Diagnostic

2. Diagnostic



CLINIQUE



Comment mener un examen clinique des seins?



L’interrogatoire, en particulier lors de la première consultation, doit recueillir un grand nombre de notions sur les antécédents et les facteurs de risque. De même, l’examen physique, mené dans plusieurs positions, de façon bilatérale, symétrique et comparative, sera effectué de façon aussi systématique.

Les principaux signes cliniques à rechercher comme étant particulièrement évocateurs d’un cancer sont les suivants :

À l’inspection, éventuellement à jour frisant, en position debout et assise, on recherchera la présence d’un méplat cutané, d’une inflammation localisée ou diffuse, d’une rétraction cutanée ou mamelonnaire d’apparition récente, d’une anomalie cutanée mamelonnaire, d’une asymétrie récente, d’un aspect de «peau d’orange», ou la présence de nodules dermo-épidermiques (nodules dits «de perméation»).

À la palpation, effectuée les doigts bien à plat, on recherchera l’existence d’un ou plusieurs nodules dont les caractères évocateurs de malignité sont les suivants :




• irrégularité, mauvaise limitation;


• adhérence cutanée ou profonde;


• consistance ferme voire dure;


• il importe de consigner la taille, la localisation et les principales caractéristiques cliniques de ce(s) nodule(s) sur un schéma :




la taille doit être mesurée de façon aussi précise que possible, en millimètres,


la localisation doit être effectuée en respectant la nomenclature usuelle : supéro-externe, supéro-interne, inféro-externe, inféro-interne, central ou rétro-aréolaire, axillaire. Par exemple, une lésion siégeant à la verticale du mamelon ne doit pas être décrite comme siégeant dans le quadrant inférieur, mais à l’union des quadrants inférieurs;


• existence d’un écoulement mamelonnaire d’autant plus évocateur qu’il serait uni-orificiel et sanglant ;


• présence éventuelle d’adénopathies par la palpation des creux axillaires en notant le cas échéant leur taille et leur mobilité.


L’ensemble de ces données cliniques permettra d’orienter l’étape diagnostique ultérieure après réalisation d’une mammographie et d’une échographie. Toutefois, le diagnostic éventuel de cancer du sein reste un diagnostic anatomopathologique : une hypothèse étiologique radioclinique doit impérati- vement être corroborée ou infirmée par une preuve histocytologique.


Que faire devant un écoulement mamelonnaire?


Un écoulement mamelonnaire doit faire la preuve formelle de sa bénignité ou de sa malignité. Avant tout, il faut déterminer 2 éléments-clefs :




• l’écoulement est-il uni- ou bilatéral?


• est-il ou non sanglant?

Un écoulement clair ou lactescent bilatéral est en général sans signification pathologique locale et engage à rechercher une hyperprolactinémie d’origine médicamenteuse ou endogène.

À l’opposé, un écoulement unilatéral, surtout si uni-orificiel et sanglant est a priori suspect et doit être exploré. Une pathologie maligne n’est retrouvée que dans 5 % des cas.


Clinique


Déterminer la position du galactophore responsable, en reproduisant l’écoulement par expression du sein. Noter cette position sur un schéma ou par notation horaire (important si l’écoulement venait à se tarir).

Faire un étalement sur lame du produit d’écoulement, fixer et envoyer au labo- ratoire comme un frottis ou une cytoponction (valeur d’orientation : aucune signification si négatif).


Imagerie


La mammographie conventionnelle : bien que non spécifique, l’association d’une zone nodulaire même banale ou d’un foyer de microcalcifications avec un écoulement uni-orificiel est suspecte, surtout si l’image se projette dans la zone présumée de l’origine de l’écoulement.

L’échographie : elle peut montrer une ectasie galactophorique et parfois une image intraluminale si l’appareil a une définition suffisante.

La galactographie : elle est de réalisation difficile, parfois douloureuse, et de contribution inconstante. Elle peut montrer une image d’amputation partielle ou totale de la lumière du galactophore.



Que faire devant une rétraction mamelonnaire?


La rétraction mamelonnaire est un symptôme hautement évocateur de cancer du sein, surtout si elle est unilatérale et d’apparition récente.

Elle engage à rechercher activement une lésion mammaire par les moyens habituels cliniques et radiologiques.

En cas de négativité, l’origine de la rétraction est souvent une pathologie inflammatoire chronique ancienne. Une surveillance très attentive est toutefois nécessaire pour ne pas méconnaître une lésion maligne débutante.

Dans le cas d’une rétraction sans caractère originellement pathologique prouvé, et en particulier dans les rétractions congénitales, il existe parfois une demande de correction, soit dans un but purement esthétique, soit en raison d’une gêne à l’allaitement. L’indication peut également provenir de l’existence de lésions de macération locale due à la rétraction.

Cette correction chirurgicale entraîne parfois une impossibilité d’allaitement car elle peut nécessiter une section de plusieurs canaux galactophores terminaux.


Qu’est-ce qu’un cancer inflammatoire?


En France, la définition d’un tel cancer est essentiellement clinique et correspond aux classifications PEV 2 et PEV 3.

Il s’agit d’une entité représentant de 5 à 10 % des cancers du sein, se caractérisant par une évolution rapide et agressive, dont le pronostic, dominé par lerisque métastatique, reste très sévère.

Les principaux éléments du diagnostic associent :


Le diagnostic anatomopathologique sera porté après biopsie le plus souvent à l’aiguille. Il s’agit généralement de carcinomes canalaires infiltrants de haut grade histopronostique (SBR III) et dont les récepteurs hormonaux sont en règle négatifs.


Principes thérapeutiques


Les carcinomes inflammatoires constituent une entité clinique tout à fait à part dans le cadre des tumeurs malignes du sein et doivent être considérés comme une maladie d’emblée générale imposant une chimiothérapie première. Il s’agit d’une urgence thérapeutique.

La séquence thérapeutique la plus consensuelle associe un protocole chimiothérapique d’induction comportant une association d’anthracycline et de taxane associée à du trastuzumab en cas de surexpression d’HER2 (environ 40 %) suivie d’un traitement locorégional associant la plupart du temps une mastectomie avec ou sans radiothérapie, complétées par une chimiothérapie adjuvante et une hormonothérapie ou du trastuzumab en fonction de l’expression des RH et d’HER2.

L’introduction de la chimiothérapie dans la stratégie thérapeutique a permis d’améliorer la survie sans récidive à 5ans des formes inflammatoires puisque de 5 % après traitement locorégional exclusif, elle se situe désormais aux environs de 40 à 50 %.

L’intérêt de traitements ciblés notamment anti-angiogéniques est en cours d’investigation dans cette indication.


IMAGERIE



Comment peut-on juger de la qualité d’une mammographie?


La mammographie est l’examen paraclinique de référence pour le diagnostic de cancer du sein.

La qualité d’une mammographie dépend de multiples facteurs : du type d’appareillage, du choix des couples film-écran, du traitement des films, de l’entretien du matériel, de la technique d’examen (positionnement, qualité de la compression, nombre d’incidences…), des conditions de lecture et de l’expérience de l’examinateur.

À l’exigence de qualité s’associe la nécessité de limiter autant que faire se peut la dose d’irradiation sans trop nuire à la qualité des images.

On pratiquera la mammographie de préférence en première moitié de cycle.

Les 2 clichés de référence par sein sont une face et un oblique externe. Ces clichés seront réalisés avec une compression efficace et non douloureuse du sein.





• chaque cliché doit être identifié, daté et bien marqué (Droit – Gauche – Face – Profil – Oblique – Externe – Haut – Bas);


• le cliché ne doit comporter aucun artefact (poussière, trace de doigt, émulsion arrachée) et un flou aussi réduit que possible;


• la pénétration des clichés doit être suffisante pour permettre de détecter des microcalcifications dans des zones denses;


• le contraste doit être de qualité afin de pouvoir distinguer les différentes structures composant le sein;


• les clichés doivent être rigoureusement symétriques;


• sur les clichés de face, le bord postérieur du film doit être le plus près possible de la paroi thoracique, et le côté externe du sein doit être bien tiré (le maximum de glande est situé dans le quadrant supéro-externe). La graisse rétromammaire doit être visible;


• sur les clichés de profil, le sillon sous-mammaire doit être visible et le mamelon saillant ;


• sur les clichés en oblique externe, le muscle grand pectoral doit être visible en haut et en arrière, avec un bord antérieur rectiligne;


• le compte rendu radiologique doit être complet, c’est-à-dire qu’il doit comporter un certain nombre d’indications positives ou négatives et une conclusion exploitable et au besoin directive;


• il est important de signaler que les nouveaux films utilisés en mammographie sont plus contrastés que les anciens et nécessitent des négatoscopes plus puissants, expliquant l’aspect trop «sombre» des clichés sur les négatoscopes traditionnels.


Contrôle de qualité


Les études qui ont été faites sur de nombreuses installations (États-Unis, Grande-Bretagne, Suisse, Hollande, etc.) ont montré de très importantes variations de qualité et de dose d’un centre à l’autre, même lorsque l’équipement est identique (variation de dose d’un à dix et de qualité du simple au double). Il paraît donc utile de prévoir un programme de contrôle de qualité de l’ensemble de la chaîne mammographique lors de la mise en route de l’installation, puis à intervalles réguliers portant sur la qualité des examens et la dose. La généralisation des campagnes de dépistage a permis, grâce à un cahier des charges très rigoureux, une progression très sensible de la qualité de cet examen.


À quel âge et avec quelle fréquence doit-on faire des mammographies?




Mammographie de dépistage individuel


En l’absence de facteur de risque particulier, il apparaît souhaitable de réaliser la première mammographie systématique de dépistage individuel à partir de 40ans. Les mammographies ultérieures seront ensuite réalisées environ tous les 2ans.

S’il existe un risque familial, on considère que la première mammographie doit être effectuée environ 5ans avant l’âge de l’apparition du cancer familial, puis environ tous les 2ans ou tous les ans. Cette fréquence et l’âge de début doivent être adaptés en fonction de la gravité du risque relatif personnel.

L’examen sera toujours bilatéral et comportera au minimum 2 incidences par sein (Face – Oblique externe).


Mammographies des campagnes de dépistage de masse


Le dépistage du cancer du sein comporte un examen clinique et une mammo- graphie comportant 2 incidences par sein (Face et Oblique externe) plus ou moins complétées par des incidences complémentaires (Profil, Localisé, Agrandissement). Les examens sont interprétés par le premier lecteur (radiologue ayant réalisé les clichés), et la conclusion doit comporter le résultat selon la classification BIRADS de l’American College of Radiology (ACR) pour chaque sein (cf. infra). En l’absence d’anomalie suspecte à la première lecture (ACR 1 ou 2), les clichés sont adressés au centre de dépistage départe- mental pour faire l’objet d’une seconde lecture. Si les deux interprétations sont concordantes, les clichés sont renvoyés à la patiente via le centre de radiologie initial. En cas de discordance, un troisième lecteur donne un avis sur la conduite à tenir (surveillance, explorations complémentaires, prélèvement histologique…) et renvoie la patiente vers le radiologue premier lecteur qui effectue le bilan complémentaire. En cas de lésion classée d’emblée ACR 3, 4, ou 5, la patiente est sortie du dépistage pour entrer dans le circuit «diagnostic» et est dirigée avec ses clichés vers son médecin traitant.



Quels sont les signes mammographiques d’un cancer du sein?


Il ne saurait être question ici de traiter l’intégralité d’une question aussi vaste, qui pourrait faire à elle seule l’objet d’un volumineux traité. Nous nous contenterons d’énumérer les éléments les plus classiques et les plus constants, en renvoyant le lecteur aux ouvrages spécialisés pour approfondir la question.

La lecture d’une mammographie doit se faire en comparant l’aspect des deux seins, mais également en comparant l’aspect actuel à celui des documents antérieurs. Il est donc important de demander aux patientes de conserver leurs mammographies et de les rapporter à chaque nouvel examen, l’idéal étant que les documents successifs soient issus de la même installation.

Les signes mammographiques du cancer du sein peuvent être évidents, mais ils sont parfois discrets, voire à la limite de la visibilité.

Certains cancers n’ont aucune traduction mammographique, particulièrement dans le cas de femmes jeunes, à seins denses ou mastosiques. L’échographie mammaire devant toute anomalie clinique sans preuve mammographique prend alors toute son importance.

Une anomalie mammographique devra être retrouvée sur deux incidences orthogonales afin d’éliminer des images construites et surtout de localiser l’image dans le sein.

Les aspects les plus fréquents sont les suivants :




l’opacité stellaire (fig. 2.1). C’est la traduction mammographique la plus classique du cancer du sein. Elle est constituée d’un centre dense associé à une collerette de spicules plus ou moins longues. La mesure des dimensions de la lésion est fondamentale car elle participe à la stratégie thérapeutique. On doit mesurer l’ensemble de la lésion en partant de son centre jusqu’à l’extrémité visible des spicules. On recherchera des microcalcifications intra- et extratumorales, un halo clair périlésionnel, un épaississement et/ou une rétraction cutanée en regard de la lésion, une désorganisation architecturale, des adénopathies axillaires à centre dense;








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Fig. 2.1
Surcroît d’opacité spiculé associé à des microcalcifications ACR 5 : carcinome canalaire infiltrant.



l’opacité nodulaire (fig. 2.2) arrondie ou ovalaire à contours réguliers ou non. Elle peut parfois simuler une lésion bénigne (carcinome médullaire). Elle peut également présenter un bord en queue de comète, correspondant à des spicules localisés. Une opacité à limites apparemment nettes doit faire recher- cher des signes évocateurs de malignité : densité élevée, perte partielle du contour, microcalcifications dans ou au voisinage de l’opacité;








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Fig. 2.2
Opacité non liquidienne ronde ou ovale aux contours lobulés ACR 4 : carcinome canalaire infiltrant grade SBR II.



la d.ésorganisation architecturale (fig. 2.3 A et B). Il s’agit d’une image d’interprétation relativement complexe, associant des aspects de désaxation et de convergence des travées fibreuses;








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Fig. 2.3
Surcroît de densité partiellement masqué par la glande à limite convexe A. persistant sur le cliché en compression, B. ACR 4 : carcinome canalaire infiltrant grade 1.



les microcalcifications. Elles peuvent être associées à une opacité tumorale ou à l’inverse être isolées, sans opacité tumorale et sans tumeur palpable.




Que faire devant une lésion classée ACR 3, 4 ou 5?



ACR 3 : lésion probablement bénigne


Une surveillance clinique et radiologique est recommandée, en l’absence de facteur de risque particulier et lorsqu’elle est possible. Le premier contrôle a lieu 4 à 6mois après la découverte de la lésion, puis à nouveau 4 à 6mois plus tard, (4mois pour les opacités, 6mois pour les microcalcifications), puis à 1 an avant de reprendre le dépistage normal tous les 2ans. En cas de modification des images, la lésion est alors classée ACR 5 en particulier en présence de microcalcifications évolutives. Elle doit alors faire l’objet d’une exérèse chirurgicale.



ACR 5 : lésion évocatrice de cancer


Une exérèse est indispensable, plus ou moins précédée d’un diagnostic histologique par techniques interventionnelles non chirurgicales afin de préciser la stratégie thérapeutique.

Jun 2, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on Diagnostic

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