6. Rectum
Curage ganglionnaire étendu versus chirurgie conventionnelle pour cancer du rectum : résultats d’une méta-analyse
Georgiou P, Tan E, Gouvas N et al.
Extended lymphadenectomy versus conventional surgery for rectal cancer : a meta-analysis. Lancet Oncol 2009 ; 10 : 1053–62.
Un envahissement ganglionnaire est présent chez 30 à 40 % des patients porteurs d’un cancer du rectum, le long de l’artère mésentérique et dans le mésorectum chez environ 40 % des patients ou au niveau de la paroi latérale pelvienne dans 10 à 25 % des cas [1,2]. L’exérèse totale du mésorectum est l’intervention de choix pour les cancers sous-péritonéaux permettant, en combinaison avec la radiothérapie néoadjuvante, un taux de récidive locale inférieur à 10 % [3]. Les chirurgiens occidentaux à l’inverse des chirurgiens japonais ne pratiquent pas couramment la LE.
Les limites de cette méta-analyse sont les suivantes :
• majorité d’études observationnelles non randomisées incluses ;
• études provenant de centres spécialisés ;
• test d’hétérogénéité positif sur les items récidive locale et survie ;
• critères d’éligibilité différents entre chirurgiens occidentaux et japonais ;
• biais de publication, les études retrouvant des taux de récidive élevés étant peu publiées ;
• pas de retour aux données sources.
La question pourra être définitivement réglée par un essai randomisé japonais en cours de recrutement comparant LE versus LS en l’absence de traitement néoadjuvant. L’impact éventuel du traitement néoadjuvant sur l’étendue du curage restera cependant à déterminer. Une approche chirurgicale adaptée au cas par cas semble être la plus raisonnable.
Mots clés : Rectum ; Cancer ; Curage ganglionnaire ; Méta-analyse
Références
[1] J Am Coll Surg 1997 ; 184 : 475–80.
[2] Cancer 1996 ; 78 : 1871–80.
[3] Dis Colon Rectum 2000 ; 43 (Suppl. 10) : S5–68.
Anastomose mécanique terminoterminale versus terminolatérale après résection antérieure pour cancer du rectum : résultats d’un essai randomisé
Brisinda G, Vanella S, Cadeddu F et al.
End-to-end versus end-to-side stapled anastomoses after anterior resection for rectal cancer. J Surg Oncol 2009 ; 99 : 75-9.
Les procédures de préservation sphinctérienne après chirurgie pour cancers du moyen et du bas rectum sont devenues fréquentes du fait de leur faisabilité démontrée avec morbidité acceptable. Une augmentation du taux de fistules anastomotiques de 1 à 19 %, avec le type d’anastomose et la distance avec la marge anale, a été rapportée [1]. Le but de ce travail était de confronter les suites opératoires comparatives des anastomoses terminoterminale (ATT) versus terminolatérale (ATL) après résection antérieure pour cancer T1–T2 du rectum. De janvier 1998 à janvier 2006, 77 patients porteurs d’un cancer du rectum T1–T2 à moins de 15 cm de la marge anale et ayant bénéficié d’une exérèse totale ou partielle du mésorectum à visée curative ont été randomisés entre ATT (n=37) versus ATL (n=40) utilisant le côlon gauche, sans stomie de protection. L’anastomose était localisée sur le moyen rectum 38 fois et sur le bas rectum 39 fois. Les résultats chirurgicaux et les complications sont rapportés ici. Les taux de fistule anastomotique étaient de 29,2 % versus 5%, respectivement (p=0,005) avec un taux de fistule global de 16,8 %. Ce taux de fistule était significativement relié au niveau de l’anastomose (p=0,001), avec plus de fistules dans le groupe TME (30,7 % versus 2,6 %, p=0,001). Dans le groupe ATT, sur les 11 patients avec fistule anastomotique, neuf ont nécessité une reprise chirurgicale avec colostomie de dérivation, fermée secondairement dans sept cas. Dans le groupe ATL, deux patients porteurs d’une fistule anastomotique ont été traités médicalement avec succès. À un an, trois cas de sténoses anastomotiques asymptomatiques ont été observés dans le groupe ATL versus un dans le groupe ATT. Les auteurs concluent que sur le plan des complications chirurgicales, l’ATL est une procédure de choix.
Les procédures de conservation sphinctérienne avec exérèse totale du mésorectum pour les cancers des tiers moyen et inférieur du rectum sont devenues courantes, notamment grâce à l’utilisation des pinces circulaires mécaniques diminuant les difficultés techniques et le risque de fistule. Comparativement à l’anastomose manuelle, l’anastomose mécanique a été montrée comme permettant une diminution du risque de plaie sphinctérienne, du temps opératoire et de contamination abdominale dans plusieurs essais randomisés [2,3]. Les modalités de réalisation de cette anastomose restent néanmoins débattues.
Les auteurs rapportent ici un taux de fistule significativement inférieur après ATL comparativement à l’ATT. Il convient de noter que le taux de fistule est élevé dans cet essai, probablement lié à l’absence de réalisation d’une stomie de décharge, celle-ci ayant été montrée comme diminuant la gravité des fistules mais également l’incidence de celles-ci [4]. Il convient de noter cependant que le taux de sténose anastomotique à distance est faible et peut être lié à cette non-réalisation systématique de stomie.
Cet essai pose de nombreux problèmes méthodologiques qui rendent difficiles l’interprétation des résultats, notamment le mélange des patients avec anastomose sur le moyen et le bas rectum, l’absence de calcul d’effectifs a priori, l’absence de vérification de la comparabilité des groupes, l’absence de standardisation des procédures chirurgicales…
Références
[1] Br J Surg 1998 ; 85 : 355–8.
[2] Br J Surg 1993 ; 80 : 924–7.
[3] Br J Surg 1990 ; 77 : 888–90.
[4] Ann Surg 2004 ; 240 : 260–8.
Une fistule anastomotique symptomatique après proctectomie pour cancer est-elle un facteur de mauvais pronostic ? Résultats d’une étude multicentrique
Den Dulk M, Marijnen CA, Collette L et al.
Multicentre analysis of oncological and survival outcomes following anastomotic leakage after rectal cancer surgery. Br J Surg 2009 ; 96 : 1066-75.
Les auteurs concluent qu’après proctectomie pour cancer, la survenue d’une fistule anastomotique diminue la survie globale et sans récidive à long terme.
Cette étude confirme l’intérêt d’une stomie de protection après proctectomie pour cancer pour diminuer l’incidence des fistules anastomotiques [4].
Les conclusions de cette étude sont à interpréter avec précautions du fait de très nombreux biais méthodologiques. En effet, la période d’inclusion est de 15 ans et la prise en charge du cancer du rectum a fait beaucoup de progrès pendant cette période. Par exemple, les malades de l’essai suédois réalisé en 1990 ont été inclus, alors qu’ils n’avaient pas eu d’exérèse du mésorectum avec un taux de récidive locale chez les malades n’ayant pas eu de traitement préopératoire de 25 %. Par ailleurs, les traitements préopératoires des malades inclus étaient variables et ont pu considérablement influencer les résultats carcinologiques à long terme.
Références
[1] Dis Colon Rectum 2005 ; 48 : 1021–6.
[2] Br J Surg 2005 ; 92 : 1150–4.
[3] Br J Surg 2007 ; 94 : 1548–54.
[4] Ann Surg 2008 ; 248 : 52–60.
Facteurs de risque de séquelles urinaires après chirurgie du cancer du rectum
Lange MM, Maas CP, Marijnen CA, Wiggers T, Rutten HJ, Kranenbarg EK, Van de Velde CJ, Cooperative Clinical Investigators of the Dutch Total Mesorectal Excision Trial.
Urinary dysfunction after rectal cancer treatment is mainly caused by surgery. Br J Surg 2008 ; 95 : 1020-8.
Avec le développement de la technique d’exérèse totale du mésorectum (ETM) pour la chirurgie du cancer rectum, le taux de séquelles urinaires a considérablement diminué [1]. Néanmoins, les facteurs de risque de survenue de ces séquelles après ETM ont été peu évalués.
Les auteurs ont donc évalué l’incidence et les facteurs de risque des séquelles urinaires à long terme sur une cohorte de 785 malades ayant eu une exérèse du rectum avec ETM pour cancer. Ces 785 malades avaient été inclus dans l’essai de phase III hollandais comparant l’exérèse rectale avec ETM précédée ou non d’une radiothérapie de 25 grays sur cinq jours [2]. L’évaluation des séquelles était réalisée par un questionnaire rempli par les malades en préopératoire puis à trois, six, 12, 18, 24 et 60 mois après la chirurgie. L’évaluation portait sur deux items : l’incontinence urinaire et les difficultés de vidange vésicale. En ce qui concerne l’incontinence, l’incidence passait de 16,7 % en préopératoire à 38 % à cinq ans (p<0,01). Chez les 385 malades n’ayant pas d’incontinence en préopératoire, le taux d’incontinence à cinq ans était de 32,7 %. En analyse multivariée, les facteurs de risque d’incontinence étaient le sexe féminin (p<0,001) et l’existence d’une incontinence préopératoire (p=0,01), mais pas la radiothérapie préopératoire. En ce qui concerne les troubles de la vidange vésicale, l’incidence passait de 22,5 % en préopératoire à 30,6 % à cinq ans. Chez lez 351 malades sans trouble de vidange vésicale préopératoire, l’incidence à cinq ans était de 25,6 %. En analyse multivariée, les facteurs de risque de troubles de la vidange vésicale étaient l’existence du trouble en préopératoire (p<0,001), un traumatisme chirurgical du plexus hypogastrique inférieur (p<0,001) et un saignement peropératoire excessif (p=0,02). Là encore, la radiothérapie n’avait pas d’influence sur la survenue d’un trouble de la vidange vésicale.
Les auteurs concluent que les séquelles urinaires ne sont pas rares après exérèse rectale avec ETM et que la chirurgie joue un rôle plus important que la radiothérapie dans leur survenue.
C’est la série la plus importante qui a évalué les séquelles urinaires après chirurgie du rectum à l’heure de l’ETM.
Le taux de 32,7 % d’incontinence urinaire à cinq ans chez les malades ayant une fonction urinaire préopératoire normale paraît anormalement élevé. Il est probable qu’en cas d’évaluation par un simple questionnaire, l’existence d’un trouble urinaire a été sous-estimée en préopératoire, en particulier chez les hommes dont la moyenne d’âge était de 64 ans.
Cette étude confirme que, si la radiothérapie a un effet délétère sur la fonction sexuelle et digestive après chirurgie du rectum [3], elle n’a que peu d’effet sur la fonction urinaire [4].
Il est probable que le saignement peropératoire ne soit pas en lui-même un facteur de risque de trouble de la vidange vésicale mais qu’il reflète une difficulté opératoire avec la réalisation des gestes d’hémostase (coagulation, suture) ayant pu entraîner un traumatisme nerveux.