est aussi repéré (fig. 10.6 et 10.7).
Fig. 10.4 Ligature au fil résorbable de l’artère utérine à son origine après ouverture du ligament large.