14. Toujours à l’affiche
14.1. Œsophage, estomac
Le nombre de ganglions envahis et le rapport ganglions envahis sur ganglions examinés sont des facteurs pronostiques majeurs après chirurgie du cancer de l’œsophage
Mariette C, Piessen G, Briez N, Triboulet JP.
The number of metastatic lymph nodes and the ratio between metastatic and examined lymph nodes are independent prognostic factors in esophageal cancer regardless of neoadjuvant chemoradiation or lymphadenectomy extent. Ann Surg 2008 ; 247 : 365-371.
Les auteurs ont évalué la valeur pronostique du nombre de ganglions envahis (N+) et du rapport du nombre de ganglions envahis au nombre de ganglions examinés (N+/NT), sur une cohorte consécutive de 536 patients ayant eu une résection R0 pour cancer de l’œsophage. Chirurgicalement, un abord thoracique était réalisé chez plus des trois quarts des malades avec curage ganglionnaire abdominal et médiastinal étendu systématique. Les malades N+ étaient divisés en deux groupes en fonction du nombre de N+ (≤ 4 versus > 4) et du rapport N+/NT (≤ 0,2 versus > 0,2). À l’examen anatomopatholgique, 219 malades étaient classés N+ et le nombre moyen de ganglions examinés était de 19,6 ± 10. Après un suivi médian de 50 mois, le taux de récidive était de 48,5 %. En analyse multivariée, le seul facteur indépendant de récidive était un nombre de N+ > 4 (p = 0,02). La survie globale à 5 ans était de 47 %. En analyse multivariée, les seuls facteurs indépendants de mauvais pronostic étaient un nombre de N+ > 4 (p = 0,008) et un rapport N+/NT > 0,2 (p = 0,014), alors que le stade pTNM n’influençait pas la survie de façon significative. La valeur pronostique du nombre de N+ > 4 et du rapport N+/NT > 0,2 était maintenue que les malades aient eu ou non une radiochimiothérapie néoadjuvante. En analyse multivariée, le seul facteur pronostique était le rapport N+/NT chez les 205 malades ayant eu moins de 15 ganglions examinés, alors que chez les 331 malades ayant eu plus de 15 ganglions examinés, le seul facteur pronostique était le nombre de N+ > 4.
Les auteurs concluent que le nombre de ganglions envahis et le rapport N+/NT sont des facteurs pronostiques majeurs après chirurgie du cancer de l’œsophage. Ils devraient donc être intégrés aux classifications pronostiques utilisées en pratique clinique courante.
C’est la première étude incluant un grand nombre de malades qui montre l’intérêt pronostique du nombre de ganglions envahis et du rapport N+/NT dans le cancer de l’œsophage. Elle confirme ainsi les conclusions de précédentes études qui avaient montré l’intérêt pronostique de ces facteurs pour d’autres cancers, comme le cancer du côlon, du pancréas et de l’estomac [1-3]. Cette importante étude, confirmant d’autres publiées plus modestes, devrait conduire à une modification prochaine de la classification TNM.
Les points originaux résident dans le fait que les auteurs montrent pour la première fois que : la valeur pronostique de ces deux paramètres N+ et N+/NT persiste que les patients aient reçu ou non une radiochimiothérapie néoadjuvante ; N+ doit être utilisé si le staging ganglionnaire est satisfaisant (≥ 15 ganglions examinés) alors que N+/NT doit être plutôt utilisé si le staging ganglionnaire est insuffisant (< 15 ganglions examinés) ; et enfin, une stratégie optimale permet des taux de survie approchant les 50 % de survie à 5 ans.
Les auteurs ont choisi a priori une seule valeur seuil pour le nombre de N+ (4) et pour le rapport N+/NT (0,2). Ces valeurs seuils ont été identifiées comme pertinentes à partir d’études antérieures de la littérature [4,5] et permettent surtout la mise en évidence d’un sous-groupe de malades de très mauvais pronostic, assez réduit cependant puisque dans cette très large série, seuls 7,5 % des malades avaient plus de 4 N+ et 15,5 % avaient un rapport N+/NT > 0,2.
En pratique clinique, la connaissance de ces deux facteurs peut être très intéressante pour guider le choix d’un traitement adjuvant, licite à proposer aux malades avec > 4 N+ ou un rapport N+/NT > 0,2. En revanche étant donné les difficultés d’évaluation de l’envahissement ganglionnaire en imagerie, il paraît difficile d’utiliser ces deux facteurs en préopératoire pour aider à la décision d’un traitement néoadjuvant.
Mots clés : Œsophage ; Traitement ; Cancer ; Ganglion ; Ratio ganglionnaire
Références
[1] J Clin Oncol 2005 ; 23 : 8706–12.
[2] Surgery 2007 ; 141 : 610–8.
[3] Ann Surg 2007 ; 245 : 543–52.
[4] Cancer 2002 ; 95 : 1434–43.
[5] Br J Surg 1994 ; 81 : 410–3.
Bénéfices à long terme de la reconstruction digestive par anse en Y et réservoir interposé après gastrectomie totale : résultats d’un essai randomisé
Fein M, Fuchs KH, Thalheimer A, Freys SM, Heimbucher J, Thiede A.
Long-term benefits of Roux-en-Y pouch reconstruction after total gastrectomy : a randomized trial. Ann Surg 2008 ; 247 : 759-65.
Les auteurs concluent que la reconstruction par anse en Y avec réservoir jéjunal est simple à réaliser et ne génère pas de surmorbidité. Les patients survivants au long cours tirent bénéfice du réservoir jéjunal, ils recommandent ce type de reconstruction chez les patients à bon pronostic.
Le réservoir jéjunal a été proposé comme alternative à l’anastomose œsojéjunale directe du fait de :
• l’agression de la muqueuse œsophagienne par le reflux jéjunal ;
• la perte pondérale persistante ;
• le dumping syndrome parfois sévère altérant la qualité de vie.
Plusieurs essais randomisés comparant différentes techniques de reconstruction à l’anastomose directe n’ont globalement pas convaincu la communauté chirurgicale, notamment du fait du faible nombre de patients inclus, du suivi court et du nombre de variantes techniques proposées [1-3]. Les auteurs montrent ici un bénéfice du réservoir sur la qualité de vie chez les patients à bon pronostic.
Une des conclusions de cet essai est que la principale variable influençant la qualité de vie n’est pas l’existence ou non d’un réservoir mais le caractère R0 de la résection chirurgicale, mettant donc en question l’intérêt de la gastrectomie palliative en dehors des situations d’intolérance digestive ou de saignement.
Quelques précautions sont à prendre dans l’interprétation des résultats : l’étude est monocentrique, non en aveugle, le réservoir n’apporte aucun bénéfice nutritionnel, aucun patient n’a reçu de chimiothérapie périopératoire qui est désormais le standard pour les tumeurs localement avancées…
Mots clés : Estomac ; Traitement ; Cancer ; Gastrectomie totale ; Réservoir ; Qualité de vie ; Essai randomisé
Références
[1] Ann Surg 1995 ; 222 : 27–35.
[2] World J Surg 1987 ; 11 : 699–712.
[3] Scand J Gastroenterol 2000 ; 35 : 679–85.
Chimiothérapie périopératoire versus chirurgie seule dans les adénocarcinomes gastriques et du cardia : résultat de l’étude contrôlée « MAGIC »
Cunningham D, Allum WH, Stenning SP, Thompson JN, Van de Velde CJH, Nicolson M, Scarffe JH, Lofts FJ, Falk SJ, Iveson TJ, Smith DB, Langley RE, Verma M, Weeden S, Chua YJ.
Perioperative chemotherapy versus surgery alone for resectable gastroesophageal cancer. N Engl J Med 2006 ; 335 : 11-20.
Le pronostic des adénocarcinomes de l’estomac et du cardia est lié au stade tumoral. Lorsque la tumeur ne dépasse pas la sous-muqueuse, la survie à 5 ans et de 70 à 95 % ; lorsque la sous-muqueuse est dépassée, la survie n’est pas supérieure à 30 %. Pour ces malades, une chirurgie extensive n’a pas fait la preuve de son efficacité. Une chimiothérapie de type ECF (épirubicine, cisplatine, fluorouracile) a montré une amélioration de la survie des cancers gastriques évolués avec un taux de réponse de 49 à 56 % [1], pour un taux de complications acceptables.
Les auteurs rapportent les résultats d’une étude multicentrique anglaise (essai « MAGIC ») dans laquelle étaient inclus les malades ayant un stade OMS 0 ou 1, porteurs d’un adénocarcinome de l’estomac ou du cardia, de stade II ou III, sans métastase apparente et sans tumeur localement avancée (non résécable). Étaient exclus les malades ayant déjà reçu une chimiothérapie ou une radiothérapie, porteurs d’une cardiopathie incompatible, ou avec une clairance de la créatinine < 60 mL/min. L’étude portait ainsi sur 503 malades traités entre juillet 1994 et avril 2002, randomisés en chimiothérapie (ECF) + chirurgie (n = 250, groupe CTC) ou chirurgie seule (n = 253, groupe CS).
Pour le groupe CTC, la chimiothérapie (ECF) comportait trois cycles préopératoires, suivis d’une résection chirurgicale trois à six semaines après, suivie de trois cycles de chimiothérapie postopératoire réalisés six à douze semaines après la chirurgie. Dans le groupe CS, la résection chirurgicale avait lieu six semaines après la randomisation. Le geste chirurgical était laissé à la discrétion de l’opérateur, avec une résection estimée curative chez 69,3 % (groupe CTC) et 66,4 % (groupe CS) : œsogastrectomie totale (26,5 % et 21,8 %), gastrectomie totale (37 % et 38,7 %), gastrectomie partielle (23,3 % et 22,7 %), curage ganglionnaire D1 (17,8 % et 21 %), curage ganglionnaire D2 (42,5 % et 40,4 %).
Pour la chimiothérapie, dans le groupe CTC (n = 250), 215 malades (86 %) ont reçu la chimiothérapie préopératoire et 209 ont été opérés ; parmi ceux-ci 137 ont reçu une chimiothérapie postopératoire (59,8 % de ce groupe) et seuls 104 malades ont finalement reçu les trois cycles postopératoires (41,6 %) du fait de la progression de la maladie : décès, choix du patient, complication postopératoire, toxicité à ECF, notamment.
Pour la chirurgie, dans le groupe CTC, 229 malades ont été opérés (91,6 %) et 244 (96,4 %) dans le groupe CS. La mortalité (5,6 et 5,9 %) et la morbidité (45,7 et 45,3 %) opératoires ont été comparables dans les deux groupes CTC et CS, respectivement. Concernant les résultats histologiques, le diamètre tumoral médian était plus petit dans le groupe CTC que dans le groupe CS (3 versus 5 cm, p < 0,001), attestant de la réponse à la chimiothérapie. De même, il y avait plus de stades T1/T2 (51,7 % versus 36,8 %, p = 0,001) et plus de maladies ganglionnaires moins avancées (N0 et N1) (84,4 % versus 70,5 %, p = 0,01) dans le groupe CTC que dans le groupe CS.
La médiane de suivi à la fin de l’étude était de 49 mois (groupe CTC) et de 47 mois (groupe CS). Au total, 319 malades sont décédés, dont 149 dans le groupe CTC versus 170 dans le groupe CS. En comparaison avec le groupe CS, le groupe CTC avait une meilleure probabilité de survie sans récidive (HR 0,66, p < 0,001), ainsi qu’une meilleure survie globale (HR 0,75, p = 0,009). Ainsi la survie à 5 ans était de 36,3 % dans le bras avec chimiothérapie versus 23 % dans le bras chirurgie seule (p = 0,001).
La conclusion des auteurs est que, chez les malades porteurs d’un adénocarcinome gastrique ou du cardia opérable, une chimiothérapie périopératoire type ECF diminuait la taille tumorale, réduisait le stade et améliorait significativement la survie globale et la survie sans récidive.
Il s’agit d’une étude multicentrique randomisée majeure, démontrant de façon indiscutable le bénéfice d’une chimiothérapie périopératoire dans le traitement de l’adénocarcinome gastrique et du cardia, attestée par la réponse anatomopathologique et le bénéfice sur la survie globale et la survie sans récidive.
Deux travaux importants corroborant ces résultats ont été présentés à l’ASCO 2006 : l’ECF semble pouvoir être remplacé par l’EOX, c’est-à-dire avec de l’oxaliplatine moins néphrotoxique que le cisplatine et le Xeloda®, version orale du 5-FU, avec la même efficacité [3]. Une chimiothérapie périopératoire par trois cycles pré- et postopératoires de 5-FU–CDDP a montré un avantage significatif de survie par rapport à la chirurgie seule [4].
Mots clés : Estomac ; Traitement ; Cancer ; Chimiothérapie ; Étude contrôlée
Références
[1] J Chir Oncol 2002 ; 20 : 1996–2004.
[2] Eur J Chir Oncol 2004 ; 30 : 643–9.
[3] Cunningham D et al. ASCO 2006. Abstract 4017.
[4] Ychou M et al. ASCO 2006. Abstract 4026.
14.2. Côlon, rectum
Colectomie pour cancer par cœlioscopie ou laparotomie : résultats d’une méta-analyse
Bonjer HJ, Hop WC, Nelson H, Sargent DJ, Lacy AM, A. Castells A, Guillou PJ, Thorpe H, Brown J, Delgado S, Kuhrij E, Haglind E, Pahlman L, Transatlantic Laparoscopically Assisted vs Open Colectomy Trials Study Group.
Laparoscopically assisted vs open colectomy for colon cancer : a meta-analysis. Arch Surg 2007 ; 142 : 298-303.
Quatre essais contrôlés [1-4], incluant plus de 150 malades, ont montré que les résultats carcinologiques à moyen terme des colectomies pour cancer réalisées par cœlioscopie ou par laparotomie étaient comparables. Cependant ces quatre essais avaient des durées de suivi différentes et souvent courtes, inférieures à 3 ans. Les auteurs ont donc réalisé une méta-analyse de ces quatre essais en retournant aux données sources qu’ils ont actualisées afin d’avoir un suivi d’au moins 3 ans chez tous les malades. Dans cette méta-analyse, les critères d’exclusion étaient l’existence d’un autre cancer ou de métastases synchrones. Ainsi 1536 malades ont été inclus : 796 opérés par cœlioscopie (groupe cœlio) et 740 par laparotomie (groupe laparo). Les critères de jugement principaux étaient les survies globale et sans récidive à 3 ans. L’analyse était réalisée en intention de traiter. Dans le groupe cœlio, le taux de conversion en laparotomie était de 19 %. Le nombre moyen de ganglions analysés sur la pièce opératoire était de 12 ± 7 dans les deux groupes (ns). Le taux de résection R1 était de 1,3 % dans le groupe cœlio et de 2,1 % dans le groupe laparo (ns). La mortalité opératoire était de 1,5 % dans les deux groupes. La survie globale à 3 ans était de 82,2 % dans le groupe cœlio et de 83,5 % dans le groupe laparo (ns). La survie sans récidive à 3 ans était de 76 % dans le groupe cœlio et de 75 % dans le groupe laparo (ns). Lorsque l’analyse était faite par stade tumoral, il n’y avait pas de différence entre les deux groupes pour la survie globale et sans récidive à 3 ans, quel que soit le stade tumoral.
Les auteurs concluent que les résultats carcinologiques des colectomies pour cancer sont semblables par cœlioscopie et par laparotomie.
Cette méta-analyse rigoureuse au plan méthodologique permet d’affirmer avec un niveau de preuve élevé que la cœlioscopie donne des résultats carcinologiques semblables à la laparotomie pour les colectomies réalisées pour cancer.
La principale critique est qu’elle ne fait aucun cas d’une éventuelle chimiothérapie adjuvante administrée aux malades des deux groupes, variable pouvant avoir une influence sur les survies globale et sans récidive. Les stades tumoraux étant répartis de façon comparable entre les groupes par la randomisation, on peut supposer que le nombre de patients ayant bénéficié d’une chimiothérapie adjuvante l’était aussi.
Mots clés : Côlon ; Traitement ; Cancer ; Cœlioscopie ; Laparotomie
Références
[1] Lancet 2002 ; 359 : 2224–9.
[2] N Engl J Med 2004 ; 350 : 2050–9.
[3] Lancet Oncol 2005 ; 6 : 477–84.
[4] Lancet 2005 ; 365 : 1718–26.
Colectomie droite par laparoscopie ou laparotomie : résultat d’un essai randomisé
Braga M, Frasson M, Vignali A, Zuliani W, Di Carlo V.
Open right colectomy is still effective compared to laparoscopy : results of a randomized trial. Ann Surg 2007 ; 246 : 1010-4.
En chirurgie colorectale, la laparoscopie permet, par rapport à la laparotomie, une récupération postopératoire plus rapide et une durée d’hospitalisation plus courte sans compromettre les résultats carcinologiques en cas de cancer [1,2]. Dans la plupart des études, les différents types de résection colorectale (côlon droit ou gauche) étaient regroupés et aucune étude contrôlée n’a comparé la laparoscopie et la laparotomie pour la réalisation spécifique d’une colectomie droite. Les auteurs ont donc réalisé une étude randomisée monocentrique comparant les résultats opératoires de la laparoscopie et de la laparotomie pour la réalisation d’une colectomie droite chez 226 malades. Après tirage au sort au bloc opératoire, 113 malades étaient opérés par laparoscopie (groupe cœlio) et 113 par laparotomie médiane (groupe laparo). Dans les deux groupes, l’indication opératoire était un cancer dans plus de 80 % des cas. Dans le groupe cœlio, après mobilisation du côlon droit et section des pédicules vasculaires intra-abdominales, l’anastomose iléocolique était réalisée en extracorporel par une incision médiane. Dans les deux groupes, un protocole de réhabilitation précoce, comprenant une analgésie péridurale pendant 3 jours, était réalisé.
La durée opératoire était significativement plus courte de 19 minutes (p = 0,01) dans le groupe laparo. Dans le groupe cœlio, le taux de conversion était de 2,6 %. Le taux de mortalité opératoire était de 0,9 % dans le groupe cœlio et nul dans le groupe laparo (ns). Le taux de morbidité était de 13 % dans le groupe cœlio et de 18 % dans le groupe laparo (ns). En particulier, il n’y avait pas de différence significative entre les deux groupes pour le taux de fistule ou de réintervention. La taille moyenne de l’incision médiane était de 5,3 cm dans le groupe cœlio et de 14,1 cm dans le groupe laparo. La durée d’hospitalisation était significativement plus courte d’un jour dans le groupe cœlio (5,4 ± 1,8 vs 6,4 ± 2,8 j, p = 0,002). À 6 et 12 mois, il n’y avait pas de différence significative entre les deux groupes pour la qualité de vie. Une étude de coût incluant l’ensemble des frais liés à la procédure chirurgicale au bloc opératoire et aux soins prodigués durant l’hospitalisation montrait un surcoût de la laparoscopie de 590 euros.
Les auteurs concluent que pour la colectomie droite, les avantages de la laparoscopie par rapport à la laparotomie sont moindres que pour les autres types de résection colorectale et qu’en raison du surcoût qu’elle entraîne, elle ne doit pas être réalisée en routine.
Il s’agit de la première étude randomisée comparant spécifiquement la colectomie droite par laparoscopie et par laparotomie. Cette étude confirme que même pour une colectomie droite, où une partie de la procédure chirurgicale est réalisée en extracorporel, la laparoscopie offre des avantages postopératoires.
La conclusion des auteurs est assez tendancieuse et repose sur une étude de coût très incomplète. En effet, un des avantages de la laparoscopie est la reprise plus rapide des activités, en particulier professionnelles, qui engendre une économie majeure, non évaluée par une simple étude de coûts directs.
Il est assez surprenant que les auteurs aient réalisé une étude de qualité de vie à 6 et 12 mois, alors que la laparoscopie confère des avantages essentiellement dans la période opératoire immédiate [3]. Une évaluation plus précoce aurait été intéressante.
En conclusion, cette étude montre que pour la colectomie droite la laparoscopie offre des avantages immédiats par rapport à la laparotomie, certes moins marqués que pour les autres résections colorectales, sans majorer la morbidité opératoire. Sur ces arguments, la laparoscopie peut être proposée dans cette indication.
Mots clés : Côlon ; Traitement ; Cancer ; Côlon droit ; Laparoscopie ; Essai randomisé
Références
[1] Br J Surg 2004 ; 91 : 1111–24.
[2] Arch Surg 2007 ; 142 : 298–303.
[3] Ann Surg 2006 ; 243 : 143–9.
La récupération fonctionnelle après résection colique est-elle plus rapide après laparoscopie ? Résultats d’un essai contrôlé en double aveugle
Basse L, Jakobsen DH, Bardram L, Billesbolle P, Lund C, Mogensen T, Rosenberg J, Kehlet H.
Functional recovery after open versus laparoscopic colonic resection : a randomized, blinded study. Ann Surg 2005 ; 241 : 416-23.
Plusieurs essais contrôlés et une récente méta-analyse [1] ont montré qu’après colectomie par laparoscopie, la récupération fonctionnelle était significativement plus rapide et les douleurs postopératoires moins importantes qu’après laparotomie. Les auteurs rapportent les résultats d’un essai contrôlé « en aveugle » (patient, personnel soignant et observateur ignorant la technique, l’abdomen étant recouvert de pansements recouvrants) comparant la colectomie par laparoscopie à la laparotomie. Tous les malades étaient soumis à un programme de réhabilitation précoce [2]. Celui-ci incluait :
• une analgésie péridurale continue pendant 48 heures ;
• une réalimentation et une mobilisation active très précoces ;
• une sortie planifiée au second jour postopératoire. Le critère d’évaluation principal était la durée d’hospitalisation. L’analyse statistique a été menée en intention de traiter.
Soixante malades, de plus de 55 ans, opérés entre 1999 et 2001 d’une colectomie droite ou d’une résection sigmoïdienne, ont été tirés au sort entre exérèse par laparoscopie (n = 30) et par laparotomie (n = 30). Les deux groupes étaient comparables pour les données démographiques, le score ASA, les comorbidités, le pourcentage de résection pour cancer (environ 74 %) et leur stade histologique. Le taux de conversion en laparotomie a été de 10 % (adhérences, n = 1 ; extension tumorale, n = 2). La durée opératoire a été significativement plus longue dans le groupe laparoscopie (p << 0,05) et les transfusions sanguines peropératoires ont été plus importantes dans le groupe laparotomie (p << 0,05). La durée d’hospitalisation a été en moyenne de 2,3 jours et semblable dans les deux groupes. De même, les paramètres de récupération ont été semblables dans les deux groupes : douleur postopératoire, fatigue, fonction respiratoire, rythme cardiaque, qualité du sommeil, fonctions mentales, mobilité et activité physique, nausées, vomissements et retour du transit, durée de la convalescence. Il y a eu huit réadmissions dans le groupe laparotomie (27 %) et six dans le groupe laparoscopie (20 %). Incluant ces seconds séjours, la durée totale d’hospitalisation est restée semblable dans les deux groupes (3,9 jours). Trente p. cent des malades opérés par laparotomie versus 17 % par laparoscopie ont jugé rétrospectivement que leur séjour avait été trop court. La différence n’était pas statistiquement significative. Six malades dans le groupe laparotomie (20 %) et huit dans le groupe laparoscopie (27 %) ont eu des complications postopératoires. Elles n’ont été graves que dans le groupe laparotomie conduisant au décès dans trois cas (10 %) : complications cardiorespiratoires, n = 2 ; fistule anastomotique, n = 1. La différence n’était pas statistiquement significative.
Les auteurs concluent qu’avec un programme de réhabilitation précoce, la récupération fonctionnelle après résection colique est semblable après laparoscopie et laparotomie.
Cette étude confirme l’efficacité des programmes de réhabilitation précoce sur la récupération des malades après une chirurgie abdominale et leur capacité à réduire la durée du séjour postopératoire et ceci quelle que soit la voie d’abord. La population étudiée avait en moyenne 75 ans avec des extrêmes de 57 à 90 ans et n’a pas été sélectionnée. La faisabilité de ce type de prise en charge postopératoire mérite d’être évaluée en France.
Elle suggère qu’avec ce mode de prise en charge, la laparoscopie n’offre pas d’avantage sur la laparotomie pour la récupération fonctionnelle et la durée d’hospitalisation. Cependant, 30 % des malades opérés par laparotomie et seulement 17 % par laparoscopie ont jugé rétrospectivement que leur séjour avait été trop court. Bien que non significative, cette différence mérite d’être réévaluée avec un plus grand nombre de malades.
De même 20 à 30 % des malades de chaque groupe ont été réadmis, pour des problèmes mineurs mais aussi majeurs, et ont conduit à 10 % de décès dans le groupe laparotomie contre 0 % dans le groupe laparoscopie. Même si cette différence n’était pas statistiquement significative, une nouvelle évaluation de l’incidence des complications postopératoires et des réadmissions avec ce programme de réhabilitation précoce mérite d’être réalisée pour comparer les deux approches. En effet, un taux de mortalité de 10 % après chirurgie colique élective paraît franchement rédhibitoire !
Mots clés : Côlon ; Traitement ; Laparoscopie ; Réhabilitation précoce ; Étude contrôlée
Références
[1] Br J Surg 2004 ; 91 : 1111–24.
[2] Lancet 2003 ; 362 : 1921–8.
Facteurs de risque associés à la mortalité postopératoire précoce dans la chirurgie en urgence du cancer colique
Iversen LH, Blow S, Christensen IJ, Laurberg S, Harling H, Danish Colorectal Cancer Group.
Postoperative medical complications are the main cause of early death after emergency surgery for colonic cancer. Br J Surg 2008 ; 95 : 1012-9.
Cette étude a cherché à identifier les facteurs de risque de mortalité postopératoire (30 jours) après une chirurgie en urgence pour cancer colique, sur une population de 2157 patients consécutifs porteurs d’une tumeur située à plus de 15 cm de la marge anale, principalement pour une occlusion (73,9 %) ou une perforation (21,3 %).
La mortalité à 30 jours était de 22,1 %. Celle-ci était plus élevée après chirurgie palliative qu’après chirurgie potentiellement curative (30 % vs 13,3 %, p < 0,001). Les gestes associés aux taux les plus élevés de mortalité postopératoire étaient la chirurgie palliative et la colectomie totale avec iléostomie terminale. Une prothèse transtumorale était mise en place chez 84 patients (0,3 %) avec 20,2 % de mortalité. La mortalité passait à 43,6 % lorsque survenait un incident peropératoire (blessure splénique, intestinale…).
Le principal facteur de risque de décès postopératoire était la survenue de complications médicales (cardiopulmonaire, rénale, thrombo-embolique, infectieuse). Une complication médicale était développée chez 24,4 % des patients avec un taux de mortalité à 30 jours de 57,8 %. Ainsi, la mortalité pour les patients sans complication postopératoire passait de 8,5 % à 39,4 % pour une complication, et 47,4 % pour deux complications. Les complications chirurgicales postopératoires (20,4 %) n’ont pas eu d’incidence significative sur la mortalité.
En analyse multivariée, les autres facteurs de risque de décès postopératoire étaient : un âge > 70 ans, le sexe masculin, un score ASA ≥ 3, une intervention palliative, une perforation tumorale, une splénectomie, une complication peropératoire.
La conclusion des auteurs est que la chirurgie en urgence du cancer colique est associée à un taux élevé de décès, impliquant une amélioration de la prise en charge périopératoire.
Cette étude multicentrique confirme la forte morbidité des interventions réalisées en urgence pour cancer colique. Le taux de complications médicales est élevé sur cette longue série, mais comparable à celui d’autres séries [2], soit un patient sur quatre avec plus de 50 % de décès.
Les complications chirurgicales postopératoires ne changent pas le taux de mortalité, ce qui signifie que la prise en charge médicale postopératoire doit être optimisée avec un suivi intensif afin de pouvoir agir au mieux sur les complications médicales évitables.
À noter que la relative faible mortalité après Hartmann (17,8 %) doit être contrebalancée par la forte morbidité (49 %) et mortalité (2 %) lors du rétablissement ultérieur de la stabilité [3].
Mots clés : Côlon ; Cancer ; Chirurgie ; Urgence ; Mortalité
Références
[1] Br J Surg 2005 ; 92 : 94–100.
[2] World J Surg 2005 ; 29 : 1013–21.