Le coaching, une relation d’aide à part entière

2. Le coaching, une relation d’aide à part entière


Ce qui a de la valeur n’a pas toujours de prix, et ce qui a un prix n’a pas nécessairement de valeur.

Anonyme




La relation d’aide : un marché florissant



La relation d’aide sur les marches du temple


Toutes les naissances ne s’opèrent pas dans la facile et rapide délivrance. Les puînés font parfois l’objet de la part des aînés de sentiments contrastés, oscillant entre l’amour et la haine. Le coaching est comme un puîné, il ne cherche qu’à grandir. Rien d’étonnant, alors, à ce qu’il rencontre sur son chemin amour et haine, notamment de la part de ceux qui partagent des liens de filiation.


Le coaching, n’est pas ce pique-assiette que certains se complaisent à faire croire. Plus il se construit, plus il s’émancipe. De même, plus il s’émancipe, plus il s’autonomise. Comme toute discipline naissante, il éveille des peurs.

Il y a peu, une collègue me racontait qu’au détour d’une rue, elle remarqua une enseigne d’un garagiste pour le moins surprenante. Sur cette enseigne, on pouvait y lire « carburologue ». Dans les années 1970, les métiers d’aide ont explosé. La plupart finissaient par « -logue » : psychologue, sophrologue, thanatologue, addictologue, relaxologue… et maintenant « coachologue » ! Le dictionnaire Larousse ne fait pas état de ces nouveaux métiers. En revanche, on les trouve sur la toile du Net.

À peu près à la même époque, il était de bon ton d’associer deux compétences : psycho-sociologue, ethno-sociologue, psycho-pédagogue… À tous ceux qui, comme moi, étaient psychologue avant de devenir coach, épargnez-nous l’appellation deux en un psycho-coachologue. À moins que vous soyez réellement en avance sur votre temps : déjà coach du xxiie siècle…

Un petit détour par l’étymologie ne manquera pas de nous éclairer sur le suffixe « -logue ». Du grec ancien λóγoc, logos revêt trois significations : étude, proportion et relation. Ces trois significations, considérées indépendamment ou conjuguées les unes aux autres, révèlent « la largeur et la profondeur du champ » [51]. Dans la largeur du champ, le coach étudie le contexte, et le met en lien avec ses savoirs (acquis pendant ses études et apprentissages de la vie). Il dissèque la réalité subjective du coaché et, avec lui, établit des proportions, de manière à co-construire un scénario équilibré et équilibrant. Dans la profondeur du champ, il accompagne le coaché à remanier un contexte. En situation de stress intense par exemple, c’est tout l’être qui est malmené. Or, un être stressé délaisse sa vie de relation, et parfois jusqu’à la déafférentation sociale. Il s’agit alors de l’aider à recontacter le positif qui sommeille en lui.

Si, comme le précise Lenhardt, « la relation d’aide n’est pas l’apanage des seuls thérapeutes » [51], il n’en reste pas moins que le coaching emprunte à la thérapie des pans conceptuels et pragmatiques entiers.

« Le terme de “thérapie” désigne un travail placé du côté de la réparation des blessures du passé, que ce soit dans une dimension physiologique, psychosomatique, psychique, systémique, ou bien dans une vision intégrant toutes ces facettes. Alors que la relation d’aide déployée dans le rapport de coaching prend en considération le sujet humain principalement dans “l’ici et maintenant” : on assume le passé pour mieux s’appuyer sur le présent afin de regarder vers l’avenir. » [51]


La relation d’aide : du discours à la méthode


Vous avez dit « relation d’aide » ? Serions-nous en présence d’une donnée simple, une évidence, un « don naturel » que posséderait de façon innée l’homme ?

Carl Rogers est à l’origine du concept de « relation d’aide ». Dans les années 1950, il a observé et formalisé les attitudes qui favorisent les échanges et le développement personnel.

« Il n’est guère de domaine de l’activité humaine impliquant un rapport entre deux ou plusieurs personnes, qui ne mette en jeu, sous une forme ou sous une autre, la relation d’aide. Celle-ci concerne au fond toute personne qui cherche à mieux vivre ses relations avec les autres, en développant sa capacité du lien. » [51] La relation d’aide serait donc un acte volitif de personnes désireuses d’instaurer une relation particulière, que nous qualifions de soutènement, en écho à entretènement. La notion de soutènement s’entend aisément par sa parenté à la construction de bâtiments. Soutènement est dans ce cas un appui, un étai. Quant à la notion d’entretènement, elle n’est plus utilisée, remplacée par le mot entretien, elle s’est insidieusement appauvrie.

Nous connaissons tous les différents entretiens (recrutement, évaluation, investigation…) et les entretiens nécessaires (maintenance) à la conservation d’un patrimoine foncier. En revanche, l’entretien qui consiste à apporter à l’autre, dans la vie de tous les jours, notre bienveillante attention, juste pour lui, sans aucune autre intention que de contribuer à sa santé, cet entretien-là n’aurait-il pas tendance à disparaître ? Et si cette incurie relationnelle venait à susciter des demandes de coaching, pourrait-elle relever d’une réponse par le coaching ?

L’homme est un être de relation qui ne peut exister et se développer que dans un rapport d’altérité. Alors, comment redonner ses lettres de noblesse à une notion de relation, de plus en plus érodée par un usage intempestif ?

La relation est constituée d’un tel faisceau d’éléments conscients ou inconscients, patents ou latents, qu’elle est loin d’être simple ! Sa complexité relève, notamment, de sa composition à partir d’attitudes moins souvent choisies qu’imposées, par l’histoire personnelle du sujet, la formation préalable, l’institution, les réalités, le contexte professionnel, et d’autres contingences encore…

La « simple » notion de « relation » est complexe, alors cette complexité devient irréductible quand elle se hisse au rang de « relation d’aide ».

La relation d’aide en coaching se caractérise par une complexité surajoutée du fait de sa triangulation dynamiqueRelation d’aidetriangulation dynamique :




celui qui a besoin d’aide, le bénéficiaire direct : le coaché ;


• celui qui est en position d’apporter son aide : le coach ;


celui à qui on en parle, le tiers : le superviseur.

Ce tiers est une personne formée à l’écoute et à l’analyse de ce qui est rapporté, apte à instaurer les conditions positives de « reprise » dans un climat de confiance où l’on peut sans crainte regarder en face ses forces et ses failles, approfondir ses compétences, être authentique et vrai autant que faire se peut. Ce tiers est lui-même inscrit en un ailleurs dans un travail de supervision.

« Il n’y a pas, nous dit Edgar Morin [55], dissolution de la présence individuelle dans les ailleurs, mais il y a (…) une mobilisation de l’esprit qui tisse un champ spatial de plus en plus large et constant de l’ailleurs-ici et de l’ici-ailleurs, c’est-à-dire un nouveau rapport avec l’espace et le monde. » Ce nouveau rapport au monde dégage une conception positive de l’homme, à la fois être en devenir au monde et unicité de l’existence individuelle et collective. De sorte que demain est un ailleurs fantasmé ici et aujourd’hui. Cette destitution de l’imprévisible liée à l’avenir, s’entend par une conception de l’homme qui cherche à (se) réaliser ici et maintenant par une saisine immédiate du futur. Cette tentative de maîtrise du futur, expression archaïque de notre angoisse existentielle, restera à jamais l’illusion d’une utopie. « La rapidité des changements génère de l’impermanence et de l’aléatoire. La lisibilité du futur est incertaine, alors même que le présent est complexe. » [6]

La primauté existentielle de l’homme est donc de se réaliser ici et maintenant. Les auteurs, Maslow, Porter et Mac Clelland, qui ont étudié la question de l’épanouissement de l’homme, s’accordent à dire que le besoin de réalisation est celui vers lequel chacun de nous tend. Ce besoin sous-tendrait la mobilisation d’Éros, pulsion de vie, dans la recherche d’épanouissement. En dehors d’une atteinte psychopathologique, frénatrice, nous serions tous promus à une certaine forme de bien-être.


De la relation à la relation d’aide


L’être humain est un être de relation. Les relations définissent un aspect essentiel de son être social. Le concept de base, pour exprimer la nature de la relationRelation d’aidenature de la, repose sur trois notions :




• le lien : tout individu se trouve relié d’une quelconque manière à autrui. Il est inséré dans un tissu social complexe qui l’enserre, oriente son action et définit sa sociabilité ;


• l’affiliation : c’est une forme de socialisation de l’être humain qui s’exprime par un besoin fondamental de pouvoir compter sur les autres en s’appuyant sur eux ;


• l’attraction : elle correspond à la dimension affective à l’égard des autres qui se caractérise par la manifestation d’attitudes positives et peut se traduire par le désir de se rapprocher d’eux.


La relation d’aide, une question d’altérité


La relation d’aide est un échange à la fois verbal et non verbal qui permet de créer un climat de confiance, de respect, dont le sujet a besoin pour atteindre un meilleur contact avec sa propre réalité, ses émotions, ses conflits, ses valeurs, ses limites et ses aspirations.

Le rôle de l’aidant est d’éclairer, soutenir, apporter suffisamment de chaleur et de compréhension, pour que l’aidé se sente assez fort pour faire face à la situation, afin qu’il puisse s’entendre pour avoir accès avec lui-même.

Pour cela, il doit considérer l’autre dans sa globalité et dans son individualité d’être singulier, avec sa culture, ses émotions, ses valeurs et ses représentations. Il s’agit de pénétrer sans effraction dans son cadre de référence.

La relation d’aide consiste à :




• se préparer à le recevoir ;


• donner une place à l’autre ;


• le considérer tel qu’il est, pour le comprendre dans ce qu’il vit, ressent et dit.

Cette prise en compte est sans doute la condition de base à toute rencontre, à toute relation avec l’Autre.


Pas de relation d’aide sans transfert



En coaching, ces attaques maniées par le transfert négatif mettent également à l’épreuve les capacités d’écoute du coach et ses capacités d’accueil inconditionnel du coaché. Le coach doit alors absolument trouver le moyen de garder le contact et ne pas chercher à s’identifier aux processus régressifs du coaché.

Le coach peut devenir dans les rêves et dans les fantasmes de son client une sorte d’« objet transitionnel ». Par ce terme, Winnicott dénommait le doudou du bébé (pas forcément une peluche) qui dans la petite enfance est le symbole du soi de l’enfant et de son partenaire extérieur à lui. L’objet transitionnel rend compte de l’union chez l’enfant de son monde intérieur et du monde extérieur. Deux entités étrangères peuvent donc être représentées en une seule instance. Dans la pratique du coaching, le coach n’est pas seulement l’image d’une réalité qui se transforme dans le personnage du coach pour s’approcher du coaché, il peut aussi représenter le coaché dans la figure du coach pour s’approcher de la réalité.


La force subversive de l’inconscient est sans cesse en mouvement dans le désir de l’un et de l’autre. « Vous me dites ça » mais en fait « Je ne sais pas ce que vous attendez de moi » (interrogation du désir de l’Autre), et en même temps « Je me demande ce que je veux » (interrogation de mon désir en tant qu’Autre), finalement je demande « qui est je » et même « qu’est je ». Ainsi le transfert en coaching convoque la dimension de la vérité de la parole du coaché et plus encore que la vérité de son énoncé, c’est la cause de ce qu’il énonce qu’il cherche à saisir. Pour ce faire, le coach doit être capable de jouer le mort. C’est son abnégation qui autorise au coaché de se parler et de faire parler son inconscient.


La relation d’aide, une posture d’accueil de l’autre


La relation d’aide ne peut s’instaurer sans se fonder sur de solides principes de communication et sans mettre en jeu les habiletés et les attitudes inhérentes à celle-ci. Les attitudes nécessaires à une relation d’aide de qualité sont de deux ordres : les facilitantes et les élaboratrices.


Attitudes facilitantes


Il s’agit essentiellement de l’écoute active. Elle repose sur trois facteurs : l’engagement, la disponibilité et l’ouverture. La simple mise en présence est engageante. L’écoute active renforce le sentiment d’engagement. Elle qualifie la disponibilité accordée à l’autre. Cependant vouloir se rendre disponible ne suffit pas, encore faut-il savoir écouter. Cela s’apprend, s’éduque ou se travaille et cela prend du temps. L’esprit d’ouverture est la capacité d’accepter la différence. C’est un mélange subtil d’attention et de concentration. Il s’agit « d’être centré sur », c’est-à-dire sonder, analyser, observer, interpréter, sentir, comprendre ; et il faut « partir de », c’est-à-dire questionner, clarifier, recadrer, reformuler, zoomer, confronter.


Attitudes élaboratrices


Considération positive. Ce sentiment d’estime de l’autre implique une acceptation sans jugement, c’est-à-dire un accueil qui fait percevoir à l’aidé que, quel que soit son état physique ou psychologique, l’aidant est là pour lui. En effet, dès lors qu’une personne se sent acceptée, elle commence à changer.

Respect chaleureux. La personne reconnaît dans l’autre une personne investie d’une dignité et d’une valeur infinie. Elle croit aussi en ses capacités de prises de décision et de choix de vie, car elle est la mieux placée pour savoir ce qui est bon pour elle. Le respect c’est aussi la déférence due à tout individu.

Compréhension empathique. L’empathie se situe à un niveau profond de compréhension qui dépasse le problème lui-même et rejoint l’aidé dans sa façon de vivre la difficulté, en même temps qu’elle en saisit les raisons. C’est la faculté de s’identifier à l’autre, de ressentir ce qu’il ressent. Il s’agit d’aller au-delà des faits pour s’ouvrir à la façon dont l’autre ressent les choses, s’intéresser à lui dans son problème. Cette démarche ne souffre pas le jugement de valeurs.

Authenticité. C’est la capacité de l’aidant à rester lui-même à travers la relation d’aide. À partir du moment où une relation de confiance s’est instaurée entre les deux protagonistes, l’aidant peut exprimer un désaccord avec honnêteté, c’est-à-dire qu’il demeure en phase avec ses propres sentiments sans se retrancher derrière des techniques communicationnelles.



Examen clinique de la relation d’aide en coaching


Dans le cas d’une pathologie psychologique avérée, la thérapie consiste à « réparer les dégâts » causés par les aléas de la vie. Les capacités du sujet sont trop inhibées par sa préoccupation restauratrice de lui-même pour envisager une réalisation personnelle autre que son mieux-être.

A contrario, dans le cas d’une recherche de pleine réalisation, l’individu va énergiquement actionner tous les leviers dont il dispose et, au besoin, solliciter une aide extérieure. Aide qui peut se traduire par une demande de coaching.

La frontière, nous l’avons dit, entre thérapieRelation d’aidethérapie et coaching est ténue. Les discriminants peinent à dissocier clairement l’un de l’autre. Le mot thérapeute participe grandement à la confusion. Le dictionnaire Larousse (1983) définit le terme de thérapeute comme un mot générique désignant les personnes qui ont pour fonction de prendre soin des autres, quelles que soient les techniques utilisées. (Les récentes éditions ont fait disparaître l’essence étymologique du mot.) Le thérapeute, comme le coach, n’a pas d’obligation de résultats. L’un et l’autre doivent agir en utilisant tous les moyens qu’ils ont à leur disposition, au vu de l’état des connaissances actuelles. Le thérapeute vise la guérison du patient et le coach l’atteinte des objectifs du coaché.

Le thérapeute dans la mythologie grecque est le therapon. Il prend la forme d’un écuyer qui choisit et fourbit les armes du chevalier prêt à guerroyer. Il en est différemment en coaching. Le coach ne choisit pas les armes du coaché, pas plus qu’il ne les fourbit. La perception qu’il a de la situation du coaché ne l’autorise à aucune décision par procuration.

Si la thérapie inscrit soigné et soignant dans un combat, c’est parce qu’il faut éradiquer l’envahissement morbide. Dans le coaching, coaché et coach ne livrent aucun combat. Certes, il arrive que coaché et coach se livrent l’un à l’autre, dans un mouvement pacifique d’exploration résolutoire d’une situation qui pose problème.

La relation d’aide revêt des réalités plurielles. Le coaching n’est pas une thérapie. Nonobstant, coaching et thérapie sont tous deux des relations d’aide.

Lenhardt [51] considère que la relation d’aide en coaching se rapproche du mouvement intégratif. Il s’efforce « de trouver des ponts entre les théories [qu’il] compare, retenant de telle ou de telle ce qui [lui paraît] utile pour définir des bases communes, soit dans la méthode, soit dans les fondements théoriques, soit dans les modèles du changement » [21]. En ce qui concerne le mouvement intégratif, Lenhardt accepte l’idée qu’il obère la nature essentielle de certaines théories, du fait d’inadéquations de méthode, voire de franche contradiction conceptuelle.


Si comme monsieur Tout le Monde, nous faisons tous, aux dires de Lenhardt [51], de la relation d’aide, vient un moment où il faut poser le problème de la nature de la relation d’aide. Qu’est-ce que la relation d’aide ? Quels sont les liens entre aide et autonomie, et aide et dépendance ? Qu’est-ce qui caractérise la relation d’aide professionnelle en coaching ?

Il faut commencer par reconnaître que ces questions d’autonomie et d’indépendance sont toujours à relativiser. Personne n’est pleinement autonome, ni totalement indépendant. Freud, dans une de ses correspondances à Fliess, expliquait que la dépendance toxicologique masquait une impossible séparation enfant–parents, en créant l’illusion de la permanence du lien filiatif. Freud, lui-même cocaïnomane, et fumeur de gros cigares (il mourut rongé par un cancer de la gorge), savait de quoi il parlait. D’ailleurs, le sujet de la dépendance dans son œuvre est abordé essentiellement sous l’angle psychosexuel. L’addiction, en termes de conduite pathologique de dépendance psychoaffective, reste une question sensible pour lui.

Il est à noter que Freud a entretenu une longue et riche correspondance avec Fliess. Ce dernier lui a permis d’éclairer, par des apports physiologiques, des soubassements psychopathologiques encore inconnus de Freud. L’un et l’autre, fortement liés par l’échange de connaissances, sont parvenus à s’entendre, jusqu’au moment où cette relation d’aide s’est arrêtée brutalement. La dissymétrie des connaissances, qui permettait jusqu’alors la réciprocité, n’a pas tenu face à la divergence probante sur certains points théoriques psychanalytiques. Freud en rupture (registre du factuel) d’amitié avec Fliess, lui expliquera que la psychanalyse, pour exister, doit rompre avec les influences physiologiques, celles-là même que prône Fliess. En d’autres termes, Freud prend prétexte de l’indépendance de la psychanalyse, pour se séparer (registre du psychique) d’avec Fliess (pour la petite histoire les recherches de Fliess étaient en certains domaines si avancées qu’elles ne purent que gêner Freud), et se tourne vers Bleuler, psychiatre, mais surtout… physiologiste.

Toute relation humaine effective présente au fond une dimension, forte ou discrète, de relation d’aide, avec tous les phénomènes de dépendance et les difficultés de séparation que cela implique. Il faut garder ici à l’esprit que la relation de dépendance peut parfaitement être symétrique. Toutefois, la dissymétrie structurelle de la relation, comme entre Fliess et Freud, n’interdit en rien par ailleurs une réciprocité de la dépendance dans la relation d’aide.


La personne aidée est impliquée personnellement, en profondeur, dans cette aide reçue ou demandée, articulée à ses défaillances particulières, parfois intimes. La personne aidante est nécessairement plus impliquée que si elle administrait la norme sociétale ordinaire. La question fondamentale, qui est soulevée en filigrane, est d’identifier quel professionnel de relation d’aide est plus à même d’accueillir ce type de personne à aider.

La nature même de la relation d’aide étant ainsi définie, il n’est à l’évidence pas question d’éviter la dépendance : il n’y a pas de relation d’aide sans dépendance, sans besoin de cette aide spécifique. La dépendance est d’abord un critère de la nécessité de l’aide, avant d’en être éventuellement une limite en psychothérapie, et assurément la limite en coaching.

Une relation d’aide, loin de devoir d’abord se préoccuper d’éviter la dépendance, doit au contraire commencer le plus souvent par un travail pour « faire émerger et évacuer » la dépendance. Il s’agit de « travailler la demande » comme on dit, pour pouvoir ensuite articuler convenablement une aide à cette demande, hors lien de dépendance (porte d’entrée aux formes de pouvoir en tous genres). C’est toujours la dépendance passée qui permet la séparation à venir, l’aide bienveillante reçue qui prépare la capacité future d’autonomie.


Alors, la vraie question n’est donc pas de savoir comment éviter la dépendance, mais de savoir comment la dépasser, pour qu’elle devienne productrice, au bout du compte, d’autonomisation. Ce qui est une autre façon de poser la question des conditions d’une relation d’aide efficace.

Du point de vue psychologique, l’essentiel est de souligner que la relation d’aide est autonomisante dans la mesure où elle est intériorisable. Il faut probablement, parfois, accompagner le processus d’intériorisation des aides reçues, par des encouragements d’appropriation, en prescrivant par exemple, comme dans le coaching, des tâches. Il importe également pour l’aidant de gérer sa propre dépendance à l’aide apportée, tant il est gratifiant de se sentir aimé, d’être, même l’espace d’un court instant, le bon objet. Il n’est pas question que de quantité ou de qualité, il est aussi question de la conception qu’a l’aidant professionnel de son rôle dans l’indépendance autonomisante du client.





• une défaillance de la personne qui restreint son autonomie, en limitant sa capacité à répondre aux exigences ordinaires du cadre social commun ;


• cette défaillance intime induit un besoin d’aide ;


• ce besoin particulier, articulé aux problèmes spécifiques de la personne, enclenche une personnalisation de la réponse.

Pratiquer la relation d’aide, c’est mettre en œuvre un processus résolutoire avec une entrée, la demande d’aide, un corpus analytique, la déproblématisation, et une sortie, la transposition opérationnelle. Pour traverser ces étapes, il est préférable que l’aidé soit conscient du problème, et qu’il consente a minima, implicitement dans un contexte de psychothérapie et explicitement en situation de coaching. La relation d’aide n’est pas une conversation amicale où on se fait part de ses préoccupations respectives.

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May 6, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on Le coaching, une relation d’aide à part entière

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