CHAPITRE 1 DÉFINITION DE LA PHARMACIE CLINIQUE
HISTORIQUE
La vraie question, au-delà de la définition, reste le développement de l’exercice de la pharmacie clinique en France. La réponse se résume à une progression dans les esprits plus que dans les faits. Il est cependant très encourageant de constater que deux rapports récents de l’inspection générale des affaires sociales(IGAS1) soulignent l’importance de faire sortir les pharmaciens de leur pharmacie [1, 2] :
– en précisant, au niveau hospitalier « sur les autres formes que peut prendre la présence pharmaceutique au plus près du patient » ;
– en soulignant « les bénéfices à attendre du développement de la pharmacie clinique, en particulier de l’analyse pharmaceutique et de la présence de l’équipe pharmaceutique dans les unités de soins » ;
– en recommandant de « déployer les ressources pharmaceutiques au service des patients, en mettant en œuvre le plus largement possible l’analyse pharmaceutique et en développant les activités de pharmacie clinique dans les établissements. Adapter la formation initiale et continue (développement professionnel continu) à ces évolutions. » ;
– en faisant «évoluer dès à présent les programmes de formation, initiale et continue, des médecins et soignants à la thérapeutique, dans ses dimensions scientifique, pharmaco épidémiologique et médico-économique » ;
– en adaptant « les formations initiale et continue des pharmaciens hospitaliers aux nécessaires évolutions du métier, en particulier dans ses dimensions de pharmacie clinique et de retour d’expérience » ;
– en diversifiant « les affectations des internes en pharmacie pour alterner services et PUI » ;
– en développant « les formations communes médecins/pharmaciens ».
Quel plaidoyer de la part d’une institution officielle
– La prévention de l’iatrogenèse et des erreurs médicamenteuses : éviter des incidents et accidents iatrogènes médicamenteux pouvant conduire à des plaintes et des procès. Gardons-nous de la dérive nord-américaine, même s’il nous faut rappeler que cette discipline est née aux États-Unis par les procès auxquels les médecins américains étaient confrontés et impliquant une mauvaise gestion thérapeutique médicamenteuse2.
– L’optimisation thérapeutique : la pharmacie clinique est née aux alentours des années 1960, il y a donc environ 50 années. Les médecins ont cherché des collaborateurs compétents qui travaillent à leurs côtés pour vérifier que :
Hepler et Strand [3] ont défini l’évolution de la pharmacie clinique vers le concept des soins pharmaceutiques (pharmaceutical care) avec « l’engagement du pharmacien à assumer envers son patient, la responsabilité de l’atteinte clinique des objectifs préventifs curatifs ou palliatifs de la pharmacothérapie ».
Les activités de pharmacie clinique ont ensuite été progressivement déclinées aux États-Unis [4].
Ce concept des soins pharmaceutiques est expliqué dans un autre chapitre de ce livre et peut être traduit par « la prise en charge pharmaceutique globale du patient » ; autrement dit bien connaître, en plus des médicaments, les relations que le patient entretient avec son traitement. Certaines idées seront reprises dans le chapitre 3 La validation d’ordonnance ou analyse pharmaceutique, ainsi que dans le chapitre 58 Éducation thérapeutique du patient.
En 2005 les objectifs prioritaires de l’assurance-maladie ont été d’encourager la mise en place d’une organisation hospitalière visant à d’une part à prescrire mieux et d’autre part à prévenir les accidents iatrogènes médicamenteux [5].
EN FRANCE, UNE SUCCESSION DE RÉFORMES ET UNE ADAPTATION
La troisième réforme, dite réforme Laustriat-Puisieux (in [6]) avec quelques doyens visionnaires s’est mise en place en 1984 ; elle crée la 5e année hospitalo-universitaire et une 6e année de formation professionnelle. Elle renforce et amplifie ce qui avait été commencé par le groupe de travail présidé par Bohuon concernant les stages hospitaliers et l’enseignement de la pharmacie clinique.
L’actuelle réorientation que nous pourrions qualifier de 4e réforme est l’adaptation des études de pharmacie à la mise en place du LMD européen (licence en 3 ans, maîtrise en 5 ans et doctorat en 8 ans) suite aux accords de Bologne3. À l’heure où nous écrivons ce chapitre, cette réforme n’est pas encore totalement mise en place et nous espérons que les acquis de la formation clinique hospitalière seront conservés.
Il reste fondamental de conserver les stages pratiques et de les encadrer, et ce, d’autant que l’enseignement est de plus en plus assuré dans ses fondamentaux par des scientifiques n’ayant aucune idée des pratiques professionnelles ou par des pharmaciens non praticiens. L’intégration au CHU [8] des pharmaciens biologistes et des hôpitaux a été réalisée et doit être encouragée car elle est de nature à améliorer la formation pratique des pharmaciens qui une fois diplômés vont exercer un métier.
– Pour l’officine, les propositions viennent encore d’un rapport de l’IGAS [9] et visent à changer la rémunération pour sortir du paiement à la longueur de l’ordonnance. En effet, ce mode de rémunération n’était pas en mesure de favoriser l’attitude de prévention de l’iatrogenèse médicamenteuse. L’IGAS introduit des idées intéressantes telles que celles du pharmacien correspondant (pharmacien stable et impliqué dans le suivi du patient), du bilan de médication (medication review), de l’entretien d’accompagnement, de l’éducation thérapeutique, du dépistage à l’officine. Autant d’éléments qui font appel à la discipline pharmacie clinique (voir également le chapitre Validation d’ordonnance et Éducation thérapeutique du patient).
– Pour l’hôpital, la tendance vise à encourager le regroupement logistique à automatiser, la préparation des doses par patient sur le même modèle que l’automatisation de la biologie afin de permettre à plus de pharmaciens hospitaliers de se rapprocher des unités de soins.