16. Dispositifs de Soins
A. Bécache
Présente derrière la souffrance, la demande d’aide, explicitement formulée ou non, réclame pour être efficacement soulagée des mesures adaptées:
– À la diversité des besoins des malades et de leurs familles: enfants, adultes, personnes âgées.
– À la diversité des pathologies individuelles: névroses, psychoses, états limites, perversion, malades psychosomatiques.
– À l’évolution même des troubles: crises aiguës, traitement à long terme, réaménagement des modalités d’existence.
C’est dire qu’entre le colloque singulier et l’hospitalisation en service spécialisé peuvent trouver place de nombreuses institutions originales. Par leur conception, leur variété et leur nombre croissant, ces structures intermédiaires ont permis un progrès incontestable dans le traitement des malades atteints de troubles psychiques.
PANORAMA DES INSTITUTIONS
Il n’y avait naguère d’autres possibilités de soins qu’en traitement ambulatoire ou en hospitalisation complète. Après l’avènement de nouvelles thérapeutiques, avec l’augmentation du nombre des psychiatres et des psychologues, ainsi que la diminution du nombre des malades chroniques hospitalisés et l’extension de la pédo-psychiatrie, on a pu assister au cours des dernières années à une floraison d’initiatives ayant abouti à la création de nouvelles modalités et de nouveaux lieux de soins qui ont pris place à côté des structures traditionnelles.
Nous allons tenter de donner un aperçu de l’ensemble des moyens et institutions, tant publics que privés, dont nous disposons.
Pour les adultes
Lieux de soins
❐ Consultation
Des consultations peuvent aussi se tenir dans d’autres lieux, comme les bureaux d’aide psychologique universitaire, ou à la demande, dans des établissements dont la vocation première n’est pas psychiatrique, comme des établissements de long séjour ou des services hospitaliers non psychiatriques, réalisant ainsi une psychiatrie de liaison prenant en compte la composante psychologique de certaines affections somatiques lourdes (traumatologie, gynécologie, cancers, sida…).
❐ Hospitalisation à temps plein
La nature même des troubles nécessite à un moment donné une hospitalisation à temps plein, qui s’avère être une mesure parmi d’autres dans la thérapeutique du malade. Cette hospitalisation survient comme un temps nécessaire à l’instauration de soins psychiatriques, ou comme réponse à une situation urgente de crise avec l’entourage.
La durée peut en être extrêmement variable. Le temps est révolu où l’hospitalisation à temps plein laissait présager une hospitalisation de longue durée. Une psychose au long cours entraîne maintenant le plus souvent, au lieu d’une hospitalisation de durée prolongée, plusieurs hospitalisations de durée plus brève. En témoignent les chiffres révélant le raccourcissement des séjours, la diminution sensible de la masse totale des journées d’hospitalisation, l’augmentation des admissions (et réadmissions).
L’hospitalisation à temps plein, qui représentait en 1998 aux alentours de 68 700 lits (soit 21% du total des lits d’hospitalisation en France) peut s’effectuer en divers établissements de statut public ou privé.
• Pour les établissements de statut privé
– Les cliniques privées, conventionnées ou agréées par la sécurité sociale, offrent près de 20 000 lits, le plus souvent sous forme de placement libre.
– Quelques services hospitaliers psychiatriques ont été créés par des organismes privés dans le cadre d’un dispositif de lutte contre les maladies mentales au profit de certains groupes socio-professionnels: Fondation Santé des Étudiants, Mutuelle Générale de l’Éducation Nationale (MGEN) dont l’établissement en région parisienne participe par convention à l’exécution du service public hospitalier.
• Pour les établissements publics qui disposent de 50 000 lits environ
Ce sont:
– Les services psychiatriques des hôpitaux généraux, tels que centres hospitalo-universitaires (C.H.U.), centres hospitaliers régionaux (CHR), hôpitaux des armées (pour les militaires de carrière ou de réserve et les ayants-droits);
– Les centres hospitaliers spécialisés (C.H.S.), naguère hôpitaux psychiatriques, qui comprennent la majeure partie des lits d’hospitalisation.
À côté des admissions libres qui se font comme dans tout autre service hospitalier, la loi du 27 juin 1990 prévoit lors des hospitalisations sans consentement du malade des modalités particulières pour les hospitalisations à la demande de tiers ou pour les hospitalisations d’office. Elle précise aussi les droits des malades et institue une commission départementale spécifique.
L’hospitalisation à temps plein doit permettre des prises en charge différenciées, quelle que soit l’hétérogénéité des malades et de leurs pathologie: état aigu, affection au long cours, placement sous contrainte. Dans tous les cas, la qualité de l’accueil, des soins, tant psychiatriques que somatiques, et de l’hôtellerie doit répondre aux besoins propres à chacun des malades.
• Cas particuliers
Des problèmes particuliers se posent pour plusieurs catégories de malades. Des moyens spécifiques sont prévus pour les alcooliques, les toxicomanes, les malades dangereux, les malades détenus.
Les alcooliques dangereux. Si certaines manifestations psychiatriques de l’alcoolisme chronique doivent être traitées comme des troubles relevant d’autres facteurs étiologiques (un délire de jalousie par exemple), il arrive que des patients présentant des troubles du comportement sous l’empire de l’alcool récusent le bien-fondé d’une hospitalisation en milieu psychiatrique pour y être soignés. La loi du 15 avril 1954 avait envisagé une série de mesures pour pouvoir traiter les alcooliques dangereux pour autrui: signalement, enquête sociale, expertise, commission départementale, obligation de soins, création d’institutions spécialisées pour alcooliques dont finalement peu ont vu le jour, restreignant par là-même l’efficacité de cette loi.
Les toxicomanes. La loi du 31 décembre 1970 a édicté des mesures pouvant contraindre un toxicomane faisant l’objet d’un signalement à se placer sous surveillance médicale pour être suivi par une équipe médico-psycho-éducative, ou à effectuer une cure de désintoxication dans un établissement agréé choisi par l’intéressé ou, à défaut, désigné d’office. La direction départementale de l’action sanitaire et sociale (D.D.A.S.S.), informée des données du traitement, en contrôle de déroulement et en informe le Procureur, si celui-ci est à l’origine du signalement. Pour cette clientèle réputée particulière, certaines unités spécialisées ont été créées afin d’espérer répondre à des besoins considérés comme spécifiques sur le plan psychologique, médical ou social: lits de sevrage, prise en charge communautaire avec hébergement, traitements de substitution (méthadone, par exemple).
Les malades difficiles. En principe, chaque secteur de psychiatrie doit pouvoir disposer d’un lieu d’accueil et de traitement approprié pour tout malade hospitalisé d’office, c’est-à-dire dont les troubles compromettent l’ordre public ou la sûreté des personnes. Mais certains malades se montrent particulièrement dangereux et ne peuvent être gardés et soignés dans un service habituel de psychiatrie dont ils débordent rapidement les possibilités de sécurité. Il s’agit de malades agités qui présentent des réactions destructrices et constituent un élément de perturbation constante dans les services où ils sont placés, ainsi que de malades difficiles qui présentent un état dangereux, certain ou imminent, incompatible avec leur maintien dans une unité d’hospitalisation classique. Pour de tels malades, près de 400 lits sont disponibles dans des unités pour malades difficiles (U.M.D.) réparties dans quatre établissements: Cadillac (Gironde), Sarreguemines (Moselle), Montfavet (Vaucluse) et Villejuif (Val-de-Marne). C’est une Commission de suivi médical qui propose la fin du séjour dans de telles unités et le retour des malades dans leur service d’origine lorsque l’amélioration obtenue le permet.
Les malades détenus. Le code de procédure pénale prévoit que les détenus en état d’aliénation mentale ne peuvent être maintenus dans un établissement pénitentiaire; ils relèvent alors d’une hospitalisation d’office en milieu psychiatrique ordinaire ou en U.M.D. Pour les autres détenus, la prévention, le diagnostic et les soins de leurs troubles sont assurés par les secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire, implantés dans les maisons d’arrêt de 26 villes. Le service médico-psychologique régional (S.M.P.R.) assure les consultations, des prises en charge à temps complet ou partiel, de jour ou de nuit, et dispose d’ateliers thérapeutiques. Ces services possèdent une antenne de lutte contre les toxicomanies, pour le dépistage et l’action socio-éducative à mener en vue de la réinsertion socio-professionnelle ultérieure. Certains ont aussi une antenne de lutte contre l’alcoolisme fonctionnant comme un centre d’hygiène alimentaire et d’alcoologie. Certains comportements violents, des agresseurs sexuels notamment, peuvent être accessibles à une médiation groupale grâce à un important travail d’équipe.
❐ Hospitalisation à temps partiel
• Hospitalisation de jour
Elle peut être réalisée dans un service hospitalier, où quelques places sont alors réservées à des malades qui viennent dans la journée pour y recevoir des soins et participer aux activités prévues dans le projet thérapeutique mis au point pour eux; ils rentrent chez eux tous les soirs, ainsi qu’en fin de semaine.
• Hôpital de jour extra muros
Établissement ayant une capacité d’accueil de 20 à 25 places en journées continues, il assure durant la journée (ou une partie de celle-ci) les traitements de malades adressés par leur médecin. En fait, la cohorte des malades traités est beaucoup plus importante puisque la fréquentation de l’hôpital de jour peut aller de quelques heures par semaine à 5 jours par semaine. C’est donc une centaine de patients qui sont pris en charge durant la semaine.
L’hôpital de jour offre à la disposition de l’équipe soignante un éventail assez large de méthodes thérapeutiques. Celles-ci consistent en:
– Entretiens individuels avec un ou plusieurs membres de l’équipe; des psychothérapies individuelles réglées en nombre limité en raison de leur longue durée peuvent être effectuées dans ce cadre.
– Groupe quotidien de discussion, ouvert à l’ensemble des patients et des soignants.
– Groupe hebdomadaire de discussion pour les malades hospitalisés.
– Groupes hebdomadaires de psychothérapie pour des patients ambulatoires continuant leur activité professionnelle le plus souvent.
– Groupe sociothérapique (club) un soir par semaine pour d’anciens malades.
– Thérapeutique à expression manuelle dans des ateliers de photographie, reliure, tissage, poterie, etc.
– Thérapeutique à expression graphique (dessin et peinture) ou musicale.
– Thérapeutique à expression corporelle.
– Thérapeutique à expression psychodramatique, individuelle ou en groupe.
– Relaxation individuelle ou en groupe.