10. Système endocrinien
Le terme d’hormone a été défini par Ernest Starling en 1905. « Ces messagers chimiques… ou « hormones » (de hormao, j’excite, je stimule) comme nous pouvons les appeler, doivent être transportées de l’organe où elles ont été produites à l’organe qu’elles affectent, par le moyen du courant sanguin, et les besoins physiologiques de l’organisme qui se reproduisent continuellement doivent provoquer de façon répétée leur production et leur circulation dans le corps. » (figure 10.1)
Fig. 10.1 |
Propriétés des hormones
Elles sont sécrétées en faibles quantités par des tissus glandulaires spécialisés.
Elles sont déversées directement dans le courant sanguin et transportées par le système vasculaire. Leur action s’effectue ainsi à distance.
Leur action persiste lorsque toute connexion nerveuse avec l’organe a été supprimée.
Elles agissent, conjointement au système nerveux, comme régulateurs physiologiques du métabolisme et comme intégrateurs, habituellement en synergie avec une ou plusieurs autres hormones.
Action des hormones
■ RÉCEPTEURS MEMBRANAIRES
Ce sont des structures situées sur la membrane des cellules. Ils reconnaissent surtout les hormones polypeptidiques comme l’insuline, l’hormone de croissance, etc.
Principales hormones : hormones polypeptidiques.
Leur taille varie d’un minuscule tripeptide à une masse de plusieurs milliers d’acides aminés. Les principales hormones polypeptidiques sont :
1. Hormones hypothalamiques (ADH, TRH, GRH, LHRH, CRH).
2. Hormones hypophysaires (TSH, FSH, LH, GH, prolactine, ACTH).
3. Insuline et glucagon.
4. Parathormone et calcitonine.
Les hormones polypeptidiques sont transportées dans le sang en étant fixées à des protéines plasmatiques. Seule la forme libre est active.
Leur dosage se fait par méthode immunologique utilisant des antigènes ou des anticorps marqués par radioactivité ou par d’autres substances (fluor, enzymes…).
5. Dérivés de la tyrosine
– la dopamine;
– l’adrénaline et la noradrénaline;
– les hormones thyroïdiennes.
Ce sont des hormones dont le rôle est de stimuler brutalement le fonctionnement de leurs cellules cibles.
Elles ont le rôle fondamental de maintenir la pression artérielle.
6. Hormones stéroïdiennes.
Ce sont les hormones surrénaliennes (suprarénaliennes) et sexuelles.
Elles sont produites par :
– le cortex surrénal ;
– les ovaires et les testicules ;
– le corps jaune ;
– l’unité fœto-placentaire.
■ RÉCEPTEURS INTRACELLULAIRES
L’hormone traverse la membrane cellulaire et pénètre à l’intérieur des cellules. Les récepteurs reconnaissent l’hormone et la transportent dans le noyau des cellules où elle agit.
Les récepteurs intracellulaires sont sensibles à deux types d’hormones :
– les hormones thyroïdiennes ;
– les hormones stéroïdiennes (corticosurrénaliennes, gonadiques).
■ SIGNAUX CELLULAIRES DÉCLENCHÉS PAR LES HORMONES ET LEUR TRANSMISSION
Pour que la cellule réagisse, il faut qu’elle reçoive un signal fort. Celui-ci est transmis depuis le récepteur jusqu’au noyau par le biais de messagers.
Lorsqu’une cellule reçoit un signal hormonal, elle répond selon la fonction qui lui est dévolue, par exemple :
– elle peut fabriquer une autre hormone ;
– elle peut transporter une substance (glucose, calcium, sodium) ;
– elle peut faire croître un tissu (cartilage, seins, muqueuse utérine).
■ FONCTIONNEMENT GLOBAL DE LA CELLULE CIBLE APRÈS LE SIGNAL HORMONAL
L’hypothalamus chef d’orchestre
Comme un vaste système d’engrenages, l’hypothalamus, petite zone située au centre du cerveau, juste au-dessus de l’hypophyse, fabrique de nombreuses substances qui règlent le fonctionnement des autres glandes.
L’hypothalamus est une petite région nerveuse située au-dessus de l’hypophyse. Les neurohormones sont dirigées vers l’hypophyse par un système vasculaire « porte ».
Axe surrénal : CRH (Corticotropin Releasing Hormone)
La CRH a été isolée en 1981 (Vale et coll.). Il s’agit d’un polypeptide de 41 acides aminés. La séquence des acides aminés de l’homme et du rat est identique. La CRH est synthétisée à partir d’un précurseur de 196 acides aminés, la pro-CRH.
La CRH est synthétisée dans le noyau paraventriculaire mais a une concentration maximale dans l’éminence médiane. On trouve également de la CRH dans d’autres régions du cerveau, ce qui suggère des actions diverses sur le comportement.
En dehors du système nerveux central, on trouve de la CRH dans le tractus digestif et dans le placenta.
Axe gonadique : gonadolibérine ou Gonadotropin Releasing Hormone (GnRH)
La gonadolibérine ou GnRH (Gonadotropin Releasing Hormone) est encore appelée LHRH ou LRH (Luteotropin Releasing Hormone). Elle a été isolée en 1971 et synthétisée en 1984 sa formule est : pyro-Glu-His-Trp-Ser-Tyr-Gly-Leu-Arg-Pro-Gly-NH2. La GnRH est formée à partir d’un précurseur comportant 92 acides aminés.
La GnRH est synthétisée dans l’aire préoptique. Les neurones terminaux se trouvent dans l’éminence médiane. On trouve également des neurones sécrétant des peptides précurseurs de GnRH dans le placenta.
La GnRH est sécrétée de façon périodique, toutes les 90 minutes et en quantité fixe. Sa demi-vie est très courte, de quelques minutes.
Les effets de la GnRH (et de ses analogues) sur l’hypophyse sont biphasiques : de petites quantités de GnRH administrées toutes les 90 minutes induisent une augmentation du nombre des récepteurs de GnRH ; elles provoquent ainsi la synthèse et la sécrétion de FSH et LH.
Axe thyroïdien : thyrolibérine ou Thyrotropin Releasing Hormone (TRH)
La TRH est un tripeptide de structure : (pyro) GLU-HIS-PRO-amide. Ce fut le premier polypeptide hypothalamique à être identifié et isolé (Boler, Greer 1969). Il est synthétisé à partir d’un précurseur de 242 acides aminés qui contient 6 copies de la TRH. La structure comporte 2 sous-unités α et β. La sous-unité α est commune à TRH, FSH et LH. La sous-unité β est spécifique de l’hormone.
La TRH est largement répandue dans l’organisme. Sa plus forte concentration se trouve dans le noyau paraventriculaire et les neurones terminaux dans l’éminence médiane de l’hypothalamus. On trouve également ce polypeptide en quantité notable dans le tractus gastro-intestinal, le pancréas, les testicules.
La durée de vie de la TRH est d’environ 6 minutes. Elle est dégradée dans le plasma et les tissus. Ses métabolites n’ont pas d’activité TRH.
La TRH provoque une sécrétion de TSH rapide et maximale en 20 minutes. Le test à la TRH montre une ascension des valeurs de base de 0-3μU/mL à 8-20μU/mL en dosage radio-immunologique. La TRH agit sur la synthèse des 2 sous-unités de la TSH. Elle augmente également la sécrétion de l’hormone.
La sécrétion de TSH est essentiellement sous la dépendance du taux plasmatique des hormones thyroïdiennes. Il existe d’ailleurs une corrélation quantitative inverse entre les quantités sécrétées de TRH et l’hyper- ou l’hypothyroxinémie.
Hormone de croissance
La sécrétion de l’hormone de croissance est régulée par deux facteurs, l’un stimulant et l’autre freinant la GH : Somatocrinine ou Somatotropin Releasing Factor (SRF) ou Growth Hormone Releasing Hormone (GHRH).
■ LA SOMATOCRININE (GHRH)
Elle a été isolée en 1982 à partir d’extraits de tumeur pancréatique. Trois peptides ont ainsi été isolés, mais deux sont très actifs : GHRH-44-NH2, GHRH-40.
La sécrétion de GRH est localisée dans le noyau arqué de l’hypothalamus et les neurones terminaux dans l’éminence médiane.
La GHRH a une demi-vie très courte, inférieure à 5 minutes. Son action est en revanche pratiquement immédiate.
Elle agit en se fixant sur la membrane des cellules hypophysaires sécrétant GH. Elle agit par intermédiaire des ions Ca++ et de l’AMPc. À la dose de 0,1 à 10μg/kg, la GHRH provoque une augmentation progressive jusqu’à la 30e minute de la sécrétion de STH qui revient à sa valeur de base en 3 heures environ.
Le sommeil profond est un très puissant stimulant de la sécrétion de GRH et de STH, probablement par le biais d’un mécanisme sérotoninergique, car le 5-hydroxytryptophane provoque le même effet alors que la cyproheptadine, bloqueur de la sérotonine, freine la sécrétion de somatocrinine et de STH.
■ LA SOMATOSTATINE (SRIF : Somatostatin Release Inhibiting Factor)
Elle tire son nom de l’action inhibitrice qu’elle exerce sur la sécrétion de somathormone. Elle existe sous 2 formes : l’une, contenant 14 acides aminés (S14), est présente dans le cerveau et le pancréas et l’autre, en contenant 28 (S28), est présente dans le tractus gastro-intestinal. On connaît la structure exacte de la préprohormone humaine et on sait fabriquer un certain nombre de peptides à action somatostatine.
La somatostatine est très répandue dans l’organisme : hypothalamus, système nerveux central, tractus digestif, pancréas. Il est intéressant de constater que la somatostatine hypothalamique est une véritable neurohormone, sécrétée au niveau du noyau hypothalamique paraventiculaire et agissant directement pour inhiber la sécrétion de GHRH. La somatostatine du tube digestif est plutôt une sécrétion paracrine.
La somatostatine se fixe sur des récepteurs membranaires et provoque une diminution de la concentration intracellulaire des ions Ca++ par blocage du passage transmembranaire. Elle entraîne également une diminution de la concentration en AMPc. Diminuant ainsi l’activité électrique des cellules, elle agit comme un interrupteur de sécrétion.
Prolactine
À l’inverse des autres hormones hypophysaires dont le tonus est stimulé par la neurohormone hypothalamique correspondante, la prolactine est au contraire inhibée à l’état normal.
■ PRF (Prolactin Releasing Factor) ou PRP (Prolactin Releasing Peptide)
Il existe à l’évidence un facteur hypothalamique stimulant puisque la succion du mamelon provoque une sécrétion immédiate et importante de prolactine. Le PRF a été isolée en 1998 par Hinuma, chez le rat, sous le nom de Prolactin Releasing Peptide. Il s’agit d’un peptide de structure originale, possédant 7 domaines transmembranaires, se liant au récepteur spécifique HGR3 de la prolactine.
Ainsi, la prolactine, qui est normalement sous le contrôle inhibiteur de la dopamine, peut être sécrétée de façon brutale et importante sous l’influence d’une stimulation externe.
■ PIF (Prolactin Inhibiting Factor)
La sécrétion de prolactine est normalement inhibée par le contrôle hypothalamique. Cette substance est actuellement reconnue comme étant la dopamine (figure 10.3). Les substances ayant une activité dopaminergique sont de puissants inhibiteurs de la sécrétion de PRL comme la bromoergocriptine ou le pergolide. Cependant il existe d’autres substances inhibant la sécrétion de prolactine : l’acide amino-butyrique ou GABA, le peptide sécrété en même temps que la GnRH.
Fig. 10.3 |
La sécrétion de prolactine est autorégulée : son augmentation entraîne une stimulation de la dopamine (boucle de régulation courte). Certaines substances entraînent une hyperprolactinémie : soit en stimulant directement TRH, soit en freinant la dopamine (œstrogènes, antidopaminergiques, neuroleptiques).
Glandes endocrines et régulation d’urgence des constantes de l’organisme
Ainsi, le taux d’eau, sodium, potassium, calcium, glucose doit être constamment régulé. Surtout la pression des fluides (pression artérielle essentiellement) doit rester constante. Ce sont les hormones « de l’urgence » qui assurent cet équilibre constant et indispensable. Elles doivent pouvoir être mobilisées immédiatement et agir de même.
Posthypophyse : eau
L’organisme humain, pour survivre, doit obligatoirement conserver sa composition en eau (environ 80 % chez l’enfant et 70 % chez l’adulte).
Equilibre hydrique
Les apports en eau sont d’environ 2 litres/24h chez l’adulte ; l’élimination est équivalente, une moitié se faisant par le rein et l’autre moitié par les sueurs, la respiration et la perspiration.
La partie qui est régulée est celle qui passe par le rein. Ce dernier filtre en effet à peu près 180 litres de sang par 24 heures et réabsorbe 99 % de l’eau filtrée. Ce phénomène laisse donc une quantité d’eau « libre » de 1,8 litre sur laquelle joue la régulation.
– En cas de déshydratation, les récepteurs du système nerveux central déclenchent la sensation de soif et donc un désir de boisson.
– En cas d’hyperhydratation, c’est une élimination automatique de l’eau qui intervient.
Hormone antidiurétique (ADH)
■ SÉCRÉTION
L’ADH (ou hormone anti-diurétique) est sécrétée par les cellules nerveuses de l’hypothalamus. C’est un petit polypeptide qui est déversé dans le système porte hypothalamo-hypophysaire et est ensuite stocké dans la posthypophyse.
■ ACTION
L’ADH agit sur les cellules rénales du tube distal. Elle ouvre les pores qui permettent le passage de l’eau depuis la lumière du tube rénal vers le tissu interstitiel.
■ EN PATHOLOGIE
– L’insuffisance en ADH provoque le diabète insipide : l’impossibilité de réabsorber l’eau libre provoque une polyurie permanente d’urines très diluées (figure 10.4).
Fig. 10.4 |
– L’excès en ADH provoque le syndrome de Schwartz-Bartter : inflation hydrique de l’organisme avec hypo-osmolarité. La natrémie est toujours très basse.
Corticosurrénales : le sodium
Anatomie
■ ANATOMIE DESCRIPTIVE ET RAPPORTS
Les glandes surrénales (suprarénales) coiffent le pôle supérieur des reins, l’une à droite, l’autre à gauche. Elles sont donc situées très profondément dans l’abdomen, derrière le péritoine, près de la paroi lombaire, de chaque côté de la colonne vertébrale.
Ce sont des glandes aplaties, en forme de virgule, de petites dimensions : 4,5cm de longueur, 3cm de largeur et 1cm d’épaisseur. Elles pèsent 8g environ.
Les rapports sont différents à droite et à gauche.
Glande surrénale droite (glande suprarénale droite)
Elle est proche de la colonne vertébrale au niveau de D12 et de ses deux disques. La 12e côte droite, le piler droit du diaphragme et le cul-de-sac pleural sont proches.
La veine cave inférieure est le rapport majeur avec ses ganglions lymphatiques et le ganglion semilunaire du sympathique.
Le rein droit est juste au-dessous.
La surrénale droite marque une empreinte sur le foie.
Glande surrénale (suprarénale) gauche
■ VAISSEAUX ET NERFS
– Artères. Les glandes surrénales (suprarénales) sont très richement vascularisées par trois groupes d’artères (figure 10.5).
Fig. 10.5 |
– Veines. La veine surrénale (veine suprarénale) principale, très volumineuse draine la glande surrénale (glande suprarénale) (figure 10.5).
– À droite, elle se jette dans la veine cave inférieure ; à gauche, elle se draine dans la veine rénale gauche.
– Lymphatiques. Ils sont nombreux et variés, drainant la surrénale vers les ganglions aortiques, hépatiques à droite et intrathoraciques des deux côtés. Ce point est important dans l’envahissement des cancers surrénaliens.
– Nerfs. Ils sont très nombreux formant un plexus surrénalien (suprarénalien).
Histologie
Fig. 10.6 |
– la zone glomérulée superficielle, qui sécrète les hormones minéralocorticoïdes ;
– la zone fasciculée moyenne qui fabrique les hormones glucocorticoïdes (cortisol) ;
– la zone réticulée profonde qui fabrique les androgènes.
Physiologie
■ GLUCOCORTICOÏDES
Indispensables à la vie, ils règlent le métabolisme des glucides intracellulaires. Le chef de file de ces hormones est l’hydrocortisone ou cortisol. Le cortisol permet la néoglucogenèse hépatique c’est-à-dire la reconstitution du glucose à partir des acides aminés. Il aide aussi à la conservation du sel et à la répartition de l’eau dans l’organisme.
Le taux de cortisol est régulé par l’appareil hypothalamo-hypophysaire. Lorsque la cortisolémie baisse dans le sang, l’hypothalamus sécrète du CRH (Corticotropin Releasing Hormone) qui à son tour entraîne la sécrétion d’ACTH hypophysaire ; cette dernière stimule la corticosurrénale et rétablit le taux de cortisol. À l’inverse, en cas d’élévation de la cortisolémie il y a freinage hypothalamo-hypophysaire et surrénalien.
■ MINÉRALOCORTICOÏDES
Le déficit en aldostérone, dans les insuffisances surrénales, entraîne une perte de sodium et une accumulation du potassium dans les cellules.
La sécrétion d’aldostérone est régulée par le système rénine-angiotensine et non par le taux périphérique de l’hormone.
■ ANDROGÈNES
Les hormones mâles synthétisées par le cortex surrénal sont la DHA déhydroépiandrostérone) et la delta-4 androstènedione.
Les androgènes d’origine surrénalienne sont dits « faibles » par rapport à la testostérone qui est la véritable hormone mâle.
Les androgènes surrénaliens sont responsables de la « puberté surrénale » ou « adrénarche », c’est-à-dire de l’apparition de poils dans les deux sexes (poils dits « ambosexuels »).
La sécrétion des androgènes surrénaliens est sous la dépendance de l’ACTH.
1. L’hydrocortisone (cortisol) est synthétisée et sécrétée à raison de 0,5mg/kg/j. environ, soit 30 à 40mg/j. pour un adulte de poids moyen.
Elle contribue à l’équilibre du sodium, de l’eau et du glucose.
Son taux est régulé par l’ACTH hypophysaire.
2. L‘aldostérone est l’hormone de rétention du sel. Tout excès (syndrome de Conn) est responsable d’hypertension avec hypokaliémie. Son taux est régulé par le système rénine-angiotensine.