33 Cryochirurgie
Introduction
La cryochirurgie est l’utilisation du froid dans un but de destruction d’un volume tissulaire cible préalablement défini. Elle impose un contrôle de la qualité de congélation, contrairement à la cryothérapie. Elle s’adresse principalement à des tumeurs malignes ou prémalignes. Son utilisation, ambulatoire, est simple, rapide et bien supportée par le patient. Les résultats cosmétiques sont très intéressants du fait de la qualité de la cicatrisation. Les résultats carcinologiques sont également très satisfaisants à condition de respecter les règles d’utilisation et les indications de ce traitement.
Mécanisme d’action de la cryolésion
La cryolésion
La réfrigération d’un tissu donné conduit, selon le mode d’application du froid, à sa préservation ou à sa destruction.
La destruction s’opère par la cristallisation de l’eau tissulaire. La formation de cristaux de glace, d’abord extra puis intracellulaire provoque la solidification en masse du milieu : c’est la congélation eutectique spécifique d’un tissu donné [1]. Ces cristallisations induisent surconcentrations ioniques, dénaturation d’enzymes nécessaires au métabolisme cellulaire, altérations membranaires et autres altérations délétères sur la cellule. La survenue de ces phénomènes physico-chimiques nécessite une congélation très brutale suivie d’un réchauffement lent pendant lequel des phénomènes de recristallisation de l’eau en excès majorent l’effet destructeur.
Parallèlement une réaction inflammatoire et des cryothromboses vasculaires, veinulaires puis artériolaires, participent à la destruction par une nécrose ischémique. Une réaction immune pourrait également être induite par la modification d’antigènes tissulaires [2].
Sensibilité au froid variable des différents constituants cellulaires de la peau
Si les mélanocytes sont les cellules les plus sensibles au froid, détruits dès -3 °C, les cellules glandulaires le sont vers -10 °C, les cellules nerveuses vers -20 °C, les kératinocytes normaux à -30 °C, les cellules tumorales entre -30 °C pour les carcinomes basocellulaires et -50 °C pour les carcinomes épidermoïdes. Les fibres de collagène et le cartilage sont, elles, très résistantes au froid.
Particularités de la cicatrice de cryochirurgie
Ce mode de destruction a pour corollaire une qualité de cicatrisation tout à fait particulière car proche du tissu normal. Les cicatrices sont souples, sans fibrose précoce ni retardée, y compris dans des zones difficiles comme les zones de jonction de plusieurs types de peau. Ceci permet une parfaite mobilisation d’un tissu cicatriciel totalement réutilisable secondairement.
La qualité de cette cicatrisation se confirme à l’examen anatomopathologique avec une distribution régulière de faisceaux de collagène fins et parallèles entre eux. Ainsi, Malt et al. ont comparé plusieurs modes de destruction avec une vérification histologique. Ils ont démontré qu’une cryolésion (30 secondes à -196 °C), une brûlure thermique (20 secondes à 100 °C), et une excision simple cicatrisaient différemment [3]. Dans la plaie de cryolésion, le phénomène de rétraction est absent et la quantité de collagène cicatriciel y est nettement plus faible que dans les autres plaies. Cette absence de rétraction, mise en lumière par le travail de Ehrlich et Hembry [4], explique probablement la qualité singulière, à la fois fonctionnelle et esthétique, de la cicatrice de cryochirurgie.
Matériels et méthodes
Cryogènes
Le cryogène le plus utilisé est l’azote liquide qui permet d’atteindre une température de -25 °C à -50 °C en 30 secondes. Cette chute brutale en température est l’assurance de la destruction.
Le protoxyde d’azote, moins réfrigérant mais de pénétration plus rapide dans les tissus, provoque des lésions similaires. C’est le cryogène utilisé pour la cryochirurgie des organes profonds.
Matériel
L’azote liquide est conservé dans un container autopressurisé. Sa détente brutale est utilisée soit en projection sur la cible ou cryospray, soit en injection dans une cryode métallique à embout fermé ou cryocontact, dont la taille est choisie selon le volume cible à traiter (embouts de 5 à 20 mm).
Contrôle
À la différence de la cryothérapie, la cryochirurgie est obligatoirement contrôlée, le contrôle visant à donner des garanties de destruction totale de la cible.



La mesure actuelle se fait par une mesure de surface entre une électrode incorporée dans la sonde et une plaque de référence, ce qui revient à mesurer l’impédance d’un volume constant, d’où une plus grande fiabilité, une bonne reproductibilité et une manipulation simplifiée. La valeur de l’impédance de surface a été « recalculée » pour ce type de mesure : une congélation à 1 mm de profondeur est obtenue à 750-800 kΩ, et 1 100 à 1 200 kΩ assurent une congélation à 3 mm. En pratique la destruction est obtenue pour des valeurs un peu plus basses. Cette technique est également plus maniable, car elle évite l’utilisation d’aiguilles dans des localisations délicates comme les paupières, et facilite également la maintenance et notamment la stérilisation du matériel.
Technique de cryochirurgie (Figure 33.1)
Le traitement n’est entrepris qu’après contrôle biopsique de la lésion.

Fig. 33.1 Technique de cryochirurgie.
A. Carcinome basocellulaire avant cryochirurgie. B. Cryode en place en cours de congélation. C. Immédiatement après détachement de la cryode. D. Début de décongélation une minute plus tard : aspect érythémateux et œdématié.

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