Chapitre 10 Imagerie du flux
Signal IRM du sang et des hématomes
À la suite d’une hémorragie cérébrale, le signal du caillot sanguin dépend du délai par rapport au saignement. En effet, ce signal est lié à la présence d’hémoglobine (et de ses produits de dégradation1), ainsi qu’à l’intégrité des globules rouges du sang.
Bien qu’interviennent également la taille de l’hématome, la force du champ magnétique statique et le type de séquence utilisée (spin écho, écho de gradient), de façon « schématique », quatre aspects – fonction de l’ancienneté du saignement – peuvent être individualisés2 (« cycle lunaire » fig. 10-1) :
Rappel sur le flux sanguin
Il peut être laminaire ou turbulent :
Le flux veineux est laminaire avec une vitesse globalement constante.
Les différents phénomènes de flux
Phénomènes de temps de vol
Lorsque le vaisseau traverse le plan de coupe (au mieux lui est perpendiculaire), l’intensité du signal du flux va dépendre du temps de transit (ou temps de vol) des protons, défini par le temps Tt que met l’embole de sang de vitesse V, supposée constante, pour traverser l’épaisseur de coupe Δz. De façon schématique, deux situations peuvent se présenter en fonction de la vitesse du flux sanguin par rapport aux paramètres de la séquence (TR, TE, épaisseur de coupe, mais également angle de bascule). Pour des vitesses « lentes », l’intensité du signal augmente d’abord jusqu’à un maximum (phénomène d’« entrée de coupe » ou « renforcement paradoxal ») puis (en écho de spin), pour des vitesses plus rapides, diminue progressivement jusqu’à l’obtention d’un signal nul (phénomène de « sortie de coupe » prématuré : absence de signal), lorsque le flux atteint une vitesse seuil. En écho de gradient, il y a une progression lente du signal. Même à vitesse rapide (voir également fig. 10-5), il y a un renforcement paradoxal : la courbe de la figure 10-2 traduit l’évolution de l’intensité du signal avec la vitesse du flux sanguin.
Fig. 10-5 Phénomène d’entrée de coupe/renforcement paradoxal du signal : flux lent.
Les protons du plan de coupe préalablement stimulés sont partiellement (a) ou totalement (b) remplacés par des protons non encore stimulés durant le TR : apparition d’un renforcement paradoxal du signal (le vaisseau devient « blanc »). Ce phénomène est maximal lorsque Tt = TR, c’est-à-dire, pour V = Δz/TR (voir également fig. 10-2).
Absence de signal/phénomène de sortie de coupe
C’est le phénomène le plus couramment rencontré : il permet de comprendre qu’un grand nombre de vaisseaux sanguins soient visibles spontanément en IRM par « défaut » ou absence de signal (« vide de signal »), générant un contraste « naturel » (paroi/lumière) (fig. 10-3).
Au-delà d’un certain seuil de vélocité, les protons stimulés par l’impulsion π/2 quittent totalement le plan de coupe avant l’impulsion π (avant le temps TE/2, c’est-à-dire pour Tt ≤ TE/2). Ils sont remplacés par des protons n’ayant pas été soumis à l’impulsion initiale π/2 et n’ayant donc pas d’aimantation transversale (= signal). Par conséquent, ils ne peuvent (par essence) générer de signal, d’où l’absence de signal. Pour un vaisseau strictement perpendiculaire au plan de coupe, ce phénomène est maximal lorsque les protons (embole) traversent le plan de coupe dans un temps Tt ≤ TE/2, c’est-à-dire pour V ≥ Δz/TE/23. Il est caractéristique d’un « flux rapide4 » (fig. 10-4).
Fig. 10-4 Absence de signal : phénomène de sortie de coupe (flux rapide).
Les protons quittent le plan de coupe entre l’impulsion de 90° et l’impulsion de 180° : pas de signal (vaisseau « noir »). Ce phénomène est maximal lorsque les protons (embole) traversent le plan de coupe dans un temps Tt ≤ TE/2, c’est-à-dire pour V ≥ Δz/TE/2 (voir également fig. 10-2).
Phénomène d’entrée de coupe/renforcement paradoxal
Ce phénomène de renforcement paradoxal (appelé également renforcement lié au flux) a été mis en évidence dès le début de l’IRM. Il apparaît lorsque la vitesse des protons est telle qu’il y a renouvellement total (ou partiel) des protons circulant à travers le plan de coupe à chaque cycle, c’est-à-dire pendant l’intervalle TR. En début de cycle, ce sont donc des protons « frais », non encore stimulés, qui subissent l’impulsion π/2 : leur vecteur d’aimantation longitudinal est maximal (protons non saturés) et le signal qu’ils engendrent est par conséquent également maximal (par comparaison avec les protons stationnaires qui sont partiellement saturés par les multiples impulsions π/2 qu’ils subissent).
Pour un vaisseau perpendiculaire au plan de coupe, le phénomène est maximal lorsque tous les protons du plan de coupe sont remplacés par des protons « frais », soit pour Tt = TR, c’est-à-dire pour V = Δz/TR5 (fig. 10-5).
Dans une séquence d’écho de gradient, ce phénomène de renforcement paradoxal du signal est très fréquent (fig. 10-6a), même lorsque le flux est relativement rapide (artériel) (fig. 10-6b), car les TR courts « s’adaptent » aux Tt courts (cela est utilisé en angiographie par résonance magnétique). De plus, lorsque le TR est très court, la séquence est généralement acquise en « monocoupe » et chaque coupe successive se comporte donc comme une « coupe d’entrée ». Cela est à la base des techniques d’angiographie dite par temps de vol.
Fig. 10-6 Phénomène d’entrée de coupe : exemples.
En écho de gradient, ce phénomène s’observe même lorsque le flux est rapide, comme ici au niveau de l’aorte sur cette coupe transverse passant par le foie en écho de gradient pondérée (b). À noter l’artéfact de flux se projetant sur le foie gauche, dans le sens du gradient de codage de phase (voir aussi Chapitre 11).
Variation de la phase des spins circulants
Le déphasage d’un proton soumis à un gradient de champ constant est, nous l’avons vu (voirChapitre 6), proportionnel à son amplitude G, à sa durée d’application t et à la position x du proton le long du gradient (Φ(t) = γGxt). Pour s’affranchir des différences en phase induites par ce gradient, on applique un deuxième gradient (lobe) de même amplitude mais de polarité inverse. Ce gradient bipolaire Gd–/Gd+ ou Gd+/Gd–, inclus dans le gradient de lecture, est efficace sur les spins stationnaires mais pas sur ceux en mouvement (car, contrairement aux spins stationnaires, la position x des protons mobiles change entre l’application de chacun des lobes du gradient, l’un ne compensant plus l’autre) (fig. 10-7). Les protons contenus dans un plan de coupe vont, en se déplaçant, être soumis suivant le sens du flux aux gradients de champs linéaires (ou à leur combinaison), qui vont provoquer des changements « supplémentaires » de phase des spins (et non compensés !). Pour des spins de vitesse constante se déplaçant le long d’un gradient, le déphasage est quadratique6 par rapport au temps et proportionnel à la vitesse du flux (voir plus loin).
Ces phénomènes de déphasage et rephasage des spins sont exploités dans les techniques d’angiographie utilisant la phase des spins (comme l’angiographie par contraste de phase). Ils sont aussi utilisés pour renforcer le signal intraluminal (éviter la perte de signal intraluminal par déphasage des spins) en angiographie par temps de vol : techniques de gradients de compensation de flux qui rajoutent des lobes aux gradients (de lecture et de sélection de plan de coupe) pour compenser les déphasages induits par les mouvements (vitesse, accélération) des fluides (voir plus loin). Ces gradients de compensation de flux réduisent également les artéfacts de battements des vaisseaux (voirChapitre 11).
Angiographie par résonance magnétique
Il faut ajouter deux autres techniques d’angiographie :
Méthodes de compensation de flux
Nous venons de voir que, pour s’affranchir des différences en phases induites, les gradients doivent être obligatoirement de forme bipolaire. Ces gradients bipolaires inclus dans le gradient de lecture (et de sélection de coupe) sont efficaces sur les spins stationnaires mais pas ceux en mouvement.
Pour compenser les déphasages dus aux déplacements des spins, il faut rajouter des lobes au gradient de lecture et de sélection de coupe (normalement bipolaires). Pour y parvenir, le gradient bipolaire est modifié, comprenant trois lobes de rapport 1 : 2 : 1 (fig. 10-9). Les gradients de compensation de flux corrigent les déphasages dus à la vitesse (supposée constante). Il est également possible de corriger les déphasages liés à l’accélération des spins (gradients comportant quatre lobes). L’inconvénient de rajouter des lobes au gradient de lecture est d’allonger le TE, ce qui, par ailleurs, augmente le déphasage des spins (ils ont plus de temps pour se déphaser ⇒ décroissance en !) (voirfig. 10-9). Pour cette raison, seuls les déphasages liés à la vitesse sont habituellement corrigés en maintenant par ailleurs un TE le plus court possible7.
Les gradients de compensation de flux, en corrigeant les déphasages dus à la vitesse des spins circulants, minimisent les artéfacts pulsatiles du sang ou du LCR (voirChapitre 11). Ces gradients sont également utilisés pour renforcer le signal des artères et des veines en imagerie d’écho de gradient et pour corriger les déphasages des spins en angiographie par temps de vol. Ils ne sont bien sûr pas utilisés en ARM par contraste de phase (où, nous le verrons, le contraste est généré par la variation de phase des spins liée à leur vitesse).
Technique de présaturation
Les bandes de présaturation sont appliquées au début de chaque cycle sur les vaisseaux en amont du ou des plans de coupe sélectionnés. Elles ont pour rôle de saturer le sang dans le ou les vaisseaux avant qu’il ne pénètre dans les plans de coupe, de telle sorte que les protons intravasculaires ou intracavitaires n’émettent pas de signal (fig. 10-10). Elles sont obtenues par l’adjonction, avant le début des éléments habituels de la séquence, d’une impulsion RF supplémentaire, associée à des gradients destinés à « sélectionner » la zone à saturer.
Fig. 10-10 Illustration de l’utilisation des bandes de présaturation.