1: Anatomie musculaire et stratégies motrices du poignet et de la main

Chapitre 1


Anatomie musculaire et stratégies motrices du poignet et de la main





Organisation motrice du poignet


Les articulations et les muscles du membre supérieur sont dévolus au déplacement et à l’orientation de la main dans l’espace. Le poignet possède une cinématique tridimensionnelle nécessaire aux exigences des prises et appuis.


D’un point de vue général, les muscles du poignet articulent la main et la stabilisent lors des préhensions. Ils ont une forte tendance à la co-contraction et fonctionnent de façon statique ou dynamique. Ils sont au nombre de six, trois muscles extenseurs à la partie dorsale : extensor carpi radialis longus (ECRL), extensor carpi radialis brevis (ECRB), extensor carpi ulnaris (ECU) ; et trois muscles fléchisseurs à la partie palmaire : flexor carpi radialis (FCR), palmaris longus (PL), flexor carpi ulnaris (FCU). Les muscles sont situés dans l’avant-bras, les longs tendons terminaux pontent le carpe et s’insèrent à la base des métacarpiens où ils entretiennent des rapports étroits avec les muscles intrinsèques de la main. D’autre part, leurs terminaisons se situent de façon excentrée à l’axe de rotation qui passe par la tête du capitatum. Chaque muscle du poignet agit donc selon plusieurs composantes sur l’articulation ; pour un mouvement pur, il faudra la mise en jeu simultanée de deux muscles, antagonistes sur une composante mais synergiques dans l’autre.


Dans l’ensemble, ce sont des muscles de type fusiforme qui développent une amplitude active importante, et leurs fibres sont disposées longitudinalement par rapport aux tendons. Ils ont plutôt des caractéristiques de muscles du mouvement. Bonnel considère les muscles de l’avant-bras avec un système tendino-aponévrotique développé. Ils bénéficient d’une grande compliance et d’une grande capacité de restitution d’énergie élastique (figure 1.1).



Notons cependant la présence du muscle pronator quadratus, seul muscle transversal, court et mono-articulaire dont l’action est entièrement dévouée à l’articulation radio-ulnaire-distale (RUD).


On divise le poignet en quatre cadrans autour du centre articulaire.


En palmaire passent les tendons des muscles fléchisseurs, en dorsal les extenseurs, médialement les tendons des muscles qui font l’inclinaison ulnaire, et latéralement ceux qui font l’inclinaison radiale.



Anatomie musculaire



Les muscles du cadre radio-ulnaire


Ils assurent avec le biceps (BB) les mouvements de rotation de l’avant-bras grâce aux articulations radio-ulnaires proximale (RUP) et distale qui sont liées mécaniquement.


On distingue le groupe des muscles pronateurs (PT, PQ) de celui des supinateurs (S, BB), le muscle brachioradialis étant mixte, tantôt pronateur, tantôt supinateur.



Le muscle pronator terres (PT): C’est le plus latéral des muscles superficiels de la loge palmaire de l’avant-bras. Il possède deux chefs d’origine, l’un part de l’épicondyle médial de l’humérus par un tendon commun aux muscles épicondyliens, l’autre du versant médial du processus coronoïde. L’aponévrose centrale intramusculaire s’étend sur 4/5 de la longueur du muscle. Le muscle se termine au tiers moyen de la face latérale du radius (figure 1.2).





Le muscle pronator quadratus (PQ): C’est le muscle le plus profond de la loge antérieure de l’avant-bras. Il est aplati, quadrilatère et plaqué transversalement à la membrane interosseuse, du radius à l’ulna dans leur quart distal, à proximité de l’articulation RUD (figure 1.3). C’est un muscle court et puissant. Il possède une aponévrose qui lui est propre, et il est composé de deux faisceaux :




La partie distale du muscle est plus large que la partie proximale et fusionne avec la capsule articulaire de l’articulation RUD.


Innervation : nerf interosseux antérieur (C8T1).



Le muscle brachioradialis (BR): Muscle saillant à la face latérale de l’avant-bras en flexion forcée du coude, il n’intervient pas sur le poignet. C’est le seul muscle de l’organisme qui s’étend de l’extrémité distale d’un os à l’extrémité distale d’un autre. Il s’étend de la crête sus-épicondylienne latérale de l’humérus, à la face latérale de la base du processus styloïde du radius.





Les muscles extenseurs du poignet


Les muscles extenseurs radiaux (ECRL et ECRB) cheminent dans la loge postérieure de l’avant-bras en dehors du radius, puis dans une gaine fibreuse au niveau du poignet, passent à la partie haute de la tabatière anatomique et se terminent à la face dorsale de la base de la main (figures 1.4, 1.5).





Le muscle extensor carpi radialis longus (ECRL): Ce muscle s’étend du bord latéral de l’humérus à sa partie distale, à la base dorsale du second métacarpien sur son versant latéral. Il est situé en dehors du muscle ECRB, au-dessous du BR. Le corps musculaire descend au bord latéral de l’avant-bras et se continue par un tendon au 1/3 moyen de l’avant-bras. Le tendon est accolé à celui de l’ECRB en arrière du BR. Il chemine ensuite en arrière de la styloïde radiale dans la gouttière dorsale de la face latérale de l’extrémité distale du radius.




Le muscle extensor carpi radialis brevis (ECRB): Ce muscle s’étend de l’épicondyle latéral à la base dorsale du troisième métacarpien. Il prend son origine en dehors du supinator par un tendon commun aux épicondyliens latéraux. Le corps musculaire est prismatique triangulaire, en dedans du muscle ECRL. Les fascicules musculaires sont courts et se jettent sur le tendon aplati à la partie moyenne de l’avant-bras. Le tendon du muscle ECRB est contigu à celui du muscle ECRL, et se termine à la base du 3e métacarpien qui représente l’axe anatomique de la main.




Le muscle extensor carpi ulnaris (ECU): Situé dans la partie médiale de la loge postérieure de l’avant-bras, il est de type fusiforme et prend ses origines sur l’épicondyle latéral par un tendon commun aux muscles épicondyliens latéraux et sur le bord postérieur de l’ulna par une lame aponévrotique (figure 1.6).



Sur son trajet, il est peu adhérent à l’aponévrose antibrachiale. Les fibres musculaires semblent disposées de façon longitudinale par rapport au tendon terminal qui est long. Ce tendon s’engage sous le rétinaculum dorsal en arrière de la styloïde ulnaire dans une coulisse ostéofibreuse indépendante et résistante, puis se termine à la base du 5e métacarpien.




Les muscles fléchisseurs du poignet


Ils longent la partie palmaire de l’avant-bras sous la peau, ils vont de l’épicondyle médial à la base de la main. Ils naissent de l’épicondyle médial par un tendon commun et constituent avec le pronator terres (PT) la couche superficielle de l’avant-bras (figures 1.7, 1.8, 1.9). Les muscles fléchisseurs palmaires du carpe sont au nombre de trois :






Le muscle flexor carpi radialis (FCR): Il prend son origine sur l’épicondyle médial. C’est un muscle fusiforme, aplati d’avant en arrière. Au corps musculaire charnu fait suite un long et volumineux tendon qui descend en avant et latéralement au nerf médian. Le corps musculaire est oblique en bas et un peu en dehors placé en avant du muscle FDS. Il se continue par un tendon apparu à la partie moyenne de l’avant-bras. Ce long tendon à la partie distale de l’avant-bras longe la gouttière du pouls dont il forme la berge médiale.


Au niveau du poignet, il franchit le carpe dans un défilé ostéo-fibreux qui lui est propre, limité en arrière par le scaphoïde et le trapèze, en dehors du canal carpien contenant les tendons fléchisseurs des doigts. Le tendon du FCR glisse sur la face palmaire du scaphoïde et se termine à la base du deuxième métacarpien, accessoirement sur le trapèze et la base du troisième métacarpien. La contraction du muscle FCR aurait d’après Kapandji un effet de rappel sur le pôle distal du scaphoïde du fait de la traction exercée par son tendon par l’intermédiaire de sa coulisse.




Le muscle palmaris longus (PL): Il prend son origine sur l’épicondyle médial. C’est un muscle fusiforme, grêle et étroit, peu puissant. Il est charnu dans son 1/3 proximal et tendineux dans ses 2/3 distaux. Le corps musculaire très court se continue par un long tendon qui descend en dedans de celui du muscle FCR et se termine en s’étalant sur le rétinaculum des fléchisseurs. Les fibres médianes se continuent sur l’aponévrose palmaire superficielle et les fibres latérales sur les aponévroses palmaires des éminences thénar et hypothénar.




Le muscle flexor carpi ulnaris (FCU): Il s’agit d’un muscle de type bipenné. C’est le plus puissant des muscles de l’avant-bras.


Il prend ses origines sur l’épicondyle médial par un tendon commun aux muscles épicondyliens médiaux, sur le bord médial de l’olécrâne par une lame tendineuse et sur les 2/3 supérieurs du bord postérieur de l’ulna.


Il est adhérent à l’aponévrose antibrachiale. L’insertion des fibres musculaires se fait obliquement par rapport à l’axe du tendon, dont la partie terminale, purement tendineuse est courte. L’aponévrose centrale intramusculaire s’étend sur 9/10e de la longueur du muscle. Les fascicules musculaires sont courts. Le tendon terminal se termine sur le pisiforme et distribue des expansions vers l’hamatum, le rétinaculum des fléchisseurs et la base des 4e et 5e métacarpiens.




Physiologie des muscles du poignet



La motricité du poignet


Elle est assurée par les muscles moteurs agonistes des mouvements, aidés dans certaines conditions des muscles moteurs des doigts.


La flexion du poignet est réalisée par les muscles FCR, PL et FCU, assistés si les doigts sont bloqués par une prise par les puissants muscles fléchisseurs des doigts.


L’extension du poignet est réalisée par les muscles ECRL, ECRB et ECU, assistés des muscles extenseurs des doigts si le poing est fermé.


L’inclinaison ulnaire est réalisée par les muscles FCU et ECU, assistés par les muscles extenseurs, fléchisseurs et courts, du 5e doigt.


L’inclinaison radiale est réalisée par les muscles FCR et ECRL, assistés des muscles de l’ouverture du pouce (APL, EPL, EPB).


La pronosupination, résultant d’une rotation conjointe poignet-coude, est réalisée d’une part par les muscles pronateurs (PT et PQ) assistés des muscles épicondyliens médiaux, et d’autre part par les muscles supinateurs (BB, S) assistés des muscles épicondyliens latéraux.





La stabilité active de l’articulation radio-carpienne


À l’exception du muscle FCU, les muscles du poignet se terminent sur les métacarpiens et n’ont pas d’action directe sur les os du carpe. Du fait de leurs insertions excentrées, ils ont un rôle majeur dans la statique des positions latérales et dans la compression des os du carpe. La cohérence spatiale reste un élément indispensable à la transmission harmonieuse des contraintes. Répondant aux impératifs de la biomécanique articulaire, les muscles du poignet présentent une organisation intelligente s’opposant aux contraintes déstabilisantes. Les forces globales se réfléchissant sur le versant médial de l’articulation du poignet, il est logique de trouver en rapport, une structure musculaire assurant la solidité du système [2].


La sangle ulnaire peut être considérée comme une entité anatomique et fonctionnelle. Les contraintes et les déformations qui s’exercent sur la partie médiale du poignet sont contrôlées par un système ligamentaire puissant et complexe assisté d’éléments actifs musculaires. La sangle ulnaire est une organisation anatomique qui semble répondre à cette exigence.


Les éléments actifs qui contrôlent le complexe ulno-carpien sont les muscles FCU et ECU [3,4]. Ils sont superficiels et font le galbe de la partie médiale de l’avant-bras. Ils sont polyarticulaires et leurs actions principales s’exercent sur le poignet. Leur disposition ainsi que leur proximité anatomique autour de l’ulna les prédisposent à une action synergique concourant à la stabilité de la partie médiale du carpe.



image Remarque


Le pisiforme doit être considéré comme un composant principal du complexe articulaire du poignet (qualifié de « rotule du poignet » par Rozenblatt) [5]. C’est un véritable nœud ostéo-fibreux solidement amarré par ses attaches ligamentaires. Pierre de la fronde extra-articulaire (il reçoit l’insertion des ligaments rétinaculaires dorsal et palmaire), élément clef du système antitorsion (Farher), il assure la transmission des forces dans les trois plans de l’espace et la continuité anatomique du muscle FCU et du muscle abductor digiti minimi (ADM) (figure 1.10).




Architecture comparée des muscles ECU et FCU: L’architecture puissante et les attaches proximales solides du muscle FCU en font un frein activo-passif efficace à l’extension du poignet, notamment dans la fonction d’appui.


Le muscle ECU est plus grêle, indépendant des structures fibreuses avoisinantes. Il paraît davantage prédisposé à une action dynamique basée sur le glissement, plutôt en chaîne cinétique ouverte.


Les rapports de ces deux muscles bien différents, et leur disposition parallèle autour de l’ulna, les incitent pourtant à travailler en synergie pour stabiliser la partie médiale du carpe (figure 1.11).




Structures communes aux deux muscles: Les dissections réalisées au laboratoire d’anatomie du CHU de Bordeaux ont mis en évidence les connexions transversales des deux muscles sur leur trajet (figures 1.12, 1.13, 1.14) :





Contexte biomécanique: La stabilité du poignet est liée aux contraintes transmises ainsi qu’aux différents systèmes de protection articulaire. Les pressions axiales transmises au carpe le sont à 82 % par le radius et 18 % par l’ulna. L’orientation des surfaces favorise le glissement du carpe en médial. Ce contexte conditionne la stabilité sur le versant radial et la mobilité sur le versant ulnaire.


Du fait de la tension du TFCC, l’articulation RUD est la plus stable en prono-supination neutre et présente une moindre congruence en pronation maximum.


En inclinaison radiale du poignet, il y a disjonction de la partie médiale du carpe et augmentation de la tendance à l’échappement du carpe en médial.


Lors de la prono-supination, il existe une continuité du mouvement dans le poignet qui va engendrer une torsion intracarpienne.


La stabilité des os du poignet ne peut être assurée exclusivement par le complexe ligamentaire. Il y a donc nécessité d’une structure active musculaire qui fonctionne en synergie.



Physiologie du couple FCU-ECU: La force totale additionnée des muscles qui font l’inclinaison ulnaire est légèrement supérieure à celle des muscles qui font l’inclinaison radiale, mais surtout c’est leur moment d’action par rapport à l’axe d’inclinaison qui est nettement supérieur.


D’après Boyes, les courses maximum des tendons des muscles FCU et ECU sont équivalentes (3,3 cm), mais le muscle ECU la développe lors des inclinaisons et le muscle FCU lors de la flexion-extension du poignet. L’étude des courses tendineuses semble montrer un secteur préférentiel d’activité pour chacun des deux muscles.


Les actions musculaires vont s’exprimer dans les trois plans de l’espace de façon synergique ou opposée.


L’insertion déjetée en avant du muscle FCU augmente son moment d’action dans le plan sagittal. Le tendon du muscle ECU place la tête ulnaire vers l’avant. Sa contraction met en tension le rétinaculum dorsal. Kuhlman et Tubiana ont montré qu’une traction de 3 newtons sur le tendon supprime toutes possibilités de torsion du poignet.


Les deux muscles sont synergiques en inclinaison ulnaire et antagonistes en flexion-extension du poignet. Leur disposition autour de l’ulna réalise une structure muscle-os-muscle de type poutre composite. Leur co-contraction lors de l’inclinaison ulnaire a un effet protecteur du levier osseux par effet de gainage, et un effet stabilisateur de la partie médiale du carpe dans le sens palmo-dorsal.




Application à la physiologie du geste sportif: À travers quelques exemples en pratique sportive, envisageons différents modes de fonctionnement de la sangle ulnaire.


Au tennis : lors du coup droit lifté, le mouvement s’effectue en chaîne ouverte, il est de type balistique avec accélération en bout de chaîne. Le poignet est fortement sollicité en inclinaison radiale [6]. Le passage de l’inclinaison ulnaire à l’inclinaison radiale provoque une contraction excentrique violente du muscle ECU et une forte sollicitation de son attache distale. À l’impact de la balle, la sangle ulnaire est sollicitée en co-contraction. Elle inscrit dans un mouvement de type série une synergie de protection de type parallèle [7].


Au tir à l’arc : au niveau du bras d’arc, le muscle FCU ne fonctionne pas lors de l’armement et présente une hyperactivité au lâcher de corde [8]. Le muscle ECU est très actif pendant l’armement mais arrête son activité au lâcher de corde. L’activité des deux muscles s’enchaîne chronologiquement. Ils sont synergiques et se complètent lors du lâcher de corde pour obtenir une stabilité maximum de la main d’arc.


Lors de la pratique de l’aviron : le mouvement est plutôt rectiligne. Les muscles du membre supérieur fonctionnent selon une organisation de type parallèle. Il y a co-contraction de part et d’autre des leviers osseux. La sangle ulnaire alterne contraction excentrique lors du poussé et contraction concentrique lors du tiré. Ce type de mouvement développe une force très importante.


La pratique de la gymnastique sollicite la locomotion manuelle du gymnaste et va à l’encontre de l’évolution phylogénétique [9]. Cependant, le muscle FCU semble adapté aux contraintes liées à la fonction d’appui. Lors de la préparation de la phase d’appui, le muscle ECU est le seul actif, il place la main. Dès la phase de réception, c’est le muscle FCU qui absorbe la contrainte et la restitue par alternance des modes contractiles, excentrique, statique, concentrique.


Nous pouvons résumer les actions motrices de la sangle ulnaire :





Stabilité active de l’articulation RUD


La stabilité active de l’articulation RUD est assurée par différents éléments qui vont intervenir à plusieurs niveaux pour éviter la dislocation de l’articulation sous l’effet des contraintes qui lui sont imposées. On retrouve principalement le muscle PQ, la sangle ulnaire (ECU et FCU), le muscle EIP et les muscles du pouce à direction oblique (APL, EPB, EPL) [10].


Par leur effet « sandwich », les deux muscles formant la sangle ulnaire (associés au muscle EDM) ont un intérêt majeur dans la stabilité active de l’articulation, mais leur orientation longitudinale ne leur permet pas de s’opposer seuls aux différentes contraintes articulaires, notamment transversales. Ce déficit est compensé par le muscle PQ qui constitue le maillon transversal des stabilisateurs actifs de l’articulation RUD. Retenons également le rôle stabilisateur accessoire des muscles à direction oblique (EIP, EPL, EPB, APL), complétant l’action des muscles stabilisateurs principaux de l’articulation RUD (figure 1.15).




Force des muscles du poignet


L’étude des forces permet de dégager deux cadrans d’activité, l’un en extension – inclinaison radiale – et l’autre en flexion – inclinaison ulnaire. On note que les muscles qui font l’inclinaison ulnaire développent une force légèrement supérieure à celle des muscles qui font l’inclinaison radiale, mais surtout c’est leur moment d’action par rapport à l’axe d’inclinaison qui est nettement supérieur.


Les muscles extrinsèques des doigts participent également à la force du poignet dans certaines conditions. Ainsi, les muscles fléchisseurs des doigts développent une puissance quatre fois supérieure à celle des fléchisseurs directs du poignet, mais ils ne deviennent fléchisseurs du poignet que lorsque la flexion des doigts est bloquée avant l’épuisement de la course des tendons, comme dans la flexion contre résistance avec prise d’un objet volumineux. D’autre part, les muscles extenseurs des doigts deviennent extenseurs du poignet si le poing est fermé, c’est-à-dire lorsqu’ils sont mis en tension par la flexion des doigts.



Aspects fonctionnels


Les muscles du poignet sont moteurs de la main et participent à son orientation dans l’espace en coordination avec l’ensemble de la musculature du membre supérieur. Le poignet étant le dernier maillon avant la prise, les muscles adaptent en permanence leur course en fonction du contexte de prise. La constitution de ces muscles charnus et fusiformes avec de longs tendons, leur procure une grande compliance et une grande capacité de restitution d’énergie élastique lors des mouvements inverses. En situation de prise, ils ont une forte tendance à la co-contraction et assurent la stabilité du poignet, quelle que soit sa position. Les muscles ont un rôle protecteur sur l’articulation du poignet pour éviter la tendance à la dislocation, ceci étant dû soit à des forces externes, soit aux contraintes en compression imposées par la sollicitation des puissants muscles fléchisseurs des doigts. Les forces qui s’appliquent au poignet le sont toujours en compression.


L’étude des fonctions nous place face à cette dualité de mobilité et de stabilité du poignet, que ce soit dans l’orientation de la paume, la prise d’appui ou les différentes formes de préhension. Le fonctionnement des muscles du poignet s’effectue selon plusieurs modalités : en chaîne cinétique ouverte (main libre) le recrutement est plutôt dynamique avec des contractions musculaires isotoniques ; en chaîne cinétique semi-fermée (prises mobiles) le recrutement est dynamique ou statique avec alternance des modes contractiles (isotonique concentrique ou excentrique, isométrique) ; en chaîne cinétique fermée (prises fixes) le recrutement est plutôt de type statique avec des contractions musculaires isométriques stabilisatrices.


Les notions de force, d’endurance, de coordination intermusculaire sont intégrées dans le fonctionnement du membre supérieur au service du déplacement de la main et de la préhension.


La mobilité et la stabilité du poignet exigent du système musculaire un contrôle en trois dimensions, des balances musculaires équilibrées autour de l’articulation et une coordination de chaque instant.



Continuités anatomiques


Le système musculo-aponévrotique du membre supérieur est organisé en continuité de chaînes. Les continuités anatomiques sous-tendent les schémas fonctionnels et autorisent des combinaisons multiples au service du déplacement de la main dans l’espace. On retiendra que les chaînes élémentaires (extension du coude-pronation-ouverture de la main et flexion du coude-supination-fermeture de la main) sont également les chaînes alimentaires. Les continuités tissulaires s’organisent de façons longitudinale, transversale, et de la superficie vers la profondeur.


Le tissu conjonctif, aponévroses, enveloppes musculaires, ligaments, jouent un rôle fondamental dans la transmission des forces. Riches en mécanorécepteurs, ces structures cloisonnent et différencient les plans musculaires tout en assurant leur cohésion pour une action coordonnée.


Les fascias sont constitués par des feuillets étendus de tissu conjonctif résistant qui entourent les muscles et leur donnent une unité anatomique. Ils exercent une contre-pression aux muscles pendant la contraction, et assurent l’indépendance et le glissement des muscles entre eux. Ce sont des structures de maintien et de contention, peu extensibles, qui délimitent les loges et les espaces.


Au niveau de l’avant-bras, le fascia palmaire est deux fois plus épais que le fascia dorsal. On retrouve des fibres circulaires ou obliques renforcées par des expansions du trousseau fibreux en provenance de l’épicondyle médial, et des expansions du biceps brachial (figure 1.16).



Le système rétinaculaire au poignet joue un rôle important dans la stabilité du carpe. Il assure un jeu coordonné des actions musculaires par la transmission d’informations proprioceptives provoquées par la traction des tendons. Décrit par Binder et Revol, le rétinaculum dorsal est un système périphérique extra-capsulaire ayant une double fonction de stabilisation du poignet et de poulie de réflexion des tendons extenseurs qui cheminent dans les six coulisses. C’est une structure relativement fixe et résistante (figure 1.17).



Autre structure transversale, le ligament palmaire carpien, peu décrit, s’étend du tendon du muscle FCU au tendon du muscle FCR et semble jouer lui aussi un rôle d’informateur entre les muscles fléchisseurs du poignet (figure 1.18).



Au niveau de la main, le fascia palmaire superficiel est renforcé par les expansions des muscles PL et FCU. Il s’agit du rétinaculum des fléchisseurs en continuité avec les fascias thénarien et hypothénarien [11]. Plus loin, l’aponévrose palmaire moyenne est constituée de fibres longitudinales reliées transversalement, qui se prolongent sur les faces latérales des doigts.


À la face dorsale de la main, les juncta tendinosum relient les tendons extenseurs entre eux participant ainsi à leur maintien et à leur cohésion. On retiendra que du fait de l’obliquité des fibres, les juncta tendinosum n’entravent pas le jeu indépendant des doigts dans le sens longitudinal (figure 1.19).




Longitudinalement, les muscles du poignet sont en continuité avec différents constituants de la main, soutenant les synergies de fonction et la stabilité des principales divisions de la main.


Le muscle PL se termine sur le rétinaculum des fléchisseurs où s’insèrent les piliers musculaires thénarien et hypothénarien. Il se poursuit également par des fibres sur l’aponévrose palmaire moyenne.


Le muscle FCU est lui, en continuité directe avec le muscle abductor digiti minimi (ADM) via le pisiforme qui sert d’élément relais à la transmission des forces.


La sangle ulnaire est constituée par les muscles FCU et ECU qui présentent de nombreuses connexions tout au long de leurs trajets. Cette organisation particulière répond aux contraintes exercées sur la partie médiale du carpe. Le fonctionnement synergique de ces deux muscles assure la stabilité de la partie médiale du poignet.


Le muscle PT envoie des fibres au muscle flexor pollicis longus (FPL), ce qui concrétise une synergie fonctionnelle associant la flexion du pouce à la pronation de l’avant-bras (figure 1.20).



Le muscle ECRL possède une terminaison large à la face dorsale de la base du 2e métacarpien. Cette proximité anatomique avec le 1er interosseux dorsalis en fait un muscle privilégié dans le soutien de la pince radiale. De façon diamétralement opposée s’insère le muscle FCR, et cette double insertion à la base du 2e métacarpien participe à la stabilité de l’index dans les pinces.


Au niveau de la main, nous pouvons souligner l’existence fréquente d’une expansion du tendon du muscle APL à destinée du muscle APB. Notons également les connexions directes des muscles lombricaux qui relient le système fléchisseur au système extenseur et des muscles interosseux dont les expansions terminales sont intriquées à l’aponévrose d’extension digitale (figure 1.21).



Au niveau de la paume, les arches transverses carpienne et métacarpienne entretiennent les continuités anatomiques des muscles intrinsèques et renforcent structure et cohésion motrice entre la partie radiale et la partie ulnaire de la main.


De cette façon, les structures agencées forment un tout anatomique, assurant une cohérence au service de la fonction.



Les chaînes myo-fasciales brachio-palmaires


Du coude à la main se prolongent les chaînes myo-fasciales. Nous décrivons huit chaînes selon les continuités anatomiques (figure 1.22).



Du septum latéral médial du coude (SLM) (figure 1.23) :




1. la chaîne de pronation (CP) est constituée par les suites musculaires PT-FPL-OP ou PT-PQ-APB ;


2. la chaîne de flexion courte (CFC) est constituée par les muscles FCR et FCU reliés transversalement par le ligament palmaire carpien.


    Du muscle biceps brachial (BB) :


3. la chaîne de supination flexion (CSF) est constituée par la suite musculaire BB-FCU-ADM ;


4. la chaîne de flexion longue (CFL) est constituée par la suite musculaire BB-B (brachialis)-FDP-Lb.


    Du septum latéral du coude (SL) (figure 1.24) :



5. la chaîne d’extension longue (CEL) est constituée par la suite musculaire EDC-Lb ;


6. la chaîne latérale dorsale (CL) est constituée par la suite musculaire ECRL-1er IOD.


    Du muscle triceps brachial (TB) (figure 1.25) :



7. la chaîne de supination extension (CSE) est constituée par la suite musculaire TB-Anconé-S-APL ;


8. la chaîne de stabilisation médiale (CSM) est constituée par la suite musculaire TB-ECU-EDM.



Organisation motrice de la main


La main est dotée d’un système musculaire complexe qui lui permet d’agir sur le monde extérieur de diverses manières. Construite selon un schéma pentadactyle, chaque main garde en elle les traces d’un processus évolutif qui a effectivement bien eu lieu. Il semble qu’au fil du temps et de l’évolution, l’acquisition de l’indépendance du premier rayon et la différenciation du système musculaire soient des éléments déterminants dans la construction de la main humaine. Cet organe est relié au cerveau grâce à un système sensitivomoteur à double sens ; il fonctionne à 80 % de façon automatique et à 20 % de façon consciente.


Observée extérieurement, la main nous offre reliefs et volumes qui permettent d’apprécier à l’œil l’anatomie sous-jacente dont le rééducateur averti saura reconnaître par une palpation précise les différents constituants.


La main bénéficie d’une stratégie palpatoire et sa fonction première est la préhension. Son système moteur agit donc en intelligence avec le cerveau, couplé aux informations transmises par les récepteurs extéroceptifs et proprioceptifs qui coordonnent et contrôlent l’ensemble des mouvements. Les réflexes de préhension (« graspping ») s’organisent à partir de contacts palmaires.


Les muscles actionnent les cinq chaînes polysegmentaires, ils agissent avec force ou avec finesse, meuvent les doigts joints ou isolement. La multiplicité des fonctions de la main exige donc un système musculaire différencié mais coordonné.


Le système musculo-aponévrotique du membre supérieur est disposé en continuité de chaînes qui se combinent de façon multiple pour le déplacement de la main dans l’espace et pour son utilisation.



Les muscles


Pour alléger la partie distale, les masses musculaires sont placées le plus proximalement possible. Ainsi, les muscles agissant sur la main se répartissent en deux systèmes [12] :



Un système long, extrinsèque, les muscles fléchisseurs et extenseurs des doigts, dont les corps musculaires se situent au niveau de l’avant-bras


Ils sont polyarticulaires et présentent une orientation longitudinale. Les muscles fléchisseurs des doigts sont beaucoup plus puissants que les extenseurs.


La loge palmaire de l’avant-bras contient les muscles fléchisseurs des doigts et du poignet. Ce sont des muscles puissants, fusiformes, présentant de longs tendons, avec une amplitude active importante. Ils sont répartis en quatre couches de la superficie à la profondeur.


Le plan superficiel est constitué par les muscles pronator teres, flexor carpi radialis, palmaris longus et flexor carpi ulnaris. Les muscles du poignet se terminent à la base des métacarpiens et n’ont pas d’action sur les doigts.


Le plan moyen est représenté par le muscle flexor digitorum superficialis (FDS).



Le muscle flexor digitorum superficialis (FDS): Il présente une triple origine humérale, ulnaire et radiale (figure 1.26). L’origine du chef huméral est commune aux muscles épicondyliens (PT, FCR, PL, FCU) sur l’épicondyle médial. Le chef ulnaire se situe sur le bord médial du processus coronoïde, et le chef radial suit la ligne oblique du radius. Le corps musculaire commun est épais avec une aponévrose centrale étendue qui donne naissance à de longs tendons. Les fascicules musculaires descendent très bas jusqu’au-dessus du poignet. Les tendons s’engagent dans le canal carpien de façon superposée, les tendons II et V en superficie recouvrant les tendons III et IV.



Les tendons cheminent dans la main et se terminent sur les bords latéraux de la 2e phalange des quatre doigts longs (figure 1.27).



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Jun 13, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 1: Anatomie musculaire et stratégies motrices du poignet et de la main

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