Tremblement

Chapitre 23 Tremblement






DÉFINITION ET ÉTAT DU PROBLÈME


Généralement bénin et rarement très invalidant, le tremblement est le plus fréquent des mouvements anormaux. Il est une oscillation mécanique produite par une activité musculaire périodique prenant son origine dans le système nerveux central. J. Déjerine le définit, en 1914, par « des oscillations rythmiques involontaires que décrit tout ou partie du corps autour de sa position d’équilibre ». Les tremblements sont parmi les manifestations neurologiques les plus fréquentes. Il en existe de nombreuses formes tant par leur siège que par leurs circonstances d’apparition et leurs caractéristiques balistiques. Par définition, sont exclus le frisson et la trépidation épileptoïde. Les étapes de la démarche pratique devant un tremblement sont résumées dans l’encadré 1.



Affirmer l’existence d’un tremblement est rarement difficile. La majorité d’entre eux sont permanents ou fréquemment présents, et le praticien est à même de les observer. Plus rarement, certains patients font état d’un tremblement intermittent, non constaté par le médecin luimême. Il convient alors de vérifier la nature du mouvement anormal par un interrogatoire précis, au besoin en le faisant mimer par le patient, ce dernier pouvant désigner sous le terme de tremblement d’autres mouvements anormaux tels que salves de myoclonies, dyskinésies sous traitement dopaminergique, etc. Un tremblement épisodique s’intégrant dans une sémiologie fonctionnelle végétative riche fait évoquer des attaques de panique ou des accès d’hypoglycémie.


Une fois le tremblement reconnu, l’étape suivante est logiquement la détermination de son caractère pathologique ou non. Un tremblement physiologique est présent chez tout sujet sain lors du maintien d’une attitude, au niveau de tous les muscles ou articulations ayant un degré de liberté. Il s’agit d’oscillations rapides, de faible amplitude, bilatérales et symétriques, souvent imperceptibles, qui ne procurent (par définition) aucune gêne fonctionnelle. Leur exagération produit un tremblement distal d’attitude bien visible aux membres supérieurs, plus ou moins régulier. Le tremblement physiologique est accentué par les émotions (telles que le trac), l’effort physique prolongé, la fatigue, de nombreux troubles métaboliques (hyperthyroïdie, hypoglycémie, fièvre, décharges catécholaminergiques du phéochromocytome, etc.) et sous l’influence de certains toxiques et médicaments (Tableau I).


Tableau I Liste des principaux médicaments et toxiques pourvoyeurs de tremblement.






















































Médicament/Toxique Type de tremblement
Amiodarone Exagération du tremblement physiologique
Antidépresseurs IRS Exagération du tremblement physiologique (Tremblement parkinsonien)
Antidépresseurs tricycliques Exagération du tremblement physiologique (Tremblement parkinsonien)
Bronchodilatateurs (β2-mimétiques, théophylline) Exagération du tremblement physiologique
Caféine Exagération du tremblement physiologique
Corticoïdes Exagération du tremblement physiologique
Tremblement myoclonique
Cytostatiques (vincristine, adriablastine, cytarabine…) Tremblement myoclonique
Immunosuppresseurs (ciclosporine, tacrolimus…) Exagération du tremblement physiologique
Tremblement myoclonique
Lithium Exagération du tremblement physiologique
Tremblement myoclonique (Tremblement parkinsonien)
L-thyroxine Exagération du tremblement physiologique
Neuroleptiques, tétrabénazine Tremblement parkinsonien
Sympathicomimétiques Exagération du tremblement physiologique
Valproate de sodium Exagération du tremblement physiologique (Tremblement parkinsonien)
Sevrage en benzodiazépines Exagération du tremblement physiologique
Sevrage en alcool et cocaïne Exagération du tremblement physiologique
Bismuth, mercure, bromure de méthyle Tremblement myoclonique

Dans ces situations, l’intensité du tremblement est à l’origine d’un retentissement fonctionnel dans les activités quotidiennes, il prend alors une dimension pathologique. Si l’éviction des médicaments qui l’accentuent et la correction d’éventuels désordres métaboliques associés sont insuffisantes, il peut être ponctuellement atténué par de petites doses de propranolol (Avlocardyl®, 10 à 40 mg).


D’une manière générale, comme tous les mouvements anormaux, les tremblements ont une intensité fluctuante en fonction des variations du tonus musculaire et tous sont aggravés par l’émotion. En pratique, tout tremblement ressenti comme invalidant doit être considéré comme pathologique et peut légitimer une intervention médicale. Lorsqu’il est motif de consultation, le tremblement pose peu de problèmes diagnostiques car le patient sait généralement décrire avec une relative précision son siège, ses circonstances d’apparition et la gêne fonctionnelle induite. Le problème le plus délicat réside dans l’attitude thérapeutique, qui dépend à la fois de la gêne fonctionnelle ressentie, de la tolérance des médicaments (ou de leur nécessité s’ils sont en cause) et de la variabilité des situations rencontrées. Au handicap physique, il faut ajouter le retentissement psychologique du tremblement qui véhicule des images dévalorisantes telles que fragilité, sénilité ou stigmate alcoolique, et pose un problème de regard social, voire d’acceptabilité professionnelle. Convaincre le patient et son entourage du caractère distinct entre tremblement et déclin neurologique est en soit une source de soulagement.


Il est courant, car utile à l’orientation diagnostique en pratique clinique, de classer les tremblements en fonction de leurs circonstances d’apparition, dans la gamme de tonus musculaire dans laquelle ils prédominent (Tableau II).




TREMBLEMENT DE REPOS


Le tremblement de repos se manifeste lorsque le muscle où il siège est relâché et s’efface avec l’activité musculaire. Pour le détecter, parfois avec une légère latence d’installation, des manoeuvres de facilitation ou de déclenchement sont souvent utiles. Des bouffées d’oscillations des doigts et du poignet sont recherchées en position assise (mains pendantes et avant-bras sur les cuisses, ou avant-bras reposant sur les accoudoirs du siège) ou en décubitus, au cours d’une épreuve de calcul mental ou d’un récit évoquant des souvenirs affectifs, ainsi qu’à la marche. Lors de l’écriture ou des épreuves de tapping (mouvements répétitifs de la pince pouce- index et d’ouverture-fermeture du poing), l’observation de la main controlatérale en position de relâchement peut révéler un tremblement intermittent.


L’orientation diagnostique est facile : tout tremblement prédominant ou présent exclusivement au repos entre dans le cadre d’un syndrome parkinsonien. Les deux étiologies principales de cette situation sont la maladie de Parkinson et la consommation de médicaments aux propriétés neuroleptiques. La recherche d’un syndrome akinétohypertonique, de troubles de la marche et de l’écriture associés est par conséquent systématique. Par ailleurs, la découverte d’un syndrome parkinsonien chez un adulte jeune (< 40 ans) doit toujours faire envisager la maladie de Wilson dans la mesure où un retard diagnostique peut avoir des conséquences désastreuses dans cette affection.


May 26, 2020 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on Tremblement

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