3 Pièges anatomiques cervicofaciaux
Introduction
La connaissance de l’anatomie est un préalable indispensable à la pratique de tout acte chirurgical. Elle permet d’aborder sereinement les interventions et d’éviter de léser des structures nobles vasculaires, nerveuses ou canalaires sources de complications précoces ou de séquelles définitives. Une effraction vasculaire provoque certes un saignement gênant peropératoire mais peut générer un hématome postopératoire compromettant le résultat de l’intervention. La lésion d’un rameau nerveux moteur entraîne une paralysie motrice d’un territoire facial et la lésion d’un rameau sensitif induit temporairement une hypoesthésie du territoire innervé. L’identification des différentes structures anatomiques de la superficie vers la profondeur est nécessaire pour réaliser une exérèse tumorale carcinologique. Le but de ce chapitre est de décrire de façon précise et détaillée l’anatomie des plans superficiels de la région cervicofaciale et de sensibiliser le lecteur aux principaux pièges anatomiques rencontrés en pratique courante. Dans un but didactique, nous avons pris le parti d’expliquer ces différentes embûches de façon topographique en nous intéressant à des zones anatomiques de la face bien déterminées (Figure 3.1).
Pièges anatomiques de la face
La vascularisation artérielle cervicofaciale vient de l’artère carotide externe. Une des branches collatérales de cette artère est l’artère faciale. La branche terminale superficielle de la carotide externe est l’artère temporale superficielle (Figure 3.2). La vascularisation veineuse est assurée par le système jugulaire externe et l’innervation motrice par les branches du nerf facial (Figure 3.3).
Front et région frontotemporale
Artère temporale superficielle
Il s’agit d’une des deux branches terminales de la carotide externe. Elle émerge du bord supérieur de la glande parotide. Dans la région temporale, elle devient superficielle au niveau de la ligne d’Eusthatanios, ligne virtuelle qui relie la partie moyenne du rebord orbitaire supérieur au bord supérieur du conduit auditif externe (cf. Figure 3.2) [1].
L’artère temporale superficielle chemine pratiquement à la verticale vers le haut, sous un tissu cellulofibreux résistant, de couleur blanc nacré : le fascia prétemporal (Figure 3.4) [2]. Pour ne pas léser ce vaisseau, il faut s’astreindre à disséquer dans l’hypoderme au-dessus de ce fascia prétemporal, sauf en cas de nécessité carcinologique.
Enfin, il faut savoir reconnaître les petits anévrismes artérioveineux temporaux qui sont fréquents et y penser systématiquement devant tout nodule de la région frontotemporale qui se montre légèrement pulsatile.
Branche frontopalpébrale du nerf facial
La branche frontopalpébrale du nerf facial traverse la région temporale, obliquement en haut et en dedans et se termine 2 cm au-dessus et en dehors de la queue du sourcil. Au cours de ce trajet, elle est située entre l’hypoderme et le fascia prétemporal au-dessus et l’aponévrose temporale au-dessous (cf. Figure 3.4) [2].
On définit une zone dangereuse dite « rouge » au-dessus et en dehors de la queue du sourcil de 6 cm2 environ [3], dans laquelle la dissection doit être prudente pour éviter une lésion du nerf (Figure 3.5).
Une hydrodissection, lors de l’anesthésie locale, est conseillée chez les patients âgés en particulier car l’hypoderme est parfois très mince dans cette zone et cette hydrodissection permet de repérer le plan de clivage entre les tissus superficiels et le fascia prétemporal qui protège ce nerf. En fait la zone rouge doit être élargie à la région temporale et à la zone classiquement dite rouge. Dans cette zone, Il est recommandé de disséquer en restant dans l’hypoderme au-dessus du fascia prétemporal, sauf en cas d’impératif carcinologique.
Ce rameau moteur donne leur innervation motrice au muscle frontal, au muscle corrugateur des sourcils et au muscle piriforme [4]. Une lésion de ce rameau nerveux provoque une paralysie de l’hémifront homolatérale, et donc une disparition des rides du front et de la mimique, une ptose du sourcil et de la paupière de ce même côté. Cette paralysie est responsable d’un aspect fatigué voire d’une gêne visuelle.