4. Les dimensions institutionnelles de la qualité
LA PLACE DES ORGANISMES PROFESSIONNELS DANS LA DÉMARCHE QUALITÉ
La procédure d’agrément développée par la Haute Autorité en santé (HAS) a ouvert la porte à l’introduction d’organismes professionnels dans la conduite de l’évaluation des pratiques professionnelles (EPP). Ces organismes sont jugés sur leur capacité à mettre en œuvre des programmes d’EPP, selon une méthodologie rigoureuse, incluant la formalisation nécessaire au contrôle de leur qualité. En somme, ils sont requis pour être des opérateurs professionnels de l’EPP.
La psychiatrie s’est mobilisée pour répondre aux enjeux de l’EPP. Soucieuse de faire évoluer les soins en psychiatrie vers une plus grande qualité, elle s’est engagée dans la démarche de qualité proposée par la HAS, comme en témoigne le nombre d’organismes ayant obtenu l’agrément.
À ce jour, les organismes suivants ont été agréés par la HAS. Ce sont:
— l’Association pour le développement des prises en charge des troubles chroniques du sommeil (Réseau Morphée) [www.reseau-morphee.org];
— l’Association pour les congrès et la formation continue des psychiatres (ACFCP) [www.psychiatrie.com];
— l’École de psychosomatique (www.ecole-psychosomatique.org), qui organise un programme continu d’EPP centré sur les pratiques psychothérapiques: initier une psychothérapie, en apprécier l’évolution, en évaluer les résultats;
— Formep’s SARL, organisme agréé de nature commerciale (http://formeps.com/)
— Prat Psy (dont j’ai longuement parlé tout au long de ce chapitre), aujourd’hui porté par le GIRP (Groupement d’intérêt pour la recherche en psychiatrie), mais qui devrait prochainement être transféré à un Collège national professionnel de psychiatrie, émanation du Collège national universitaire de psychiatrie) [www.prat-psy.fr];
— la Société française d’alcoologie (SFA), qui offre un forum régulier et interdisciplinaire de mise en commun et de diffusion des connaissances scientifiques dans les domaines de l’alcoologie et de l’addictologie, et propose une procédure nécessaire à l’EPP (www.sfalcoologie.asso.fr).
Trois organismes sont en attente d’agrément: l’Association française de psychiatrie, la Société de psychiatrie Midi-Pyrénées, la Société de neuropsychiatrie de l’Ouest.
Le cahier des charges de cette procédure d’agrément, lourde et exigeante, acte la différence introduite par la HAS entre des opérateurs formés par la HAS (médecins habilités [MH] et médecins experts extérieurs [MEE]) et ces opérateurs professionnels.
J’ai tenté de montrer qu’en pratique, dans le déroulement de la conduite de l’EPP, la nature de l’aide que pouvait apporter ces deux types d’opérateurs était bien différente.
Il n’en reste pas moins que, pour un praticien ou un établissement peu averti, le choix d’un MH ou d’un MEE reste plus économique.
On pourrait interpréter le maintien de cette ambiguïté du rôle des OA comme le signe d’une ambivalence de la HAS face à l’introduction d’opérateurs professionnels.
La même ambivalence se retrouve dans la place accordée à ces OA dans l’élaboration de référentiels. À ce jour, l’élaboration de recommandations reste sous la responsabilité de la HAS. Celle-ci peut, tour à tour, solliciter telle ou telle société savante, tel ou tel professionnel choisi isolément ou telle ou telle fédération. Sur le terrain, les équipes elles-mêmes ont la possibilité, offerte dans le document sur l’élaboration de critères d’évaluation et d’amélioration des pratiques (CEAP), d’élaborer leur propre référentiel. Les organismes agréés (OA), s’ils sont requis pour apporter aux praticiens qu’ils accompagnent dans leur démarche d’EPP des données référencées, ne sont pas considérés comme les concepteurs les plus appropriés pour construire les références médicales. Pourtant, ils sont sans doute les plus à même d’en garantir la pertinence. En effet, leur position d’opérateur dans la conduite de l’EPP leur permet de connaître l’état réel des pratiques et d’avoir une vision objective de l’applicabilité de telle ou telle recommandation, des conditions de cette applicabilité – qui doivent être inscrites dans la recommandation elle-même – et des moyens les plus pertinents pour l’assurer. Par ailleurs, ils ont été agréés sur leur qualité technique et méthodologique et sur leur connaissance des données référencées. Presque tous ont organisé un centre de documentation rassemblant l’ensemble des références utiles à l’élaboration de références médicales, données de haut niveau de preuve scientifique mais également références bibliographiques porteuses d’un haut potentiel d’amélioration des pratiques et de haute pertinence clinique pour les pratiques professionnelles.
Enfin, tous ont élaboré un cadre méthodologique d’élaboration de références de bonnes pratiques répondant aux exigences de la HAS mais comportant d’autres exigences de nature plus professionnelle, notamment la prise en compte et la gestion argumentée des controverses. Ils doivent pouvoir, afin de lever les controverses, développer les moyens nécessaires d’une part pour analyser les raisons de ces controverses, et d’autre part pour tenter d’apporter des données objectives permettant de les lever, notamment la réalisation de recherches cliniques ou d’enquêtes impliquant tous les exercices et tous les professionnels du soin impliqués dans la problématique évaluée. Enfin, les remontées de terrain, analysées par un organisme professionnel, doivent permettre d’améliorer les références médicales.
Afin d’assurer l’ensemble de ces missions et d’apporter la même prestation sur tout le territoire tout en préservant les spécificités locales et l’autonomie des praticiens dans la conduite de l’EPP, les OA ayant un périmètre national auront à assurer une délégation à des territoires géographiques pertinents. C’est au niveau d’un territoire géographique que doivent se déléguer la conduite de l’EPP et le recueil des données de la pratique. Par ailleurs, la prise en compte et l’analyse de la diversité des pratiques et de l’influence des spécificités locales sur cette diversité permettrait d’enrichir la réflexion sur les pratiques professionnelles en y introduisant l’analyse de leurs différents déterminants.
Mais, par définition, l’EPP ne concerne pas uniquement les professionnels impliqués dans des OA.
Si les organismes agréés sont des opérateurs pertinents de la démarche qualité, ils ne peuvent prétendre se substituer aux autres organismes professionnels, syndicaux notamment, chargés de la défense des différents métiers du soin et de la diversité des exercices de la discipline.
La distinction dans les missions et les finalités propres des OA et des organisations syndicales pourrait paraître une évidence si la constitution, au sein de la HAS, de «collèges des pratiques professionnelles» n’était venue ouvrir un débat d’une part sur la place des organisations syndicales dans ces collèges, d’autre part sur le choix, par la HAS, d’un organisme agréé unique par spécialité.

Stay updated, free articles. Join our Telegram channel

Full access? Get Clinical Tree

