12. Laparoscopie
12.1. Colorectale
Évaluer le degré de difficulté de la chirurgie colorectale laparoscopique
Jamali FR, Soweid AM, Dimassi H, Bailey C, Leroy J, Marescaux J.
Evaluating the degree of difficulty of laparoscopic colorectal surgery. Arch Surg 2008 ; 143 : 762-7.
Les indications de chirurgie laparoscopique se sont accrues avec le temps, les chirurgiens gagnant en dextérité. L’approche laparoscopique en chirurgie colorectale a cependant connu un développement plus lent que dans les autres indications, notamment du fait des difficultés techniques mais aussi du fait des risques carcinologiques mis en avant au départ. Le but de l’étude était de quantifier la difficulté globale et la difficulté de chaque étape de l’exécution de différentes résections colorectales laparoscopiques. L’idée est que les données puissent servir comme guide aux chirurgiens en début d’expérience en chirurgie colorectale laparoscopique et permettent d’identifier les types de résection (colectomie droite, colectomie gauche…) et les étapes de ces résections à valider en premier, de façon à ce qu’ils acquièrent une expérience progressive. Une enquête postale a été réalisée auprès de 35 chirurgiens colorectaux laparoscopiques. En utilisant une échelle de 1 à 6, il était demandé aux chirurgiens de classer le degré global de difficulté de chacune des 12 étapes de la colectomie laparoscopique. Chaque type de résection était ensuite décomposé en étapes clés (exposition, isolement du pédicule vasculaire, dissection de la pièce et anastomose) et les évaluateurs devaient grader individuellement chacune de ces étapes pour chaque type d’intervention. Un score de difficulté globale était alors créé pour chaque type d’intervention, ainsi qu’un score de difficulté de chacune des étapes de ces interventions. Le taux de réponse a été de 80 %, représentant l’expérience d’environ 6335 résections colorectales laparoscopiques. Selon le score de difficulté globale, la colectomie sigmoïdienne a obtenu le plus faible score composite de 2,0, alors que le rétablissement de Hartmann a obtenu le score le plus élevé de 4,5. En analysant les scores de complexité par étapes, la mobilisation de l’angle colique gauche obtenait le score le plus élevé devant la mobilisation rectale. La dissection vasculaire obtenait un score significativement plus élevé dans la colectomie droite que dans la sigmoïdectomie, de même que l’anastomose intra- versus extracorporelle pour la colectomie droite.
Les auteurs concluent que la courbe d’apprentissage de la résection colorectale laparoscopique est difficile et que ces données peuvent les aider dans la partie initiale de cet apprentissage et leur permettre de mettre en place un apprentissage progressif. Elles devraient permettre d’identifier des objectifs à atteindre et de développer des stratégies visant à réduire la durée opératoire et à améliorer le devenir des patients en améliorant la sélection des candidats.
Avec la publication récente de plusieurs essais randomisés confirmant la faisabilité et la sécurité de l’approche laparoscopique dans les pathologies bénignes et malignes colorectales [1], il est attendu que la demande en chirurgie colorectale laparoscopique va exploser, d’où la nécessité d’un apprentissage adapté.
Cette enquête suggère, ce que l’on veut bien croire, que la libération de l’angle colique gauche et la colectomie transverse laparoscopique font partie des étapes ou interventions les plus difficiles techniquement, de même que le rétablissement de Hartmann (en raison des adhérences et de la mobilisation de l’angle gauche).
Cette étude ne prend pas en compte l’impact de l’indice de masse corporelle, du type de pathologie (bénigne ou maligne), d’éventuelles interventions antérieures, du type d’instrumentation, ou d’une chirurgie cœlio-assistée. De plus, la subjectivité des réponses faites par les experts peut être mise en cause.
Référence
[1] Arch Surg 2007 ; 142 : 298–303.
Survie à long terme après colectomie laparoscopique versus ouverte pour cancer
Colon Cancer Laparoscopic or Open Resection Study Group.
Survival after laparoscopic surgery versus open surgery for colon cancer : long-term outcome of a randomized clinical trial. Lancet Oncol 2009 ; 10 : 44-52.
La chirurgie laparoscopique pour cancer du côlon a été démontrée comme faisable, mais la question de la survie à long terme reste discutée. Le but de l’essai COLOR était de comparer la survie sans récidive (SSR) à trois ans et la survie globale (SG) après colectomie laparoscopique versus ouverte pour cancer. De 1997 à 2003, 1248 patients, issus de 29 centres européens, avec cancer unique du côlon droit ou gauche et indice de masse corporelle d’au plus 30 kg/m2 ont été randomisés entre chirurgie à visée curative par voie laparoscopique (groupe L, n=627) ou voie ouverte (groupe O, n=621) avec un design de non-infériorité. Le critère de jugement principal était la SSR à trois ans avec une limite de non-infériorité entre les deux groupes fixée au départ à 7 %. Les objectifs secondaires étaient la morbidité, la mortalité, le nombre de marges positives, le taux de récidives locales, le taux de récidives pariétales et les pertes sanguines peropératoires. Après randomisation, 172 patients ont été exclus, principalement du fait de métastases à distance ou de maladie bénigne, soit un total de 1076 patients éligibles. Après un suivi médian de 53 mois, la morbidité, la mortalité, le taux de marges positives, le nombre de ganglions enlevés (nombre moyen de dix) étaient similaires entre les deux groupes. La SSR à trois ans tous stades confondus, était de 74,2 % dans le groupe L contre 76,2 % dans le groupe O (p=0,7). La différence de SSR à trois ans était de 2 % (IC 95 %=3,2–7,2). Le hazard ratio (HR) pour la SSR (O contre L) était de 0,92 (IC 95 %=0,74–1,15). La SG à trois ans était de 81,8 % dans le groupe L contre 84,2 % dans le groupe O (p=0,45), avec une différence de SG à trois ans de 2,4 % (IC 95 %=2,1–7,0 ; HR=0,74–1,22).
Les auteurs concluent que la différence de SSR entre les deux groupes est faible et probablement acceptable, justifiant donc l’implantation de la laparoscopie dans la pratique quotidienne. D’autres études devront examiner si la laparoscopie est supérieure à la voie ouverte dans cette indication.
Cet essai confirme les résultats de la méta-analyse publiée, ne montrant pas de différence significative à trois ans en termes de SSR et de SG entre voie laparoscopique et voie ouverte dans le traitement à visée curative du cancer du côlon, avec un taux de conversion un peu inférieur (17 %) dans 50 % des cas pour une tumeur T4 [1].
Certaines études ont suggéré une survie meilleure après exérèse laparoscopique, notamment pour les petites tumeurs [2] ou pour les tumeurs avec envahissement ganglionnaire [3]. Ces études présentant des biais majeurs, cette hypothèse devra être testée dans des essais ultérieurs.
Références
[2] Arch Surg 2007 ; 142 : 298–303.
[3] Arch Surg 2008 ; 143 : 832–9.
[4] Lancet 2002 ; 359 : 2224–9.
Coloproctectomie totale avec anastomose iléo-anale cœlio-assistée ou par voie ouverte : résultats d’une étude cas-témoins
El-Gazzaz GS, Kiran RP, Remzi FH, Hull TL, Geisler DP.
Outcomes for case-matched laparoscopically-assisted versus open-restorative proctocolectomy. Br J Surg 2009 ; 96 : 522-6.
L’approche laparoscopique ayant montré son intérêt dans les colectomies [1-3], il était licite d’évaluer son intérêt dans des indications plus rares comme l’AIA pour rectocolite hémorragique ou polyadénomatose familiale (PAF).
Ces résultats confirment globalement ceux publiés, notamment une large série comparative de 300 patients [4] et un essai randomisé de 60 patients [5], avec une morbi-mortalité et des résultats à long terme équivalents entre les deux approches. On aurait pu attendre une meilleure qualité de vie après approche laparoscopique, non retrouvée ici probablement du fait de l’impact prépondérant des résultats fonctionnels à long terme sur cette qualité de vie.
La principale critique qui pourrait être faite à ce travail est la variété des techniques utilisées dans le bras cœlio-assisté, amenant à une comparaison plus délicate.
Mots clés : Côlon ; Rectum ; Anastomose iléo-anale ; Laparoscopie
Références
[1] Lancet 2005 ; 365 : 1718–26.
[2] Lancet Oncol 2005 ; 6 : 477–84.
[3] N Engl J Med 2004 ; 350 : 2050–9.
[4] Ann Surg 2006 ; 243 : 667–72.
[5] Ann Surg 2004 ; 240 : 984–92.
Comparaison des résultats oncologiques à long terme des résections rectales pour cancers réalisées par cœlioscopie ou par laparotomie
Laurent C, Leblanc F, Wütrich P, Scheffler M, Rullier E.
Laparoscopic versus open surgery for rectal cancer : long-term oncologic results. Ann Surg 2009 ; 250 : 54-61.
Si plusieurs essais contrôlés et une méta-analyse ont montré que pour une exérèse rectale pour cancer les résultats oncologiques à court et moyen termes de la cœlioscopie sont comparables à ceux de la laparotomie [1,2], il existe peu de données sur les résultats à long terme. Les auteurs ont donc comparé de façon rétrospective les résultats oncologiques à cinq ans de 233 malades opérés par laparotomie entre 1994 et 2000 (groupe laparo) et de 238 malades opérés par cœlioscopie entre 2000 et 2006 (groupe cœlio) dans leur centre. Les malades qui avaient une tumeur T4 fixée ont été exclus de l’étude. La mortalité opératoire était de 2,6 % dans le groupe laparo et de 0,8 % dans le groupe cœlio. De même, il n’y avait pas de différence entre les deux groupes pour la morbidité opératoire (38 % vs 32 %, ns). Dans le groupe cœlio, le taux de conversion était de 15 %. Le taux de résection R0 était de 92 % en laparotomie et de 92 % en cœlioscopie (ns). Le suivi médian était de 52 mois. Le taux de récidive locale était de 5,5 % dans le groupe laparo et de 3,9 % dans le groupe cœlio (ns). Le taux de survie globale à cinq ans était significativement meilleur dans le groupe cœlio que dans le groupe laparo (83 % vs 72 % ; p=0,03). Le taux de survie sans récidive à cinq ans était de 79 % dans le groupe laparo et de 82 % dans le groupe cœlio (ns). En analyse multivariée, les facteurs de mauvais pronostic étaient l’âge, le stade tumoral, une résection R1, la survenue d’une complication et la voie ouverte. Dans le groupe cœlio, il n’y avait pas de différence à cinq ans entre les 36 malades ayant eu une conversion et les 202 malades ayant eu toute la procédure sous cœlioscopie en ce qui concerne les taux de récidive locale (3,5 % vs 3,6 %), de survie sans récidive (79 % vs 83 %) et de survie globale (91 % vs 93 %).
Les auteurs concluent que pour la réalisation d’une exérèse rectale pour cancer, la cœlioscopie permet d’obtenir des résultats oncologiques à cinq ans semblables à ceux de la laparotomie. Au cours de la cœlioscopie, une conversion en laparotomie n’a pas d’effet délétère sur les résultats oncologiques.
Les auteurs sont très timorés dans leur conclusion puisque les résultats de cette étude suggèrent que la cœlioscopie donne des meilleurs résultats à long terme que la laparotomie. En réalité, il est très probable qu’il n’y ait pas de différence entre les deux voies d’abord pour les résultats oncologiques à long terme, les deux populations de malades n’étant pas comparables initialement dans cette étude rétrospective avec comparaison historique. En effet, les malades du groupe laparo avaient plus de comorbidités, avaient reçu moins de radiothérapie préopératoire (alors que leur tumeur était de même stade tumoral) et enfin ont bénéficié plus fréquemment d’une amputation abdominopérinéale (alors que les tumeurs étaient plus haut situées).
Du fait de ces biais méthodologiques, ce travail montre surtout que la prise en charge a progressé avec le temps et qu’entre 2000–2006, les cancers du rectum ont été mieux traités qu’entre 1994–2000.
Le message intéressant est que la conversion en laparotomie ne semble pas avoir d’effet délétère sur les résultats oncologiques à long terme. Mais là encore, on ne sait pas si les malades convertis étaient comparables aux malades ayant eu toute la procédure sous cœlioscopie.
Mots clés : Rectum ; Cancer ; Laparotomie ; Cœlioscopie ; Résultat oncologique
Références
[1] Eur J Surg Oncol 2008 ; 34 : 1135–42.
[2] J Clin Oncol 2007 ; 25 : 3061–8.
Chirurgie laparoscopique versus voie ouverte dans le cancer du rectum : résultats d’un essai contrôlé
Lujan J, Valero G, Hernandez Q, Sanchez A, Frutos MD, Parrilla P.
Randomized clinical trial comparing laparoscopic and open surgery in patients with rectal cancer. Br J Surg 2009 ; 96 : 982-9.
Les auteurs rapportent les résultats d’une étude contrôlée sur 204 patients consécutifs porteurs d’un cancer du moyen ou du bas rectum, randomisés entre voie ouverte (groupe O, n=103) et voie laparoscopique (groupe L, n=101). Les patients stades II (36 %) et III (43 %) avaient reçu une radiochimiothérapie néoadjuvante. Les interventions étaient une résection antérieure avec exérèse totale du mésorectum (78,6 % groupe O versus 76,2 % groupe L) ou une amputation du rectum (21,4 % versus 23,8 %, respectivement). Une iléostomie de protection était réalisée chez 60,8 % des patients ayant eu une anastomose colorectale. Le taux de conversion était de 7,9 % dans le groupe L lié à des difficultés techniques principalement. Le temps opératoire était plus long dans le groupe L (p=0,02), surtout en cas de résections antérieures. Le délai moyen de suivi était de 34 mois. Le taux de complication était semblable dans les deux groupes soit 34 patients (33 %) dans le groupe O et 34 (33,7 %) dans le groupe L, avec des taux de fistule de 12 % versus 6 %, d’infection périnéale de 32 % versus 25 %, d’infection urinaire de 4,9 % versus 6,9 %, respectivement. La mortalité postopératoire était de 2,9 % versus 1,9 %, respectivement. Le taux d’envahissement de la marge de section était semblable dans les deux groupes (trois patients versus quatre, respectivement), mais le nombre de ganglions sur la pièce était plus élevé dans le groupe L (13,5 versus 11,6, p=0,02). Aucune différence n’était notée pour la survie globale à deux ans (89 % groupe O versus 91 % groupe L) et à cinq ans (75 % groupe O versus 72 % groupe L), pour la survie sans récidive à deux ans (89 % versus 91 %, respectivement), pour la récidive locale (1,5 % versus 2 % à deux ans et 5,3 % versus 4,8 % à cinq ans, respectivement).