9. Vessies neurogènes
Introduction
Les pathologies neurologiques peuvent altérer le fonctionnement vésico-urétral en portant atteinte à :
▪ l’activité du détrusor ;
▪ l’activité du sphincter strié ;
▪ l’activité du sphincter lisse ;
▪ la sensibilité vésicale et urétrale.
Profils de dysfonction neurogène
Bien que chaque patient ait un profil unique de dysfonction du bas appareil et requière une prise en charge adaptée individuellement, le site de la lésion donne une indication du profil possible de la dysfonction.
Les lésions neurologiques peuvent être divisées en quatre grandes régions anatomiques :
▪ suprapontique ;
▪ pontique (tronc cérébral) ;
▪ niveau médullaire suprasacré ;
▪ sacré ou en dessous (nerfs périphériques et queue de cheval).
Suprapontique
Causes
Typiquement, les troubles suprapontiques sont dus à des accidents vasculaires cérébraux, des tumeurs cérébrales, des traumatismes crâniens, la démence et la paralysie centrale.
Schéma de dysfonction
Une hyperactivité détrusorienne neurogène est fréquente du fait d’une levée de l’inhibition corticale du réflexe de miction. Comme les centres pontiques de coordination ne sont pas atteints par la lésion, la coordination entre détrusor et sphincter est préservée ; de ce fait, les patients avec des lésions suprapontiques ne développent pas de vessies neurogènes à haute pression. Cependant, beaucoup de patients s’adaptent en augmentant leur activité sphinctérienne au cours d’une hyperactivité détrusorienne pour éviter l’incontinence par urgenturie, et cette hausse de l’activité EMG peut s’apparenter à une pseudodyssynergie. De plus, certains patients avec des lésions corticales perdent leur capacité à vidanger volontairement, tandis que d’autres perdent la sensation de réplétion vésicale et d’urgenturie.
Pontique
Causes
Typiquement, les désordres pontiques sont dus à la maladie de Parkinson, la sclérose en plaques et les atrophies multisystématisées.
Schéma de dysfonction
Le tronc cérébral contient à la fois le centre de la miction et le centre de la retenue urinaire ; aussi, une lésion de cette zone peut causer toute une variété de dysfonctions de la vidange et du remplissage, survenant simultanément. Cela inclut l’hyperactivité détrusorienne neurogène, la dyssynergie vésicosphinctérienne et le relâchement du sphincter externe.
Moelle épinière suprasacrée
Causes
Les lésions médullaires suprasacrées sont typiquement dues à un traumatisme médullaire et à la sclérose en plaques.
Schéma de dysfonction
Du fait d’une perte de l’inhibition du détrusor plus haut située et de la coordination avec la vidange, ces patients ont typiquement une hyperactivité détrusorienne associée à une dyssynergie vésicosphinctérienne. La sensation de remplissage vésical sera complètement abolie en cas de lésion médullaire complète. Des réflexes de vidange spontanés peuvent se produire ; cependant, ils sont non contrôlés et donc associés à une incontinence. La dyssynergie vésicosphinctérienne peut aboutir à des hautes pressions de vidange et des lésions du haut appareil urinaire, et il s’agit d’un schéma particulièrement « dangereux » sur le plan urologique ; il est classiquement vu dans les lésions haut situées (cervicales).
Sacrée et sous-sacrée
Causes
Typiquement dans un contexte de myéloméningocèle, de spina bifida, de sclérose en plaques, de diabète sucré ou après lésion chirurgicale.
Schéma de dysfonction
Une variété de profils de dysfonction sont vus qui dépendent du niveau de la lésion et de l’étendue de la dénervation. Une lésion sacrée ou sous-sacrée complète entraîne un détrusor acontractile, un urètre incompétent et une perte de la sensibilité vésicale. Une lésion complète autour du cône peut montrer un détrusor acontractile avec un urètre normal ou hyperactif. Une lésion lombosacrée complète peut provoquer une hyperactivité détrusorienne associée à une incompétence de l’urètre. La plupart des lésions sont cependant incomplètes et, dépendant des voies interrompues, aboutissent à une grande variété de dysfonctions. Par exemple, une lésion du nerf pudendal peut provoquer une incompétence de l’urètre, tandis qu’une atteinte des nerfs pelviens peut aboutir à un détrusor hypoactif avec des troubles de la sensibilité vésicale, mais avec un urètre fonctionnant normalement. Une lésion des axones et des voies afférentes peut conduire à une sensibilité vésicale diminuée. De plus, des lésions incomplètes peuvent provoquer une hyperactivité détrusorienne neurogène et des vessies neurogènes à haute pression.
Urodynamique des troubles neurogènes de la vessie
Dans la prise en charge des troubles neurogènes de la vessie :
▪ le premier objectif est de protéger le haut appareil urinaireAppareil urinairetroubles neurogènes de la vessie :
• en maintenant des pressions endovésicales basses ;
• en maintenant un résidu postmictionnel à son minimum.
▪ le second objectif est d’améliorer la qualité de vie et/ou de parvenir à la continence.
Les examens urodynamiques peuvent déterminer la nature de l’anomalie sphinctérienne ou détrusorienne afin :
▪ d’identifier ceux des patients qui sont à risque de lésion du haut appareil ;
▪ de formuler les meilleures stratégies pour permettre une vidange correcte de la vessie et la continence, et pour réduire les épisodes d’infections urinaires autonomes et de dysréflexie autonome.
Beaucoup de patients avec troubles neurologiques ne présentent ni symptômes ni signes physiques jusqu’à ce qu’une atteinte significative du haut appareil ou du détrusor soit présente. Fréquemment, les constatations urodynamiques de ce groupe de patients sont mal corrélées avec l’examen neurologique, ce pourquoi les constatations de l’examen neurologique ne suffisent pas à la planification de la prise en charge urologique. Aussi, tous les patients avec trouble neurologique atteignant ou susceptible d’atteindre le bas appareil urinaire devraient bénéficier d’une évaluation urodynamique précocement pour bien caractériser le fonctionnement urinaire et planifier la prise en charge. Un suivi urodynamique ultérieur peut être utile pour déterminer le succès d’une intervention et l’étendue de tout changement de la fonction du bas appareil urinaire.
L’évaluation d’un trouble du bas appareil urinaire n’est pas différente de celle chez des patients neurologiques, comportant un relevé de l’histoire de la maladie, l’examen, les catalogues mictionnels, la débitmétrie et la cystomanométrie (± EMG). Cependant, l’interprétation est souvent plus complexe et il existe des risques spécifiques comme la dysréflexie autonome ; aussi, les examens seront au mieux réalisés dans des centres spécialisés disposant de la vidéo-urodynamique. Il faut garder à l’esprit que des patients avec vessie neurogène peuvent aussi souffrir des mêmes troubles urinaires que le reste de la population, comme une obstruction sous-vésicale d’origine prostatique, et que cela peut compliquer l’évaluation et le traitement. La prise en charge doit être faite à la mesure de chaque patient en fonction du profil de la dysfonction et d’un plan de suivi ; d’autres examens pertinents (fonction rénale, échographie) et un suivi urodynamique peuvent être utiles.
Hyperactivité détrusorienne (had) neurogène et hyperactivité sphinctérienne (DVS)
La présence à la fois d’une HAD neurogène et d’une hyperactivité sphinctérienne est une situation urodynamique particulièrement périlleuse et, en règle, ces patients avec un appareil sous-vésical compétent et une pression prémictionnelle de 40 cmH2O ou plus sont très à risque de développer des problèmes du haut appareil urinaireAppareil urinairetroubles neurogènes de la vessie dus au retentissement de pression, bien qu’il ne faille pas considérer de valeur absolue et que des lésions puissent apparaître pour des valeurs plus basses (figure 9.1). Si ce schéma pathologique est présent, alors la préservation de la fonction rénale est de toute première importance ; cela nécessite tout à la fois le contrôle de l’HAD neurogène et de l’hyperactivité sphinctérienne.