1: Du soutien à la psychothérapie de soutien

Chapitre 1 Du soutien à la psychothérapie de soutien



L. Schmitt


Le soutien d’une personne est l’une des plus nobles actions au sein des relations humaines. La définition du dictionnaire pour le terme soutien indique « action de soutenir, de supporter, d’aider ». Parmi les différentes significations de soutenir, on trouve celle d’« empêcher de souffrir en apportant du secours et du réconfort ». Le soutien n’est pas une exclusivité du monde soignant. Enfant, on est soutenu par ses parents ; l’ami à qui l’on se confie apporte du soutien ; la spiritualité et le bénévolat représentent différentes formes de soutien. Cette notion est largement associée à des idées plus vastes d’aide, de réparation ou de consolation. Le monde soignant a pour mission essentielle celle de soigner, de soulager souvent, parfois de guérir. L’infirmière, le psychologue, l’éducateur et le travailleur social exercent ce soutien en écoutant, en conseillant, en proposant une guidance, en participant au traitement. Le médecin, lorsqu’il écoute, conseille et rassure, effectue cette même action. Il s’inscrit très naturellement dans le soutien en mettant en place des mesures sociales ou de réhabilitation, en effectuant un arrêt de travail, ou en permettant l’attribution d’une allocation ou d’une invalidité. On doit au célèbre médecin psychothérapeute, Michael Balint (1980), l’idée des facteurs implicites ayant un rôle de soutien dans l’exercice de la médecine générale. Il a développé la notion de « remède médecin ». Ce remède, en la personne du médecin, définit le soutien qu’apportent une écoute, une présence et l’ensemble des attitudes ou des actes destinés à aider son patient. Cette notion de remède médecin demeure un des grands piliers immuables de la relation médecin-malade. Elle justifie souvent, que la personne en ait pris conscience ou non, l’engagement de celle-ci dans une carrière paramédicale ou médicale.


À partir de ce soutien, souvent implicite, peuvent se construire des thérapies de soutien. La plus connue est représentée par les soins palliatifs. Lorsqu’il n’existe pas de traitement curatif, les soins importants comme l’allégement de la douleur, l’amélioration du confort, l’écoute, la prévention de la solitude, etc., deviennent les objectifs principaux. Le chirurgien explique une intervention, sa technique et ses conséquences, il rassure ainsi son patient grâce aux informations qu’il fournit. Le cardiologue qui, après un infarctus du myocarde, propose une réhabilitation physique et des conseils d’hygiène de vie montre que la vie se prolonge et assure un soutien. La mise en place en cancérologie du dispositif d’annonce du diagnostic grâce à des consultations spécifiques exprime une autre forme de soutien. Les activités de visite à domicile dans le cadre des secteurs psychiatriques ont représenté une forme initiale efficace de soutien vis-à-vis de l’isolement des malades mentaux.



Du soutien à la relation de soutien


Le soutien, on l’a vu, est une notion très générale ; il est réalisé par tout être humain qui souhaite aider son prochain ; il n’est pas une spécificité du monde soignant. Lorsque ce soutien n’est plus épisodique ou ponctuel s’établit une relation de soutien. Celle-ci possède une continuité dans le temps et dans ses effets. Elle tire son origine du désir d’aider, de l’intérêt vis-à-vis d’autrui, d’un regard positif, d’une confiance envers autrui. Dans la relation de soutien sont retrouvées l’écoute, la compréhension, l’empathie et l’absence de jugement. Cet engagement dans une relation humaine soutenante n’implique pas que le thérapeute devienne un ami ; il, ou elle, doit avoir une conscience claire de la nature et des limites de ce soutien. Les consultations durent un temps limité, et s’associent à un règlement financier. Elles ne peuvent se dérouler à n’importe quel moment, à la demande du patient, à l’exception de situations de crise. Dans cette relation de soutien interviennent les facteurs communs d’une bonne relation. Il s’agit d’une écoute compréhensive, d’une neutralité par l’absence de jugement, de la possibilité d’exprimer des émotions, de l’instauration d’une empathie, de la possibilité de faire quelques suggestions ou donner quelques conseils.


Cette relation de soutien connaît plusieurs écueils. Le patient peut avoir des demandes trop vastes, trop générales ; il souhaite que tout soit fait pour lui : cela définit une relation anaclitique du patient envers son thérapeute. Ce dernier peut manquer de disponibilité ; son carnet de rendez-vous peut être trop chargé, et il ne peut pas accorder autant de temps que nécessaire. L’accordage entre le patient et le thérapeute peut s’avérer imparfait ; en dépit des efforts du thérapeute, le patient a des attentes trop vastes ou trouve la situation inextricable, trop douloureuse.


Un autre niveau, différent de la relation de soutien, s’exprime dans la psychothérapie de soutien.



Qu’est-ce qu’une psychothérapie de soutien ?


Comme toute psychothérapie, la psychothérapie de soutien s’inscrit dans le cadre d’une demande d’aide psychique formulée par un patient vis-à-vis d’un thérapeute. Cette notion d’aide psychique revêt une importance particulière puisque l’on insistera à plusieurs reprises sur la définition précise de la demande. Celle-ci s’adresse à un thérapeute spécialisé : un psychothérapeute. Dès lors, les trois dimensions de compréhension, d’accompagnement et d’étayage vont s’associer, se mélanger. Elles auront un but humaniste, celui d’empêcher de souffrir, de réparer ou de consoler un patient. Il n’est nullement exclu qu’une psychothérapie de soutien précède ou, au contraire, succède à une forme plus spécifique de psychothérapie. Le terme « spécifique » définit un engagement dans une technique spécialisée comme la psychothérapie analytique ou les thérapies cognitives, mais ne veut pas dire moins élaboré, la psychothérapie de soutien impliquant un processus de soins tout à fait structuré.







La psychothérapie de soutien s’inscrit dans le continuum psychothérapeutique

Il existe deux grands axes simples qui permettent de poser le continuum des psychothérapies.



L’un concerne le niveau d’altération du psychisme. Les patients les plus touchés montrent des symptômes et des comportements de repli, d’inactivité, des difficultés de pensée, des perceptions hors de la réalité. Leurs relations vis-à-vis d’eux-mêmes comme vis-à-vis des autres sont profondément altérées. Les patients qui souffrent de schizophrénie, de troubles de l’humeur sévères ou de graves troubles de la personnalité se situent dans cette partie très altérée du continuum. Au milieu, on retrouve des patients dont l’adaptation, la manière de penser ou les émotions sont sources de problèmes par période mais leur permettent aussi d’affronter de vraies difficultés. Les sujets considérés comme les mieux adaptés fonctionnent bien dans la vie sociale et familiale ; ils ont une perception réaliste d’eux-mêmes, ils font preuve d’humour et de souplesse.


L’autre axe s’intéresse à l’ensemble des nuances qui existent entre le soutien et les psychothérapies cherchant l’introspection, l’analyse des conflits inconscients et la compréhension du transfert ; il s’agit de psychothérapies découvrantes dont l’exemple typique est celui de la psychanalyse. Celles-ci s’intéressent beaucoup à l’inconscient, à des problématiques archaïques ou prégénitales, à des formes du négatif qui apparaissent dans les résistances, les non-dits et les dénis. Les psychothérapies de soutien appartiennent au groupe des psychothérapies recouvrantes. Elles cherchent à diminuer l’angoisse, à apaiser les conflits, à atténuer les symptômes. Dans le continuum psychothérapeutique, la thérapie de soutien est souvent proposée pour les patients ayant les troubles les plus sévères. Il s’agit de sujets souhaitant des solutions immédiates, nécessitant une réassurance, peu enclins à une réflexion et à un intérêt pour leur processus de pensée ou l’écoute de leurs émotions. Ce sont ces patients à qui l’on propose des formes de psychothérapie telles que la psychothérapie de conseil ou la psychothérapie centrée sur la personne, comme celle proposée par le psychologue américain Carl Rogers (1971). Si les thérapeutiques découvrantes ou expressives se rapprochent de la psychanalyse, il existe des formes intermédiaires. Rockland (1989) a proposé de modifier le terme de psychothérapie de soutien par le terme de psychothérapie de soutien d’orientation psychodynamique en utilisant l’acronyme POST (psychodynamic oriented supportive therapy). Cette proposition prend en compte les nombreux cas où les distinctions entre psychothérapie de soutien et psychothérapie découvrante sont peu distinctes et caricaturales. En effet, comme l’a évoqué Gabbard (2005), plusieurs phénomènes cliniques observés chez un patient s’expliquent rarement par une seule théorie. Or, l’amélioration du patient représente un objectif bien plus important que la pureté théorique. Les patients ne s’intéressent pas à la théorie : leur objectif est d’aller mieux et que leurs souffrances soient allégées.

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Apr 23, 2017 | Posted by in MÉDECINE COMPLÉMENTAIRE ET PROFESSIONNELLE | Comments Off on 1: Du soutien à la psychothérapie de soutien

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