Morphotypes
L’analyse de la littérature et l’expérience clinique nous conduisent à essayer de classer les différents morphotypes autres que ceux de l’avant-pied. Nous les envisageons sous quatre angles différents :
- • les morphotypes squelettiques responsables de l’architecture globale du pied ;
- • les morphotypes fonctionnels dépendant de l’anatomie des parties molles (appareil musculotendineux, ligaments et capsules articulaires) ;
- • l’influence de la croissance sur les morphotypes de l’enfant ;
- • les morphotypes du pied de l’adulte.
Morphotypes squelettiques
On peut les étudier selon les trois plans de référence en sachant que toutes les combinaisons sont possibles étant donné la multitude de variétés de pieds normaux indépendamment de toute déformation pathologique.
Dans le plan frontal
Le valgus calcanéen varie d’un individu à l’autre avec une moyenne de 7 à 8° : certains pieds ont un valgus relativement important atteignant ou dépassant 10°, d’autres ont un calcaneus très peu valgisé voire neutre sans qu’il existe, d’ailleurs, de déformation pathologique (figure 1). Le siège de cet excès ou de cette insuffisance du valgus calcanéen est le plus souvent sous-talien, mais il existe parfois aussi une composante tibiofibulaire avec obliquité de la mortaise tibiotarsienne. Seule l’incidence radiologique de face de la cheville en charge avec cerclage du talon selon Méary permet de faire la part des choses. Zollinger et Buchi ont examiné, chez des adultes de 18 à 50 ans, 1 000 pieds considérés comme normaux, sans aucun symptôme fonctionnel [1]. Parmi eux, il y avait un valgus talonnier excessif dans 9 % des cas et un varus dans 6 % des cas.
Dans le plan horizontal
L’orientation du pied en forte abduction ou, à l’inverse, dans l’axe du genou, voire en légère adduction peut correspondre à des morphotypes liés à la constitution elle-même du pied mais aussi, et plus souvent, au sens et au degré de la torsion tibiofibulaire sus-jacente. L’angle du pas normal est habituellement en rotation latérale de 10 à 15°. Quand cet angle est supérieur à 20°, la pointe du pied tourne en dehors et quand cet angle du pas est inférieur à 5°, la pointe du pied tourne en dedans. Indépendamment du sens et du degré de la torsion tibiale, les variantes anatomiques dans le pied stricto sensu peuvent concerner divers paramètres : l’angle de déclinaison du talus [2], la divergence talocalcanéenne (abduction ou adduction sous-talienne), la non-rectitude du bord latéral du pied (avec une concavité ou au contraire une convexité dont les limites normales sont de 10°).
Dans le plan sagittal
Le pied peut revêtir une forme tantôt plate tantôt, au contraire, creuse ou cambrée, sans qu’il existe pour autant de déformations pathologiques. Il semble bien que l’angle d’incidence du calcaneus par rapport au sol induise ces différents morphotypes : un calcaneus très peu ascendant (inférieur à 10°) accompagne, en général, la variété plate du pied normal ; à l’opposé, un calcaneus franchement ascendant (angle d’incidence supérieur à 25°) correspond volontiers à un pied cambré (figures 2 et 3).
Conséquences de ces différents morphotypes en pathologie du pied
Les différents paramètres étudiés ci-dessus peuvent se combiner de façon variée et à des degrés divers, aboutissant à un grand nombre possible de morphotypes de pieds normaux. Leur connaissance est indispensable, car une déformation pathologique et acquise (quelle qu’en soit sa cause, neurologique, dystrophique, par hyperlaxité tissulaire…) peut se développer sur un morphotype préexistant de forme tout à fait différente. Cela rend difficile l’interprétation des déformations cliniques et radiologiques. Par exemple, sur un morphotype de pied cambré (c’est-à-dire creux sur les deux arches médiale et latérale) peut parfois se développer un pied plat valgus avec effondrement de l’arche médiale et conservation d’un calcaneus fortement redressé par rapport à l’horizontale : c’est le pied plat-creux. Ailleurs, sur le même morphotype de pied cambré, peut se développer un pied cavovarus avec la déformation en hélice caractéristique surajoutée à un pied dont la colonne latérale est également creuse de façon préexistante. On pourrait citer bien d’autres exemples.
Morphotypes fonctionnels
L’élasticité du tissu capsuloligamentaire et la longueur des muscles sont des éléments constitutionnels (donc génétiques), extrêmement variés d’un individu à l’autre et d’une articulation ou d’un muscle à l’autre chez le même individu.
Amplitude de mobilités articulaires
Concernant la cheville, les études chez l’enfant normal de 7 à 14 ans [3] ont montré que l’amplitude de flexion dorsale de la cheville était en moyenne de 25° lorsque le genou était en extension et de plus de 40° lorsque le genou était fléchi. Ce qui est intéressant, ce sont les valeurs extrêmes : 5° pour la valeur minima avec le genou en extension et 46° pour la maxima avec également le genou en extension. Reimers [4] a mesuré différemment l’amplitude de flexion dorsale avec le genou en extension, l’arrière-pied neutre et l’avant-pied en adduction, et a trouvé des valeurs nettement plus faibles.
L’étude de la mobilité sous-talienne est beaucoup plus difficile à chiffrer, mais l’expérience montre qu’il y a des sujets avec une mobilité considérable et d’autres avec une mobilité relativement réduite, et ceci indépendamment de toute déformation.

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